Séance en hémicycle du 22 octobre 2015 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’enfant
  • maltraitance
  • médecin
  • saint-barthélemy
  • signalement

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Par courrier en date du 21 octobre 2015, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Alain Duran, sénateur de l’Ariège, en mission temporaire auprès de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Cette mission portera sur la mise en place de conventions pour une politique active en faveur de l’école rurale et de montagne.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l’aviation civile.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission de l’aménagement du territoire a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé de compléter l’ordre du jour du jeudi 5 novembre, matin, par l’examen de la proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale.

Acte est donné de cette demande.

Le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au lundi 2 novembre, à 12 heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d’une heure.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 5 novembre s’établit comme suit :

Jeudi 5 novembre, à 10 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :

- Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié ;

- Proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale ;

- Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (proposition de loi n° 517 [2014-2015], texte de la commission n° 77, rapport n° 76).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Madame la présidente, monsieur le rapporteur François Pillet, madame Giudicelli, qui êtes à l’origine de ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, en moins d’un an, la Haute Assemblée nous aura donné plusieurs occasions de parler de protection de l’enfance. Par deux fois, c'est sur l’initiative du Sénat que nous avons débattu, échangé et cherché ensemble à faire émerger le plus possible, dans des dispositions législatives, l’intérêt de l’enfant.

Le cheminement parlementaire de la proposition de loi rédigée par Colette Giudicelli nous offre une nouvelle possibilité de mettre en lumière cette politique publique, à trois semaines de l’anniversaire de la Convention des droits de l’enfant et à trois mois de l’examen de la France par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

Nous en sommes collectivement convenus lors de nos précédents échanges : la protection de l’enfance est depuis trop longtemps dans l’angle mort des politiques publiques. Les acteurs que j’ai rencontrés lors de mes déplacements ou dans le cadre de la concertation que j’ai menée me l’ont tous confirmé.

La protection de l’enfance mérite mieux qu’un regard furtif qu’on ne poserait que lorsque des drames se produisent. Elle mérite qu’on écoute les enfants confiés ou accompagnés par les services de l’aide sociale à l’enfance. Elle mérite la mobilisation de celles et ceux qui écrivent la loi comme de celles et ceux qui la mettent en œuvre. Elle mérite l’engagement du Gouvernement et du législateur.

Parmi les nombreux professionnels intervenant dans le parcours d’un enfant qui est, ou doit être, accompagné par les services de l’aide sociale à l’enfance, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui traite de la place et du rôle des médecins et, plus généralement, des professionnels de santé.

Les professionnels de santé sont souvent les premières personnes avec qui l’enfant entre en contact, en dehors de sa famille. À la maternité tout d’abord, puis aux premiers âges de la vie, l’enfant voit régulièrement le médecin, pour son suivi, sa croissance, ses vaccins ou simplement parce que les parents s’inquiètent, se posent légitimement des questions.

La proximité et la régularité des rencontres font des médecins des professionnels particulièrement à même de voir, d’entendre, de comprendre des phénomènes de maltraitance sur les enfants.

Les professionnels de santé sont des acteurs de la protection de l’enfance. Nous devons les envisager comme tels parce que la lutte contre la maltraitance est une question de santé publique, non une question de société. J’en veux pour preuve les recommandations de la Haute Autorité de santé qui les invitent à s’inscrire, en tant qu’acteurs du repérage, comme parties prenantes de la protection de l’enfance.

La maltraitance des enfants porte encore les stigmates de son histoire, de son long chemin pour s’affirmer comme un fait social, pour s’affirmer dans la sphère publique. Il faut ajouter à cela le rôle que l’on confère au médecin de famille, ou dont il s’investit lui-même : celui de confident, de détenteur de tous les secrets.

Le résultat est totalement insatisfaisant. Les médecins ne signalent pas assez : en 2002, seulement 2 % à 5 % des signalements émanaient des médecins. Comment mieux mobiliser ces professionnels au repérage des signes de souffrance chez les enfants, à la révélation des mauvais traitements dont ils sont parfois les victimes ?

Il reste, comme toujours dans le domaine de la protection de l’enfance, un peu de notre imaginaire collectif à déconstruire. Mais il faut aussi s’attaquer aux causes tangibles de ce déficit de participation des professionnels de santé.

La cause essentielle, c’est la crainte d’être poursuivi, sur le plan disciplinaire ou pénal, pour diffamation ou pour avoir trahi le secret médical. Pourtant, depuis plus de dix ans et la promulgation de deux lois, cette crainte n’a plus lieu d’être.

Un premier pas a été franchi avec la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfant, qui a inscrit à l’article 226-14 du code pénal l’irresponsabilité disciplinaire des médecins procédant à un signalement.

S’y ajoute la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, que M. le président de la commission des lois connaît bien pour l’avoir défendue à l’époque : c'est une bonne loi, et elle a été saluée comme telle, car a permis de réaliser une avancée importante dans le repérage des maltraitances.

L’introduction dans le droit de la notion d’information préoccupante et la création, dans chaque département, de cellules de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, les CRIP, constituent en effet des avancées manifestes, notamment en ce qu’elles ouvrent la possibilité d’intervenir non pas quand l’enfant est en danger, mais dès qu’un risque de danger est identifié.

Surtout, la loi du 5 mars 2007 fixe le cadre légal de l’échange d’informations à caractère secret pour permettre l’exercice de la mission de protection de l’enfance. Le partage des informations et l’aménagement du secret professionnel prévus par la loi ouvraient ainsi, dès 2007, une véritable troisième voie aux professionnels de santé, souvent tiraillés entre le devoir du signalement, de la dénonciation, et l’obligation de se taire : la possibilité du partage et de l’échange avec d’autres professionnels, eux aussi soumis au secret, pour compléter un diagnostic ou envisager une procédure de signalement.

Je rappelle en outre que, si la loi a levé les freins de manière à permettre aux médecins de formuler en confiance informations préoccupantes ou signalements, elle est en revanche très sévère, et cela est bien naturel, lorsque la non-assistance à personne en danger est avérée. Nous parlons non plus de sanctions disciplinaires, mais de peines d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans.

Par ailleurs, des outils ont été mis à la disposition des médecins pour les aider à mettre en œuvre ces procédures difficiles, en toute confiance. Pour favoriser cette confiance, la Haute Autorité de santé a élaboré un modèle type de signalement, un certificat sur demande spontanée, ou une fiche intitulée « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir », permettant d’aider les professionnels de santé.

Les médecins ont ainsi à portée de main tous les outils nécessaires au signalement des situations de danger. L’étape suivante est de faire en sorte qu’ils puissent se les approprier. Nous pouvons les y aider en favorisant la visibilité et la lisibilité de ces outils.

L’article 1er de la proposition de loi – les deux autres articles ayant été adoptés conformes – ne modifie pas le droit en tant que tel, mais il l’affirme. Il faut dissiper totalement l’approche faussée de la réalité et du droit que peuvent avoir les médecins, afin d’améliorer significativement leur implication dans la lutte contre les violences faites aux enfants.

C’est ce à quoi, madame Giudicelli, contribue votre proposition de loi, que le Gouvernement, dans cette perspective, soutient évidemment. Elle concourra à mettre à bas ces approches faussées et surtout à libérer les médecins, ou du moins à les convaincre de se libérer des inquiétudes qu’ils éprouvent au moment d’effectuer un signalement.

L’amélioration du repérage des situations de danger est un enjeu majeur. Elle constitue l’un des trois grands objectifs de la feuille de route 2015-2017 pour la protection de l’enfance que j’ai élaborée avec les acteurs concernés, à l’issue d’une grande concertation.

Les médecins ont bien évidemment été associés à cette concertation et leur rôle valorisé dans les mesures de la feuille de route. Je pense à la désignation, dans chaque département, d’un médecin référent chargé d’organiser les relations entre les services du département, la CRIP et les médecins.

Le Sénat a souhaité, lors de l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, véhicule législatif de cette mesure, que ne soit pas spécifiquement désigné un médecin pour cette coordination. Le Gouvernement continue, quant à lui, d’être attaché à ce qu’un médecin puisse être identifié, afin de faciliter les relations avec les autres médecins, libéraux ou hospitaliers, et rejoint à ce titre l’avis de la Haute Autorité de santé.

Si je m’attarde sur la loi relative à la protection de l’enfant, c’est pour souligner toute la place qu’aurait trouvée la réflexion de Mme Giudicelli au sein de la démarche qui, au fil des mois, a constitué une véritable réforme de la protection de l’enfance.

Bien sûr, étudier ce texte comme nous le faisons aujourd’hui nous donne plus d’occasions d’être ensemble, et je m’en réjouis ! §Mais je regrette tout de même de devoir aborder le rôle des médecins dans les signalements de maltraitance indépendamment de la réforme globale de la protection de l’enfance.

Je le redis, une réforme de la protection de l’enfance est en marche, une réforme pour les enfants, construite avec les acteurs et défendue par eux.

En travaillant à cette réforme, j’ai été sans cesse confrontée à des constats d’interventions cloisonnées, d’acteurs qui ne se parlent pas, de cultures professionnelles qui s’ignorent. Qu’elles soient relatives aux CRIP, à la gouvernance ou aux formations, toutes les mesures de la feuille de route promeuvent l’interdisciplinarité, le décloisonnement des interventions et une approche globale centrée sur l’enfant.

Travailler ensemble, se parler, croiser les regards pour pouvoir répondre au mieux à la pluralité des besoins de l’enfant, telle est la philosophie de la réforme que je porte actuellement.

Alors oui, au regard de l’esprit qui a présidé à la concertation et à l’élaboration de la feuille de route, je suis encore une fois convaincue que nous aurions pu, la semaine dernière, discuter aussi des dispositions contenues dans la présente sous forme d’amendements à la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

Toutefois, ce n’est pas parce que le Gouvernement nourrit quelques regrets sur la forme que le fond doit en pâtir. Oui, nous soutenons les objectifs du texte, car nous considérons que la part des médecins auteurs de signalements ou d’informations préoccupantes est beaucoup trop faible au regard de la proximité qu’ils entretiennent avec les familles. Aussi, je souhaite que ce texte soit un nouveau vecteur d’information et de sensibilisation, qu’il soit un soutien pour l’ensemble des professionnels de santé.

Afin de mieux protéger les enfants, il est en effet essentiel que la coordination entre les professionnels soit améliorée et que les médecins y participent davantage, dans l’intérêt des enfants. Cette proposition de loi nous donne l’occasion de le rappeler et de rassurer les professionnels de santé qui craindraient encore d’être sanctionnés parce qu’ils auraient transmis une information préoccupante ou procédé à un signalement.

Pour améliorer réellement les signalements des médecins, soyons toujours attentifs à ne pas confondre les moyens et les fins. Ce texte est un outil supplémentaire pour les professionnels de santé, mais sa finalité demeure bien de mieux protéger les enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – Mme Nicole Duranton et M. Yves Détraigne applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions ce matin, initialement déposée par Mme Colette Giudicelli et plusieurs de nos collègues, tend à renforcer le rôle des professionnels de santé dans la détection et la prise en charge des situations de maltraitance, tout en les protégeant contre l’engagement de leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire.

Votre initiative, ma chère collègue, était tout à fait opportune, au regard de son objectif, bien sûr, mais aussi parce qu’elle s’intègre dans les réflexions que mène la Haute Assemblée comme dans les décisions constantes que celle-ci prend en matière de protection de l’enfance, au travers de textes traitant des violences intrafamiliales ou de celui, plus large, que nous avons voté la semaine dernière sur la protection de l’enfance.

Le Sénat a approuvé la proposition de loi, qui, sans modifier au fond le droit en vigueur affirme sans ambiguïté et de manière parfaitement explicite que le médecin qui signale régulièrement une présomption de maltraitance ne peut voir sa responsabilité, quelle qu’elle soit, engagée. Les choses sont donc dites clairement.

Le Sénat, sur proposition de la commission des lois, a étendu cette immunité à l’ensemble des membres des professions médicales et auxiliaires médicaux.

Par ailleurs, pour rassurer ces professionnels et les inciter à procéder aux signalements nécessaires, on a ajouté la possibilité pour les auteurs de signalements de s’adresser directement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, la CRIP, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Enfin, lors des auditions, nous nous sommes aperçus que les médecins n’étaient pas formés à la détection et au signalement des situations de maltraitance. Aussi avons-nous introduit dans le texte une obligation de formation des médecins en la matière.

Ce texte revient de l’Assemblée nationale avec une légère modification rédactionnelle : si nous avions étendu l’immunité à l’ensemble des membres des professions médicales et aux auxiliaires médicaux, les députés ont choisi de viser les médecins et les autres professionnels de santé. Ce vocable notion fait expressément référence à la quatrième partie du code de la santé publique et elle permet de couvrir sans ambiguïté, en plus des membres des professions médicales et des auxiliaires médicaux, les auxiliaires de puériculture et les pharmaciens.

Le travail parlementaire est, sur ce point, tout à fait positif. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté sans modification la proposition de loi telle qu’elle nous a été transmise par l’Assemblée nationale.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’initiative de notre collègue Mme Colette Giudicelli tendant à renforcer la protection des victimes de maltraitance et celle du médecin qui émet un signalement est louable.

Ce texte, eu égard à la gravité du sujet dont il traite, est indispensable. Il témoigne de la volonté d’améliorer les procédés de signalement des maltraitances envers les enfants, afin de les rendre aussi efficaces que possible. Pour appuyer cette démarche de protection des mineurs victimes de maltraitances, le texte prévoit d’instaurer une véritable protection juridique pour le corps médical, en modifiant l’article 226-14 du code pénal.

Le texte initial de la proposition de loi introduisait une obligation de signalement à la charge des médecins ; en contrepartie, il créait une immunité afin que leur responsabilité ne soit pas engagée. La Haute Assemblée a, grâce au travail de notre rapporteur, étendu le champ d’application de ce dispositif en incluant l’ensemble des membres des professions médicales et les auxiliaires médicaux. Le dispositif a, de nouveau, été amélioré à l’Assemblée nationale : désormais, le médecin et tout autre professionnel de santé ne pourront voir leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire engagée en cas de signalement de maltraitance. Cette extension mérite d’être approuvée, car elle permet de viser l’ensemble des professionnels qui ont vocation à intervenir auprès des enfants victimes de maltraitance.

Cette mesure va clairement dans le sens d’une meilleure protection des enfants. Monsieur le rapporteur, vous avez d’ailleurs relevé dans votre dernier rapport que « la notion de professionnel de santé […] permettrait de couvrir sans ambiguïté, en plus des professions médicales et des auxiliaires médicaux, les auxiliaires de puériculture et les pharmaciens ».

Témoignant de l’intérêt de cette extension, la commission des lois du Sénat a adopté ce texte sans modification et à l’unanimité. Je constate par ailleurs qu’aucun amendement n’a été déposé en seconde lecture, preuve du caractère très consensuel de cette proposition de loi.

Ainsi, les médecins, mais aussi les sages-femmes, les infirmières, les aides-soignants, les aides-médicaux ou encore les auxiliaires de puériculture et les pharmaciens seront protégés des poursuites qui pourraient être engagées à leur encontre.

Le dispositif proposé me semble tout à fait cohérent et opportun. S’il peut contribuer à encourager les professionnels de santé à signaler les actes de maltraitance subis par des mineurs, mon groupe ne peut que l’approuver.

En adoptant cette proposition de loi, mes chers collègues, nous permettrons aux médecins et à tous les professionnels de santé de remplir pleinement leur rôle de protection des mineurs faisant l’objet de violences. Il nous appartient, en tant que législateur, d’améliorer autant que possible le droit existant, et c’est bien l’objet de ce texte.

Au fond, en instaurant explicitement une obligation de signalement assortie d’une protection de responsabilité juridique pour les professionnels de santé, le texte permettrait de libérer ces derniers du dilemme entre devoir moral de signaler et respect du secret médical, tout en leur épargnant la crainte des poursuites. Comme je le soulignais lors de la première lecture, une meilleure protection des médecins les incitera à signaler plus rapidement les actes de maltraitance de toutes sortes dont ils ont connaissance.

L’intérêt supérieur de l’enfant justifie la mise en œuvre du dispositif prévu par le présent texte. Il s’agit de ne pas laisser l’enfant en situation de danger en lui garantissant une meilleure protection.

Le groupe écologiste votera donc sans hésitation cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, une semaine après avoir débattu de la protection de l’enfant, nous voici à nouveau réunis pour examiner un texte traitant de la douloureuse question de la maltraitance, problème majeur de santé publique qui concerne toutes les catégories sociales et dont les conséquences sont dramatiques.

Pendant très longtemps, les agressions que subissaient les enfants au sein des familles ont été banalisées, voire niées, et leur récit était souvent considéré comme pur mensonge. Si, depuis plusieurs décennies, les dispositifs de prévention et de protection se sont affinés et les condamnations en justice multipliées, force est de constater que la maltraitance reste mal connue et largement sous-estimée.

On dénombre actuellement en France 98 000 cas connus d’enfants en danger, dont 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque. Alors même que ces chiffres sont en eux-mêmes préoccupants, il semblerait que le nombre des cas de maltraitance soit très largement sous-évalué. En vérité, on ne sait pas au juste combien d’enfants sont maltraités parce que nombre d’entre eux ne sont pas repérés : c’est, dans le jargon des spécialistes, le « chiffre noir ».

Pour protéger les victimes, le repérage précoce est donc décisif, et il permet de sauver des vies. Les professionnels de santé, parce qu’ils sont en contact régulier avec les enfants dès leur plus jeune âge, sont en première ligne pour détecter les cas de maltraitance et les signaler aux autorités compétentes.

Or ils sont très peu à le faire. En effet, les médecins ne seraient à l’origine que de 5 % des signalements. Il existe un véritable frein psychologique à s’engager dans une telle démarche ; les médecins ont souvent beaucoup de difficultés à envisager la maltraitance et ils craignent parfois d’être responsables d’une dénonciation calomnieuse.

Une des principales raisons de cette situation réside dans le manque de formation de ces professionnels de santé. Un enseignement théorique a certes été mis en place, mais il comporte un nombre d’heures généralement très faible et ce nombre varie d’une faculté de médecine à l’autre. Une enquête nationale réalisée en 2013 montre ainsi que plus de 80 % des étudiants affirment ne pas avoir reçu de formation sur les violences – sexuelles, physiques, verbales ou psychologiques – alors même que plus de 50 % d’entre eux déclarent avoir eu affaire, durant leur stage, à des patients victimes de telles violences, notamment des femmes.

C’est pourquoi la Haute Autorité de santé a publié, en novembre 2014, une recommandation destinée aux médecins en vue de les sensibiliser au repérage et au signalement de la maltraitance, leur indiquant les indices qui doivent faire envisager une maltraitance et les décisions possibles pour protéger l’enfant. C’est un premier pas, mais il fallait aller plus loin. C’est ce que fait le texte que nous examinons aujourd’hui.

En première lecture, sur proposition de notre commission des affaires sociales, notre assemblée a considérablement enrichi la proposition de loi de notre collègue Colette Giudicelli, que je remercie de son initiative.

Ainsi, le champ d’application du dispositif a été étendu à l’ensemble des membres d’une profession médicale et aux auxiliaires médicaux, et non plus aux seuls médecins. En effet, le médecin de famille n’est pas toujours le mieux placé pour déceler des cas de maltraitance. En revanche, certains professionnels de santé – je pense notamment aux infirmières scolaires ou aux sages-femmes – sont davantage en mesure de signaler ces situations.

Les travaux du Sénat ont également permis que le signalement d’une situation de maltraitance par un professionnel de santé puisse être effectué auprès de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. C’est une très bonne chose, les médecins étant parfois réticents à saisir directement le procureur de la République lorsqu’ils n’ont que de simples doutes.

Par ailleurs, nous avons réaffirmé le principe selon lequel les professionnels de santé qui signalent des maltraitances présumées ne peuvent voir leur responsabilité civile, pénale ou disciplinaire engagée, sauf s’il est établi qu’ils n’ont pas agi de bonne foi.

Enfin, le Sénat a instauré une obligation de formation professionnelle à l’identification des situations de maltraitance et à la procédure de signalement. Face aux situations de maltraitance et aux violences susceptibles de faire l’objet d’un signalement, le renforcement de la formation sur ces questions est plus que nécessaire.

En séance publique, nos collègues de l’Assemblée nationale ont, à juste titre, modifié le champ d’application du régime d’irresponsabilité mis en place en cas de signalement de maltraitance, afin que, en plus des professions médicales et des auxiliaires médicaux, les auxiliaires de puériculture et les pharmaciens soient également concernés par le dispositif. Nous nous en félicitons. En effet, les professionnels de santé sont les acteurs de proximité les plus à même de reconnaître les signes évocateurs d’une maltraitance.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe RDSE apporteront, comme en première lecture, leur soutien total à cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, près de 20 000 enfants sont aujourd’hui en situation de maltraitance et près de 80 000 se trouvent dans des situations à risque. Au reste, il ne s’agit là que des chiffres officiels, n’englobant probablement pas l’ensemble des cas.

Les médecins, qui sont les plus à même de découvrir les situations de maltraitance, ne sont à l’origine que d’environ 5 % des signalements, les signes de maltraitance n’étant pas toujours des plus manifestes ni des plus simples à détecter.

C’est à cette trop faible utilisation de la procédure de signalement que notre collègue Colette Giudicelli a voulu remédier au travers de la présente proposition de loi.

La crainte des poursuites judiciaires et disciplinaires est l’un des facteurs de ce faible taux de signalement de la part des médecins : elle peut dissuader un professionnel ayant un doute sur la réalité de la maltraitance envers un enfant d’avertir le procureur de la République.

Cette absence préjudiciable d’immunité freine les médecins dans leur action et, surtout, elle pénalise les enfants. Le texte que nous examinons aujourd'hui devrait lever les obstacles et permettre le plein déploiement de l’outil que constitue le signalement.

En outre, l’extension de l’immunité aux professionnels de santé, adoptée à l’Assemblée nationale, permettra d’élargir le dispositif de manière à couvrir tous ceux qui, dans l’exercice de leur profession, peuvent avoir connaissance de maltraitances à l’égard d’un enfant, la notion de « professionnel de santé » faisant référence non seulement aux professions médicales et aux auxiliaires médicaux, mais aussi aux auxiliaires de puériculture et aux pharmaciens. Les chances de détection des sévices infligés aux enfants devraient ainsi être améliorées.

Alors que le texte initial prévoyait l’obligation de prévenir le procureur de la République, le travail mené au Parlement et les échanges auxquels l’examen de la proposition de loi a donné lieu ont abouti à une plus grande cohérence. Ainsi, l’obligation a été légitimement écartée, car elle aurait, en cas de manquement, contribué à réengager une responsabilité dont on voulait, par ailleurs, affranchir les médecins. En outre, l’obligation de signalement imposée aux médecins aurait rendu les auteurs des sévices plus méfiants et donc peut-être éloigné les enfants maltraités des professionnels de santé. Le texte final permet donc de préserver une confiance qui, seule, peut assurer l’effectivité du dispositif proposé.

Le manque de connaissance des outils dont disposent les médecins constituait l’autre grande lacune du dispositif actuellement en vigueur. Le Sénat a donc, à juste titre, introduit l’obligation de former les médecins à la procédure de signalement.

Ces différentes modifications ont rendu le texte à la fois plus riche, plus lisible et, par conséquent – du moins nous l’espérons tous –, plus opérant.

Enfin, il semble que la saisine du seul procureur de la République, lequel est une autorité judiciaire, risquait de faire naître chez les médecins des réticences à procéder au signalement. À cet égard, l’alternative consistant à ouvrir aussi la possibilité de saisir la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes est bienvenue : ce maillon supplémentaire resserrera le réseau sur l’ensemble du territoire.

Le texte que nous examinons aujourd'hui a bénéficié d’une réflexion collégiale. Une fois le dispositif déployé, il pourra conduire progressivement à réduire les maltraitances, mais aussi à les prévenir, car un réseau d’acteurs nombreux et variés connaissant la procédure est le mieux à même de relever des informations, de les partager et, par conséquent, avec l’expérience, d’agir plus vite.

Saluant une fois encore l’excellent travail effectué par notre rapporteur François Pillet, nous suivrons sa recommandation et nous voterons cette proposition de loi telle que l’Assemblée nationale nous l’a transmise.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, notre assemblée a été appelée à examiner la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Aujourd'hui, nous discutons d’une proposition complémentaire, relative à la procédure de signalement des situations de maltraitance par les professionnels de santé.

La maltraitance est définie par la Haute Autorité de santé comme « le non-respect des droits et des besoins fondamentaux des enfants, qu’il s’agisse de la santé, de la sécurité, de la moralité, de l’éducation ou du développement physique, affectif, intellectuel et social ». Elle emporte des conséquences majeures sur la santé de l’enfant, sur son développement, puis, tout au long de sa vie, sur la dignité de l’adulte qu’il est devenu. Elle représente, à ce titre, un véritable enjeu de santé publique.

Les médecins sont des acteurs essentiels dans le repérage de la maltraitance, notamment au cours des premières années de vie des enfants, en raison des contacts réguliers qu’ils ont avec ceux-ci.

Or les situations de maltraitance ne sont que rarement signalées : selon la Haute Autorité de santé, 90 % d’entre elles ne font pas l’objet d’un signalement. Elles sont, en outre, peu déclarées par les médecins : seuls 5 % des cas de maltraitance signalés l’ont été par des médecins, alors qu’un tiers des signalements effectués émanent des services sociaux, 20 % de l’éducation nationale, un peu plus de 15 % du voisinage ou de l’entourage et un peu plus de 15 % de la famille elle-même.

Actuellement, les difficultés à caractériser la maltraitance par manque de formation, les réticences à remettre en cause la sphère de la famille – en opposition à la sphère publique –, mais aussi les méconnaissances du dispositif de signalement sont autant de freins à l’action des médecins. Il faut y ajouter, chez certains d’entre eux, la peur d’être poursuivis par les présumés agresseurs s’ils effectuent un signalement, même si, en réalité, l’absence de signalement fait également courir un risque au médecin, pour non-assistance à l’enfant en danger.

Le repérage précoce est décisif pour la protection des victimes, et les professionnels de santé, parce qu’ils sont en contact régulier avec les enfants dès leur plus jeune âge, sont en première ligne pour détecter un cas de maltraitance et le signaler aux autorités compétentes.

L’objectif de cette proposition de loi est « de protéger l’ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées et, de ce fait, de renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs faisant l’objet de violences ».

En première lecture, nous avions voté en faveur de ce texte, qui, parce qu’il tend à favoriser le signalement par les médecins – il instaurait initialement une obligation de signalement dans tous les cas de présomption de maltraitance –, constitue une réelle avancée.

De ce point de vue, la disposition la plus importante est l’extension de l’encouragement des signalements des médecins à l’ensemble des professionnels de santé. Parmi ceux-ci figurent notamment les sages-femmes.

Je souhaiterais précisément évoquer ici la situation d’une sage-femme accusée de « violation du secret médical » et de « non-respect du code de déontologie » pour avoir signalé des maltraitances dans le cadre de violences conjugales. Après avoir établi, à la demande d’une patiente, un certificat médical constatant des violences subies, cette sage-femme comparaît aujourd'hui devant le conseil de l’ordre des sages-femmes, une plainte ayant été déposée à son encontre par le conjoint agresseur pour les deux motifs que je viens de mentionner. Le conjoint prétend en effet que la sage-femme était tout autant tenue au respect du secret professionnel à son égard qu’à celui de sa compagne.

Au travers de ce cas se pose la question de la protection des professionnels de santé amenés à constater des faits de violence et à produire des attestations.

Au-delà du cadre restreint de cette proposition de loi, qui concerne les signalements des actes de maltraitance sur des enfants, je tiens à souligner l’importance du sujet des maltraitances commises envers les femmes et, a fortiori, les femmes enceintes. Les 3 500 personnes, dont de très nombreux médecins et professionnels de santé, qui ont signé la pétition de soutien à la sage-femme dont je viens d’évoquer le cas considèrent qu’il y a urgence à renforcer la protection des professionnels de santé habilités à délivrer des attestations aux victimes de violences conjugales, au regard des risques de sanction que ceux-ci encourent auprès des juridictions disciplinaires de leurs ordres respectifs.

Selon le docteur Muriel Prudhomme, gynécologue et ancienne directrice de la maternité des Bluets, « entre 30 % et 40 % des violences conjugales commencent lors de la grossesse. Les sages-femmes sont souvent confrontées à ces situations. Il faut que les professionnels de santé puissent dépister et signaler les violences sans aucune crainte et ne surtout pas laisser croire que les agresseurs peuvent les attaquer ».

Si la proposition de loi permet d’autoriser la révélation du secret médical en cas d’atteintes sur mineurs pour les professionnels de santé au sens large, il est nécessaire de préciser que cette faculté concerne également les femmes enceintes. Pour cette raison, nous sommes favorables à ce que la mise en cause de la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire des professionnels de santé qui signalent des actes de maltraitances soit écartée.

Cette proposition de loi, qui facilite et étend les possibilités de signalements, va donc dans le bon sens, même si nous avons conscience que, en raison du faible nombre de déclarations, les situations de maltraitance ne disparaîtront évidemment pas du jour au lendemain.

Elle apporte une réponse supplémentaire dans le cadre du dispositif global qui doit être mis en œuvre. En effet, seule une action globale apportera une solution satisfaisante. Cette réponse globale nécessite des moyens supplémentaires pour former les professionnels de santé à la détection des situations de maltraitance et pour assurer une bonne information sur les obligations de déclaration.

Par ailleurs, nous tenons à relayer les inquiétudes que cette proposition de loi suscite chez certaines associations de parents d’enfants autistes, lesquelles craignent que l’obligation de déclaration ne bascule parfois dans l’excès, pouvant conduire à des placements abusifs à la suite de signalements infondés. Ces associations citent notamment le cas d’enfants placés parce qu’ils présentaient des hématomes, alors qu’il s’agissait en réalité de symptômes de la « maladie des os de verre » et que ces hématomes ne résultaient nullement d’actes de maltraitance.

Pour éviter ces erreurs, nous devons veiller à ce que l’obligation de signalement des actes de maltraitance s’accompagne de dispositifs de formation initiaux et continus sur la détection des actes de maltraitance à destination de tous les professionnels de santé. Cette nécessité a d'ailleurs été soulignée par M. le rapporteur.

Nous saurons, bien sûr, dépasser les clivages partisans, dès lors que nous estimons que cette proposition de loi va dans le bon sens. Notre groupe votera évidemment celle-ci sans aucune réserve !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui en tant que représentante du groupe socialiste et républicain à la place de Jacques Bigot, qui avait suivi ce texte en première lecture, mais qui est aujourd'hui retenu à Strasbourg.

Ce texte a été examiné au fond par la commission des lois, mais vous accepterez, je l’espère, qu’un membre de la commission de la culture s’exprime sur ce sujet qui nous touche tous !

La proposition de loi de notre collègue Colette Giudicelli a jusqu’à présent fait l’objet d’un large consensus, dans notre chambre comme à l’Assemblée nationale. Cette situation n’étant pas si fréquente, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Consensus, d’abord, quant à l’objectif de ce texte : faciliter et clarifier la procédure de signalement des enfants victimes de maltraitance. Nous sommes ainsi unis derrière un but commun : protéger les enfants en danger en leur venant en aide le plus tôt possible. Il est parfois nécessaire de rappeler de telles évidences !

Notons cependant que ce souci du législateur – celui-ci étant, en l’espèce, à l’image de notre société elle-même – est relativement récent. L’acceptation sociale d’une immixtion au sein de la cellule familiale ne date que de quelques décennies et a engendré une augmentation notable des situations de violence constatées. Ces cas qui indignent régulièrement – et à raison – l’opinion ne font que sortir de l’invisibilité de sordides et tristes « histoires de familles » qui, voilà quelques années, ne passaient pas le seuil du foyer.

Je salue, bien entendu, ce changement global d’attitude, qui doit être prolongé. Je sais que vous y veillez, madame la secrétaire d’État, comme en témoigne le travail réalisé en commun avec votre ministère sur la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

Consensus, ensuite, sur le dispositif. En effet, le texte initial créait une obligation de signalement pesant sur le médecin dont nous avons très vite perçu le potentiel effet pervers : l’engagement de la responsabilité de ce dernier en cas de non-signalement. Le rapporteur, M. François Pillet, a donc apporté des précisions en première lecture, au Sénat.

Le texte qui nous est aujourd’hui soumis affirme sans ambiguïté dans son article 1er que les médecins, mais aussi tous les professionnels de santé, ne peuvent voir leur responsabilité pénale, civile ou disciplinaire engagée en cas de signalement, sauf si leur mauvaise foi est avérée.

En me plongeant dans ce dossier, j’ai été surprise d’apprendre que seulement 1 % des signalements étaient le fait de médecins libéraux et 5 % de l’ensemble de la profession médicale. Ces pourcentages, extrêmement bas, sont d’autant plus étonnants que ces professionnels sont les plus susceptibles d’être régulièrement en contact avec les enfants. Cette situation témoigne clairement de la crainte des médecins d’être poursuivis, et c’est cette crainte qu’il est impératif de dissiper.

Par ailleurs, ce texte permet de s’adresser directement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, afin de lever la réticence de certains médecins à s’adresser directement à l’autorité judiciaire.

Comme vous, chers collègues, j’ai reçu des courriers me demandant de réintroduire l’obligation de signalement. Cependant, je pense qu’il convient de laisser cette possibilité au seul médecin, qui s’en saisira assurément au moment opportun. Cette disposition pourra, en tout état de cause, être évaluée lorsque nous ferons le bilan de cette loi.

Consensus, enfin, quant aux moyens prévus par ce texte : son article 2, adopté conforme au Palais-Bourbon, dispose que les médecins sont formés à la détection et au signalement des situations de maltraitance aux autorités administratives et judiciaires.

Comme nous le disions la semaine dernière dans cet hémicycle, à propos de la lutte contre le système prostitutionnel, la formation est toujours un élément clé, sinon la clé, pour mieux appréhender des situations complexes, devant lesquelles de nombreux professionnels sont aujourd’hui démunis. Et rappelons-nous que, dans 90 % des cas, les situations de maltraitance sont difficiles à caractériser.

Malgré le consensus global auquel le dispositif donnait lieu, nous n’avons pas ignoré le risque de son utilisation à des fins malveillantes. Quand il rédige la loi, le législateur doit songer que certains chercheront à la détourner de son esprit et à l’utiliser à des fins contraires à son objet. Point d’angélisme ici : nous avons bien prévu le cas où le médecin signale de mauvaise foi un prétendu mauvais traitement. Nous connaissons tous des histoires de séparations douloureuses se transformant en véritables guérillas, où tous les moyens sont bons, y compris l’instrumentalisation des enfants, pour nuire à l’autre parent. Il est malheureusement facile d’imaginer comment, dans une telle situation, notre texte pourrait être détourné de ses fins.

Aussi l’alinéa 6 de l’article 1er précise-t-il que cette irresponsabilité tombe s’il est établi que le professionnel de santé « n’a pas agi de bonne foi ». Il appartient alors à celui qui invoque cette mauvaise foi de la démontrer.

Je conclus, mes chers collègues, en espérant que, comme nous l’avons fait le 10 mars dernier, de même que l’Assemblée nationale le 11 juin, nous adopterons ce texte à l’unanimité en seconde lecture. De surcroît, un vote conforme permettrait de clôturer dès ce matin son parcours législatif.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’intervention que je m’apprêtais à faire me condamnerait à répéter, avec moins de talent, ce qui a été excellemment dit par les orateurs précédents. Je ne formulerai donc que trois brèves remarques.

Premièrement, madame la secrétaire d’État, j’aimerais que le Gouvernement déclare la lutte contre la maltraitance des enfants grande cause nationale en 2016, comme le demandent régulièrement l’ensemble des associations concernées, ainsi que le Défenseur des droits.

Deuxièmement, je tiens à remercier notre rapporteur, François Pillet, non seulement du travail remarquable qu’il a accompli avec la commission des lois et grâce auquel ce texte a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais aussi de l’amitié qu’il m’a témoignée.

Troisièmement, enfin, je voudrais vous lire quatre lignes du poète et écrivain libanais Khalil Gibran, que j’aime beaucoup et qui a souvent des mots qui touchent nos cœurs. Parlant des enfants, il écrit :

« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,

« Ils viennent à travers vous mais non de vous

« Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. »

Je ne pourrais pas dire mieux !

Merci à tous.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture une proposition de loi déposée par notre collègue Colette Giudicelli, que je tiens à féliciter.

Ce texte vise à protéger les enfants en renforçant le dispositif de signalement des situations de maltraitance. Il se fonde sur un constat simple : il existe des situations de maltraitance que les médecins ne signalent pas, de crainte de voir leur responsabilité engagée en l’absence de constat effectif de maltraitance.

Le Sénat avait souhaité, en première lecture, étendre le champ d’application du dispositif de signalement aux professions médicales et aux auxiliaires médicaux. Il avait en outre affirmé, de manière très nette, l’irresponsabilité civile, pénale et disciplinaire de ces professionnels pour faciliter le signalement d’éventuels cas de maltraitance.

La seule modification apportée par l’Assemblée nationale est l’extension du dispositif à « tout autre professionnel de santé », à savoir les pharmaciens ou encore les auxiliaires de puériculture. Nous examinons donc aujourd’hui un texte quasiment conforme à celui que nous avions adopté en première lecture.

Cela montre simplement que le sujet fait consensus, et c’est fort heureux.

En effet, le nombre de cas connus de maltraitance d’enfants et de jeunes majeurs de moins de vingt et un ans en danger s’élève à 98 000, et l’on compte chaque année en France de 180 à 200 syndromes de « bébés secoués ». La maltraitance est donc très fréquente ; ce n’est pas un phénomène marginal. Elle constitue un problème majeur de santé publique.

L’opinion publique considère trop souvent que la maltraitance des enfants est un phénomène rare, touchant majoritairement des familles défavorisées. Or les risques de la maltraitance existent dans toutes les classes sociales, sans discernement. Plusieurs études l’ont démontré : les facteurs psychoaffectifs priment largement les facteurs socio-économiques. La présence de la maltraitance dans toutes les classes sociales a déjà été démontrée s’agissant des violences conjugales et du syndrome des bébés secoués, pour lesquels nous disposons de données solides.

Si la maltraitance commence le plus souvent de manière précoce. Or l’enfant, aux premiers âges de la vie, est soumis à de nombreux examens médicaux. Les professionnels de santé sont donc en première ligne pour détecter d’éventuelles violences, raison pour laquelle ils occupent une place centrale dans le dispositif de protection de l’enfance. Pourtant, la part des signalements venant du secteur médical est très faible : selon l’ordre des médecins, 2 % à 5 % seulement des signalements émanent du corps médical.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce faible pourcentage.

D’abord, la plupart des facultés de médecine ne font que peu de place à la formation sur la maltraitance dans le cursus des études médicales.

Ensuite, il peut exister des barrières psychologiques : par exemple, lorsque le médecin connaît la famille depuis longtemps, que des liens de proximité et de confiance se sont noués, il lui est plus difficile d’envisager la maltraitance.

Le médecin peut également craindre de voir ce signalement se retourner contre lui et d’être accusé de dénonciation calomnieuse, lui faisant encourir d’éventuelles sanctions disciplinaires, voire pénales.

Le médecin peut encore craindre d’être à origine d’un bouleversement familial et d’aggraver encore la situation de l’enfant. Pour la plupart des médecins, le signalement s’apparente à la mise en marche, de manière irréversible, de toute une machine judiciaire et administrative. Il s’agit pourtant non pas de lancer une accusation, mais seulement de permettre l’ouverture d’une enquête sociale et de protéger l’enfant.

Par ailleurs, le médecin qui signale le risque de maltraitance étant peu informé du devenir de l’enfant, il a souvent le sentiment de ne pas être intégré dans le suivi de l’enfant.

Nous pouvons donc nous réjouir du consensus dont fait l’objet cette proposition de loi. Pour rassurer certains d’entre nous, je rappelle tout de même qu’il ne s’agit pas là d’instaurer une immunité absolue. Le régime de la dénonciation calomnieuse existe toujours et s’applique aussi à ces professionnels. L’article 1er de ce texte tend d’ailleurs à préciser, dans le dernier alinéa de l’article 226-14 du code pénal, que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ». Il ne s’agit donc pas d’une immunité absolue : les auteurs d’un signalement de mauvaise foi en sont exclus.

Aujourd’hui, c’est l’absence de protection qui conduit les professionnels à ne pas signaler les cas de maltraitance, de crainte des poursuites.

Depuis près de vingt ans, la protection de l’enfance s’est à la fois diversifiée et étoffée. Je salue cette proposition de loi, car elle s’inscrit dans un indispensable dispositif de prévention des mauvais traitements infligés aux enfants.

Après la loi du 10 juillet 1989, qui avait notamment instauré un service national d’accueil pour l’enfance maltraitée, assorti d’un numéro vert – le fameux 119 –, puis la loi du 6 mars 2000 qui avait créé un Défenseur des enfants, dont les fonctions ont été reprises par le Défenseur des droits et assumées par l’un de ses trois adjoints, ce texte, en plus d’accorder une irresponsabilité civile aux professionnels de santé, prévoit un véritable effort de formation des personnels placés au contact des enfants.

Pour appuyer le consensus nécessaire qui se dégage autour de cette proposition de loi, je finirai mon propos en citant un seul chiffre : en 2015, comme le souligne le rapport du sénat, 10 % des enfants en France sont victimes de maltraitances.

Adoptons donc ce texte qui va dans le bon sens !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

(Non modifié)

L’article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :

1° La première phrase du 2° est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou à tout autre professionnel de santé » ;

b) Après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je ne suis saisie d’aucun amendement.

Je vais mettre aux voix l'article 1er, unique article restant en discussion de la proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé.

Le vote sur cet article vaudra vote sur l’ensemble.

Personne ne demande la parole ? …

Je mets aux voix l'article 1er.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme la présidente. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Permettez-moi de dire, à titre personnel, combien je suis heureuse et émue que cette proposition de loi, dont j’étais cosignataire, ait été adoptée à l’unanimité.

Nouveaux applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2015-2019.

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi organique, modifiée par l’Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, et dont l’inscription à l’ordre du jour a été demandée par le groupe Les Républicains (proposition n° 518 [2014-2015], texte de la commission n° 73, rapport n° 72).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen en commission prévue par l’article 47 ter du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

La commission des lois, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 14 octobre 2015 pour l’examen des articles et l’établissement du texte.

Le rapport a été publié le même jour.

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 ter, alinéa 11, de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant dix minutes, et, enfin, pendant sept minutes au maximum, à un orateur par groupe.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, qui ne peut être présente aujourd’hui en raison d’un déplacement aux Antilles.

Le Sénat examine en seconde lecture la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy dans le cadre d’une nouvelle procédure, la procédure d’examen simplifiée en commission.

Huit ans après le vote de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a érigé la commune de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie, il était nécessaire d’apporter certaines évolutions.

Le Gouvernement ne peut que se féliciter que cette révision d’une loi organique soit le fruit d’une initiative parlementaire. Je tiens à cet égard à saluer la réflexion approfondie et les échanges qui ont précédé les propositions formulées dans ce texte.

Les ajustements statutaires dont il est porteur ouvrent la voie à une évolution des règles qui régissent la collectivité de Saint-Barthélemy dans le sens d’une meilleure adéquation avec les réalités locales. Cette réforme statutaire permettra de mieux répondre aux attentes des élus et de la population.

La présente proposition de loi organique apporte de nombreuses clarifications concernant le fonctionnement institutionnel de la collectivité, l’information de son conseil territorial, la saisine du conseil économique, social et culturel ou encore la composition de la commission consultative d’évaluation des charges.

Sans entrer dans les détails du texte, on peut retenir que l’article 1er permettra de renforcer les prérogatives du conseil territorial en matière de droit de préemption et que l’article 3 consacrera le pouvoir de la collectivité de fixer des sanctions administratives, ce qui complétera utilement les pouvoirs dont elle dispose actuellement.

L’article 4 bis permettra de délivrer les cartes et titres de navigation pour les navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation. C’était un souhait formulé par la collectivité depuis de nombreuses années ; le voilà désormais satisfait.

Pour ce qui est du fonctionnement des institutions, l’article 7 permettra au président du conseil territorial de Saint-Barthélemy d’être habilité, pour la durée de son mandat et par une délibération du conseil territorial, à intenter des actions et à les défendre devant les juridictions administratives et pénales au nom de la collectivité.

Toutes ces mesures contribuent à l’actualisation nécessaire du statut de la collectivité de Saint-Barthélemy, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Parmi les nouveautés introduites dans le texte lors de son passage à l’Assemblée nationale, deux dispositions particulières paraissent particulièrement importantes.

Tout d’abord, en matière d’habilitation de peines telle que définie à l’article LO 6251-3 du code général des collectivités territoriales, l’État devra désormais s’astreindre à une meilleure réactivité pour approuver totalement ou partiellement ou refuser d’approuver les demandes de la collectivité. À défaut de réponse dans un délai de trois mois, la collectivité pourra saisir le Conseil d’État pour astreindre l’État à répondre. Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure application des adaptations des peines proposées par la collectivité à l’échelon local.

Il est clair que la collectivité souhaite – et on peut le comprendre – une meilleure effectivité dans les mesures qu’elle adopte. Même si la saisine du Conseil d’État au-delà du délai de trois mois peut apparaître comme une mesure forte, il n’en reste pas moins que cela oblige l’État à être plus vertueux dans le traitement des habilitations de peines.

Ensuite, l’article 4 quater, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du député Daniel Gibbes, crée la possibilité d’habiliter le conseil territorial, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, à adopter des actes dans le domaine de la sécurité sociale, afin de prévoir les conditions de gestion du régime général par un établissement situé dans son ressort géographique. Sur le fond, le Gouvernement n’était pas et n’est toujours pas favorable à une telle mesure. Néanmoins, compte tenu de l’encadrement juridique de cette demande d’habilitation, il n’a pas souhaité déposer d’amendement devant la commission des lois pour la supprimer.

D’ailleurs, les difficultés en matière de continuité du service public de la sécurité sociale sont désormais réglées, puisque, depuis l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale et l’adoption de cet article, les choses ont quelque peu changé. En effet, dans le cadre du projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer, le Gouvernement a introduit une disposition instaurant une antenne locale de sécurité sociale à Saint-Barthélemy. La création de cette antenne traduit fidèlement l’engagement pris par le Président de la République lors de son voyage officiel aux Antilles et répond aux attentes des usagers, qui souhaitent une proximité accrue de ce service public essentiel au quotidien.

Le cheminement de ce texte arrive à son terme. Le Gouvernement ne peut que se féliciter des nombreux échanges et du travail approfondi qui ont été menés. En tout état de cause, il est évident que nous allons, grâce à ce texte, améliorer le fonctionnement de la collectivité de Saint-Barthélemy.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il me soit permis, en préambule, de saluer notre collègue Michel Magras, qui a non seulement lancé ce débat sur l’ajustement du statut de Saint-Barthélemy, mais aussi permis d’ouvrir la discussion à d’autres services, notamment le service rendu localement aux usagers de la sécurité sociale.

Preuve de l’excellence des mesures proposées, notre collègue député Daniel Gibbes, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, a respecté l’esprit du travail sénatorial. Cela s’est traduit par une convergence dès la première lecture. C’est ainsi que neuf articles ont été adoptés dans les mêmes termes, trois articles ont fait l’objet d’une suppression conforme et trois articles n’ont subi que des modifications rédactionnelles ou de coordination.

Deux articles diffèrent sensiblement du texte adopté par le Sénat le 29 janvier dernier, mais ces différences ont paru suffisamment acceptables à votre commission des lois pour qu’elle adopte conforme le texte modifié par les députés. Les deux rectifications, introduites aux articles 4 ter et 4 quater, portent sur la faculté donnée au législateur organique par l’article 74 de la Constitution de prévoir qu’une collectivité d’outre-mer « peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques ».

Plus précisément, l’article 4 ter tend à modifier l’article LO 6251-3 du code général des collectivités territoriales, qui définit la procédure permettant à l’État – au Gouvernement puis, éventuellement, au Parlement – d’approuver ou non les propositions ou projets d’acte de la collectivité dans un domaine qui relève de la compétence de l’État.

Or la pratique démontre que le Gouvernement n’approuve pas ou ne refuse pas l’approbation dans le délai de deux mois prévu par la loi organique, empêchant le Parlement de pouvoir même se prononcer ; nous ne pouvons que le déplorer.

En première lecture au Sénat, une solution consensuelle avait été élaborée en séance publique. Nous avions proposé que le Parlement, uniquement lorsqu’étaient en cause des matières législatives, puisse approuver lui-même ces actes plutôt que d’attendre le décret d’approbation.

Pour répondre aux observations formulées par le rapporteur de l’Assemblée nationale, permettez-moi de rappeler que ce mécanisme, qui avait reçu l’accord de la commission des lois et du Gouvernement, ne contrevenait évidemment pas à la Constitution. L’Assemblée nationale a préféré un autre dispositif : il s’agit de permettre à la collectivité de saisir le Conseil d’État en référé pour qu’il se prononce dans un délai de quarante-huit heures et enjoigne au Gouvernement, éventuellement sous astreinte, de prendre le décret requis.

L’objectif étant partagé par nos deux assemblées, la commission des lois vous propose de vous rallier à ce dispositif suffisamment efficace pour garantir à l’avenir le respect de la volonté du législateur organique.

Madame la secrétaire d’État, je forme le vœu que le président du conseil territorial n’ait pas à exercer cette voie de recours, car cela signifierait que le Gouvernement n’a pas statué en temps voulu.

L’article 4 quater a trait à la création d’une « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy ». Il s’agit d’une revendication ancienne, à laquelle est très attaché notre collègue Michel Magras, et que le Président de la République s’est engagé à soutenir le 8 mai dernier, lors de sa visite sur l’île.

L’Assemblée nationale a traduit cet engagement en autorisant une expérimentation de la participation de la collectivité à l’exercice des compétences de l’État dans le domaine de la sécurité sociale.

La formule est audacieuse et présente une double originalité. C’est en effet la première fois que le législateur organique prévoit une telle participation « â titre expérimental » et qu’il conditionne sa mise en œuvre à une habilitation par décret en Conseil d’État, renvoyant ainsi l’application d’une disposition organique à une mesure gouvernementale. La décision que le Conseil constitutionnel sera appelé à rendre sur ce texte pourra nous éclairer utilement sur les limites de cette possibilité.

En tout état de cause, et en attendant, l’article 7 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a permis la création de cette caisse à Saint-Barthélemy. Dès lors, l'objectif visé à travers l’article 4 quater est déjà satisfait. Néanmoins, la commission des lois a préféré conserver cet article en l’état, afin de permettre l’entrée en vigueur de ce dispositif dans les plus brefs délais.

Je voudrais, pour conclure, souligner la qualité du travail parlementaire sur ce texte – travail qui, si vous le décidez, sera parachevé ce matin, avant l’examen du texte par le Conseil constitutionnel. Sans procédure accélérée et dans le cadre de la navette, cette proposition de loi organique d’origine sénatoriale a pu être examinée en moins d’un an, grâce aux inscriptions à l’ordre du jour sollicitées par les groupes parlementaires des deux assemblées et à l’attention bienveillante du Gouvernement.

Ce texte sera ainsi la première réforme statutaire d’ensemble d’une collectivité d’outre-mer issue d’une initiative parlementaire. J’y vois un sérieux démenti opposé à ceux qui estiment que le Parlement et, plus encore, le bicamérisme seraient un frein à la réforme.

Je voudrais également souligner le consensus auquel a donné lieu l’élaboration de ce texte au sein des deux chambres, consensus que le vote de la commission des lois, le 14 octobre dernier, a confirmé. Huit ans après la création de la collectivité de Saint-Barthélemy, c’est le signe de l’intérêt attentif et vigilant que le Sénat porte à la situation – toujours singulière – de nos compatriotes ultramarins.

Aussi la commission des lois vous demande-t-elle d’apporter vos suffrages à ce texte, afin de permettre son adoption définitive.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique relative à la collectivité de Saint-Barthélemy, déposée par notre collègue Michel Magras, nous revient en deuxième lecture : nous voilà donc partis pour un second voyage virtuel aux Antilles !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Un bref rappel de l’histoire de cette petite île paradisiaque des Caraïbes nous montre le long chemin parcouru depuis sa découverte, en 1493, par Christophe Colomb, lors de son deuxième voyage vers le Nouveau Monde – il l’avait baptisée ainsi en l’honneur de son frère Bartolomé. Plusieurs siècles se sont en effet écoulés depuis que Saint-Barthélemy est entrée, comme plusieurs autres îles des Caraïbes, dans l’histoire de France au milieu du XVIIe siècle.

En 1946, la loi de départementalisation rattache Saint-Barthélemy au département de la Guadeloupe et devient l’une de ses communes.

En 1957, David Rockefeller, un riche Américain, achète une propriété de vingt-sept hectares pour une somme modique, quelques milliers de dollars

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En 1963, Saint-Barthélemy et Saint-Martin deviennent le troisième arrondissement de la Guadeloupe.

La loi organique du 21 février 2007 donne enfin à Saint-Barthélemy le statut de collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution.

Les évolutions de cette toute nouvelle collectivité, au présent et à l’avenir radieux, font l’objet d’un consensus remarquable entre les deux assemblées : beau symbole de la réussite de l’évolution statutaire progressive qu’a connue l’île depuis plusieurs années !

Le texte adopté en première lecture par le Sénat et modifié par l’Assemblée nationale apporte ainsi des solutions aux difficultés diverses de gestion quotidienne rencontrées par Saint-Barthélemy. Nous y voyons une nouvelle preuve de la nécessité, dans le travail législatif, de l’expérience du terrain dont disposent les élus locaux que nous sommes.

Nous avions émis des réserves, en première lecture, concernant l’exercice par la collectivité de compétences régaliennes de police et de sécurité.

Dans sa rédaction originelle, l’article 2 répondait à poursuivre deux objectifs : modifier les conditions de la participation de la collectivité de Saint-Barthélemy à l’exercice des compétences conservées par l’État ; étendre le champ de cette participation aux domaines de l’entrée et du séjour des étrangers et à celui de la procédure pénale. Cette disposition s’inspirait du dispositif analogue prévu par le statut de la Polynésie française, jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Les doutes du Sénat, qui s’étaient traduits par la suppression de cet article, ont été confortés par l’Assemblée nationale, ce dont nous nous félicitons. Le texte permet à présent que soit garantie la délicate conciliation entre les principes constitutionnels d’unité et d’indivisibilité, d’une part, d’organisation décentralisée de la République et de libre administration, d’autre part.

Le « régime de l’Atlantique », c'est-à-dire le régime du « tout est applicable sauf... », en vigueur à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, est préservé, et nous en sommes d’autant plus satisfaits que la République elle-même reste intacte !

De la préservation de l’environnement à la régulation du parc automobile, en passant par la facilitation de l’exercice du droit de préemption par la collectivité, le texte offre des solutions afin de préserver la voie déjà tracée d’un développement touristique maîtrisé et vertueux. L’élargissement des prérogatives du conseil territorial, pour l’ensemble des compétences qu’il exerce, en matière de sanctions administratives, s’inscrit également dans cette perspective.

De la même façon, le texte tend à répondre aux difficultés de gouvernance particulières que rencontrent ces territoires particulièrement éloignés de la métropole, qui peuvent parfois se sentir délaissés.

Nous savons d’ailleurs que le sentiment d’insularité n’est pas propre aux îles. Comme a l’habitude de le répéter le président Jacques Mézard, les îles sont parfois intérieures, telles certaines zones rurales et même « hyper-rurales », pour reprendre une expression chère à un autre de mes collègues du groupe du RDSE, Alain Bertrand.

Le fonctionnement institutionnel de l’assemblée territoriale sera facilité par la possibilité accordée au président du conseil territorial d’ester en justice, par la précision des règles de convocation du conseil territorial en cas d’urgence, ainsi que par la consolidation de la pratique de transmission aux conseillers territoriaux des projets de délibération arrêtés par le conseil exécutif.

Une divergence est apparue entre les deux assemblées concernant la sanction de l’inaction du Gouvernement : alors que le Sénat avait proposé, en cas d’inertie gouvernementale, que le Parlement puisse approuver totalement ou partiellement la proposition ou le projet d’acte local intervenant dans le domaine de la loi, l’Assemblée nationale a opté pour une réponse juridictionnelle, inscrite elle-même dans des délais brefs. Cette solution est sage ; le temps nous dira si elle est efficace et permet de remédier aux lenteurs gouvernementales.

Rapide, elle, la navette parlementaire a permis d’adopter cette proposition de loi organique en des temps records, s’agissant de sujets qui ne faisaient quasiment plus débat.

C’est un modèle d’initiative parlementaire éclairée. Il faut en effet savoir ériger des ponts entre des îles éloignées… N’en déplaise à certains, la force du bicamérisme est aussi là, comme l’a fort bien dit M. le rapporteur tout à l’heure.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues : le groupe du RDSE apporte unanimement son soutien au texte qui nous est soumis.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parvenons aujourd’hui au terme d’un processus législatif amorcé il y a plus de deux ans, lorsque la collectivité de Saint-Barthélemy a souhaité faire évoluer son statut, dans le cadre ouvert tant par l’article 74 de la Constitution que par la loi organique de 2007, qui a fait de Saint-Barthélemy une collectivité à part entière.

Je tiens d’abord à féliciter chaleureusement, pour sa constance, notre collègue président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, Michel Magras, auteur de la présente proposition de loi organique. Ses efforts, avec l’appui éclairé de la commission des lois et de son rapporteur, Mathieu Darnaud, ont conduit à la rédaction d’un texte solide et équilibré.

Cette réussite a été confirmée par nos collègues députés, qui n’ont pas dénaturé l’esprit du texte et ont au contraire travaillé dans un esprit à la fois constructif et respectueux du souhait exprimé par la collectivité de Saint-Barthélemy ; nous pouvons nous en réjouir.

Cette proposition de loi organique parvient fondamentalement à joindre la volonté d’une collectivité ultramarine à un mouvement plus large de refonte de notre architecture institutionnelle locale.

Le texte adopté par la commission des lois ouvre à Saint Barthélemy la perspective d’une autonomie maîtrisée, respectueuse des compétences de l’État.

Le regard de la métropole sous-estime trop souvent le poids de l’histoire et de l’éloignement. Or les besoins locaux en matière de service public sont toujours dictés par les nécessités du terrain. Le régime de l’article 74 de la Constitution fait droit à ces nécessités, en permettant une souplesse juridique d’autant plus profitable que les territoires concernés sont les plus éloignés géographiquement de la métropole. Saint-Barthélemy a ainsi pu définir ses propres outils pour répondre aux besoins de ses résidents.

La collectivité territoriale sera donc plus en phase avec les enjeux et les réalités locales. La présente proposition de loi organique clarifie ses compétences institutionnelles ; elle permettra une meilleure information des conseillers territoriaux s’agissant des affaires qui leur sont soumises ; elle explicite clairement les modalités de saisine du conseil économique, social, culturel et environnemental, ainsi que la composition de la commission consultative d’évaluation des charges.

L’Assemblée nationale a introduit deux nouveautés, sans renier toutefois l’esprit du texte ni « l’équilibre général du dispositif », pour reprendre les termes de Michel Magras en commission.

En premier lieu, l’État devra être plus réactif pour approuver ou refuser l’habilitation des peines demandées par la collectivité : à défaut de réponse dans les trois mois, la collectivité pourra saisir le Conseil d’État pour astreindre l’État à se prononcer dans les quarante-huit heures.

Certes, cette mesure est assez « énergique », comme l’a qualifiée Mme la ministre des outre-mer en commission, mais son existence aura au moins le mérite d’inciter l’administration à davantage d’efficacité.

En second lieu, l’Assemblée nationale est revenue sur la suppression par le Sénat de la disposition prévoyant la création d’une caisse de prévoyance sociale propre à Saint-Barthélemy. Elle a en effet prévu, en introduisant un article 4 quater, d’autoriser l’État à habiliter la collectivité de Saint-Barthélemy à adopter des actes dans le domaine de la sécurité sociale, à titre expérimental et pour trois ans.

La caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy a été récemment créée. Cette caisse « locale », longtemps souhaitée par la collectivité, et dont la création avait été promise par le Président de la République, François Hollande, lors de sa visite du 8 mai 2015, réussit la synthèse entre le refus de la collectivité d’un transfert intégral de la compétence de sécurité sociale, d’une part, et le souci de répondre aux besoins de nos concitoyens, d’autre part.

Cette disposition permettra sans doute à la collectivité territoriale d’envisager des échanges avec les services de l’État sur l’adaptation des taux. Un tel dispositif doit en tout cas permettre aux habitants de Saint-Barthélemy – comme à tous nos concitoyens, quel que soit le territoire français où ils sont domiciliés – d’avoir accès aux mêmes services que ceux dont jouissent nos compatriotes résidant en métropole. Il s’agit d’un droit fondamental, auquel notre groupe est profondément attaché.

À l’instar du projet de loi relatif à la dématérialisation du journal officiel, le présent texte a été examiné selon la nouvelle procédure d’examen en commission. Cette innovation issue de la dernière révision de notre règlement prouve une fois encore son efficacité et sa pertinence. Je tiens à remercier et à féliciter l’ensemble des services du Sénat qui ont contribué à sa réussite.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption de ce texte.

Il ne me reste plus qu’à souhaiter que son examen – de droit – par le Conseil constitutionnel confirme cette réussite et rende ainsi justice à la grande qualité de cet excellent travail législatif.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, arrivés au terme du parcours législatif de cette proposition de loi organique relative à la collectivité de Saint-Barthélemy, nous pouvons, je le crois, nous féliciter du travail accompli, en particulier au Sénat. Comme nous avons peu d’occasions de le faire ces temps-ci, je tenais à le souligner.

La proposition de loi organique de notre collègue Michel Magras résulte d’un vrai travail de réflexion parlementaire, mené dans la transparence avec les pouvoirs locaux, en lien avec l’État. Notre collègue avait, pour l’essentiel, repris les différentes propositions faites par le conseil territorial de l’île.

Ce texte est en outre l’aboutissement d’une démarche constructive, qui s’inscrit dans le processus d’autonomisation entamée dès 2003 par la consultation des habitants, tout en répondant à l’esprit de la révision constitutionnelle de 2003 et de la loi organique de 2007.

En première lecture, cette démarche avait semblé logique à notre groupe : il est tout à fait compréhensible que le statut de cette collectivité nécessite quelques adaptations après huit ans d’usage.

Sur le fond, la proposition de loi organique ne remettait en cause ni l’équilibre des institutions de Saint-Barthélemy ni son statut de collectivité d’outre-mer. Elle permettait donc d’adapter le cadre législatif aux spécificités de l’outre-mer, dans le respect des équilibres institutionnels et de l’unité de la République française.

Cela étant, si nous approuvions le souhait de procéder à des ajustements du statut, nous nous opposions fermement à deux articles. Ils ont heureusement été supprimés, puis rétablis, mais modifiés.

Le premier concernait la possibilité d’une participation plus importante de la collectivité aux compétences de l’État dans différents domaines. À nos yeux, une telle disposition ouvrait la voie à une dépossession de l’État de certaines de ses prérogatives régaliennes.

Le second visait à instituer des règles en faveur d’un régime de sécurité sociale qui serait, là aussi, spécifique à Saint-Barthélemy.

Dans les deux cas, nous refusions qu’une portion du territoire français puisse s’affranchir de la législation nationale métropolitaine. Il nous semblait nécessaire de mettre un frein aux velléités de quelques nouvelles collectivités d’outre-mer d’empiéter sur les compétences régaliennes.

C’est pourquoi nous sommes satisfaits que nos collègues députés aient trouvé une solution, dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, afin que Saint-Barthélemy puisse participer aux compétences de l’État. Le Conseil d’État pourrait être saisi en référé si le Gouvernement tardait au-delà du délai imparti à statuer sur une proposition ou un projet d’acte local pour lequel son approbation est requise.

Une telle disposition ne sera certainement pas inutile. C’est même, me semble-t-il, une bonne manière de remédier à une forme de mauvaise volonté gouvernementale dont nous avons trop souvent pu faire le constat, notamment par le passé.

Quid de la pertinence d’instaurer un régime et d’une caisse spécifique de sécurité sociale propre à la collectivité de Saint-Barthélemy ? Notre groupe avait été d’accord pour écarter cette possibilité. De surcroît, comme l’ensemble de nos collègues, nous avions également estimé que la création d’une caisse autonome de sécurité sociale ne relevait pas d’une loi organique.

Néanmoins, la situation est particulière à Saint-Barthélemy. L’absence de caisse de sécurité sociale locale a pu, en effet, provoquer des dysfonctionnements dans le versement des prestations aux assurés.

On peut aussi comprendre le point de vue de nos concitoyens qui habitent sur place. Étant sur une île de 9 000 habitants qui connaît une situation proche du plein-emploi, ils estiment cotiser plus qu’ils ne perçoivent en prestations. Je ne partage pas cette curieuse conception des principes et de la solidarité qui fondent notre système de sécurité sociale. Mais le Gouvernement est dans son rôle quand il souhaite trouver une solution pour répondre à cette insatisfaction, d’autant que la solution proposée est d’origine parlementaire.

En permettant à la collectivité de mettre en place une « caisse de prévoyance sociale », nos collègues députés proposent une formule et des dispositions qui méritent d’être éprouvées.

Il peut y avoir des risques de dérive, avec la possibilité offerte au conseil territorial d’adopter des actes dans le domaine de la sécurité sociale pour prévoir les conditions de gestion du régime général par un établissement situé dans son ressort géographique. Toutefois, je crois que l’encadrement de cette expérimentation limitée à trois ans sera une garantie pour vérifier le bien-fondé, ou non de ce dispositif.

Et je vois une garantie supplémentaire de prévention de certaines dérives avec l’adoption définitive de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, qui a créé, non pas une caisse de sécurité sociale autonome, mais une caisse locale ne disposant pas de l’autonomie de gestion.

Je me suis limitée aux deux aspects qui me semblaient les plus importants et les plus sensibles de cette proposition de loi organique. Encore une fois, les solutions trouvées sont judicieuses.

Au total, sept ans après le vote de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a érigé la commune de Saint-Barthélemy – d’ailleurs, je n’ai toujours pas eu l’occasion de la visiter, monsieur Magras !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est la principale raison qui conduira le groupe CRC à voter ce texte.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Michel Delebarre, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais presque me dispenser d’intervenir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Je me réjouis que, lors de sa visite sur l’île, le Président de la République, François Hollande, ait ouvert la perspective d’un déblocage en donnant son feu vert à certaines évolutions, notamment sur la sécurité sociale. Je remercie le Gouvernement d’avoir prêté beaucoup d’attention à ce texte. Enfin, je salue la volonté acharnée de notre collègue Michel Magras de faire bouger les choses ; j’imagine qu’il doit être ravi d’avoir atteint ses objectifs dans un tel consensus !

La création d’une caisse locale facilitera certaines conditions d’application du régime de sécurité sociale ; c’est, me semble-t-il, une bonne initiative. L’organisation spécifique prendra en compte les particularités géographiques et socio-économiques locales, conformément aux souhaits qui avaient été exprimés. Cela n’aura pas pour conséquence de modifier les compétences respectives de la collectivité et de l’État. Les droits, cotisations et contributions des assurés resteront identiques à ceux des départements et régions d’outre-mer. À cet égard, je souhaite que l’État soit particulièrement attentif dans son contrôle, et que le Gouvernement y veille. Bien entendu, l’article 6 de la proposition de loi organique, disposition ayant fait l’objet d’un vote conforme qui supprime la référence : « par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe », ne doit pas prêter à confusion.

L’Assemblée nationale n’a pas retenu la rédaction sénatoriale qui aurait permis au Parlement de ratifier directement une délibération intervenant dans le domaine législatif. Elle a jugé un tel dispositif impraticable et, de surcroît, peut-être contraire à la Constitution. Elle y a substitué une procédure de référé devant le Conseil d’État ; nous verrons ce que cela donnera en pratique.

À mes yeux, tout est mis en œuvre pour que les problèmes actuels puissent être résolus. Je rejoins M. Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, lorsqu’il a déclaré : « La collectivité de Saint-Barthélemy subit depuis longtemps les conséquences de cette situation. La mesure que propose le rapporteur paraît aller dans le bon sens, car elle facilitera la gestion quotidienne de la collectivité. »

En tout état de cause, la proposition de loi organique ainsi modifiée permet de moderniser les dispositions en vigueur sur l’île. En effet, comme le disait justement et avec humour Marcel Pagnol : « Si l’on jugeait les choses sur les apparences, personne n’aurait jamais voulu manger un oursin. » §Adaptons donc cette réflexion de bon sens à ce qui se passait sur le territoire de Saint-Barthélemy. Sans nul doute, le vote conforme du Sénat sur ce texte permettra de se débarrasser des derniers oursins présents dans le droit applicable à Saint-Barthélemy. C’est, je le crois, ce que souhaitent nos concitoyens sur place.

C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi organique.

Je salue une nouvelle fois l’action de tous ceux qui ont permis d’aboutir à ce résultat. J’ajoute que, comme le soulignait Mme Assassi, notre collègue Michel Magras a la possibilité de renvoyer l’ascenseur au Sénat, en faisant en sorte que nous soyons plus nombreux à découvrir son île !

Sourires et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la grande spécificité de la vie à Saint-Barthélemy et les changements successifs de statut rendent nécessaires de nouveaux ajustements législatifs.

La présente proposition de loi organique aborde des sujets très divers. Les écologistes se réjouissent en particulier de la présence de deux dispositions.

D’abord, l’article 1er étend à l’ensemble des propriétés foncières le droit de préemption de la collectivité lorsqu’il s’agit de sauvegarde ou de mise en valeur d’espaces naturels. Jusqu’à présent, les cessions entre résidents de l’île échappaient à toute préemption. Avec cette mesure, la collectivité sera donc beaucoup mieux armée pour protéger les espaces naturels, qui contribuent à la biodiversité et participent à l’attrait touristique de Saint-Barthélemy.

Ensuite, l’article 4, qui transfère à la collectivité une partie de la réglementation relative aux véhicules, devrait permettre de mieux encadrer leur prolifération sur une île qui compterait déjà plus de voitures que de résidents permanents…

En revanche, la proposition de loi organique comporte une disposition qui nous pose un réel problème : l’article 4 quater. Cette disposition, que le Sénat avait retirée du texte en première lecture, a été réintroduite à l’Assemblée nationale, sous une forme légèrement différente. Il s’agit de la possibilité pour la collectivité d’adapter, sous certaines conditions, les modalités de gestion du régime général de la sécurité sociale. Derrière cette formulation, certains veulent voir la concrétisation de la création d’une caisse locale à Saint-Barthélemy, promise par le Président de la République lors de sa récente visite.

J’indique d’ailleurs au passage que, contrairement à certains de mes collègues, je n’ai pas besoin de demander à être invité sur l’île : pour avoir souvent l’occasion de m’y rendre, je la connais bien !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bravo pour votre bilan carbone !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Quoi qu'il en soit, nous comprenons pleinement l’attente des résidents quant à cette caisse locale. Mais force est de constater qu’elle vient d’être satisfaite par la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

En réalité, les auteurs de l’amendement et du texte ont clairement et maintes fois exprimé leur intention : ils ambitionnent de faire baisser les taux de cotisation des résidents, afin, disent-ils, de tenir compte des réalités locales.

Il est vrai que le coût de la vie à Saint-Barthélemy est élevé et que l’accès aux services publics est parfois difficile ; j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises. Mais nous ne pensons pas que s’abstraire du champ de la solidarité nationale constitue une réponse appropriée.

Les résidents sont déjà exonérés des impôts sur le revenu, sur la fortune, sur les successions et sur les sociétés. Or l’impôt et les cotisations sociales ne sont pas seulement une contribution : ils ont aussi une vocation de mutualisation et de redistribution.

Quelles que soient les difficultés, réelles, de la vie locale, l’absence de prélèvements obligatoires profitera toujours davantage aux grands entrepreneurs du tourisme haut de gamme et du BTP qu’à leurs employés.

Certes, l’article 4 quater prévoit que le Gouvernement conserve une sorte de droit de veto sur les décisions de la collectivité en la matière. Cela ne constitue toutefois qu’une garantie de courte durée – trois ans –, et l’on imagine déjà la nature des promesses qui seront faites lors de la prochaine campagne présidentielle !

Nous ne pouvons donc pas soutenir cette mesure qui, loin de répondre aux spécificités de l’insularité, rompt un peu plus le lien de solidarité entre Saint-Barthélemy et le reste de la communauté nationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste s’abstiendra sur cette proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy dont j’ai l’honneur d’être l’auteur.

Avec ce texte, il est essentiellement question de procéder à des ajustements du statut de cette collectivité d’outre-mer, statut mis en œuvre en juillet 2007.

À titre liminaire, je souhaite saluer l’implication de tous les groupes politiques, car elle a permis un réel débat sur ce texte en première lecture, notamment sur ses dispositions les plus « sensibles ». Je pense, en particulier, aux mesures relatives à la protection sociale, à la procédure d’adoption des sanctions pénales ou encore à l’entrée et au séjour des étrangers. Nul doute que nos échanges ici, au Sénat, ont été pris en compte par l’Assemblée nationale et intégrés dans ses travaux.

Le texte qui est aujourd’hui soumis à notre approbation a en effet évolué au cours de la navette et constitue, à mes yeux, un juste compromis. Je vois, par ailleurs, dans son adoption à l’unanimité lors de son examen en commission, le signe que les intentions de la collectivité de Saint-Barthélemy, traduites dans la présente proposition de loi organique, ont été comprises ; naturellement, je m’en réjouis.

Ainsi, comme je l’ai rappelé devant la commission des lois, le travail effectué par l’Assemblée nationale fait suite au déplacement du Président de la République à Saint-Barthélemy, au cours duquel il a annoncé la création d’une caisse locale de sécurité sociale.

En première lecture, plusieurs de nos collègues s’étaient interrogés sur la forme et sur le fond de l’amendement présenté en ce sens. Sur ce point, l’Assemblée a introduit dans la proposition de loi organique un article 4 quater désormais complémentaire de l’article 4 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

C’est donc sur ce fondement que la population de Saint-Barthélemy pourra effectivement bénéficier d’une caisse locale de sécurité sociale, conformément à l’objectif qui était de disposer enfin d’une gestion de proximité de la protection sociale.

Telle était bien la finalité de cette démarche, qui ne visait en aucun cas – je tiens à le redire avec beaucoup d’insistance – à s’affranchir de la solidarité nationale.

Je regrette que l’interprétation dont s’est fait écho notre collègue André Gattolin persiste, car la caisse locale de prévoyance sociale demeure dans le droit commun. Les habitants de Saint-Barthélemy ont toujours participé à l’effort de solidarité et respecté cet engagement. Aujourd'hui, la caisse locale reste tout de même sous le contrôle indirect de l’État et direct de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Il est difficile d’apporter plus de garanties de notre volonté de respecter la solidarité nationale, à laquelle nous n’avons jamais eu l’intention de nous soustraire ! Tout ayant été dit sur ce sujet, je ne m’étendrai pas davantage.

En ce qui concerne la procédure d’adoption des sanctions pénales, c’est un dispositif qui vise à opérer un effet plus contraignant sur le Gouvernement pour l’adoption des décrets de contrôle des actes pris par le conseil territorial.

Sur ce point, il me semble que la réflexion qui a été suscitée vaut naturellement pour l’effectivité des sanctions prévues par les collectivités d’outre-mer, mais pourrait s’étendre plus largement à la participation aux compétences de l’État, sous le contrôle de celui-ci.

Eu égard au caractère novateur de l’article 4 ter, il va sans dire que je serai, à titre personnel, très attentif à la décision du Conseil constitutionnel et, naturellement, à la mise en œuvre du dispositif.

Avant de conclure, permettez-moi de relever que la présente proposition de loi organique peut être regardée comme une preuve de ce que les statuts des collectivités d’outre-mer sont évolutifs.

Ils incarnent, en outre, l’idée qui m’est chère de différenciation territoriale adaptée aux besoins locaux et compatible avec l’unité de la République.

C’est donc davantage en ma qualité de président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer que je réitère la proposition que j’ai faite à Mme la ministre des outre-mer d’un rendez-vous régulier d’actualisation et d’adaptation de la législation applicable aux outre-mer, y compris, pourquoi pas, en matière statutaire.

La récente loi d’actualisation a montré, par l’intérêt des débats, l’apport du travail parlementaire. Je ne doute pas que chacun en conviendra ici.

Mon approbation du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne remet aucunement en cause la qualité du travail effectué par le Sénat. Je remercie donc l’ensemble de mes collègues, en particulier les membres de la commission des lois. Je salue notamment le rapporteur, Mathieu Darnaud.

Je me réjouis par ailleurs, chers collègues, de constater que vous êtes de plus en plus nombreux à vouloir visiter notre île, elle qui a toujours souhaité être ambassadrice des valeurs de la République française.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Soyez certains que nous serons heureux de vous y recevoir, et que nous vous réserverons un accueil à la fois transparent et chaleureux !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés332Pour l’adoption332Le Sénat a définitivement adopté.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.