Le budget de la mission « Enseignement scolaire » est spectaculaire : 67 milliards d'euros en intégrant le versement au compte d'affectation spéciale « Pensions », 48 milliards d'euros hors contribution au CAS. Il pose la double question de sa soutenabilité par rapport à la loi de programmation des finances publiques et de la pertinence de la répartition des grandes masses entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire, dont le déséquilibre explique peut-être une partie des difficultés de notre pays en matière de formation.
S'agissant de la soutenabilité, la mission « Enseignement scolaire » dépasse régulièrement le plafond triennal fixé par les lois de programmation des finances publiques. En 2016, cet écart s'élèvera modestement à 132 millions d'euros. En 2014, alors que les crédits de la mission avaient été votés avec un dépassement de 210 millions d'euros, celui-ci s'est finalement élevé à 450 millions d'euros. Cet écart résulte notamment d'un glissement vieillissement-technicité (GVT) mal évalué, de nombreux enseignants ayant reporté leur départ à la retraite. Fin 2016, nous constaterons vraisemblablement un dépassement s'agissant des dépenses de personnel.
L'année 2016 sera une année que je qualifierais de « conservatrice ». Le schéma d'affectation des grandes masses n'évolue guère, comme si tout fonctionnait de manière satisfaisante. Les crédits du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » progressent de 400 millions d'euros, ce qui représente une augmentation d'environ 2 %. Cette évolution est positive s'agissant de notre point faible. Les crédits du programme 141 « Enseignement public du second degré » sont stables, hormis l'impact de l'acquisition de manuels conformes aux nouveaux programmes scolaires à la charge de l'État : 150 millions d'euros pour une première tranche en 2016, autant en 2017. Le programme 143 « Enseignement technique agricole » enregistre une progression de 0,70 % inférieure à celle constatée sur l'ensemble de la mission. Les dotations à l'enseignement privé évoluent de façon similaire à celles de l'enseignement public, même si les effectifs croissent plus rapidement que dans le public. La stabilité des crédits du programme 214, « Soutien de la politique de l'Éducation nationale », masque une évolution peu maîtrisée et préoccupante des dépenses consacrées aux grands chantiers informatiques.
La dépense en faveur de l'enseignement en France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE : elle est passée en trente ans de 5,7 % à 6 % du PIB, soit plus qu'en Allemagne et qu'en Italie, mais moins qu'aux États-Unis, en Finlande ou en Corée du Sud. En euros constants, du fait de l'augmentation du PIB, les dépenses totales sont passées de 66 milliards d'euros en 1980 à 129 milliards d'euros en 2014.
Plus préoccupants, les médiocres résultats aux enquêtes internationales s'expliquent en partie par les priorités inégales du ministère. La dépense française moyenne par élève du primaire atteint 83 % de la moyenne des pays de l'OCDE, contre 119 % pour un élève du secondaire : dans l'enseignement secondaire, il y a plus de programmes, plus de diversité, plus d'années d'enseignement et l'encadrement par élève est supérieur à la moyenne de l'OCDE : un enseignant pour 12,5 élèves en France contre un pour 13,5. Au contraire, ce taux est d'un pour 18,9 élèves dans l'enseignement primaire français, contre un pour 15,3 dans l'OCDE. Nous sommes donc confrontés à un problème d'affectation des moyens entre un primaire stratégique et un secondaire dispersé.
S'agissant des 55 000 créations de postes prévues dans l'éducation, les prévisions seront atteintes si le budget 2016 est voté et si le budget 2017 épouse la même ligne. Hormis le millier d'enseignants destinés à l'enseignement agricole, plus de la moitié des emplois - 26 000 - concernent des stagiaires. Il s'agit donc d'un exercice comptable. On se réjouit d'avoir 14 000 enseignants supplémentaires dans le primaire et 7 000 dans le secondaire ; ne faudrait-il pas transférer la totalité vers le primaire ? La création de 6 000 postes d'accompagnants est également prévue, qui ne seront pas nécessairement devant les élèves, sinon en doublon avec les enseignants.
Un tel effort quantitatif interdira l'évolution qualitative, qui serait nécessaire dans le secondaire notamment, où nous avons besoin de moins d'enseignants, mais de qualité et recrutés à un bon niveau. Un fort déséquilibre se fait jour entre le nombre de postes offerts aux concours, le nombre de candidats inscrits, le nombre de présents et le nombre d'admis, particulièrement en langues vivantes - notamment en anglais - en mathématiques, en lettres classiques, même si, semble-t-il, l'année 2015 est plus favorable. Quels enseignants voulons-nous, avec quelle carrière ? Le niveau des élèves à la sortie du secondaire ne peut que nous interpeller : nous savons les résultats des enquêtes Pisa et l'échec en première année de faculté montre que les mentions sont désormais le réel critère de valeur du baccalauréat.
Davantage de dépenses seront consacrées au numérique, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir. Ne sont retracées dans ce budget que les seules dépenses consacrées à la formation des enseignants. L'articulation des projets ministériels avec les actions des collectivités territoriales reste à déterminer. Il en va de même pour la prise en charge des activités périscolaires qui restent à la charge des collectivités territoriales. Je regrette également le report des décisions sur les bourses de lycée qui laisse les familles dans l'incertitude.
Par ailleurs, ce ministère n'arrive pas à sortir de son projet de système d'information Sirhen (système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale), dont le coût dépassera de 241 millions d'euros le budget initialement prévu.
Enfin, les opérateurs sont, dans une large mesure, exonérés des efforts demandés au ministère.
Ce budget est donc un budget de statu quo qui ne s'attaque en rien aux problèmes de l'enseignement scolaire. Si des chefs d'établissement s'engagent, des élus locaux sont partenaires, des familles s'impliquent, des mesures devraient également être prises telles que l'allègement du secondaire, le renforcement du primaire ou encore l'accompagnement de la diversité avec l'enseignement agricole, l'enseignement privé, l'apprentissage et l'autonomie des établissements.
Je proposerai donc l'adoption de ce budget sous réserve du vote de deux amendements que je présenterai.