Intervention de Philippe Bas

Réunion du 27 octobre 2015 à 14h45
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Question préalable

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

De ce fait, si cette déclaration devait être respectée – mais nous verrons dans un instant que cela n’est pas possible –, elle ne couvrirait de toute façon qu’une partie des griefs d’inconstitutionnalité arrêtés par le Conseil constitutionnel.

C’est donc un coup d’épée dans l’eau qu’on nous propose ici de donner, et ce rien de moins qu’avec une révision constitutionnelle, ce qui n’est malgré tout pas de même niveau qu’un arrêté préfectoral. Il s’agit de notre loi fondamentale, celle que nous partageons tous, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons !

La déclaration interprétative est tout simplement incomplète parce qu’elle ne comporte aucune réserve sur le droit imprescriptible de s’exprimer dans la vie publique dans une langue régionale, ce qui est tout à fait incompatible avec notre Constitution, ainsi que l’a relevé le Conseil constitutionnel.

Elle ne comporte aucune réserve non plus sur le fait qu’il nous faudra alors répondre à des demandes d’ajustement des circonscriptions administratives, et donc des collectivités territoriales de la France, aux aires géographiques dans lesquelles on parle des langues régionales. Là aussi, le Conseil constitutionnel l’a relevé, c’est gravement contraire à la Constitution.

En outre, cette déclaration interprétative n’empêcherait nullement l’application des stipulations de la Charte qui prévoient, de manière très nette, la mise en place par les pouvoirs publics d’instances de représentation des groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires.

Par conséquent, cette déclaration interprétative, fortement lacunaire, ne règle pas les problèmes de constitutionnalité. Ces problèmes ne sont pas des arguties juridiques. La Constitution, c’est l’acte fondamental qui organise la vie en société, sur le fondement d’un certain nombre de principes hérités de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et c’est aussi l’acte fondamental qui régit les rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels et démocratiques.

Ensuite, la déclaration interprétative, si lacunaire, je le répète, ne permettrait pas non plus de respecter la Charte. C’est l’autre aspect fondamental de la révision constitutionnelle que de ne pas permettre à la France de respecter sa signature et d’empêcher le respect de cette signature avec un acte de portée constitutionnelle, ce qui est tout de même singulier. Il n’y a pas, me semble-t-il, de précédent dans l’histoire de la République d’une telle tentative de passage en force pour réviser la Constitution, en portant atteinte à la fois à ses principes fondamentaux et à la signature de notre pays.

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