Intervention de Frédérique Espagnac

Réunion du 27 octobre 2015 à 14h45
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Rejet d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac :

Le bilinguisme n’est pas l’ennemi de la République. C’est l’école de la tolérance, du civisme et de l’ouverture à l’autre, comme vous l’avez si bien dit, madame la ministre. La France, pays des droits de l’homme, ne peut pas refuser le droit linguistique !

Nous devons nous garder de tomber dans les caricatures trop faciles qui font des langues régionales des vecteurs de propagation d’aspirations politiques, ethniques ou territoriales.

Il est même insupportable de lire que la ratification de la Charte « reviendrait à inscrire le principe du communautarisme dans la Constitution française », comme a pu l’écrire le président du groupe Les Républicains, à l’occasion du dépôt de dernière minute de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.

La Charte est très claire et précise qu’elle ne prend pas en compte la langue des migrants, mais seulement les langues indigènes.

Quant au risque de conflit de droit également évoqué, il s’agit d’un argument juridique sans fondement, au service d’une mauvaise foi sans nom !

Il est inacceptable, aujourd’hui, de confisquer ce débat en déposant une motion de procédure. C’est incompréhensible, quand on tient à cette institution, le Sénat, dont beaucoup d’entre nous revendiquent la défense.

Dans mon territoire, où se côtoient les langues béarnaise, occitane et basque dans la vie quotidienne des habitants, dans les crèches, dans les écoles, à l’occasion des événements culturels, sportifs et autres, il existe un profond respect de ce patrimoine linguistique, partagé par nos jeunes et nos aînés, comme par les nouvelles populations qui viennent s’y installer.

J’ai été frappée par les nombreux témoignages des anciens qui, encore aujourd’hui, restent très marqués par les souvenirs douloureux d’un temps où les langues régionales étaient combattues et mises à mal par le système éducatif français. Que répondre à ces personnes, qui craignent aujourd’hui de voir disparaître une langue qui est souvent leur langue maternelle ? Ce refus de les entendre, monsieur Mézard, s’accompagnerait-il d’une réticence à les tenir pour égaux parce que leur langue maternelle n’est pas le français ?

En même temps, j’observe chaque jour l’engouement des jeunes générations et des populations nouvellement installées sur le territoire pour apprendre et faire vivre cet héritage précieux, qui leur procure une grande fierté.

Les langues régionales ne sont pas des vestiges du passé. Elles ont un avenir, entre les mains de nos futures générations. Face à un monde globalisé, celles-ci se les approprient et les revendiquent comme leurs racines, leur identité, leur richesse !

Dans mon territoire, mais aussi dans les vôtres, chers collègues, de nombreux élus locaux, de tous les bords politiques, se sont engagés dans l’expérimentation du bilinguisme au sein de leurs collectivités, afin de répondre à la demande de leurs administrés. Cela montre bien qu’il est possible de faire coexister ces langues et le français sans que la qualité du service public en pâtisse !

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