Je partage l'analyse objective des chiffres réalisée par Gérard Longuet, et non son analyse du fond.
Avec plus de 67 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, la mission « Enseignement scolaire » reste le premier budget de la France. Derrière des chiffres témoignant de l'effort de la Nation en faveur de la formation de la jeunesse, il convient de s'interroger sur la politique mise en oeuvre, sur sa pertinence et sur son adéquation aux besoins. Les crédits sont en augmentation de 0,6 % par rapport à 2015. Il reste des problèmes de mise en oeuvre du budget et de mise en place des effectifs. Je ne reviendrai pas sur les besoins de l'enseignement primaire. Dans le secondaire, les 7 000 créations de postes seront insuffisantes car il reste des classes surchargées à 30 élèves.
Le budget 2016 s'inscrit dans la continuité des derniers exercices qui revenaient sur les 80 000 suppressions de postes décidées par le précédent Gouvernement. Ces coupes drastiques avaient été incomprises par le corps enseignant, victime d'une « souffrance ordinaire » selon les mots de Brigitte Gonthier-Maurin dans son rapport de 2012 sur le métier d'enseignant. La politique de recrutements est nécessaire et répond à un véritable besoin. La critique récurrente des soi-disant surnombres dans l'éducation nationale est dépassée, les coupes franches dans les effectifs sous le précédent quinquennat y ayant plus que répondu. Faut-il, dès lors, supprimer des postes de remplaçants, au risque de se retrouver avec des classes sans enseignant ? Faut-il supprimer des postes de directeurs d'école ou d'accompagnants d'élèves handicapés ? Je ne le crois pas. Ceux qui appellent à diminuer les effectifs sont les premiers à critiquer la fermeture de classes dans leur commune, dans leur département ou dans leur région. Un raisonnement comptable vaudrait-il à Paris mais pas en province ? Comment expliquer l'existence de surnombres qu'aucun d'entre nous ne constaterait localement ?
Les créations de postes prévues dans le présent projet de loi de finances répondront aux besoins des élèves et des enseignants et contribueront à la réduction des inégalités sociales et à la résorption de la fracture territoriale. C'est pourquoi je me félicite que l'objectif de 55 000 créations de postes sur le quinquennat puisse être atteint, même si, comme le notent certains syndicats d'enseignants, on ne perçoit pas toujours sur le terrain l'effet de ces annonces.
L'effort budgétaire est significatif mais cessons de considérer la mission « Enseignement scolaire » comme une dépense : c'est plutôt un investissement de la Nation dans sa jeunesse.
Je ne crois pas que nous ayons trop d'enseignants. Notre situation budgétaire nous oblige à prendre en compte la quantité, mais ne perdons pas de vue la qualité, revendication portée par les enseignants eux-mêmes. Pour autant, l'augmentation des effectifs ne saurait répondre à tous les défis du système scolaire français. Le problème vient de la mise en oeuvre de cette politique de rétablissement des moyens humains depuis 2012. La réforme du recrutement des enseignants de 2010, qui avait fait disparaître l'année de stage en alternance, a été difficile pour de nombreux jeunes enseignants. La création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) a permis la reconstitution d'une formation initiale demandée par les jeunes enseignants.
Pour autant, certains points demeurent en suspens. Les emplois d'avenir professeurs, qui seront progressivement remplacés par les contrats d'apprentis professeurs, permettent à des jeunes intéressés par les métiers de l'enseignement d'acquérir une première expérience même si, bien souvent, les travaux réalisés par ces jeunes le sont au détriment de leur formation. Il serait préférable d'instaurer une forme de pré-recrutement plutôt que d'avoir recours à ces étudiants qui ne doivent pas constituer un palliatif aux recrutements d'enseignants titulaires.
Des efforts de rémunération ont été consentis avec l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) dans le premier degré ou la revalorisation des indemnités perçues par les enseignants des établissements relevant de l'éducation prioritaire. Cependant, comment se satisfaire d'une situation où le pouvoir d'achat des enseignants a diminué de 1 % en 2013 ? Nous avons besoin d'enseignants plus nombreux et mieux formés, mais il ne faut pas faire l'impasse sur l'amélioration de leurs conditions matérielles.
Je partage les propos de Gérard Longuet sur l'accompagnement de la réforme des rythmes scolaires. La diminution des crédits destinés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires est regrettable dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités et de surcoûts dus aux réformes du collège et des programmes.
L'an dernier, j'avais attiré votre attention sur le manque de formations ou d'entreprises volontaires pour que les jeunes, notamment dans l'enseignement technique agricole, puissent réaliser leur alternance, alors que certains métiers connaissent une pénurie de main-d'oeuvre. À l'inverse d'une surabondance d'options, nous constatons une inadéquation de l'offre de formation.
Ce budget n'est donc pas parfait mais certaines mesures vont dans le bon sens, bien que souvent insuffisantes ou inachevées. Sous le bénéfice de ces observations et sans préjuger des amendements qui seront présentés par Gérard Longuet, je vous propose de vous abstenir sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».