Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 24 mars 2009 à 15h00
Simplification et clarification du droit — Discussion d'une proposition de loi texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

C’est la démonstration, monsieur Sueur, de l’évolution des lois concernant, en particulier, la procédure pénale : le texte date de 2007, cet amendement a été déposé, et des réformes nous sont annoncées à grands renforts d’effets médiatiques.

Je concentrerai mon propos sur quelques articles, sur lesquels j’ai d’ailleurs déposé des amendements de suppression.

L’article 4 figurant dans le texte initial de la proposition de loi prévoit de réformer en profondeur le régime des biens indivis en permettant leur vente à la majorité des deux tiers des droits. Cette mesure paraît de prime abord fondée, puisqu’elle donne la possibilité de résoudre des situations bloquées, en raison de l’unanimité, par la volonté d’un seul.

Mais, à bien y regarder, cet article est dépourvu de consistance dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités avait déjà introduit des remèdes aux effets négatifs de l’unanimité identifiés par la pratique. Je citerai ainsi la possibilité de mettre en demeure l’héritier taisant de prendre parti, l’obligation de représentation, y compris par mandat forcé, de l’héritier taisant. De surcroît, la loi de 2006 avait déjà prévu que les ayants droit puissent saisir le juge judiciaire, gardien de la propriété privée, pour autoriser l’aliénation malgré le refus de l’un des héritiers, pour surseoir au partage ou pour procéder à une attribution éliminatoire.

Or tous ces garde-fous, qui ont fait leur preuve, sont rayés d’un trait de plume par l’article 4. Cet article risque de faire ressurgir des contentieux là où le législateur de 2006 s’était efforcé d’en amoindrir la possibilité.

Monsieur le secrétaire d’État, cette disposition, qui a déjà été examinée lors de la discussion de la loi de 2006, et qui a d’ailleurs fait l’objet d’un débat lorsque vous l’avez présentée à l'Assemblée nationale, permet une inédite expropriation pour cause d’utilité privée.

Nous proposerons donc la suppression de cet article.

Tout aussi peu simplificatrice est la modification de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, opérée par l’article 63 du texte. Je salue l’heureuse initiative de la commission, qui a d’ores et déjà supprimé la possibilité pour le juge du siège de revenir sur le quantum de la peine. Je l’invite néanmoins à aller plus loin et à supprimer l’ensemble de cet article, dont les dispositions restantes constituent une atteinte injustifiée au principe de la présomption d’innocence.

Il est en effet pour le moins étonnant que cet article puisse permettre la mise en œuvre concomitante par le parquet de la CRPC et d’une convocation devant le tribunal correctionnel lorsque l’on sait que cette pratique a précisément été prohibée par un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2006. Contrairement à notre excellent rapporteur, qui voit dans cette validation d’une circulaire de la Chancellerie du 2 octobre 2004 a contrario de la jurisprudence un élément de souplesse à la disposition du parquet, je qualifierais plutôt cette mesure d’encouragement au rendement de la CRPC au détriment des droits des justiciables.

En l’espèce, le ministère public pourrait donc saisir en même temps deux instances de jugement à raison des mêmes faits, des mêmes causes et des mêmes parties. Pourquoi ne pas simplifier encore la vie du parquet en l’autorisant, s’il hésite sur la qualification pénale des faits, à saisir simultanément le tribunal de police et le tribunal correctionnel ?

Mais c’est surtout au regard de la pression potentiellement exercée sur le prévenu que cette disposition est contestable. Nous souhaitons donc la suppression de l’article 63.

Ces quelques développements montrent comment le diable peut parfois se cacher dans les détails. J’aurais pu illustrer ce propos avec d’autres dispositions, comme la répartition des blocs de contentieux sans concertation, s’inspirant partiellement des conclusions de la commission Guinchard, l’article 15 relatif à la dématérialisation des bulletins de paie, ou encore l’article 65, qui qualifie de délit « le fait de se soustraire à l’exécution d’un décret d’extradition ». De tels exemples sont révélateurs du danger de ce type de proposition de loi, qui n’en demeure pas moins utile, car, globalement, une série de dispositions vont dans le bon sens et sont indispensables. Mais il ne faut surtout pas utiliser ces textes pour y glisser un certain nombre de mesures qui justifieraient d’autres débats.

Pour l’ensemble des raisons que je viens de développer, et malgré l’intérêt de nombreuses dispositions, la majorité du groupe RDSE est réservée à l’égard de cette proposition de loi et attendra la suite de la discussion pour adopter une position définitive.

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