Intervention de Catherine Deroche

Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques — Réunion du 18 mars 2015 à 15h00
Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission spéciale

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, rapporteure :

Nous abordons maintenant les autres dispositions du projet de loi relatives au droit du travail.

Le premier volet concerne la réforme de l'inspection du travail. Contre toute attente, le Gouvernement a fait le choix de demander une habilitation à légiférer par ordonnance pour renforcer les pouvoirs des inspecteurs, alors que nous connaissons précisément ses intentions depuis plus d'un an et qu'une proposition de loi a été adoptée en commission à l'Assemblée nationale en mai dernier. Je vous proposerai de supprimer cette habilitation qui fait peu de cas des prérogatives du Parlement, mais de conserver la deuxième habilitation, relative au concours ouvert aux contrôleurs du travail pour devenir inspecteurs.

Le Gouvernement souhaitait à l'origine réformer également par ordonnance le délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP). Il s'est finalement résolu à inscrire ces dispositions dans le texte. La réforme reste malheureusement au milieu du gué car elle maintient la peine d'emprisonnement d'un an en cas d'entrave à la constitution d'une IRP, ne la supprimant que pour l'entrave au simple fonctionnement. Je vous proposerai d'aller jusqu'au bout de la démarche et de lever ce qui constitue un obstacle symbolique fort pour les investissements, comme le président de la République s'y était d'ailleurs engagé.

Le second volet regroupe diverses dispositions relatives au dialogue social dans l'entreprise et à l'emploi des personnes handicapées. Il comporte plusieurs aménagements techniques aux règles de fonctionnement des IRP. De nouvelles modalités d'acquittement de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés sont mises en place concernant les travailleurs indépendants handicapés, les personnes handicapées en parcours d'insertion et les élèves handicapés. Elles sont essentiellement symboliques et n'accroissent pas le risque que des entreprises se dérobent à leur devoir d'embaucher en CDI des personnes handicapées. Elles représentent plutôt un soutien à des personnes particulièrement éloignées de l'entreprise. Les associations réclamaient de telles mesures, elles sont satisfaites de les voir inscrites dans la loi.

Le projet de loi renforce également l'arsenal juridique pour lutter contre la concurrence sociale déloyale. Ainsi, le plafond de la sanction administrative en cas d'absence de déclaration préalable de détachement de salariés passera de 10 000 à 500 000 euros, tandis que les déclarations devront bientôt toutes être effectuées par Internet. En outre, une procédure d'arrêt d'activité est créée pour sanctionner les manquements graves des prestataires étrangers qui ne respectent pas l'ordre public social.

La loi Savary promulguée le 10 juillet dernier sera adaptée au secteur du transport routier, victime d'une concurrence déloyale de la part d'entreprises étrangères qui ne respectent pas les règles du détachement. La carte d'identification professionnelle sera rendue obligatoire dans le BTP, lui aussi fortement touché par la fraude au détachement tandis que le montant total de l'amende imposé à une entreprise récalcitrante pourra atteindre 500 000 euros.

On ne peut qu'être favorable à ces mesures, mais il est regrettable qu'elles n'aient pas été proposées par le Gouvernement au printemps dernier quand le Parlement a examiné la proposition de loi Savary. Aucun des décrets d'application n'a été pris depuis le 10 juillet dernier, alors que la lutte contre le travail illégal est érigée au rang de priorité nationale... Le Gouvernement nous a toutefois indiqué que leur publication était imminente.

Le dernier volet vise essentiellement à améliorer divers dispositifs issus de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013. L'employeur, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), sera autorisé à définir et appliquer unilatéralement un ordre des licenciements à un niveau inférieur au périmètre de l'entreprise, mais sans pouvoir descendre en dessous du niveau du bassin d'emploi. Cela donne plus de souplesse aux entreprises, tout en évitant le risque d'un ciblage trop précis des salariés à licencier.

Le texte opère un léger aménagement des règles en matière d'offres de reclassement à l'international, afin d'alléger les formalités imposées aux entreprises. Il limite également le contrôle de proportionnalité du contenu du PSE aux moyens dont dispose l'entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, afin d'éviter des blocages dans la procédure de licenciement, qui pénalisent les salariés.

Enfin, le projet de loi neutralise pendant quinze jours au maximum les conséquences juridiques de l'annulation par le juge administratif d'une décision de l'administration validant ou homologuant un PSE, à condition que cette annulation soit fondée uniquement sur un défaut de motivation.

Mes amendements sur les articles du titre « Travailler » ne dénaturent aucunement le texte. Ils complètent certaines dispositions, en suppriment d'autres, mais préservent les grands équilibres.

Je vous proposerai surtout de donner une dimension plus ambitieuse au projet de loi dans le but de relancer notre croissance économique, en supprimant des verrous qui bloquent la conclusion d'accords de maintien de l'emploi, en aménageant des règles relatives aux seuils sociaux ou encore en simplifiant le compte personnel de prévention de la pénibilité, en le recentrant sur des critères aisément mesurables et en facilitant sa gestion au quotidien pour les chefs d'entreprise.

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