Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 6 octobre 2015 à 17h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • LPM
  • arctique
  • climatique
  • militaire

La réunion

Source

La commission auditionne M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le Ministre, nous vous retrouvons pour la présentation de votre budget 2016, que nous espérons en ligne avec la loi de programmation militaire actualisée de juillet dernier.

Au-delà du projet de loi de finances initiale pour 2016, c'est la gestion 2015 qui nous importe naturellement, avec le remplacement annoncé mais encore attendu des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires, avec la couverture d'un important surcoût OPEX - à nouveau supérieur au milliard d'euros -, avec les tensions de trésorerie qui conduiront la direction générale de l'armement (DGA) à dépenser près de 2 milliards entre le 31 décembre et le 1er janvier.... Nous n'oublions pas la compensation, promise, pour le programme 146 des 56,7 millions d'euros des « Mistral ».

C'est à vous la parole, et je laisserai nos rapporteurs vous poser les premières questions.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis heureux de vous retrouver, moins d'une semaine après la présentation du projet de loi de finances pour 2016 en conseil des ministres, pour détailler avec vous les enjeux de ce texte s'agissant de la mission Défense. Je vous propose de raccourcir mon propos liminaire afin que nous puissions avoir un débat approfondi.

En premier lieu, je me dois de féliciter devant vous nos équipes d'ingénieurs, de militaires et de civils, qui ont réussi, mercredi dernier, le tir d'essai du missile balistique M51.2. Ce 7ème tir de la famille M 51 s'inscrit dans le programme de développement de la nouvelle version du M 51 actuellement en service. C'est une belle prouesse technologique, qui renforce la crédibilité de notre dissuasion.

Je vous présente un budget en parfaite adéquation avec l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) adoptée le 28 juillet 2015. Je vous rappelle de façon succincte les sept orientations principales que la LPM actualisée a posées.

L'augmentation des moyens humains et financiers votée dans le cadre de l'actualisation de la LPM vise notamment à renforcer le contrat « protection » et à accroître la capacité opérationnelle de la force opérationnelle terrestre (FOT). En deuxième lieu, la LPM actualisée allège la déflation des effectifs de la défense. En troisième lieu, elle augmente le budget de la mission « Défense » et le sécurise, la très grande majorité des recettes exceptionnelles étant transformées en crédits budgétaires.

La mise à jour de la LPM induit également un effort supplémentaire de 500 millions d'euros au profit de la régénération des matériels pour soutenir l'activité opérationnelle. Son cinquième objectif est de permettre des acquisitions nouvelles dans le domaine des équipements critiques, notamment la composante « hélicoptères », la capacité de projection aérienne tactique et le renseignement.

L'actualisation de la LPM permet également de faire appel de façon renforcée à la réserve et d'accroître le nombre de jours d'activité des réservistes. Enfin, la septième orientation de l'actualisation de la LPM est la rénovation de la concertation avec la création des associations professionnelles nationales de militaires.

Par rapport à la trajectoire initiale de la LPM, la dépense de défense est rehaussée de 3,8 milliards d'euros. Elle passe donc de 158,6 milliards d'euros à 162,4 milliards d'euros sur la période 2015-2019. En outre, l'actualisation de la LPM sécurise les ressources du ministère en remplaçant par des crédits budgétaires, dès 2015, la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues par la programmation initiale.

Dès 2015, comme vous le savez, 2,14 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, initialement attendues de la vente de la bande de fréquences 700 MHz, seront ouverts sous la forme de crédits budgétaires par la loi de finances rectificative de cette fin d'année. Cela me semble raisonnable, cette recette ne se concrétisant pas à temps. Je vous le rappelle, c'est une décision majeure du Président de la République, qui a fait le choix, inédit jusqu'alors au cours d'une programmation, d'accroître les moyens humains et financiers de la mission « Défense » par rapport à la trajectoire initiale et de supprimer la majorité du recours aux ressources exceptionnelles.

Les difficultés de trésorerie que cette ouverture tardive pourraient générer pour le programme d'équipement des forces sont anticipées et font l'objet de mesures en discussion avec le ministère du budget, dont certaines ont d'ores-et-déjà été mises en oeuvre, telles que la levée anticipée de la réserve de précaution pour les programmes de la mission « Défense », soit 2,2 milliards d'euros en AE et 1,4 milliard d'euros en CP. Ce dégel des crédits a été prononcé dès début août pour le programme 146. De même, une mobilisation des trésoreries « dormantes » disponibles au sein de différents organismes, comme l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR), est mise en oeuvre. Les discussions techniques sont en cours et devraient aboutir rapidement. Dans le cas contraire, d'autres pistes pourraient être envisagées, dans le cadre d'un décret d'avance. En tout état de cause, la Direction générale de l'armement (DGA) est prête à gérer cette urgence et l'ensemble de ces mesures doivent permettre de conduire la fin de gestion 2015 dans des conditions similaires à la gestion 2014, sans différer ni les commandes, ni les livraisons de matériels prévues par la LPM actualisée, et en portant une attention particulière à la situation des petites et moyennes entreprises (PME).

J'en viens maintenant au projet de loi de finances (PLF) 2016, qui est conforme à l'annuité prévue par la LPM actualisée. Il permet la pleine mise en oeuvre des priorités de la LPM actualisée, en donnant aux armées les moyens de faire face aux défis, tant intérieurs qu'extérieurs, auxquels elles sont confrontées. Dans ce cadre, 600 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires viennent abonder le budget de la Défense, le portant à près de 32 milliards d'euros, toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards d'euros dans la LPM initiale.

Ces ressources sont sécurisées en 2016, l'essentiel des ressources extrabudgétaires ayant été budgétisées. Ainsi, la part des recettes issues de cessions n'est plus que de 250 millions d'euros en 2016 - 200 millions d'euros au titre des ventes immobilières et 50 millions d'euros au titre des ventes de matériels militaires -, soit moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ».

Fort de crédits sécurisés et aussi accrus, le PLF 2016 permet de répondre aux défis nés du besoin de sécurisation du territoire national, la majeure partie des crédits budgétaires supplémentaires en 2016 étant destinée au nouveau contrat « Protection » du territoire.

Je soumets quelques points particuliers à votre attention. Tout d'abord s'agissant des effectifs, le PLF 2016 répond au besoin de sécurisation du territoire en atténuant leur déflation. La LPM actualisée du 28 juillet 2015 allège en effet de 18.500 emplois la diminution des effectifs, initialement prévue à hauteur de 33.675 équivalents temps plein (ETP), sur la période 2015-2019. Je rappelle que 250 postes sont en outre créés au titre du renforcement des services de renseignement décidé par le Premier ministre en début d'année.

Ces moindres déflations d'effectifs vont notamment permettre une remontée en puissance de la FOT de 11.000 postes d'ici la fin de l'année 2016, décision majeure prise lors des derniers conseils de défense. Il s'agit d'assurer la permanence de 7 000 hommes sur le territoire national et une capacité de déploiement de 10 000 hommes au besoin, pendant un mois. Les moindres déflations recouvrent également le soutien humain et logistique à cette opération ainsi que le renforcement de la protection des sites du ministère.

Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense sont également significativement renforcés dans le cadre de la LPM actualisée. Sur la période 2014-2019, les effectifs du renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront ainsi d'une augmentation de l'ordre de 900 postes, qui s'ajoutent aux 300 initialement prévus par la LPM. Les moyens du ministère consacrés à la cyberdéfense accélèreront quant à eux leur montée en puissance avec le recrutement d'au moins 1 000 civils et militaires d'active supplémentaires sur la période. Pour l'année 2016, l'effort du ministère est concentré sur la montée en puissance de la FOT. Pour autant, la progression des effectifs renseignement et cyberdéfense en 2016 sera de l'ordre de 500 postes.

Au total, le volume important de recrutement de soldats dans l'armée de terre et de personnel au profit des missions de protection des emprises militaires, du renseignement et de la cyberdéfense, conduira la Défense à bénéficier pour la première fois depuis de nombreuses années d'un solde positif de création nette de 2 300 emplois.

S'agissant des effectifs, vous me permettrez de vous apporter deux éclairages particuliers, l'un concernant l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV) et l'autre l'effort spécifique fait en faveur de la réserve opérationnelle.

D'abord l'expérimentation du SMV, décidée par le Président de la République, s'inspire du service militaire adapté (SMA), qui a fait ses preuves dans les territoires outre-mer. Il s'agit de proposer une formation globale à des jeunes éloignés de l'emploi, durant six à douze mois. Le statut militaire des stagiaires, associé à la formation à un emploi, dans un secteur où la demande existe, sont la clef de la réussite de cette nouvelle mesure. Le SMV, encadré par du personnel militaire qui assure la mission de formateur, devrait accueillir 300 jeunes fin 2015 - début 2016, et jusqu'à 1 000 volontaires sur la période de l'expérimentation. A ce titre, vous noterez que le 15 octobre prochain, les 100 places initialement prévues seront ouvertes au centre de Montigny-lès-Metz. Le PLF 2016 rend donc possible la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif important.

Je voudrais également souligner l'effort spécifique qui est marqué en faveur de la réserve opérationnelle. Je l'ai dit, conséquence des attentats de janvier, les missions de protection sur le territoire national engagent nos forces dans des volumes inédits. Pour répondre à ces nouveaux défis, dès 2015, la masse salariale allouée à la réserve opérationnelle avait été augmentée de 11 millions d'euros par rapport à la LPM initiale, pour atteindre 81,9 millions d'euros. Ce mouvement est amplifié en 2016 pour atteindre 88 millions d'euros. Les objectifs 2016 comprennent une augmentation de 51 000 jours d'activité et, en termes d'effectifs la création de 1 538 postes supplémentaires, venant augmenter l'effectif actuel de 28 000 militaires.

L'activité opérationnelle est une autre grande priorité du ministère dans un contexte de fort engagement opérationnel des forces. Grâce à un effort financier constant et important depuis le début de la LPM, l'année 2016 verra la hausse de l'activité opérationnelle, en particulier de l'entraînement. Priorité de la loi de programmation militaire, elle devrait rejoindre progressivement le niveau correspondant aux normes d'entraînement OTAN.

S'agissant de l'entretien programmé des matériels, l'augmentation franche du niveau des crédits qui lui sont consacrés a permis de stabiliser l'activité au niveau de 2013 conformément à l'objectif que j'avais fixé en début de LPM.

Pour 2016, l'augmentation de crédits par rapport à 2015 s'établit à plus de 200 millions d'euros, soit une hausse de près de 7 % en valeur au lieu de 4,3 % en 2015. En outre, 250 millions d'euros en autorisations d'engagements supplémentaires sont ouverts dans ce projet de loi de finances, afin de lancer des contrats de MCO pour les véhicules de combat de l'armée de terre, les hélicoptères, les avions de transport tactiques et de patrouille maritime, les ravitailleurs en vol, l'aviation de chasse, les patrouilleurs et les SNA. Cette progression, qui conforte celles des années précédentes, permettra aux forces de consolider leur stratégie selon trois axes : régénérer le potentiel, préparer le personnel, et bien sûr tenir l'effort dans la durée.

Au-delà de l'entretien des matériels, le PLF 2016 marque un effort significatif au profit du renouvellement de l'équipement de nos forces et de la préparation de l'avenir. Je rappelle que sur la période de la programmation militaire actualisée 2015-2019, une enveloppe annuelle de 17,55 milliards d'euros en moyenne est allouée à l'équipement, pour atteindre 19,1 milliards d'euros en 2019. Le budget 2016 confirme cet engagement avec près de 17 milliards d'euros consacrés à l'équipement des forces contre 16,4 milliards d'euros en 2014 et 16,7 milliards d'euros en 2015.

Fort de cet engagement, l'année 2016 voit la poursuite des efforts réalisés au profit des équipements ces dernières années, avec plusieurs livraisons majeures. Cette année sera notamment caractérisée par le maintien des capacités de projection-mobilité et soutien avec la livraison de 3 avions A400M et 6 hélicoptères NH90, le renforcement des capacités d'engagement et de combat grâce à la livraison notamment de 9 Rafale dont 3 Rafale Marine rétrofités, 5 hélicoptères Tigre, 1 frégate multi-missions et le renouvellement des capacités de protection-sauvegarde avec la livraison des deux premiers bâtiments multi-missions B2M et d'un patrouilleur PLG pour la Guyane.

S'agissant des commandes de matériels, l'année 2016 se place dans la continuité des efforts engagés depuis 2014 pour rallier le modèle d'armée défini dans la loi de programmation militaire maintenant actualisée. Elle verra ainsi la consolidation des capacités militaires, avec notamment l'industrialisation de la rénovation du Mirage 2000D dont la réalisation est indispensable à l'atteinte du format à 225 avions de combat du Livre blanc, la commande d'un système de drones de lutte anti-mines futur (SLAMF), la commande d'un quatrième bâtiment multi-missions et de deux bâtiments de soutien et d'assistance hauturier (BSAH) sur une cible de quatre, inscrite en actualisation de la LPM 2014-2019, ou encore la commande du troisième satellite d'observation spatiale (CSO) en coopération avec nos partenaires allemands, avec lesquels nous avons passé un accord d'une importance majeure. Le renouvellement de nos équipements sera également poursuivi, avec la commande du fusil d'assaut de nouvelle génération, Arme Individuelle Future (AIF), destiné à remplacer le FAMAS.

Dans le même temps, j'ai tenu à ce que le secteur des études amont, essentiel au maintien de nos compétences industrielles et à la maîtrise des technologies clés du futur, fasse l'objet d'une priorité réaffirmée, puisque dans un contexte marqué par l'exacerbation de la compétition internationale, la France fait le choix de maintenir la priorité qu'elle donne à la recherche et technologie en consolidant son budget à près de 710 millions d'euros de crédits.

Je veux rappeler ici l'importance de la coopération internationale et tout particulièrement européenne, qui exerce un effet de levier sur nos investissements de R&T. Le programme de démonstration franco-britannique du système de combat aérien futur (SCAF), dont la deuxième phase du projet va être lancée, en est un excellent exemple. Mais de nombreuses autres initiatives méritent d'être rappelées ici, qu'il s'agisse de la concrétisation du rapprochement de Nexter et de KMW en juillet 2015 pour nos futurs matériels terrestres, ou bien des travaux qui se poursuivront en 2016 en coopération avec l'Allemagne et l'Italie sur le projet de drone de reconnaissance de type MALE.

Dans un contexte de menace terroriste spécialement élevée, qui cible nos installations comme nos ressortissants, la protection des installations et activités relevant du ministère revêt une importance capitale. C'est pourquoi j'ai obtenu du Premier ministre la création d'une direction dédiée, la Direction de la Protection des Installation moyens et activités de la Défense (DPID), qui m'est directement subordonnée.

À la suite du vol de munitions à Miramas survenu cet été, j'ai chargé la DPID de dresser un état des lieux complet de la protection des installations du ministère et de me proposer les mesures correctrices nécessaires. Les premiers résultats montrent que l'infrastructure de protection, qui était sous-dotée depuis des années, nécessite des investissements rapides.

J'ai donc décidé d'accélérer les mesures de modernisation des infrastructures des dépôts recevant du matériel sensible. Après les mesures d'urgence mises en oeuvre dès 2015, cette décision prendra pleinement effet en 2016, pour un montant de 60 millions d'euros. Elle a pour objectif le renforcement des clôtures existantes et l'équipement des dépôts de munitions non dotés en infrastructures dites « igloo » permettant de garantir à la fois protection anti-intrusion et limitation de l'effet de souffle en cas d'accident. Enfin, pour garantir une meilleure surveillance, les dépôts seront équipés de moyens de détection autonome et de vidéo surveillance.

À cet effort en matière d'infrastructures, qui s'inscrira dans un schéma directeur pluriannuel, s'ajoute une augmentation des effectifs dédiés aux missions de protection des installations du ministère. Depuis les attentats du mois de janvier, ce sont environ 7 800 agents, militaires, gendarmes spécialisés, et personnels spécialisés qui sont affectés en permanence à cette tâche, soit une augmentation de 800 personnes par rapport à la période pré-attentats.

D'une manière plus générale, l'évolution de la menace et l'engagement accru de nos armées sur le territoire national, qui en est la principale conséquence, ont mis en lumière les enjeux d'entretien, de rénovation et bien sûr de protection qui s'attachent aux infrastructures du ministère de la Défense.

Dans ce domaine, le PLF 2016 comporte des crédits de paiement à hauteur de 1,12 milliard d'euros, hors dissuasion, avec une capacité d'engagement qui permettra la poursuite des grands projets liés à la création et l'adaptation des infrastructures d'accueil des nouveaux matériels, les nécessaires rénovations et plus largement le maintien en condition du patrimoine immobilier. Pour la bonne exécution de la programmation, ces ressources intègrent des recettes issues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros. En 2016, ces recettes seront en grande partie alimentées par la cession d'emprises parisiennes.

Parallèlement à ces différents chantiers, le ministère continue à se moderniser et à se réformer. Les 4 500 suppressions des postes qui en résultent participent également, par les gains ainsi réalisés, au renforcement des effectifs des forces engagées dans la protection du territoire. Elles permettent par ailleurs la création des capacités nouvelles, notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.

Par ailleurs, les plans de transformation engagés dans l'administration, les états-majors ou les soutiens non opérationnels se poursuivent, simultanément avec les créations de postes opérationnels. J'insiste sur le fait que les restructurations que j'ai annoncées fin juillet ont été déterminées en cohérence avec les plans stratégiques du ministère, en particulier ceux de l'armée de terre « Au contact ! », de la marine nationale « Horizon Marine 2025 », de l'armée de l'air « Unis pour faire face », mais aussi des directions et services : service de santé des armées, service du commissariat des armées, service d'infrastructure de la défense notamment.

2016 sera enfin la première année complète où l'ensemble des états-majors et services centraux du ministère sera rassemblé dans le site unique de Balard. C'est un mouvement qui a d'ores et déjà commencé, et qui modifiera en profondeur le fonctionnement du ministère. C'est le symbole d'une Défense qui ne craint pas de se transformer, pour toujours être en situation de relever les défis de sécurité qui se présentent à la France.

Sans plus attendre, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Merci Monsieur le ministre. Je vais donner la parole à nos différents rapporteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Monsieur le ministre, vous avez répondu par avance à une question du Président Raffarin sur la fin de l'exercice budgétaire 2015. Même si vous semblez rassuré, nous avons quelques inquiétudes sur d'éventuelles surprises qui viendraient de Bercy. C'est avec la loi de finances rectificative de fin d'année que nous jugerons si les engagements ont véritablement été tenus. Sur le projet de loi de finances pour 2016, le compte semble y être. Les engagements pris pendant l'actualisation de la loi de programmation militaire sont au rendez-vous et les mesures que nous avions souhaitées sont bien là. Je me félicite des 450 millions d'euros attribués aux OPEX et je préfère que ce soit l'interministériel qui paye les surcoûts et non votre ministère. S'agissant de l'eurodrone, 20 millions d'euros étaient attribués, en 2014, pour chaque pays travaillant sur ce projet, l'Allemagne, l'Italie et la France. Les états-majors ont-ils commencé à travailler sur la caractérisation des besoins opérationnels en 2025 pour les drones MALE ? Les Allemands ont un concept d'emploi totalement différent du nôtre et il faudra que nous parvenions à nous entendre pour aboutir. Je reviens sur les militaires engagés, avec dévouement et efficacité, sur de nombreux théâtres d'opérations extérieurs et qui sont à la limite de la « surchauffe », comme vous le savez. L'évolution des effectifs devrait permettre d'apporter dans la durée des améliorations. Cela représente aussi une usure et des disponibilités de matériels limitées. Vous annoncez des nouveaux Tigre HAD en 2016. Qu'en est-il du Tigre, le seul, qui est en République Centre Africaine ? Y-est-il encore nécessaire car il manque sur l'opération Barkhane ? Pour les 5 000 fusils d'assaut commandés en 2016, où en est la mise en concurrence ? Même question pour les drones MALE tactiques ? J'évoque rapidement l'acquisition des C-130 pour m'en féliciter. J'ajoute que si l'on veut être efficace sur les théâtres d'opérations en Irak et en Syrie, il faut regrouper nos Rafales d'Abu Dhabi vers la Jordanie, même si cela pose des problèmes de logistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J'ai une question simple. Quelle ventilation pour les 600 millions supplémentaires au budget ? Ensuite, je voudrais faire une observation. Dès 2013, vous aviez noté, et nous aussi, que l'entretien programmé du matériel était très insuffisant ; le taux de disponibilité des matériels et le nombre d'heures d'entraînement ne cessaient de diminuer. La loi de programmation militaire a fait un effort sur la régénération des matériels, l'entretien programmé des matériels et la préparation opérationnelle. En 2016, il y a 7 % de plus, soit 200 millions d'euros. Avons-nous inversé les courbes ? Les heures d'entraînement ont-elles augmenté ? Le but n'est pas de dépenser de l'argent, mais de rendre le personnel plus opérationnel. Je sais que c'est difficile à obtenir quand beaucoup de personnels sont engagés dans des opérations extérieures, mais il importe d'autant plus d'assurer la rotation.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Les rapporteurs du programme 146 se réjouissent que les prévisions pour 2016 soient respectées et de la fin de la tendance à la baisse. Je me félicite également pour l'avenir de la dissuasion française de la réussite du tir du M51-2. La France renforce sa capacité d'observation spatiale par l'acquisition de satellites, comme le CSO dans le cadre du programme MUSIS. Elle va acquérir une charge utile de renseignement d'origine électromagnétique pour renforcer la capacité des drones MALE Reaper. Où en est la livraison des prochains drones qui seront munis de cet équipement ? Prévoit-on d'équiper également les drones que nous avons déjà ? S'agissant de l'annulation de la vente des BPC « Mistral », le Gouvernement a choisi l'imputation sur le budget du programme 146, ce que je trouve surprenant. Pour l'instant, le programme 146 supporte toujours 56,7 millions d'euros au titre du remboursement des frais engagés par l'Etat russe. Y aura-t-il une rectification à la fin de l'année ? Nous avons adopté une proposition de loi spécifique sur le survol par des drones d'installations civiles abritant des matières nucléaires et une disposition pour les installations militaires dans l'actualisation de la loi de programmation militaire. Ces survols représentent une vraie menace. Savez-vous où en est le rapport du SGDSN sur ce point, que nous attendions en septembre ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

J'ai quelques questions très rapides. Pour la réalisation des actions retracées par le programme 144, il y avait beaucoup de recrutements inscrits en 2015, or il s'agit de personnels difficiles à recruter. Je souhaiterais avoir une note de situation sur ces recrutements. C'est une chose d'ouvrir des postes, mais une autre de les pourvoir. S'agissant de l'annulation de la vente des Mistral, je rejoins M. Xavier Pintat sur la question des 56,7 millions d'euros supportés par le programme 146. Je m'intéresse beaucoup à la question des Mistral que je vois tous les jours et dont j'aimerais connaître la date de départ. Je termine avec la vente sur étagère de navires qui a eu lieu en 2015. Je voudrais en effet savoir si vous comptez généraliser à l'avenir cette méthode de vente pour des navires, qui pose beaucoup de problèmes d'organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

S'agissant des études amont, le maintien du budget est appréciable, car il signifie le maintien de la capacité de recherche et de développement en liaison avec les industriels. « Sous bénéfice d'inventaire », peut-on préciser ce qui a été prévu pour l'ONERA ? S'agissant du renseignement, je me félicite des moyens en recrutement et en investissement, prévus pour la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la Direction du renseignement militaire (DRM).

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

S'agissant du maintien en condition opérationnelle, les crédits prévus par le PLF 2016 sont-ils suffisants pour permettre de répondre aux besoins opérationnels, notamment en OPEX ? Je pense également aux difficultés que les faibles niveaux d'entretien programmé des matériels (EPM) ont induites dans l'entraînement des troupes. Je vous informe, Monsieur le Ministre, que ces points essentiels feront cette année l'objet d'un examen approfondi dans le cadre de notre avis budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Je me félicite que vous annonciez des crédits supplémentaires dédiés au matériel et à leur entretien alors que l'engagement de nos troupes s'intensifie.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Le renforcement des recrutements dans le domaine de la cyberdéfense est indispensable. Les actions spécifiques menées dans ce secteur sont indispensables.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Je souhaiterais que nous soit communiquée une note précisant comment vont être utilisées les casernes et les bases vendues en 2015 et 2016 et j'aimerais que les modalités d'association des collectivités territoriales à ces processus de cession nous soient précisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je m'associe aux inquiétudes de mes collègues sur la façon dont l'exécution budgétaire de la mission « Défense » va être close en 2015. Il serait extrêmement regrettable que les 56,7 millions d'euros pesant sur le programme 146, au titre du règlement de l'annulation des Mistral à la Russie, passent dans l'épaisseur du trait. Ce serait regrettable tant sur le plan des principes que sur le plan de la mécanique budgétaire ; cette « avance » ne doit pas devenir un « prélèvement ».

Je me réjouis que le PLF 2016 soit conforme à la LPM actualisée.

S'agissant de la sécurisation des sites du ministère de la défense, les mesures annoncées vont dans le bon sens, mais il me semble nécessaire qu'une évaluation plus fine des besoins soit réalisée.

Par ailleurs, les crédits consacrés aux OPEX atteignaient, selon les estimations communiquées au mois de juillet, 653 millions d'euros, et vous nous annoncez en fin d'exécution un montant de 1,2 milliard d'euros. Faut-il s'attendre à des sommes comparables en 2016 ?

Enfin, l'atténuation de la déflation des effectifs ne vous empêchera-t-elle pas de réaliser le dépyramidage attendu des effectifs militaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Je souhaite souligner l'effort particulier réalisé par le gouvernement pour proposer un budget défense de ce niveau alors que la contrainte budgétaire est très forte. Je me réjouis des moyens consacrés à la mise en place et au développement du service militaire volontaire (SMV). De même, il semble important de soutenir l'effort de mobilisation de la réserve. Le renforcement des crédits annoncés dans ce domaine est nécessaire et pourrait sans doute être décuplé par une meilleure mobilisation de la réserve citoyenne, à laquelle nous sommes nombreux à appartenir. Cette réserve citoyenne pourrait s'avérer particulièrement efficace dans la lutte contre la cybercriminalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

J'ai récemment participé à un colloque au cours duquel la problématique de la capacité offensive française a enfin été débattue. Cela m'amène à poser une question sur le rôle de la réserve. Je me demande si la montée en puissance de la réserve ne devrait pas nous amener à la réorganiser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous mesurons tous l'effort réalisé en faveur des crédits de la défense dans un contexte budgétaire contraint. Je vous donne la parole, Monsieur le Ministre, pour répondre aux questions qui vous ont été posées.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

J'entends ces compliments avec plaisir mais cet effort budgétaire découle des nécessités de l'heure présente qui ont conduit à l'actualisation de la LPM.

Pour répondre à MM. Jacques Gautier et Dominique de Legge, je vous indique que je ne suis pas inquiet, j'ai reçu les assurances nécessaires pour me tranquilliser : l'exécution budgétaire de fin d'année permettra de respecter les objectifs de dépense fixés par la LPM, et je ne doute pas de la capacité des équipes à mobiliser les sommes concernées en 2015. Je n'ai quelques inquiétudes que sur la possibilité de mobiliser les ressources de trésorerie permettant d'attendre les crédits ouverts par la loi de finances rectificative pour 2015 sans pénaliser notamment les PME en attente de paiements. La direction générale de l'armement (DGA) a d'ores et déjà intégré cette dimension de la situation. Je peux atténuer vos inquiétudes sur la base des engagements donnés par le Premier ministre, pour autant, je ne vous incite pas à relâcher votre vigilance sur ces sujets.

S'agissant des crédits relatifs aux engagements extérieurs, il n'est pas étonnant que la fin d'un exercice budgétaire soit le moment de connaître le solde des dépenses consacrées aux OPEX et aux OPINT. Les dépenses relatives à Sentinelle atteindront 173 millions d'euros en 2015, celles relatives aux OPEX, 1,1 milliard d'euros. Leur financement fait l'objet d'une attention extrême.

En réponse à M. Jacques Gautier, j'indique que des hélicoptères Tigre resteront positionnés en République Centre Africaine (RCA), en raison à la fois de leur efficacité dans la gestion du récent regain de tensions et de leur effet dissuasif. L'offensive des Anti-Balaka montre que le retrait de ces hélicoptères n'est pas souhaitable, ni la diminution des effectifs mobilisés, un temps envisagée. Le maintien sur place des Tigre participe à l'apaisement de la situation. Je vous rappelle que les choses évoluent dans le bon sens et que la tenue d'élections paraît beaucoup plus probable, maintenant que 75 à 80 % des cartes d'électeurs ont été émises.

En ce qui concerne les C 130, il convient de distinguer trois situations différentes. Nous avançons sur l'acquisition de quatre C130 destinés à renforcer les capacités tactiques de nos forces, les discussions avec les Etats-Unis se nouent. Il nous reste toutefois à décider s'il s'agira d'achats d'équipements neufs ou d'occasion. Par ailleurs, deux C 130 vont être adaptés aux besoins des forces spéciales, avec notamment un renforcement de l'appui au feu pour tirer les leçons de l'expérience acquise au Sahel. Enfin, quatre C 130 supplémentaires seront mis en service avant la fin de l'année, après rénovation, pour compenser les retards pris dans la mise à disposition des A 400 M.

En réponse aux questions relatives aux drones MALE, je souhaite souligner les efforts réalisés par nos partenaires allemands qui ont permis de rapprocher de façon significative les spécifications militaires de nos deux pays. Un débat public très difficile a eu lieu récemment en Allemagne sur l'utilisation de ces drones : doivent-ils avoir un rôle d'observation seulement ou être armés ? Une tendance très nette s'est dégagée en faveur des drones d'observation. Les Allemands, très impliqués dans la conception comme dans la réalisation de ce projet, ont vraiment pris les choses en main, et ont relancé la coopération entre nos pays dans ce domaine. Ils ont tout mon appui.

Par ailleurs, les questions sur le nouveau fusil d'assaut soulignent bien la particularité de la situation dans laquelle nous nous trouvons alors que plus aucune entreprise française ne produit ce type d'équipement. Les résultats de la mise en concurrence devraient être connus à la fin de l'année 2016.

Pour répondre à M. Pintat sur l'équipement des drones en charge utile de renseignement d'origine électromagnétique, cela ne concernera que les nouveaux drones et non pas les trois drones que nous avons déjà. L'achat de cet équipement est en discussion avec les autorités américaines. Comme prévu, à la fin du programme, nous aurons quatre systèmes, donc douze drones. Sur la question des Mistral, pourquoi le programme 146 ? Il a fallu trouver un budget porteur et je ne m'y suis pas opposé car j'étais sûr d'avoir un retour. Il y a déjà eu un retour de DCNS. Il faudra veiller au retour à l'équilibre en fin d'année et être ferme. Je signe la vente des « Mistral » au Caire samedi prochain pour 950 millions d'euros. Sur le drone tactique, l'appel d'offres est en cours.

J'ai répondu en partie à M. Trillard. Sur la question des ventes sur étagère, c'était intéressant de procéder de la sorte pour passer un accord global avec les Égyptiens, accord dont le montant total est de 5,3 milliards d'euros, même si c'était compliqué pour la marine nationale qui a su faire les efforts nécessaires, y compris former des marins égyptiens. Ce n'est toutefois pas « une doctrine ». Je prends l'exemple des corvettes : nous en construisons une en France et trois le seront sur un chantier égyptien. La nouvelle Frégate devrait avoir, elle aussi, des succès significatifs à l'export.

Il y a eu plusieurs questions sur les emplois « cyber ». Il y a quelques jours, j'ai organisé à Paris un forum sur la cyberdéfense de très haut niveau où étaient présents le haut commandement américain et le ministre de la défense britannique. J'ai été frappé de voir que le recrutement et la qualification des personnels capables d'être acteurs dans la lutte contre la cybercriminalité est un problème partout, y compris aux Etats-Unis, car la demande est énorme. Les écoles d'ingénieurs n'arrivent pas à fournir et nous manquons de « cyber ingénieurs », d'où d'ailleurs la réserve citoyenne, mais cela ne sera pas suffisant. C'est un chantier que nous avons pris à bras le corps. Il faut que ce soit une priorité pour la défense et les grands donneurs d'ordre civils, que j'ai d'ailleurs réunis dans un club pour accompagner le pôle d'excellence cyber. C'est la bataille d'après-demain. Nous devons sensibiliser les écoles et les universités. Dans la loi de programmation militaire actualisée 2015-2019, il y a 1 000 postes à pourvoir.

Sur la question de M. Reiner, les 600 millions d'euros concernent pour l'essentiel le contrat protection, donc la masse salariale liée à ce contrat, et il y a un peu plus sur l'entretien programmé des matériels. C'est vrai que l'armée est en surchauffe en 2015, comme le disait M. Gautier. 7 000 personnes sont affectées à Sentinelle. S'y ajoutent les missions extérieures et le maintien à un haut niveau en République Centre Africaine (RCA). Compte tenu des recrutements de 2015 qui vont se poursuivre sur 2016, cela devrait s'améliorer en 2016.

Pour finir de répondre à M. de Legge sur la programmation pluriannuelle de la sécurité des sites, j'ai demandé un schéma directeur. La Direction de la protection des installations de la défense (DPID) doit le préparer en cours d'année et ce sera une priorité dans le budget pluriannuel 2017-2019.

Sur la question de Mme Perol-Dumont, le service militaire volontaire est financé sur le budget de la défense pour les trois sites expérimentaux à hauteur de 25 millions d'euros. Dans la loi de programmation militaire, il est bien clair que c'est une expérimentation et qu'une fois terminée, le financement sortira du périmètre budgétaire du ministère de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le ministre, je crois que vous avez oublié notre question sur le maintien en condition opérationnelle (MCO).

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

J'y viens. Depuis 2015, on note l'arrêt de la dégradation du MCO, dont on va remonter le niveau à partir de 2016. Pour ne citer que quelques exemples, on a actuellement 157 heures pour les hélicoptères contre 180 en 2016, de même pour les pilotes de chasse, on devrait passer de 155 heures de vol à 180. Comme nous, vous aviez noté cette dégradation qui était principalement due à l'insuffisance des crédits affectés à l'entretien programmé des matériels. Il y aura cependant un problème pour l'armée de terre ; on doit faire face à une diminution mécanique, mais l'arrivée des 11 000 nouveaux permettra de remonter progressivement l'activité opérationnelle, même si celle-ci remontera par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Merci beaucoup, Monsieur le ministre. Nous aurons l'occasion de prolonger cette discussion, notamment s'il faut se mobiliser à la fin de l'exercice budgétaire 2015.

La commission examine le rapport d'information de M. Cédric Perrin et Mme Leila Aïchi, co-présidents du groupe de travail sur « les conséquences géostratégiques du dérèglement climatique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous devons examiner le rapport d'information de M. Cédric Perrin et Mme Leila Aïchi, co-présidents du groupe de travail sur « les conséquences géostratégiques du dérèglement climatique » dès aujourd'hui car nous voulons le présenter au ministre des affaires étrangères le 15 octobre. En outre, Mme Aïchi aura une réunion le 14 octobre avec plusieurs ministres de la défense sur le sujet. Il serait bon que les idées de la commission soient présentées à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

La mission que vous nous avez confiée dans la perspective de la COP 21 dont l'objectif est d'aboutir à un accord universel et contraignant afin de maintenir le réchauffement climatique sous le seuil de 2°C, était d'apprécier ses conséquences géopolitiques sous deux angles. Le premier, à travers les impacts de la montée du niveau de la mer, le second, qu'abordera Cédric Perrin, concerne la région Arctique. Notre groupe de travail, qui comprenait également notre collègue Éliane Giraud, vous présente ses conclusions.

Quelques chiffres, tout d'abord : le cinquième rapport du GIEC (2013-2014) a confirmé l'influence de l'Homme sur le système climatique (probable à 95 %). C'est la première fois que l'homme est une force géologique, que l'on appelle l'anthropocène. Ce rapport constate que les années 1983 à 2012 ont été la période de trente ans la plus chaude qu'ait connue l'hémisphère nord depuis 1 400 ans. Les dix années les plus chaudes jamais enregistrées sont postérieures à 1998, la plus chaude étant 2014. Le niveau moyen des mers s'est élevé de 19 centimètres entre 1901 et 2010. D'ici à 2100, la température pourrait augmenter de 5°C. Le niveau de la mer pourrait s'élever de 82 cm, conséquence de la dilatation thermique des océans conjuguée à la fonte des glaciers, des calottes polaires du Groenland et de l'Antarctique.

Chaque rapport du GIEC aggrave le constat des précédents parce qu'il dispose de données sur de plus longues séries, parce qu'il perfectionne ses modèles en incluant de nouveaux paramètres, mais hélas aussi parce que les émissions de gaz à effet de serre ne se sont pas interrompues.

En outre, le réchauffement de la température de l'air et des océans est un phénomène qui durera plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires en raison de son inertie.

Il se pourrait que le dernier rapport, paru en 2013, soit déjà pour partie dépassé. Des études évoquent un réchauffement possible de 6 à 7°C d'ici à 2100. Ces changements pourraient se poursuivre bien au-delà, si nous franchissons certains seuils de basculement irréversibles. Ainsi en serait-il de la fonte complète de la calotte polaire du Groenland qui entrainerait une élévation de la mer de 7 mètres, et de celle de l'Antarctique avec une montée de plusieurs dizaines de mètres.

En outre, il ne s'agit ici que de niveaux moyens. En termes de sécurité, ce sont les extrêmes que nous devons apprécier et pour cela il faut tenir compte des effets récurrents des marées et de la houle et de l'augmentation très probable en fréquence comme en intensité des évènements météorologiques extrêmes. L'Organisation météorologique mondiale (OMM) ne titrait-elle pas son dernier rapport 2001-2010 « Une décennie d'extrêmes climatiques » ?

Outre les risques accrus de submersion temporaire ou permanente, notamment dans les secteurs fragiles que constituent les côtes basses, les deltas qui, de surcroit, ont tendance à s'affaisser, et les îles à structure corallienne fragilisée par l'acidification des océans, autre conséquence du changement climatique, il faut tenir compte de l'érosion des côtes, de la salinisation des aquifères, des atteintes aux écosystèmes côtiers et des dommages causés aux infrastructures portuaires ou de protection.

Tous ces facteurs sont susceptibles de se combiner et d'accroître la vulnérabilité des territoires et des populations dans le monde entier, mais plus particulièrement dans les régions subtropicales en Asie du Sud, dans le Pacifique, dans les Caraïbes et en Amérique centrale jusqu'aux côtes sud-est des États-Unis, mais aussi en Méditerranée.

Les prévisions les plus pessimistes du GIEC ne doivent pas être prises à la légère, mais comme des hypothèses réalistes d'autant plus que la concentration des populations et des activités sur les côtes n'a fait que croître. Ainsi, plus de 20 % de la population mondiale vit à moins de 30 kilomètres des côtes. En 2035, 75 % de la population mondiale devrait vivre dans la grande zone côtière (150 km) soit près de 6,5 milliards d'habitants. Selon l'OMM, entre 1970 et 2010, l'effectif moyen de la population exposée chaque année aux inondations a augmenté de 114 %, et il a presque triplé s'agissant des régions frappées par les cyclones. Partout dans le monde ce sont des villes côtières qui détiennent des records de croissance urbaine. En France, les communes du littoral représentent 4 % du territoire mais 10 % de la population, sans oublier la population touristique, et le risque inondation concerne un Français sur quatre et un emploi sur trois.

Certains experts estiment qu'une hausse de la mer de 40 cm d'ici 2080, hypothèse optimiste, et en dépit de mesures de protection des côtes, ferait passer le nombre de personnes touchées annuellement par une inondation à 93 millions. Selon ce scénario, le plus lourd tribut serait supporté par les zones littorales de l'océan Indien et par les îles peuplées comme l'Indonésie ou les Philippines. Néanmoins, le développement de systèmes d'alertes précoces réduit le nombre de victimes des catastrophes.

Selon une étude de l'OCDE sur le coût des dommages pour les 136 plus grandes villes côtières, les dommages seraient de 63 milliards par an à l'horizon 2050 et, en l'absence de mesures d'adaptation, ils pourraient atteindre 1 000 milliards de dollars. Parmi les villes les plus exposées dominent des villes très peuplées, en croissance rapide, pauvres, exposées aux tempêtes tropicales et soumises à des affaissements. Selon cette étude, il conviendrait de dépenser 50 milliards de dollars par an pour protéger ces villes. Elle estime la réduction de l'aléa réalisable mais souligne que se survenance entraînerait des pertes plus élevées, ce qui démontre les limites des mesures de protection et la nécessité de se préparer à subir ces désastres en renforçant les programmes de résilience, y compris des systèmes d'alerte et d'évacuation, des schémas d'assurance plus souples et mieux adaptés, voire des politiques de prévention et d'aménagement du territoire avec de possibles relocalisations.

Cette étude est corroborée par celles menées par les principaux réassureurs qui estiment désormais que pour éviter une défaillance du marché, « l'articulation transfert de risque/ atténuation du risque devient indispensable ». L'analyse des risques fait aussi ressortir la plus grande vulnérabilité des pays pauvres, notamment de leurs habitants les plus déshérités, par rapport aux pays riches. Sans investissements majeurs, les habitats des zones basses, en particulier dans les pays en développement, disparaîtront ou migreront. Les facteurs de crise sociale s'en trouveront accrus.

Historiquement, l'émigration a toujours été une stratégie de survie pour échapper aux situations désespérées Il est donc probable que les détériorations de l'environnement entraîneront des déplacements importants de population et une pression migratoire plus forte.

S'il est difficile de quantifier le phénomène et d'attribuer au seul changement climatique la décision de se déplacer ou d'émigrer, des études démontrent qu'entre 2008 et 2013, 27,5 millions de personnes ont quitté leur foyer chaque année en raison de facteurs écologiques, dont 87 % en Asie. Ces quarante dernières années, le nombre de personnes déplacées par des catastrophes naturelles a augmenté de 60 %. Ces déplacements massifs sont surtout internes, limités au territoire d'un pays mais, en fonction des possibilités de revenir rapidement sur les lieux de vie ou de la capacité des États à assurer une qualité de vie acceptable, le déplacement intérieur peut se transformer en migration internationale.

Selon le dernier rapport du GIEC, une augmentation du niveau marin de 50 cm entraînerait le déplacement de 72 millions de personnes. L'ensemble des déplacés environnementaux pourraient, selon l'Organisation internationale des migrations, atteindre 200 millions d'ici à 2050.

Nous nous sommes interrogés sur les risques d'instabilité et de conflictualité dus à la dégradation des conditions de vie des populations en raison du changement climatique. Nous partageons les conclusions des auteurs de l'étude commandée par le G7 et publiée au cours de l'été : « Le changement climatique mettra sous tension nos systèmes économiques, sociaux et politiques. Là où les institutions et les gouvernements sont incapables d'apaiser ces tensions ou d'amortir les chocs, les risques d'instabilité pour les États et les sociétés augmenteront. Les principaux risques surviennent quand les impacts surchargent les États faibles. Le changement climatique est l'ultime multiplicateur de menaces, il aggravera des situations déjà fragiles et pourraient contribuer au déclenchement d'émeutes et même à des violents conflits », soit un renforcement du risque de la faiblesse, en quelque sorte.

À l'échelle internationale, la plupart des d'experts s'accordent sur une transformation importante de la géographie des productions et sur des risques aggravés pour la sécurité alimentaire dans les zones vulnérables. Les pays en voie de développement risquent de devenir de plus en plus dépendants des importations pour leur sécurité alimentaire. Les catastrophes de grande ampleur pourraient avoir des conséquences lourdes en termes d'approvisionnement et de désorganisation pour les économies développées. À défaut de partage des risques entre sphère privée et sphère publique, ou de mesures d'atténuation des risques, le secteur des assurances sera soumis à des fortes tensions qui pourront avoir des conséquences sur les marchés financiers.

Même les États apparemment stables pourraient être fragilisés en cas de pression forte ou de chocs trop importants qui ne puissent être résolus pacifiquement. À l'aune des tensions actuelles sur les questions migratoires, imaginez ce que la multiplication des États instables ou faillis aurait sur la sécurité internationale.

Nous évoquons aussi les risques de submersion de certaines îles de l'océan Indien et du Pacifique. Outre la tragédie pour les populations, le droit international sera confronté à ces situations inédites mais possibles d'ici la fin du siècle. Enfin, l'élargissement du fossé entre émetteurs du Nord et victimes du Sud renforcera le profond sentiment d'injustice.

Le risque accru de conflictualité ne peut être écarté : en témoignent l'indépendance du Bangladesh en 1971, la tragédie du Darfour et même le conflit syrien par certains de ces déterminants. Les corrélations ne suffisent pas à établir de causalités certaines mais l'impact amplificateur de certains évènements climatiques est très probable. Les recherches doivent se poursuivre sur ces questions.

Il existe aussi des raisons d'espérer : les changements climatiques sont un facteur de coopération internationale, tant au niveau local que global. Ils contraignent les populations à coopérer pour gérer collectivement des ressources raréfiées. La Conférence de Paris, si elle est un succès, en sera une illustration sans précédent, au niveau mondial.

Le rapport évoque les facteurs possibles de vulnérabilité liés au changement climatique pour les armées et le secteur de la défense au-delà de ces évolutions géopolitiques.

La montée du niveau de la mer aura un impact sur le droit de la mer et risque de créer des contentieux puisque la construction juridique de délimitation des zones en partie exclusives et de leur extension repose sur le trait de côte. La territorialisation progressive des espaces maritimes entre en conflit avec des phénomènes de recul du trait de côte plus ou moins accentué selon les États voisins ou riverains. En conséquence, le droit de la mer, qui est un droit encore jeune, pourrait être remis en cause.

Pour que l'ampleur de ces risques soit réduite, les émissions de gaz à effet de serre doivent être rapidement réduites : c'est tout l'enjeu de la COP 21 dont les objectifs sont un minimum : nombre d'experts sont convaincus que le seuil des incidences catastrophiques se situerait aux alentours de 1,5° plutôt que de 2°. En cas d'accord, souhaitons qu'il s'agisse d'une première étape qui enclenchera un mouvement vertueux plutôt que d'être considéré comme un aboutissement. En outre, cet accord devra effectivement être mis en oeuvre et les États et les organisations internationales devront se donnent les moyens de le contrôler et de l'adapter si les prévisions montrent de nouvelles dégradations.

Les conséquences d'un réchauffement, même limité et contrôlé, devront être assumées et des mesures d'adaptation devront être mises en oeuvre afin de protéger les populations des submersions, inondations et autres aléas climatiques. Il conviendra donc de mettre en place des protections en se défiant des « maladaptations », notamment des atteintes à l'environnement : ainsi, « les effets inattendus des décisions » sont un des sept risques identifiés par l'étude du G7. Des mécanismes de gestion de crise - alerte, secours, accompagnement des populations et reconstruction - devront être mis en place.

Grâce aux cartes des aléas, aux plans de prévention et d'aménagement, il conviendra d'éviter les constructions dans les zones à risques et d'envisager des relocalisations.

Nombre de pays n'auront pas les capacités techniques, juridiques et économiques nécessaires pour mener ces projets à bonne fin. Il faudra donc veiller à ce qu'ils bénéficient des transferts de technologie, de l'aide des pays développés et des organisations internationales.

La communauté internationale ne pourra éluder longtemps la question des déplacements de populations qui surgira inévitablement à l'occasion de catastrophes ou de la dégradation continue des conditions de vie. Elle aurait donc intérêt à anticiper ce risque pour prendre les mesures adéquates propres à limiter ces phénomènes en développant la résilience des territoires à risque et de leur population, en intervenant au plus tôt et au plus près en cas de crises pour secourir, rétablir les services aux populations et reconstruire, pour aider à la réinstallation là où elle est nécessaire en priorité dans le pays d'origine, et lorsque cela s'avèrera impossible, temporairement dans les pays frontaliers ou définitivement dans d'autres pays en prévoyant des mécanismes de répartition équitable entre les différents États et en organisant ces déplacements internes ou internationaux pour qu'ils puissent se dérouler en toute sécurité et dans la dignité.

Il faudra probablement définir les instruments juridiques les plus adaptés pour reconnaître des droits à ces personnes déplacées. Actuellement, elles ne sont pas considérées comme une catégorie distincte. La question des migrations consécutives à la disparition d'un État devra elle aussi être traitée en droit international. Il n'existe, en effet, aucun statut pour les migrants environnementaux, puisqu'ils n'entrent pas dans la définition des réfugiés au sens de la Convention des Nations unies de 1951. Leur statut pourrait relever du droit « souple », c'est-à-dire de principes directeurs, sans portée contraignante, du même type que les principes directeurs des Nations unies de 1998 relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays. C'est l'esprit de l'initiative Nansen, lancée par la Norvège et la Suisse en 2011, qui se fonde sur des consultations régionales et à la réflexion de laquelle la France s'est associée.

Nous invitons donc la France à intervenir dans les enceintes internationales, européennes et à agir sur son territoire.

Nos cinq premières propositions prônent des politiques d'atténuation. Ainsi, nous suggérons que les bailleurs nationaux ou internationaux n'apportent plus leur aide à l'exportation et au développement pour des projets d'extraction, de production ou recourant à une consommation excessive de produits carbonés afin de se réorienter vers les énergies nouvelles et l'efficacité énergétique. Nous devons également faire en sorte qu'ils soutiennent les projets susceptibles d'accroître la résilience des territoires et des populations aux risques de submersion ou d'inondation. Enfin, il convient de prévenir le développement anarchique des solutions de géo-ingénieries climatique.

Nos autres propositions prévoient la mise en place au niveau international ou régional adéquat de structures permettant l'intervention et le secours aux populations mais aussi la gestion de la crise dans la durée, la mise en place d'un système de prévention et de régulation des déplacements de populations reposant sur l'accroissement de la résilience, les secours et la reconstruction et un mécanisme de répartition équitable des personnes déplacées ne pouvant réintégrer leur pays.

En matière de droit de la mer, nous proposons de conserver les lignes de bases établies afin de ne pas rouvrir le dossier des délimitations là où des accords sont intervenus entre riverains et nous recommandons au gouvernement français d'accélérer, à titre préventif, les processus juridiques qui permettront à la France de stabiliser les lignes de bases et de faire valoir l'intégralité de ses droits sur son plateau continental étendu.

S'agissant de l'Union européenne, nos propositions déclinent en grande partie les orientations développées dans les enceintes internationales : soutien à la mise en oeuvre des mesures d'atténuation par la normalisation, le contrôle effectif et la répression des fraudes, développement de la recherche et de l'innovation, aide au déploiement de ces technologies.

Nous prônons également le renforcement de la coopération en matière de sécurité civile afin d'intervenir plus efficacement sur le territoire de l'Union et en dehors et des mesures de planification et de préparation des interventions afin de contribuer aux efforts de la communauté internationale en faveur des personnes déplacées.

S'agissant de l'Union européenne et de l'OTAN, nous encourageons la réflexion sur les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense à l'occasion des travaux de prospective et le renforcement de la coopération entre les États membres dans ce domaine.

Enfin au niveau national, nous insistons sur les politiques de prévention : suivi du niveau de la mer et de la morphologie des côtes, mise en place d'une cartographie des aléas, renforcement des Plans de prévention des risques inondations (PPRI) ou de submersion marine (PPRSM). Il convient en outre de travailler à la relocalisation des activités et de l'habitat dans les zones les plus risquées.

Nous demandons également le renforcement de la recherche et de la formation en matière de technologies innovantes de protection du littoral et d'une expertise internationale dans l'ensemble des domaines de la prévention et de la protection contre les risques de submersion et d'inondation.

S'agissant des migrations, nous invitons le gouvernement à planifier et à accompagner les efforts de la communauté internationale.

Enfin s'agissant plus spécifiquement du secteur de la défense, nous avons constaté un décalage important au niveau de la prise en compte du changement climatique dans la réflexion stratégique mais aussi - à l'exception des politiques d'efficacité énergétique - dans les déclinaisons opérationnelles, avec certains États étrangers comme les États-Unis. Plusieurs fonctions stratégiques, telles que définies par le Livre blanc, sont potentiellement concernées. La connaissance et l'anticipation, tout d'abord : le changement climatique doit être intégré aux travaux d'analyse des risques et menaces auxquels la France pourrait être directement ou indirectement confrontée au cours des prochaines décennies. La protection du territoire, ensuite : alors que l'opération Sentinelle protège le territoire et la population contre le terrorisme, nos forces seraient-elles en nombre suffisant si venaient s'ajouter à cette menace terroriste plusieurs catastrophes naturelles de grande ampleur ?

Il convient en outre de prévenir les crises au niveau international : l'accent doit être mis sur la prévention des tensions sur les ressources, notamment dans les régions pauvres ou les États fragiles, déjà déstabilisés.

Enfin, nous devons anticiper l'intervention de nos forces armées, afin de défendre nos intérêts et ceux de nos alliés. Le changement climatique est susceptible de faire évoluer les missions, les zones d'engagement, et donc les besoins capacitaires des armées. Des scénarii de crises humanitaires, liées à des catastrophes naturelles, doivent être envisagés, de même que des scénarii d'interventions conjointes civiles et militaires, au niveau international, qui impliqueraient coordination et complémentarité des capacités et équipements.

Nous souhaitons que cette problématique soit approfondie dans le prochain Livre blanc et, qu'auparavant, puissent être conduites un certain nombre d'études, notamment une analyse des vulnérabilités pouvant affecter les installations de la défense et des opérateurs d'importance vitale et une réflexion sur la répartition des compétences et des moyens entre les différentes forces en réponse aux risques de catastrophes en métropole, outre-mer et à l'étranger, comprenant l'utilisation des réserves.

Le 14 octobre, nous débattrons de toutes ces questions à l'École militaire, et je remercie M. Le Drian d'avoir organisé cette rencontre.

En conclusion, si la mobilisation à l'occasion de la COP 21 et les engagements des grandes puissances témoignent d'une prise de conscience des enjeux posés par le changement climatique, il n'est pas acquis que le résultat soit à la hauteur des objectifs. Et quand même cela serait, ce dont nous nous réjouirions, il ne sera pas un aboutissement mais une étape, un élan donné qu'il faudra conserver car, dans ce combat, l'endurance sera la qualité première.

Compte tenu des limites des données disponibles et des modèles de prévision, nous devons envisager les scénarii les plus pessimistes, s'agissant de la montée du niveau de la mer et de ses impacts. Les conséquences géostratégiques, que nous avons pu esquisser dans la limite des connaissances actuelles, risquent de s'en trouver aggraver.

Dans ce contexte, l'opposition entre pays développés et pays en développement risque de s'accentuer davantage encore, faisant croître les tensions.

Sans doute peut-on encore douter de cette réalité, ou garder une confiance absolue dans les capacités de l'intelligence humaine et de la science pour mettre au point des solutions qui protègeront ou atténueront le changement climatique sans nous imposer de bouleverser nos modes de vie, mais il est de la responsabilité du politique, sans sombrer dans un catastrophisme anxiogène, de faire entendre aujourd'hui une parole grave, fut-elle pessimiste, et de contribuer au débat, pour engager l'action.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Le rapport qui nous a été confié par la commission et par le président devait également faire le point sur l'Arctique.

Théâtre important de la guerre froide, l'Arctique suscite aujourd'hui un regain d'intérêt dont le réchauffement climatique est l'une des causes. Le recul des glaces pourrait faire émerger un nouvel espace d'échanges. L'Arctique, en se banalisant, sortirait de son statut de « périphérie » pour devenir une « nouvelle frontière ».

De nombreux pays se positionnent en prévision de cette évolution : c'est le cas de la Russie, qui revendique une large partie de l'Arctique, et souhaite réaffirmer sa puissance. C'est aussi le cas des autres pays de la région, qui veulent préserver leurs droits souverains, dont les États-Unis, avec l'Alaska, le Canada, la Norvège et le Danemark au nom du Groenland.

Des pays d'Europe et d'Asie ont manifesté leur intérêt pour les enjeux arctiques, tandis que la publication de la stratégie arctique française se fait attendre.

Pourquoi l'avenir de cette région concerne-t-elle l'ensemble de la planète ? L'Arctique est tout d'abord une « sentinelle avancée » du réchauffement climatique. Depuis 1875, l'Arctique s'est réchauffé approximativement deux fois plus rapidement que la moyenne globale de la planète. Dans le cadre de notre mission, nous nous sommes rendus en Norvège et notamment sur l'archipel du Svalbard, à 1000 km du pôle Nord, où les modifications de l'environnement et des paysages, provoquées par le réchauffement, sont spectaculaires.

Les glaciers, qui couvrent encore 60 % du territoire de l'archipel du Svalbard, reculent rapidement. La surface de la banquise s'est fortement réduite depuis 30 ans. Il est probable que, d'ici à 2050, l'océan Arctique sera libre de glace à la fin de l'été, et ce pour la première fois depuis 125 000 ans.

Ce qui se passe en Arctique a un effet accélérateur sur le changement climatique au niveau mondial. Si la fonte des glaciers du Svalbard provoque une élévation négligeable du niveau de la mer, celle des inlandsis calottes polaires du Groenland et de l'Antarctique, sur plusieurs siècles, pourrait avoir des effets dramatiques : la fonte des glaciers du Groenland représenterait, à elle seule, une hausse moyenne du niveau des mers de sept mètres et la fonte de l'Antarctique entraînerait une élévation apocalyptique de l'ordre de 56 mètres.

La disparition de la banquise n'entraîne pas d'augmentation du niveau de la mer mais contribue à réduire la réflexion de l'énergie solaire par les surfaces blanches (effet d'albédo), ce qui amplifie le réchauffement.

La fonte du pergélisol est aussi à l'origine d'un effet d'emballement mal pris en compte par les modèles climatiques et donc par le GIEC, d'où notre pessimisme. Le pergélisol recèle 1700 gigatonnes de carbone. Il représente 25 % des terres émergées de l'hémisphère nord mais pourrait perdre jusqu'à 90 % de son étendue d'ici à 2100. À titre de comparaison, l'objectif de la COP 21 est de ne pas dépasser 1 000 à 1 500 gigatonnes de CO2.

La fonte des glaciers, et leur dislocation sous forme d'icebergs, entraîne par ailleurs la libération de polluants issus de l'industrie et de l'agriculture, y compris des polluants radioactifs.

Enfin, c'est tout un écosystème fragile qui est bouleversé, et des espèces mises en danger de disparition, car non susceptibles de migrer plus au nord pour s'adapter aux conditions climatiques.

L'Arctique suscite un regain d'intérêt pour des raisons économiques mais aussi géopolitiques, à l'image de l'exploitation du charbon par la Norvège et par la Russie au Svalbard, dont la motivation principale n'est pas économique mais stratégique.

La position géographique du Svalbard a toujours suscité l'intérêt des grandes puissances, justifiant le statut particulier de cet archipel, régi par un traité de 1920 qui reconnaît la souveraineté de la Norvège sur cette zone, accorde aux autres parties la liberté d'exercer toute activité économique ou scientifique et interdit toute activité militaire. Ce statut est une exception en Arctique. Dans le reste de cette région, la souveraineté des États s'exerce pleinement, ainsi que le droit international de la mer.

Le réchauffement climatique accroît l'attractivité économique de l'Arctique, même si de nombreux obstacles demeurent au développement de cette région. Concernant la navigation, les routes du nord réduisent considérablement les distances entre les grands ports d'Europe du nord et ceux d'Asie. Par la route du nord-est, Hambourg est ainsi à 13 000 km de Tokyo, contre 21 000 km par le canal de Suez. Le trafic maritime a, de fait, connu une augmentation au cours des années récentes, mais cette augmentation reste timide. En 2013, deux navires commerciaux sont passés par le passage du Nord-Ouest et la Russie a déclaré 71 passages par la route du Nord-Est. Encore ce dernier chiffre inclut-il des navires à destination des villes du nord de la Russie, c'est-à-dire du trafic de destination et non de transit. Le trafic par la route maritime du nord de la Russie demeure aujourd'hui très inférieur à ce qu'il fut à l'époque de l'Union soviétique, et notamment à son maximum de 1987. Les évolutions actuelles résultent, au moins partiellement, d'un effet de rattrapage. Cette région demeure encore peu adaptée au transport international de marchandises. Elle permet peu d'escales et restera difficilement praticable une partie de l'année. Un trafic saisonnier entre l'Europe et l'Asie pourrait s'y développer, notamment par le Nord-Est, alors que le franchissement par le Nord-Ouest reste périlleux.

La pêche est d'ores et déjà bouleversée par les migrations d'espèces vers le nord, provoquées par le réchauffement. Ces évolutions sont susceptibles de remettre en cause les accords de pêche existant et d'en nécessiter de nouveau pour réguler les prises dans les eaux internationales de haute mer, au-delà des zones économiques exclusives des États côtiers.

Les cinq pays riverains des zones de haute mer de l'océan arctique ont signé, le 16 juillet 2015, une déclaration interdisant la pêche dans ces zones, tant que des mécanismes de gestion durable n'auront pas été mis en place.

L'extension des surfaces agricoles en direction du nord est une autre conséquence du réchauffement. Le dégel du pergélisol entraîne l'extension de terres agricoles, notamment en Sibérie orientale. Cette évolution intéresse la Chine, qui pourrait être davantage touchée par la sécheresse et où la pression sur les terres agricoles est forte, alors qu'a contrario la démographie de l'Extrême-Orient russe est déclinante. Un accord de mai 2015 permet la location à des investisseurs chinois de 150 000 hectares de terres agricoles en Sibérie orientale.

Enfin, l'Arctique est riche en ressources minérales et hydrocarbures. Il existe actuellement 400 gisements actifs de pétrole et gaz dans cette zone. La région est également riche en minerais : platine, nickel, terres rares... D'après des estimations américaines, l'Arctique pourrait receler 22 % des réserves de gaz et de pétrole restant à découvrir, soit 29 % des réserves de gaz et 10 % des réserves de pétrole. D'après Total, le chiffre de 15 % serait plus réaliste. Le permis accordé par le gouvernement américain à Shell en Alaska a relancé les spéculations sur l'intérêt des compagnies gazières et pétrolières pour cette région. Shell a toutefois annoncé récemment son retrait pour des raisons techniques et économiques.

Des obstacles demeurent, notamment les effets paradoxaux du réchauffement puisque celui-ci rend la météorologie plus imprévisible, déstabilise les infrastructures telles que ports, plateformes et oléoducs, fragilisés par la fonte du pergélisol, et réduit la période de praticabilité des routes de glace pour le transport. Cette situation complique considérablement la logistique des projets d'exploration et d'exploitation, qui demeurent très coûteux.

Sur le champ offshore Goliat, en mer de Barents (Norvège), le coût d'extraction est estimé à 110 dollars le baril, alors que les prix actuels sont moitié moindres. Seuls des cours élevés des matières premières pourraient réellement encourager les entreprises à se lancer dans des projets arctiques.

Le développement économique de cette région comporterait d'importants risques pour la sécurité et l'environnement, dans un contexte inhospitalier, imprévisible et insuffisamment doté en infrastructures et services. Nous avons constaté au Svalbard le développement du tourisme nordique, avec des bateaux de croisière de plusieurs milliers de passagers. Or, les autorités norvégiennes ne disposent pas des moyens suffisants en cas d'avarie.

Le regain d'intérêt pour l'Arctique pose la question de sa gouvernance régionale, alors que les enjeux sont mondiaux.

L'Arctique fait aujourd'hui figure de nouvelle scène internationale. Ainsi, des tensions apparaissent entre États riverains de l'Arctique. En 2007, la Russie a planté un drapeau au pôle Nord, par 4 000 mètres de fond sous la banquise. Le plateau continental sous l'océan arctique fait l'objet de revendications concurrentes de la part des pays de la région. La Commission des limites du plateau continental ne s'est pas encore prononcée. La non-ratification par les États-Unis de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer crée une incertitude supplémentaire.

Le statut des passages maritimes du Nord est contesté, dans la mesure où la Russie et le Canada les considèrent comme faisant partie de leurs eaux intérieures.

La Russie et la Norvège, qui ont une longue tradition de coopération, interprètent différemment le traité sur le Svalbard, concernant la zone des 200 milles marins autour de l'archipel. Les événements en Ukraine ont altéré les relations entre la Norvège et la Russie. Des dissensions sont possibles sur les droits de pêche ou l'exploitation des sous-sols.

Nous avons rencontré d'importantes ONG de Norvège préoccupées des tensions autour de l'Arctique, enjeu au moins aussi important que la Baltique.

Lors de l'exercice militaire surprise de mars 2015, 38 000 soldats russes ont été déployés dans le Grand Nord. En outre, la Russie remilitarise des bases abandonnées après l'URSS et poursuit un important programme d'équipements notamment en brise-glaces.

L'intérêt des pays asiatiques pour l'Arctique est manifeste : la Chine, le Japon et l'Inde ont été admis en 2013 comme observateurs au Conseil arctique. La Chine a, en particulier, une véritable stratégie pour cette région, cohérente avec sa politique d'investissement sur tous les continents, et souhaite prendre toute sa part dans les grands enjeux internationaux. La recherche polaire chinoise est très active, et ce pays, qui dispose déjà d'un brise-glace, en projette la construction d'un second.

En troisième lieu, l'indépendance du Groenland est un enjeu probablement sous-estimé. L'emplacement de ce territoire est stratégique ; il possède de nombreuses ressources, dont des terres rares, pour lesquelles l'Europe est très dépendante. Le Groenland s'est retiré de l'Union européenne en 1985 et pourrait, à l'avenir, en quittant le Danemark, se détourner encore un peu plus de l'Europe, pour s'orienter vers l'Amérique et vers l'Asie.

Dans ce contexte d'enjeux globaux, l'instance de gouvernance qu'est le Conseil arctique a un rôle limité.

Créé en 1996, le Conseil arctique n'est pas une organisation internationale mais un forum de huit pays voisins, qui se concentre sur la protection de l'environnement et celle des peuples autochtones. Les observateurs, dont la France, n'y jouent qu'un rôle marginal. L'Union européenne n'y est présente qu'à titre officieux. Contrairement aux pays asiatiques, elle n'a pas été admise comme observatrice permanente, en raison du contentieux existant sur le commerce de produits issus du phoque, malgré la présence en son sein de pays arctiques et sa contribution significative à la recherche polaire et au développement du Grand Nord.

Les pays riverains de l'Arctique ont des positions très souverainistes, souhaitant conserver l'exclusivité de la gouvernance de la région. Au sein même du Conseil de l'Arctique, la tentation est forte de gérer les problèmes à cinq plutôt qu'à huit, en excluant la Finlande, la Suède et l'Islande, États jugés subarctiques (déclaration d'Ilulissat en 2008).

Le Conseil arctique a toutefois appuyé les négociations auprès de l'Organisation maritime internationale (OMI), en vue de la définition d'un Code polaire pour la navigation, et il a permis la signature de deux traités, l'un sur la coordination des responsabilités en matière de recherche et de sauvetage (2011), et l'autre sur les mesures de lutte antipollution en cas de marée noire (2013). En revanche, les aspects militaires ne sont jamais abordés dans le cadre du Conseil arctique.

Nous formulons dans notre rapport plusieurs orientations afin de protéger l'Arctique, de consolider son statut et de favoriser le dialogue international. L'océan Arctique est le seul océan du globe dans lequel la France n'est pas territorialement présente, mais elle y possède néanmoins des intérêts directs et indirects d'ordre scientifique et environnemental, d'ordre économique et, enfin, d'ordre stratégique, en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'OTAN.

La conférence de Paris doit être l'occasion d'affirmer la volonté de la communauté internationale de préserver l'Arctique et de consolider son statut juridique, qui devra probablement s'appuyer sur des instruments sectoriels divers, à défaut de traité unique tel que celui qui régit l'Antarctique.

Il semble nécessaire d'encourager une régulation internationale de la pêche dans l'océan arctique, ainsi qu'un moratoire sur l'exploitation des ressources minières, gazières et pétrolières de la région, qui comporte de nombreux dangers.

S'agissant des enjeux stratégiques, le prochain Livre blanc devrait être l'occasion d'analyser les risques et menaces pour la France en Arctique et de réaffirmer l'intérêt de maintenir une compétence et une expérience française dans cette région.

Parvenir à un accord à Paris en décembre est essentiel, mais cet objectif ne doit pas faire oublier la nécessaire coopération en matière de changement climatique, telles que les migrations environnementales ou les transformations de l'Arctique.

Ces questions impliquent des solutions nouvelles et des coopérations internationales inédites afin de limiter les impacts de mutations devenues inéluctables, sinon dans leur ampleur, du moins dans leur principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

C'est une belle idée d'avoir présenté un rapport global puis un exemple précis.

Je salue M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission du développement durable sur ce sujet. En outre, il coordonne la réflexion du Sénat sur la COP 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Giraud

Il existe deux autres rapports parlementaires sur le sujet : celui de M. Gattolin et celui de MM. Gaymard et Mamère. L'intérêt suscité par ce sujet est révélateur.

Je confirme ce que nos deux rapporteurs ont dit de l'attitude de la Russie. En regardant la carte du monde vue du pôle Nord, il est plus facile de comprendre quels seront les problèmes internationaux qui risquent de survenir.

Ce rapport est important, car il alerte et met en garde notre pays. Le court-termisme ne doit pas occulter les grands enjeux qui se poseront à nous dans les décennies à venir et auxquels nous devons d'ores et déjà nous préparer. Enfin, je regrette la discrétion de l'Union européenne sur ces problématiques.

Une porte est ouverte : j'invite la commission à ne pas la refermer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Merci à nos deux collègues pour ce rapport important.

Jusqu'à présent, nos réflexions théologico-philosophiques reposaient sur la finitude de l'homme et l'infinitude de la nature. Or, ce schéma s'inverse : l'homme vit de plus en plus longtemps tandis que la nature se révèle fragile.

Au-delà des questions juridiques et territoriales, les déplacements de populations sont un enjeu majeur. Nos incapacités actuelles à accueillir les réfugiés syriens m'inquiètent pour l'avenir. Comment ferons-nous pour recevoir des centaines de milliers de réfugiés climatiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La COP 21 doit réussir et la France doit rester la sentinelle des consciences.

Avez-vous entendu M. Michel Rocard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Il était empêché. Nous avons auditionné M. Laurent Mayet, son adjoint.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

N'oublions pas d'évoquer l'alimentation des êtres humains d'ici la fin du siècle.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous avons traité de cette problématique dans le rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Les espaces agricoles vont évoluer. En France, la vigne va remonter plus au nord, et certaines cultures ne seront plus possibles dans le sud.

Le monde compte 4,5 milliards d'hectares de terres agricoles. Il serait intéressant d'étudier l'évolution de ces espaces.

Enfin, la Russie raisonne plus souvent en termes géostratégiques qu'en termes économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pouvez-vous militer en faveur d'une sobriété de la COP 21 ? Vous nous avez présenté des données crédibles et nous ne vous sentons portés par aucune idéologie. Prenons garde au scepticisme français en matière de réchauffement climatique. Alors que la COP 21 se tiendra à Paris, nous serons en pleine élection régionale. Militons pour la pédagogie, la sobriété pour que ce discours soit crédible et que droite et gauche parlent d'une même voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous évoquons la question agricole dans notre rapport : le changement climatique entraînera une baisse du rendement agricole alors que la population mondiale continuera de croître. Des terres agricoles vont disparaître alors que d'autres apparaîtront, notamment en Sibérie orientale, avec des risques de tensions entre la Russie et la Chine.

Je milite en faveur de la pédagogie par l'exemple. Qu'il y ait des climato-sceptiques, soit, mais les données scientifiques ne peuvent être niées. Nous ne pouvons pas plus accepter certaines thèses développées aux États-Unis qui estiment qu'il ne faut rien faire car les progrès de la technique dans les prochaines décennies permettront d'enrayer le phénomène actuel. Je suis loin de partager cet optimisme alors que les effets d'emballement se multiplient, notamment avec la fonte du permafrost.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Le nombre de climato-sceptiques tend à se réduire.

Je regrette que la question des réfugiés soit si peu traitée par notre pays, même si nous faisons partie de l'initiative Nansen.

Contrairement aux pays anglo-saxons qui, depuis le début des années 2000, travaillent sur les enjeux géopolitiques du réchauffement climatique, la France s'intéresse encore peu à ces questions. Après les États-Unis, la Chine consacre des crédits considérables aux recherches sur les conséquences du dérèglement climatique, car son opposition interne n'est pas politique mais environnementale.

Ce qui me frappe, c'est le décalage de perceptions entre les scientifiques et la classe politique et l'administration françaises. Tandis que les premiers évoquent une hausse des températures de quatre à cinq degrés, les politiques et l'administration n'évoquent qu'un et demi à deux degrés. Le temps médiatique et politique s'accommode très mal de la prospective sur le long terme.

Je remercie M. Le Drian qui, le 14 octobre, organise à l'École militaire un débat sur ces questions avec dix-huit ministres de la défense. M. Fabius clôturera la journée. En outre, j'organise la veille un colloque avec le général de Villiers, José Bové, Daniel Cohn Bendit et Brice Lalonde.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication de ce rapport d'information.

La réunion est levée à 19 h 56