Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis heureux de vous retrouver, moins d'une semaine après la présentation du projet de loi de finances pour 2016 en conseil des ministres, pour détailler avec vous les enjeux de ce texte s'agissant de la mission Défense. Je vous propose de raccourcir mon propos liminaire afin que nous puissions avoir un débat approfondi.
En premier lieu, je me dois de féliciter devant vous nos équipes d'ingénieurs, de militaires et de civils, qui ont réussi, mercredi dernier, le tir d'essai du missile balistique M51.2. Ce 7ème tir de la famille M 51 s'inscrit dans le programme de développement de la nouvelle version du M 51 actuellement en service. C'est une belle prouesse technologique, qui renforce la crédibilité de notre dissuasion.
Je vous présente un budget en parfaite adéquation avec l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) adoptée le 28 juillet 2015. Je vous rappelle de façon succincte les sept orientations principales que la LPM actualisée a posées.
L'augmentation des moyens humains et financiers votée dans le cadre de l'actualisation de la LPM vise notamment à renforcer le contrat « protection » et à accroître la capacité opérationnelle de la force opérationnelle terrestre (FOT). En deuxième lieu, la LPM actualisée allège la déflation des effectifs de la défense. En troisième lieu, elle augmente le budget de la mission « Défense » et le sécurise, la très grande majorité des recettes exceptionnelles étant transformées en crédits budgétaires.
La mise à jour de la LPM induit également un effort supplémentaire de 500 millions d'euros au profit de la régénération des matériels pour soutenir l'activité opérationnelle. Son cinquième objectif est de permettre des acquisitions nouvelles dans le domaine des équipements critiques, notamment la composante « hélicoptères », la capacité de projection aérienne tactique et le renseignement.
L'actualisation de la LPM permet également de faire appel de façon renforcée à la réserve et d'accroître le nombre de jours d'activité des réservistes. Enfin, la septième orientation de l'actualisation de la LPM est la rénovation de la concertation avec la création des associations professionnelles nationales de militaires.
Par rapport à la trajectoire initiale de la LPM, la dépense de défense est rehaussée de 3,8 milliards d'euros. Elle passe donc de 158,6 milliards d'euros à 162,4 milliards d'euros sur la période 2015-2019. En outre, l'actualisation de la LPM sécurise les ressources du ministère en remplaçant par des crédits budgétaires, dès 2015, la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues par la programmation initiale.
Dès 2015, comme vous le savez, 2,14 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, initialement attendues de la vente de la bande de fréquences 700 MHz, seront ouverts sous la forme de crédits budgétaires par la loi de finances rectificative de cette fin d'année. Cela me semble raisonnable, cette recette ne se concrétisant pas à temps. Je vous le rappelle, c'est une décision majeure du Président de la République, qui a fait le choix, inédit jusqu'alors au cours d'une programmation, d'accroître les moyens humains et financiers de la mission « Défense » par rapport à la trajectoire initiale et de supprimer la majorité du recours aux ressources exceptionnelles.
Les difficultés de trésorerie que cette ouverture tardive pourraient générer pour le programme d'équipement des forces sont anticipées et font l'objet de mesures en discussion avec le ministère du budget, dont certaines ont d'ores-et-déjà été mises en oeuvre, telles que la levée anticipée de la réserve de précaution pour les programmes de la mission « Défense », soit 2,2 milliards d'euros en AE et 1,4 milliard d'euros en CP. Ce dégel des crédits a été prononcé dès début août pour le programme 146. De même, une mobilisation des trésoreries « dormantes » disponibles au sein de différents organismes, comme l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR), est mise en oeuvre. Les discussions techniques sont en cours et devraient aboutir rapidement. Dans le cas contraire, d'autres pistes pourraient être envisagées, dans le cadre d'un décret d'avance. En tout état de cause, la Direction générale de l'armement (DGA) est prête à gérer cette urgence et l'ensemble de ces mesures doivent permettre de conduire la fin de gestion 2015 dans des conditions similaires à la gestion 2014, sans différer ni les commandes, ni les livraisons de matériels prévues par la LPM actualisée, et en portant une attention particulière à la situation des petites et moyennes entreprises (PME).
J'en viens maintenant au projet de loi de finances (PLF) 2016, qui est conforme à l'annuité prévue par la LPM actualisée. Il permet la pleine mise en oeuvre des priorités de la LPM actualisée, en donnant aux armées les moyens de faire face aux défis, tant intérieurs qu'extérieurs, auxquels elles sont confrontées. Dans ce cadre, 600 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires viennent abonder le budget de la Défense, le portant à près de 32 milliards d'euros, toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards d'euros dans la LPM initiale.
Ces ressources sont sécurisées en 2016, l'essentiel des ressources extrabudgétaires ayant été budgétisées. Ainsi, la part des recettes issues de cessions n'est plus que de 250 millions d'euros en 2016 - 200 millions d'euros au titre des ventes immobilières et 50 millions d'euros au titre des ventes de matériels militaires -, soit moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ».
Fort de crédits sécurisés et aussi accrus, le PLF 2016 permet de répondre aux défis nés du besoin de sécurisation du territoire national, la majeure partie des crédits budgétaires supplémentaires en 2016 étant destinée au nouveau contrat « Protection » du territoire.
Je soumets quelques points particuliers à votre attention. Tout d'abord s'agissant des effectifs, le PLF 2016 répond au besoin de sécurisation du territoire en atténuant leur déflation. La LPM actualisée du 28 juillet 2015 allège en effet de 18.500 emplois la diminution des effectifs, initialement prévue à hauteur de 33.675 équivalents temps plein (ETP), sur la période 2015-2019. Je rappelle que 250 postes sont en outre créés au titre du renforcement des services de renseignement décidé par le Premier ministre en début d'année.
Ces moindres déflations d'effectifs vont notamment permettre une remontée en puissance de la FOT de 11.000 postes d'ici la fin de l'année 2016, décision majeure prise lors des derniers conseils de défense. Il s'agit d'assurer la permanence de 7 000 hommes sur le territoire national et une capacité de déploiement de 10 000 hommes au besoin, pendant un mois. Les moindres déflations recouvrent également le soutien humain et logistique à cette opération ainsi que le renforcement de la protection des sites du ministère.
Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense sont également significativement renforcés dans le cadre de la LPM actualisée. Sur la période 2014-2019, les effectifs du renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront ainsi d'une augmentation de l'ordre de 900 postes, qui s'ajoutent aux 300 initialement prévus par la LPM. Les moyens du ministère consacrés à la cyberdéfense accélèreront quant à eux leur montée en puissance avec le recrutement d'au moins 1 000 civils et militaires d'active supplémentaires sur la période. Pour l'année 2016, l'effort du ministère est concentré sur la montée en puissance de la FOT. Pour autant, la progression des effectifs renseignement et cyberdéfense en 2016 sera de l'ordre de 500 postes.
Au total, le volume important de recrutement de soldats dans l'armée de terre et de personnel au profit des missions de protection des emprises militaires, du renseignement et de la cyberdéfense, conduira la Défense à bénéficier pour la première fois depuis de nombreuses années d'un solde positif de création nette de 2 300 emplois.
S'agissant des effectifs, vous me permettrez de vous apporter deux éclairages particuliers, l'un concernant l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV) et l'autre l'effort spécifique fait en faveur de la réserve opérationnelle.
D'abord l'expérimentation du SMV, décidée par le Président de la République, s'inspire du service militaire adapté (SMA), qui a fait ses preuves dans les territoires outre-mer. Il s'agit de proposer une formation globale à des jeunes éloignés de l'emploi, durant six à douze mois. Le statut militaire des stagiaires, associé à la formation à un emploi, dans un secteur où la demande existe, sont la clef de la réussite de cette nouvelle mesure. Le SMV, encadré par du personnel militaire qui assure la mission de formateur, devrait accueillir 300 jeunes fin 2015 - début 2016, et jusqu'à 1 000 volontaires sur la période de l'expérimentation. A ce titre, vous noterez que le 15 octobre prochain, les 100 places initialement prévues seront ouvertes au centre de Montigny-lès-Metz. Le PLF 2016 rend donc possible la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif important.
Je voudrais également souligner l'effort spécifique qui est marqué en faveur de la réserve opérationnelle. Je l'ai dit, conséquence des attentats de janvier, les missions de protection sur le territoire national engagent nos forces dans des volumes inédits. Pour répondre à ces nouveaux défis, dès 2015, la masse salariale allouée à la réserve opérationnelle avait été augmentée de 11 millions d'euros par rapport à la LPM initiale, pour atteindre 81,9 millions d'euros. Ce mouvement est amplifié en 2016 pour atteindre 88 millions d'euros. Les objectifs 2016 comprennent une augmentation de 51 000 jours d'activité et, en termes d'effectifs la création de 1 538 postes supplémentaires, venant augmenter l'effectif actuel de 28 000 militaires.
L'activité opérationnelle est une autre grande priorité du ministère dans un contexte de fort engagement opérationnel des forces. Grâce à un effort financier constant et important depuis le début de la LPM, l'année 2016 verra la hausse de l'activité opérationnelle, en particulier de l'entraînement. Priorité de la loi de programmation militaire, elle devrait rejoindre progressivement le niveau correspondant aux normes d'entraînement OTAN.
S'agissant de l'entretien programmé des matériels, l'augmentation franche du niveau des crédits qui lui sont consacrés a permis de stabiliser l'activité au niveau de 2013 conformément à l'objectif que j'avais fixé en début de LPM.
Pour 2016, l'augmentation de crédits par rapport à 2015 s'établit à plus de 200 millions d'euros, soit une hausse de près de 7 % en valeur au lieu de 4,3 % en 2015. En outre, 250 millions d'euros en autorisations d'engagements supplémentaires sont ouverts dans ce projet de loi de finances, afin de lancer des contrats de MCO pour les véhicules de combat de l'armée de terre, les hélicoptères, les avions de transport tactiques et de patrouille maritime, les ravitailleurs en vol, l'aviation de chasse, les patrouilleurs et les SNA. Cette progression, qui conforte celles des années précédentes, permettra aux forces de consolider leur stratégie selon trois axes : régénérer le potentiel, préparer le personnel, et bien sûr tenir l'effort dans la durée.
Au-delà de l'entretien des matériels, le PLF 2016 marque un effort significatif au profit du renouvellement de l'équipement de nos forces et de la préparation de l'avenir. Je rappelle que sur la période de la programmation militaire actualisée 2015-2019, une enveloppe annuelle de 17,55 milliards d'euros en moyenne est allouée à l'équipement, pour atteindre 19,1 milliards d'euros en 2019. Le budget 2016 confirme cet engagement avec près de 17 milliards d'euros consacrés à l'équipement des forces contre 16,4 milliards d'euros en 2014 et 16,7 milliards d'euros en 2015.
Fort de cet engagement, l'année 2016 voit la poursuite des efforts réalisés au profit des équipements ces dernières années, avec plusieurs livraisons majeures. Cette année sera notamment caractérisée par le maintien des capacités de projection-mobilité et soutien avec la livraison de 3 avions A400M et 6 hélicoptères NH90, le renforcement des capacités d'engagement et de combat grâce à la livraison notamment de 9 Rafale dont 3 Rafale Marine rétrofités, 5 hélicoptères Tigre, 1 frégate multi-missions et le renouvellement des capacités de protection-sauvegarde avec la livraison des deux premiers bâtiments multi-missions B2M et d'un patrouilleur PLG pour la Guyane.
S'agissant des commandes de matériels, l'année 2016 se place dans la continuité des efforts engagés depuis 2014 pour rallier le modèle d'armée défini dans la loi de programmation militaire maintenant actualisée. Elle verra ainsi la consolidation des capacités militaires, avec notamment l'industrialisation de la rénovation du Mirage 2000D dont la réalisation est indispensable à l'atteinte du format à 225 avions de combat du Livre blanc, la commande d'un système de drones de lutte anti-mines futur (SLAMF), la commande d'un quatrième bâtiment multi-missions et de deux bâtiments de soutien et d'assistance hauturier (BSAH) sur une cible de quatre, inscrite en actualisation de la LPM 2014-2019, ou encore la commande du troisième satellite d'observation spatiale (CSO) en coopération avec nos partenaires allemands, avec lesquels nous avons passé un accord d'une importance majeure. Le renouvellement de nos équipements sera également poursuivi, avec la commande du fusil d'assaut de nouvelle génération, Arme Individuelle Future (AIF), destiné à remplacer le FAMAS.
Dans le même temps, j'ai tenu à ce que le secteur des études amont, essentiel au maintien de nos compétences industrielles et à la maîtrise des technologies clés du futur, fasse l'objet d'une priorité réaffirmée, puisque dans un contexte marqué par l'exacerbation de la compétition internationale, la France fait le choix de maintenir la priorité qu'elle donne à la recherche et technologie en consolidant son budget à près de 710 millions d'euros de crédits.
Je veux rappeler ici l'importance de la coopération internationale et tout particulièrement européenne, qui exerce un effet de levier sur nos investissements de R&T. Le programme de démonstration franco-britannique du système de combat aérien futur (SCAF), dont la deuxième phase du projet va être lancée, en est un excellent exemple. Mais de nombreuses autres initiatives méritent d'être rappelées ici, qu'il s'agisse de la concrétisation du rapprochement de Nexter et de KMW en juillet 2015 pour nos futurs matériels terrestres, ou bien des travaux qui se poursuivront en 2016 en coopération avec l'Allemagne et l'Italie sur le projet de drone de reconnaissance de type MALE.
Dans un contexte de menace terroriste spécialement élevée, qui cible nos installations comme nos ressortissants, la protection des installations et activités relevant du ministère revêt une importance capitale. C'est pourquoi j'ai obtenu du Premier ministre la création d'une direction dédiée, la Direction de la Protection des Installation moyens et activités de la Défense (DPID), qui m'est directement subordonnée.
À la suite du vol de munitions à Miramas survenu cet été, j'ai chargé la DPID de dresser un état des lieux complet de la protection des installations du ministère et de me proposer les mesures correctrices nécessaires. Les premiers résultats montrent que l'infrastructure de protection, qui était sous-dotée depuis des années, nécessite des investissements rapides.
J'ai donc décidé d'accélérer les mesures de modernisation des infrastructures des dépôts recevant du matériel sensible. Après les mesures d'urgence mises en oeuvre dès 2015, cette décision prendra pleinement effet en 2016, pour un montant de 60 millions d'euros. Elle a pour objectif le renforcement des clôtures existantes et l'équipement des dépôts de munitions non dotés en infrastructures dites « igloo » permettant de garantir à la fois protection anti-intrusion et limitation de l'effet de souffle en cas d'accident. Enfin, pour garantir une meilleure surveillance, les dépôts seront équipés de moyens de détection autonome et de vidéo surveillance.
À cet effort en matière d'infrastructures, qui s'inscrira dans un schéma directeur pluriannuel, s'ajoute une augmentation des effectifs dédiés aux missions de protection des installations du ministère. Depuis les attentats du mois de janvier, ce sont environ 7 800 agents, militaires, gendarmes spécialisés, et personnels spécialisés qui sont affectés en permanence à cette tâche, soit une augmentation de 800 personnes par rapport à la période pré-attentats.
D'une manière plus générale, l'évolution de la menace et l'engagement accru de nos armées sur le territoire national, qui en est la principale conséquence, ont mis en lumière les enjeux d'entretien, de rénovation et bien sûr de protection qui s'attachent aux infrastructures du ministère de la Défense.
Dans ce domaine, le PLF 2016 comporte des crédits de paiement à hauteur de 1,12 milliard d'euros, hors dissuasion, avec une capacité d'engagement qui permettra la poursuite des grands projets liés à la création et l'adaptation des infrastructures d'accueil des nouveaux matériels, les nécessaires rénovations et plus largement le maintien en condition du patrimoine immobilier. Pour la bonne exécution de la programmation, ces ressources intègrent des recettes issues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros. En 2016, ces recettes seront en grande partie alimentées par la cession d'emprises parisiennes.
Parallèlement à ces différents chantiers, le ministère continue à se moderniser et à se réformer. Les 4 500 suppressions des postes qui en résultent participent également, par les gains ainsi réalisés, au renforcement des effectifs des forces engagées dans la protection du territoire. Elles permettent par ailleurs la création des capacités nouvelles, notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.
Par ailleurs, les plans de transformation engagés dans l'administration, les états-majors ou les soutiens non opérationnels se poursuivent, simultanément avec les créations de postes opérationnels. J'insiste sur le fait que les restructurations que j'ai annoncées fin juillet ont été déterminées en cohérence avec les plans stratégiques du ministère, en particulier ceux de l'armée de terre « Au contact ! », de la marine nationale « Horizon Marine 2025 », de l'armée de l'air « Unis pour faire face », mais aussi des directions et services : service de santé des armées, service du commissariat des armées, service d'infrastructure de la défense notamment.
2016 sera enfin la première année complète où l'ensemble des états-majors et services centraux du ministère sera rassemblé dans le site unique de Balard. C'est un mouvement qui a d'ores et déjà commencé, et qui modifiera en profondeur le fonctionnement du ministère. C'est le symbole d'une Défense qui ne craint pas de se transformer, pour toujours être en situation de relever les défis de sécurité qui se présentent à la France.
Sans plus attendre, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.