Monsieur le sénateur, cher Didier Guillaume, vous avez évoqué les attaques du loup dont de nombreux troupeaux sont victimes. Depuis 2012, je ne compte plus les débats auxquels j’ai participé, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, où la question a été soulevée.
Je ne peux pas faire comme si la détresse des éleveurs que j’ai rencontrés n’existait pas. Elle est souvent l’expression du désarroi et de l’impuissance face aux dégâts provoqués par le prédateur qu’est le loup.
Je ne peux pas non plus faire comme si nous n’avions rien fait, avec Ségolène Royal. Des décisions très importantes ont été prises, notamment dans le cadre du plan loup, avec la possibilité d’autoriser des prélèvements. Ceux-ci se montent aujourd'hui à trente-six, soit un niveau qui n’avait encore jamais été atteint.
Par ailleurs, j’avais été frappé, lors de ma prise de fonctions, par la lenteur des décisions en matière d’autorisations de prélèvements. Celles-ci prenaient effet quinze jours après l’attaque, avec le risque de prélever un loup qui n’y était pas directement lié. Leur efficacité était donc ridicule. Il a fallu remanier complètement les outils de gestion et de prélèvement, afin que ces derniers soient réactifs et adaptés au terrain. Pour ce faire, les lieutenants de louveterie, mais aussi l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, et des chasseurs, qui peuvent à présent être accrédités, ont été mobilisés. En effet, nul n’est plus efficace, dans la gestion des tirs, que des gens qui connaissent le terrain et savent où opérer les prélèvements.
Le sujet est plus que jamais d’actualité, en particulier dans votre département, monsieur le sénateur, puisque le préfet de la Drôme, sur la base de ce que vous aviez proposé lors de la discussion de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avait autorisé des tirs de prélèvements renforcés qui ont été contestés par des associations. Le tribunal a confirmé depuis lors la validité légale de cet arrêté préfectoral.
L’État et les préfets disposent désormais d’un arsenal de mesures pour aider les éleveurs à réguler les attaques de loup et à s’en protéger.
Il y a, bien sûr, la protection passive. Les ministères de l’agriculture et de l’écologie apportent l’aide nécessaire à sa mise en place et à sa gestion.
À la fin des fins, des compensations liées à la perte du troupeau sont versées, même si cela n’est guère satisfaisant.
Vous mentionnez la convention de Berne, qui excède, par définition, les responsabilités européennes puisqu’elle touche d’autres pays. Les négociations y sont donc extrêmement longues. Sur ce sujet, l’étape la plus importante, à mes yeux, est celle de la directive « Habitats ». Comme je l’avais indiqué devant le Sénat, j’ai déjà pris des contacts avec un certain nombre de ministres européens. Du côté espagnol, par exemple, mes interlocuteurs sont aujourd'hui ouverts à une rediscussion de la directive « Habitats », alors que la question du loup ne se posait pas dans leur pays voilà quelques années. Du côté italien, en revanche, les choses sont moins évidentes. Le ministre de l’agriculture italien, que j’ai saisi, n’a envie ni d’engager une négociation ni de faire pression pour renégocier cette directive.
Donc, si nous voulons agir sur la réglementation pour enrichir les possibilités de réguler la population de loups et protéger l’élevage pastoral de nos montagnes, il faut le faire, comme l’a dit Mme la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, certes au niveau de la convention de Berne, mais surtout au niveau de la directive « Habitats ». Le loup y est classé en tant qu’espèce protégée en voie de disparition, alors qu’il n’est plus, nous le savons, malheureusement pour les éleveurs, une espèce en voie de disparition. Nous devons pouvoir adapter le classement à la réalité : oui, le loup a failli disparaître, mais ce n’est plus le cas aujourd'hui. Sa présence progresse sur une partie de plus en plus vaste de notre territoire.
Avec la ministre de l’écologie, nous sommes parfaitement conscients des enjeux. J’avais pris des contacts, mais, depuis lors, est survenue la crise de l’élevage et je n’ai pas eu le temps de poursuivre. J’aurai à nouveau des discussions avec mes interlocuteurs espagnols. Nous devons reprendre le débat de manière posée, objective, au sein de l’Europe, en particulier au sujet de la directive « Habitats ». Il s’agit simplement de constater que le loup n’est plus une espèce en voie de disparition en Europe. Dès lors, nous devons nous donner des outils pour protéger l’élevage, en particulier le pastoralisme, qui est absolument nécessaire dans les zones de montagne.
Voilà, monsieur le sénateur, la ligne qui est la nôtre : développer des outils de défense, de protection et, parallèlement, engager un travail de persuasion à l’échelle européenne pour renégocier la directive « Habitats ».