La mission « Économie » rassemble une série de d'instruments destinés à soutenir la croissance des entreprises, et notamment des PME de l'artisanat, du commerce et de l'industrie, sous forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales. Elle porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes (AAI) et des opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques.
Les crédits demandés au titre de l'année 2016 s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, en baisse de 4,7 % (- 83 millions d'euros) : l'effort de maîtrise des dépenses publiques est supérieur de 51 millions d'euros à ce qui était prévu dans la programmation triennale.
Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » porte à lui seul la moitié de ces crédits. Les dépenses de personnel et de fonctionnement et les subventions aux différents opérateurs affichent une stabilité globale : de fait, ces dépenses sont relativement rigides, même s'il reste des marges de manoeuvre, par exemple du fait de la fusion entre Ubifrance et l'agence française des investissements internationaux (AFII) en un opérateur commun dénommé Business France.
L'effort budgétaire repose donc principalement sur une réduction des aides aux entreprises, ce qui est une occasion de rationaliser des dispositifs complexes, éclatés, et peu évalués.
La dotation du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), par exemple, baisse à 15 millions d'euros en 2016. Grâce à la réforme de son fonctionnement, en 2014, il est passé d'une logique de guichet, propice aux effets d'aubaine, à une logique d'appels à projets, ciblés sur des chantiers porteurs, dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Depuis la suppression du comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), les aides aux stations-service de proximité sont prises en charge par le Fisac. La poursuite de ces aides, souvent très importantes pour le maillage territorial, doit beaucoup à la mobilisation du Sénat l'année dernière, et particulièrement de la présidente Michèle André. Toutefois, deux interrogations demeurent : comment adapter les critères d'éligibilité au Fisac, très restrictifs, aux spécificités des stations-service ? Et qu'en est-il des 2 200 dossiers en stock ? L'enveloppe de 12,5 millions d'euros que le Gouvernement s'est engagé à débloquer ne figure nulle part dans le programme.
Quant au programme 220, qui porte les crédits de l'Insee, il représente 437 millions d'euros en 2016, en baisse de 2,6 %. Les économies sur les dépenses de fonctionnement et de personnel auraient pu être encore plus importantes si le déménagement vers le nouveau centre statistique de Metz ne connaissait pas quelques vicissitudes.
Le programme 305 représente 427 millions d'euros. Sa forte baisse, de 7,7 %, est imputable à la diminution tendancielle de la subvention à la Banque de France, notamment grâce aux gains de productivité et à l'allègement des procédures de surendettement. La subvention est passée de 317 millions d'euros en 2011 à 252 millions d'euros en 2016. Quelques progrès sont également constatés dans le regroupement des services économiques à l'étranger.
Le programme 343 porte la participation de l'État au plan « France très haut débit », qui déploiera un réseau de fibres optiques à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers en 2017. Le déploiement des nouveaux réseaux à très haut débit représente plus de 22 milliards d'euros d'investissement sur les dix prochaines années, soit : 6 à 7 milliards d'euros investis par les opérateurs privés pour assurer la couverture des 3 600 communes les plus denses, avec 55 % des locaux à usage professionnel regroupés sur 10 % du territoire ; 13 à 14 milliards d'euros investis dans les « réseaux d'initiative publique » (RIP) déployés par les collectivités territoriales, l'État apportant pour sa part 3 milliards d'euros d'ici 2022, soit près de la moitié du financement public. Deux outils sont prévus à cette fin : le fonds national pour la société numérique (FSN) et le programme 343, qui prendra le relais à partir de 2015, sur un montant de financement de 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2022. Pour 2016, 188 millions d'euros sont débloqués, après les 1 412 millions d'euros prévus en 2015 et avant les 150 millions d'euros en 2017.
Même si nous soutenons avec force le plan « France très haut débit », nous conservons deux réserves. D'une part, le délai de dix ans prévu pour la couverture du territoire semble trop long au regard de la rapidité des transformations induites par la révolution numérique. D'autre part, les abonnés qui bénéficieront d'une couverture plus rapide au titre de la zone dense, fin 2017, ne contribuent pas directement au financement d'un meilleur déploiement dans les zones non denses pour réduire la fracture numérique. Par conséquent, nous suggérons de mettre en place un dispositif de « péréquation numérique », qui pourrait prendre la forme d'une contribution prélevée sur les abonnements à Internet des particuliers et entreprises bénéficiant de la couverture en zone dense, et dont le produit serait affecté au financement des réseaux d'initiative publique dans les zones les moins rentables.
S'agissant du numérique, notre commission des finances a constitué un groupe de travail transversal et non partisan, qui a présenté deux rapports, le 17 septembre 2015 : « L'économie collaborative : propositions pour une fiscalité juste, simple et efficace », et « le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source ». Nous présenterons ces propositions aujourd'hui à Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique.
Enfin, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » porte les 200 millions d'euros de crédits du fonds pour le développement économique et social (FDES), réactivé en 2014. Il soutient des PME industrielles qui peinent à trouver des financements, mais qui sont viables sur le long terme. Nous estimons que l'État est ici dans son rôle : il ne faut pas laisser les aléas de la crise détruire des industries et des emplois qui ont un avenir.
Les crédits budgétaires de la mission « Économie » (1,7 milliard d'euros) apparaissent bien modestes au regard des 20 milliards d'euros de dépenses fiscales qui y sont rattachées. La principale est bien sûr le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui est monté en puissance et représente à lui seul 13 milliards d'euros. Le rapport 2015 du comité de suivi du CICE fait par France Stratégie montre, dans une enquête, que ce crédit d'impôt est plébiscité par les entreprises, qui peuvent l'affecter comme elles le veulent : dans le secteur des services, 54 % l'utilisent pour créer des emplois, et 35 % dans le secteur de l'industrie ; 46 % l'utilisent pour augmenter les salaires dans les services, et 31 % dans l'industrie ; 53 % s'en servent pour conforter leurs résultats d'exploitation dans les services, et 52 % dans l'industrie ; 61 % l'emploient pour investir dans les services, et 65 % dans l'industrie. Enfin, elles sont 35 % dans les services et 25 % dans l'industrie à considérer que le CICE peut permettre une baisse du prix de vente, ce qui signifie qu'il ne sert pas à augmenter la marge.
D'après France Stratégie, le CICE est à 70 % consommé par les micro-entreprises, les PME et les ETI, et seulement 30 % par les grandes entreprises : il convient donc de modérer les critiques qui avaient été faites à ce sujet. Néanmoins, la limite de 2,5 % du SMIC ne bénéficie pas aux entreprises qui versent des salaires élevés - sans pour autant que leurs résultats s'en ressentent, car celles-ci sont souvent exportatrices, et bénéficient donc de compléments de subventions ou d'exonérations particulières. Dans l'ensemble, le CICE a un effet de levier intéressant.
Nous saluons également le suramortissement de 40 % annoncé par le Premier ministre, en avril dernier, et qui vise spécifiquement les investissements productifs. Cette mesure, complémentaire du CICE, est proche dans son esprit de notre proposition de l'an dernier, qui avait été adoptée à la quasi-unanimité du Sénat.
D'autres dépenses fiscales apparaissent mal calibrées, même s'il est difficile d'être complet. Par exemple, l'amortissement exceptionnel des logiciels acquis par les entreprises représente 90 milliards d'euros pour 2 400 bénéficiaires, soit en moyenne 37 500 euros par entreprise, ce qui suggère que de grands groupes en tirent un avantage substantiel. Il pourrait être opportun de limiter son bénéfice aux PME et aux ETI, et le cas échéant d'utiliser les ressources libérées pour favoriser des investissements innovants. Nous ferons des propositions à ce sujet.