Intervention de Jean-Jacques Lasserre

Réunion du 27 octobre 2015 à 14h45
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Rejet d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Jean-Jacques LasserreJean-Jacques Lasserre :

La richesse patrimoniale est évidente et reconnue. Comprenons, mes chers collègues, qu’il s’agit, lorsque nous parlons des langues régionales, d’un patrimoine tout à fait particulier, qui ne peut pas être figé, gelé, sauvegardé dans l’immobilisme. Il s’agit non pas de vieilles pierres – passez-moi l’expression –, mais d’un patrimoine vivant, qui est actuellement conservé et transmis par des couches de la société en pleine et très rapide évolution. Les locuteurs classiques, le plus souvent ruraux et âgés, doivent être remplacés par les nouvelles générations, en s’appuyant, je le redis, sur deux actions indissociables : la formation et les usages.

Si adopter cette charte ne produirait aucun effet concret, ou presque, ne pas en discuter serait un signal négatif fort et constituerait une importante régression. Cela me paraît totalement inopportun, à l’heure où la tendance est plutôt à l’affaiblissement de nos langues régionales et de la culture qui va avec elles. Tous les acteurs nous regardent, et le refus de débattre de ce projet de loi constitutionnelle serait le premier grand facteur d’affaiblissement.

Je considère que la réforme du collège, telle qu’elle est envisagée, sera un second facteur très important d’affaiblissement.

Le maintien des heures d’enseignements optionnels et des sections bilingues fait l’objet de nombreuses incertitudes. Les langues régionales semblent reléguées aux enseignements pratiques interdisciplinaires, les fameux EPI, réduisant considérablement leur temps d’apprentissage. Or cette réforme du collège aurait pu être l’occasion de donner, enfin, un véritable statut à ces langues, qui représentent un réel atout pour les enfants qui les pratiquent.

Cette réforme du collège illustre une régression qui serait concomitante au refus d’examen de ce projet de loi.

Enfin, je suis, pour ma part, favorable à l’examen de ce texte pour une raison fondamentale que je vous expose en quelques mots. Depuis plusieurs années, nous fonctionnons dans une situation de flou total : je veux parler de la fameuse déclaration interprétative que la France a produite juste après avoir signé la charte, en 1999. Un débat, je le pense sincèrement, nous permettrait d’éclaircir cette situation extrêmement ambigüe, je dirais même hypocrite. À cet égard, j’ai apprécié l’intervention de M. Vallini.

Cette déclaration interprétative est, à mon sens, une commodité rassurante, extrêmement fragile sur un plan juridique, qui dénature fondamentalement le sens de la charte et élude la question majeure, qui est posée et qui mérite le débat, de l’utilisation exclusive du français dans la sphère publique. L’ouverture d’une discussion nous permettrait, j’en suis convaincu, de sortir de cette ambiguïté.

Je voterai donc contre la motion tendant à opposer la question préalable, parce que je crois que l’on ne peut pas faire l’économie d’un véritable débat.

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