La question de la diffusion de données publiques, notamment de données à caractère scientifique ou culturel ou présentant un intérêt artistique ou historique, se pose dans les termes que la discussion générale vient d’éclairer.
Les attendus de la directive européenne qu’il s’agit de transposer ne laissent guère planer le doute sur les intentions réelles qui animent le législateur européen. À l’époque de la gratuité des échanges d’informations, à l’époque de Google, Facebook et autre Wikipédia, tout semble avoir été conçu pour faire en sorte que certains opérateurs de l’économie de l’internet deviennent les opérateurs de la numérisation du patrimoine.
Le choix politique français est pourtant connu de longue date : c’est celui du législateur révolutionnaire, qui énonça le principe du respect des droits d’auteur et fit de l’art une affaire publique ; du législateur qui posa les principes de notre service des archives nationales par l’adoption de la loi du 7 messidor an II et qui s’intéressa, par le biais d’instructions et de décrets divers, à la préservation des patrimoines de toute nature.
On sait que la période révolutionnaire fut assez pénible pour le patrimoine religieux. Il n’en demeure pas moins que c’est de cette époque, celle de la fondation de la République, que datent notre service des archives nationales et, surtout, le principe fondamental de l’accès du public aux documents administratifs et politiques.
Saisis de ce projet de loi, nous pourrions nous inscrire directement dans cette filiation, qui a fait de la diffusion des multiples créations de l’esprit l’un des éléments essentiels de la citoyenneté et de l’attachement aux valeurs de la République. Il faudrait pour cela éviter d’avoir à sous-traiter la numérisation du patrimoine immatériel de nos musées, bibliothèques et universités à quelques opérateurs privés qui en tireraient bénéfice, dans le cadre de ce qui s’apparente tout de même beaucoup à ce qu’on appelle, dans d’autres situations, des partenariats public-privé. On a vu ce que cette politique a donné pour le service des archives diplomatiques ; il semble préférable de ne pas recommencer.
Nous estimons nécessaire que nos musées et nos universités recherchent, autant que faire se peut, les voies et moyens d’une mutualisation des coûts de numérisation de leur patrimoine, afin de prévenir les risques liés à l’exécution de cette tâche par un opérateur privé. Sur le moment, ce serait sans doute le moyen de réaliser quelques économies ; sur la durée, ce serait la plus sûre garantie de voir le domaine public intégrer effectivement le champ auquel le projet de loi vise à l’élargir.