Intervention de Alain Vidalies

Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques — Réunion du 3 mars 2015 à 17h30
Audition de M. Alain Vidalies secrétaire d'état chargé des transports de la mer et de la pêche

Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Vous l'avez dit, le spectre est large. M. Macron vous détaillera l'économie générale de ce projet de loi, lors de son audition prévue demain. Je me concentrerai donc sur les dispositions concernant le secteur des transports, et notamment sur les deux nouveautés introduites dans ce texte : le développement des lignes de transport en autocar, librement organisées dans un cadre maîtrisé, et l'extension des pouvoirs de l'Araf dans le domaine des concessions autoroutières. D'autres dispositions encadrent les conditions de travail des salariés du secteur, mais aussi la cession des participations dans les sociétés exploitant des autoroutes ou des aéroports et l'accélération de projets essentiels, comme la liaison rapide Charles-de-Gaulle Express pour laquelle le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par ordonnance.

L'article 1er étend les compétences de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (qui devient Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ou Arafer), aux autocars et à certains aspects du secteur autoroutier. Cela répond au souci du Gouvernement d'inscrire le développement du transport dans une logique multimodale. L'article 1 quater modifié par l'Assemblée nationale prévoit, en matière d'open data, que les voyageurs disposeront d'un accès en ligne aux principales données des services réguliers de transport public. Le Gouvernement a chargé M. Francis Jutand, directeur scientifique de l'Institut Mines-Télécom et membre du Conseil national du numérique, d'examiner cet article, qui devra être complété dans le cadre de la prochaine loi sur la stratégie numérique, que le Parlement devrait examiner avant l'été.

L'article 2 encadre le développement de services de transports interurbains routiers. Il s'agit de compléter l'offre de transport entre les villes en autorisant l'initiative privée là où la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) n'autorise que la seule intervention des collectivités publiques dans le cadre de contrats de service public. Si les conditions de confort, de régularité et de fréquence répondent aux besoins des usagers, le car est une alternative crédible à la voiture, ou même au train pour certaines liaisons mal assurées, comme Bordeaux-Lyon, par exemple. Un assouplissement du cadre juridique favorable au développement de ce mode de transport aura des effets bénéfiques tant du point de vue économique qu'environnemental ou social. Pour autant, les autorités organisatrices de transports (AOT) doivent bénéficier d'un pouvoir de contrôle renforcé, pour privilégier la complémentarité et prévenir la concurrence déloyale à l'égard des services de transport répondant à des obligations de service public.

Il y a eu beaucoup de débats à l'Assemblée nationale sur le dispositif qui prévoit qu'avec l'accord de l'Arafer, une AOT pourra interdire la création d'un service privé de moins de 100 kilomètres, si ce service bouleverse l'équilibre d'un contrat de transport comportant des obligations de service public. Sur les lignes de plus de 100 kilomètres, elle pourra également limiter la vente de tickets aux voyageurs effectuant sur la ligne un trajet de moins de 100 kilomètres. C'est ce que le rapporteur du volet mobilité à l'Assemblée nationale a appelé le « seuil kilométrique glissant ». L'AOT disposera d'un délai de deux mois pour saisir l'Arafer qui devra rendre son avis dans les deux mois suivants, avec la possibilité d'un mois de réflexion supplémentaire, l'absence de réponse passé ce délai valant avis favorable à l'ouverture des nouveaux services. Plutôt qu'un seuil de 100 kilomètres, l'Autorité de la concurrence a préconisé 200 kilomètres ; l'Union des transports publics et ferroviaires a proposé de porter ce seuil à 250 kilomètres, et les régions sont favorables à l'instauration d'un seuil au moins équivalent. Nous pourrons en rediscuter, mais le seuil glissant mérite d'être examiné.

Enfin, il est important que le législateur impose aux nouveaux services les mêmes exigences de qualité en matière d'accessibilité que celles qui s'appliquent aux transports publics. Nous proposerons des amendements en ce sens.

Les articles 3 bis et 3 bis A comportent une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin d'accélérer la réalisation de deux projets essentiels pour la croissance de notre économie : le canal Seine-Nord Europe et le Charles-de-Gaulle Express. Il s'agira dans le premier cas de créer une société de projet dédiée qui contribuera à renforcer l'efficacité, la visibilité et la participation des collectivités concernées, déjà très largement mobilisées. Le dossier du canal Seine-Nord Europe a été présenté devant la Commission européenne, jeudi dernier, pour un financement des travaux à hauteur de 40 % sur la période 2015-2020. La création d'une société de projet est un argument auquel Bruxelles est sensible. À nous d'avancer dans la réalisation de ce canal qui doit être la grande infrastructure de transport durable du Nord de la France, comme s'y est engagé le Premier Ministre.

Paris est l'une des rares capitales à ne pas avoir de liaison rapide avec son aéroport principal, deuxième aéroport européen avec 64 millions de voyageurs par an. Les accès sont saturés, tant par la route (autoroutes A1 et A3) que par les transports en commun. Après l'échec de la concession, en 2006, le projet du Charles-de-Gaulle Express a été relancé en 2014 grâce à la création d'une filiale commune d'Aéroports de Paris et de SNCF Réseau, avec éventuellement un tiers investisseur. Le Conseil d'État a confirmé la faisabilité juridique de ce montage, sous réserve d'une disposition législative qui devra recevoir au préalable un avis favorable de la Commission européenne. Des études sont en cours pour préciser l'équilibre financier du modèle. Grâce à l'habilitation à légiférer par ordonnance, le Gouvernement pourra prendre rapidement les mesures nécessaires à la réalisation du projet.

L'article 5 encadre de façon plus stricte les concessions autoroutières, selon les recommandations de la Cour des comptes et de l'Autorité de la concurrence. L'Assemblée nationale a enrichi le texte en élargissant le champ d'intervention de l'Arafer et en introduisant des règles pour encadrer l'activité des sociétés concessionnaires. Nous présenterons plusieurs amendements pour harmoniser ces dispositions avec celles que le Sénat a introduites sur les péages autoroutiers dans le projet de loi relatif à la transition énergétique.

Quant à l'article 6 bis, il vise à ratifier l'ordonnance sur la Société du Grand Paris. En effet, l'article 8 de la loi du 2 janvier 2014 prévoyait que soient déterminées les conditions de participation de la Société du Grand Paris au financement de projets d'infrastructures en correspondance avec le réseau de transports publics dont elle est responsable. Sur cette base, une ordonnance a été adoptée le 26 juin 2014, le projet de loi de ratification a été examiné par le Conseil d'État le 14 octobre 2014 et délibéré en Conseil des ministres le 29 octobre. Il est inscrit pour ratification dans le présent projet de loi.

L'article additionnel 22 bis encadre les dispositions qui s'appliquent aux armateurs et entreprises de travail maritime en matière de protection des gens de mer, s'agissant des obligations de rapatriement. Il autorise également les plaisanciers à recruter des gens de mer qualifiés via des services spécialisés - aux conditions sociales du premier registre. On évitera ainsi le développement du travail illégal dans ce secteur. Enfin, il supprime la procédure d'agrément des entreprises de travail maritime, rendue inutile par leur inscription sur le Registre national des services de placement des gens de mer.

L'article 49 prévoit que les opérations de cession des participations de l'État dans des sociétés exploitantes d'autoroutes ou d'aéroports devront être systématiquement autorisées par une loi. Je suis pleinement satisfait de ces enrichissements apportés par l'Assemblée nationale.

L'article 51 intègre les dispositions concernant la règle d'or de SNCF Réseau, prévue dans la loi de réforme ferroviaire. L'évaluation des investissements de développement du réseau ferré national se fera par un ratio, dont la valeur fixée par décret correspondra au rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau. En cas de dépassement du ratio, les projets seront financés par l'État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur, afin d'éviter de creuser un déficit sur les comptes de SNCF Réseau.

Le titre III comporte un article 96 bis qui répond à un objectif prioritaire du Gouvernement : la lutte contre le dumping social. Il reprend pour cela certaines dispositions de la loi du 10 juillet 2014, en les adaptant au secteur du transport : obligation de déclaration de détachement à l'inspection du travail, désignation d'un représentant de l'employeur sur le territoire national pour tenir compte des spécificités d'emploi des salariés roulants ou navigants. Une autre disposition de l'article 96 bis assimile le destinataire du contrat de transport au donneur d'ordre pour l'application des règles issues de la loi du 10 juillet 2014. En effet, dans le cas où le donneur d'ordre est établi à l'étranger, il faut que l'agent de contrôle puisse avoir un interlocuteur en France. Ce dispositif contribuera à éviter la concurrence déloyale tout en favorisant une meilleure effectivité du droit concernant le détachement. Les partenaires sociaux s'y montrent favorables.

Enfin, les articles 97 bis et ter comprennent des dispositions visant à mieux réguler le transport fluvial. Elles ont été élaborées en étroite concertation avec les professionnels concernés. D'une part, le contrat de transport de marchandises par voie fluviale conclu entre les parties doit faire l'objet d'une confirmation approuvée du transporteur et de son co-contractant. D'autre part la location transfrontalière est interdite pour le transport fluvial de marchandises.

Le projet de loi vise au total à moderniser l'ensemble du secteur des transports. Le Gouvernement sera attentif aux améliorations que le Sénat souhaitera apporter, dès lors qu'elles s'inscriront dans l'objectif partagé de la croissance et de l'emploi.

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