Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui est en fait une partie du projet de loi pour la République numérique. Il en a été extrait afin de permettre de respecter – un tout petit peu… – les délais de transposition de la directive de 2013.
L’attitude des gouvernements successifs en matière de transposition des directives de l’Union européenne est tout, sauf vertueuse. En fait, comme disait Topaze, les gouvernements oscillent entre deux attitudes nettement caractérisées : tantôt, ils ne les transposent pas dans les délais, ce qui nous oblige à courir après les services de l’Union européenne pour éviter d’avoir à payer des amendes – ici, les délais de transposition sont dépassés depuis trois mois ! – ; tantôt, c’est l’inverse, c'est-à-dire que le gouvernement du moment anticipe la transposition et en rajoute sur le contenu, quitte à se trouver en porte-à-faux avec la version finale de la directive et, surtout, à créer des distorsions avec certains États membres. La France se retrouve alors soumise à des mesures, parfois un an avant les autres, auxquelles les autres membres de l’Union ne sont pas tenus.
Cette fois-ci, nous avons fait encore mieux puisque nous avons réalisé les deux choses en même temps : d’un côté, nous avons pris du retard dans la transposition de la directive et, de l’autre, nous l’avons surtransposée. Et cette surtransposition se trouve dans le projet de loi pour la République numérique ou, plus précisément, dans la partie du texte que vous avez retirée pour la soumettre aujourd'hui au Parlement !
Il n’est pas de bonne méthode de travailler ainsi. Il faut transposer les directives dans les délais et s’en tenir au contenu, rien de plus ! Si, dans le cadre des compétences qui demeurent à la République française, nous avons envie de légiférer, eh bien faisons-le mais ne faisons pas les deux choses en même temps, quand bien même les sujets seraient voisins, voire identiques ! La commission des lois est extrêmement sensible à cette question, et je pense que le Sénat le sera de plus en plus.
J’en viens à l’objet du texte.
Lors des auditions en commission, nous avons discuté avec les représentants de plusieurs organismes publics, ce qui nous a conduits à remarquer un certain nombre de phénomènes. Ainsi, le fait de prévoir sur le seul mode unilatéral des mesures qui ne sont pas visées par la directive peut parfois causer des difficultés aux organismes publics français.
Nous avons rencontré les responsables d’un service en charge de la cartographie maritime. Quand vous intervenez sur la Manche et la mer du Nord, vous vous trouvez inévitablement et immédiatement face à nos amis Anglais. Que se passe-t-il ? Les Britanniques achètent nos cartes pour la modique somme de 1 million d'euros, en payant une redevance. Nous faisons la même chose, c'est-à-dire que nous achetons leurs cartes pour un montant à peu près identique. Si, mus par un élan bien connu de générosité, nous nous amusons à supprimer notre système de redevance, eh bien les Britanniques ne paieront plus le million d’euros qu’ils nous versaient jusqu’à présent, au grand dam de notre service public ! En revanche, nous paierons toujours le million qu’ils continueront à nous réclamer.