Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 24 mars 2009 à 15h00
Simplification et clarification du droit — Discussion d'une proposition de loi texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une nouvelle loi de simplification du droit et d’allégement des procédures, voilà un objectif optimiste pour ceux qui sont convaincus que plus il existe de règles, moins on les applique, et que le retour de la codification, donc de l’esprit de synthèse, doit redevenir un objectif primordial de notre travail et de celui de l’exécutif ; je dis cela avec l’humilité qui doit caractériser un jeune parlementaire, mais aussi en tant que praticien du droit durant quelques dizaines d’années.

Le titre de la proposition de loi – la cinquième sur ce thème – est en lui-même un certain aveu d’échec collectif, car il représente la constatation d’un travail législatif et réglementaire effectué dans l’urgence et en réponse à la pression médiatique, ce qui enlève le temps de la réflexion, la cohérence et la précision indispensables.

Pour Montesquieu, « Aussi, lorsqu’un homme se rend plus absolu, songe-t-il d’abord à simplifier les lois. »

L’urgence est, certes, de simplifier et d’alléger les lois adoptées ces dernières années, mais la plus grande urgence n’est-elle pas, dans l’œuvre législative d’aujourd’hui et de demain, de faire en sorte que la loi ne soit plus le creuset d’une multitude future de lois de simplification et d’allégement ? En prenons-nous réellement le chemin quand l’embouteillage législatif est de plus en plus grand à l’entrée des assemblées ?

Faudra-t-il l’équivalent d’un article 40 pour bloquer tout nouveau texte sans contrepartie d’une abrogation ?

Alléger, selon le Littré, c’est « soulager d’une partie d’un fardeau ».

Le législateur est-il bien raisonnable lorsqu’il légifère à répétition sur les mêmes sujets ou lorsqu’il utilise la loi pour régler des cas spécifiques ? Je soutiendrai, par exemple, un amendement concernant l’article L. 221 du code électoral issu de la loi du 26 février 2008, qui visait à répondre dans l’urgence à la résolution d’un cas particulier.

À force de légiférer, de réglementer et d’arrêter, les pouvoirs normatifs ont engendré des monstres juridiques qui ne parviennent plus à s’autoréguler tant leur complexité s’est accrue, tandis que leur durée de vie diminuait. Donnant tort à Portalis, pour qui « la loi permet, ordonne ou interdit », la loi est devenue « bavarde, précaire et banalisée », pour reprendre les termes de Renaud Denoix de Saint Marc. Comme le relevait le Conseil d’État dans son rapport public de 2006, la complexité et le foisonnement des normes portent atteinte au principe de sécurité juridique.

Comment, avec en moyenne plus de soixante-dix lois, cinquante ordonnances et deux mille décrets nouveaux chaque année, assurer la prévisibilité du droit ? Comment préserver l’autorité de la loi lorsque celle-ci devient un outil déclaratoire, voire un simple instrument de communication médiatique faisant la part belle à l’émotion et non plus à la raison ?

Ce texte procède ainsi à d’utiles simplifications et clarifications telles que la suppression d’une centaine de rapports devant être remis au Parlement par le Gouvernement, l’assouplissement des délégations de signature des maires, ou la suppression de certaines commissions administratives. J’ai entendu avec intérêt les orateurs précédents intervenant au nom des commissions brosser le tableau des nombreux domaines visés par ce texte de simplification.

Mais l’aspect « fourre-tout » de cette proposition de loi constitue, bien évidemment, l’essence même de ce type de texte. Je m’interroge toutefois sur le terme « simplification » lorsqu’on découvre, au détour d’un article – c’est le danger de telles propositions de loi –, une disposition que l’on ne saurait qualifier de simple adaptation : il s’agit bien de réforme ou de changement de régime juridique. Sauf à manier l’art de la litote, il paraît plutôt inconvenant de procéder ainsi sous couvert d’améliorer la légistique et de simplifier la vie de nos compatriotes.

Dans cette proposition de loi, ce sont des dizaines de codes qui sont revisités, sans compter les lois spécifiques. Le danger d’une utilisation large de tel texte, c’est qu’il ne devienne une voiture-balai…

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