Intervention de Michel Destot

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 octobre 2015 à 18h33
Financement de la liaison ferroviaire lyon-turin — Audition de Mm. Michel Bouvard sénateur et michel destot député

Michel Destot, député :

J'ai également grand plaisir à vous présenter les conclusions de cette mission parlementaire que nous avons réalisée au cours du premier semestre, à la demande du président de la République, qui entend poursuivre la réalisation de ce projet majeur, après MM. Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Nous avons travaillé avec Michel Bouvard en parfaite intelligence. Je salue aussi le concours de Christian Maisonnier, ingénieur des ponts et chaussées, ici présent.

Notre mission portait sur le financement de la construction de la partie française du tunnel de base transfrontalier de 57 kilomètres qui relie Suse, en Italie, à Saint-Jean-de-Maurienne, en France. Nous avons travaillé en lien avec les élus nationaux et locaux, les ministères, les instances européennes, ainsi que tous les acteurs économiques, en particulier les transporteurs.

Ce projet majeur participe au développement économique, non seulement du sud-est de la France et de l'Italie du Nord, mais aussi de la France, de l'Italie et de l'Europe dans leur ensemble. L'année 2015 a été décisive à cet égard. Au cours d'un sommet franco-italien, en février dernier, le président de la République et le président du Conseil italien se sont engagés définitivement à assurer la réalisation du tunnel de base. En juillet, la Commission européenne s'est engagée pour sa part à prendre en charge 40 % du projet, que l'Italie financera à hauteur de 35 % et la France de 25 %. La répartition des charges est équilibrée car les accès au tunnel sont plus importants du côté français que du côté italien. Le budget de ce tunnel de base est de 8,5 milliards d'euros. Les descenderies, tunnels techniques destinés à vérifier l'état de la roche et donner accès au tunnel de base, ont été déjà été creusées pour un coût de 1,5 milliard d'euros. Le chantier durera 12 ans, de 2018 à 2030.

Ce projet est majeur à l'égard du report modal dans l'arc alpin. Alors qu'aujourd'hui le franchissement des Alpes concerne à 90 % la route et à 10 % le rail, ce projet permettra de parvenir à l'équilibre, aussi bien pour les voyageurs que pour le fret.

Ce projet est aussi majeur d'un point de vue économique. L'Italie est le deuxième partenaire commercial de la France après l'Allemagne. L'axe Lyon-Turin confortera le corridor Séville-Budapest, qui concentre 18 % de la population européenne et réalise 17 % de son PIB. L'Allemagne et l'Europe de l'Est ont attiré les flux et les marchandises. Or la façade méditerranéenne bénéficie d'une démographie dynamique. La croissance économique doit l'accompagner. L'aménagement des corridors Nord-Sud, comme Londres-Milan, et Est-Ouest revêt donc une importance cruciale pour notre pays.

Neuf tunnels de base ferroviaires existent ou sont en cours de réalisation dans l'arc alpin. Les trois principaux sont le Lyon-Turin entre la France et l'Italie, le Brenner entre l'Italie et l'Autriche et le Saint-Gothard en Suisse.

Je l'ai dit, l'UE assurera 40 % du financement du tunnel de la liaison Lyon-Turin, l'Italie 35 % et la France 25 %, pour 2,1 milliards d'euros. Nous proposons un financement mixte, réparti entre crédits publics et privés. Le concours de l'État est nécessaire alors que les collectivités territoriales se sont déjà engagées à participer à la réalisation des accès au tunnel. Le reste proviendrait d'une Eurovignette, perçue dans la région alpine, définie de façon large, afin d'englober le littoral méditerranéen.

Nous proposons que sa mise en oeuvre soit progressive et mesurée pour éviter les détournements de trafic. Alors que la directive européenne Eurovignette nous autorise à augmenter les péages autoroutiers d'accès au tunnel de 25 %, nous proposons une hausse de 10 % dans les Alpes du Nord, car les tarifs y sont déjà élevés, et de 15 % sur l'A8, en accord avec les élus locaux, car celle-ci est engorgée et les tarifs des péages y sont plus faibles. Pas d'augmentation en revanche pour les tunnels alpins du Mont-Blanc et du Fréjus, mais la hausse intervenue ces dernières années pourrait être requalifiée. Ce plan d'ingénierie financière durerait 50 ans et serait porté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la Banque européenne d'investissement (BEI). Je rappelle que les tunnels du Lötschberg et du Saint-Gothard en Suisse ont été financés grâce à un fonds public spécial, alimenté par une redevance sur les poids lourds, la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur les hydrocarbures. Pour le tunnel du Brenner, l'Autriche a opté pour une Eurovignette, tandis que l'Italie a mobilisé des crédits budgétaires alimentés par une taxe autoroutière.

Une ligne ferroviaire entre la France et l'Italie à travers les Alpes existe déjà. Elle a été lancée en 1847, soit avant le rattachement de la Savoie à la France, tandis que le tunnel a été construit en 1871. Certains prétendent qu'il suffirait de la moderniser, mais son potentiel est entravé par la haute altitude et par des pentes supérieures à 3 %, qui limitent les charges des trains. Les tunnels de ce type sont abandonnés les uns après les autres dans les Alpes à cause de problèmes de sécurité.

D'aucuns qualifient ce projet de pharaonique. Il s'agit plutôt d'un enjeu majeur pour notre pays, l'Italie et l'Europe. Le seul projet aussi ambitieux a été le tunnel sous la Manche, formidable accélérateur de croissance, en dépit des multiples difficultés rencontrées lors de sa construction. Qui prétendrait encore qu'il fut une erreur ?

Le général de Gaulle disait que « la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit ». La liaison Lyon-Turin s'inscrit dans une veine gaullienne !

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