Intervention de Richard Yung

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 octobre 2015 à 9h16
Loi de finances pour 2016 — Mission « action extérieure de l'état » et communication sur le contrôle budgétaire sur la délivrance des visas - examen du rapport spécial

Photo de Richard YungRichard Yung, rapporteur spécial :

Le programme 151 concerne l'administration des Français de l'étranger et les affaires consulaires. Ses crédits, d'environ 370 millions d'euros, connaissent une légère baisse résultant de deux évolutions contraires.

Les dépenses d'administration des Français de l'étranger sont en hausse. Cela s'explique par les recrutements, comme les années passées, de personnel pour l'instruction des visas, afin d'en accélérer la délivrance. C'est le seul endroit où les effectifs augmentent, grâce à un relèvement de 10 ETP du plafond d'emplois des consulats. Autre explication : les dépenses de tournées consulaires et de préparation des élections augmenteront l'an prochain.

A l'inverse, les bourses scolaires aux élèves français des quelque 490 établissements dépendant de l'AEFE diminuent. Les crédits correspondant baissent de 10 millions d'euros par rapport à 2015, pour s'établir à 115,5 millions d'euros. Cette baisse, de même que la faible consommation estimée pour 2015 - 102 millions d'euros - contredisent l'engagement pris lors de la réforme du système d'aide à la scolarité en 2013, qui était de parvenir à un montant global de 125 millions d'euros. Après constitution de la réserve de précaution, il ne restera plus en 2016 que 108 millions d'euros de crédits disponibles. Certes, une réforme des aides à la scolarité était nécessaire. Le nombre d'enfants bénéficiaires est passé de 25 000 à 26 000, et nous pouvons faire encore plus. Mais la quotité prise en charge s'est réduite, ce qui n'est pas sans créer de réelles difficultés. Je crois donc que le niveau de 125 millions d'euros doit rester l'objectif si nous voulons garantir l'accès de tous nos enfants au réseau d'enseignement français à l'étranger.

C'est pourquoi nous vous proposons un amendement augmentant de 5 millions d'euros le montant des bourses. Comment est-il financé ? Non par une taxe sur le tabac, mais par la mise en oeuvre d'une de nos préconisations relative à la délivrance des visas dans les consulats.

Cette activité se situe au croisement de plusieurs problématiques - sécurité et immigration, attractivité et tourisme - et engendre des recettes. Nous avons donc choisi d'en faire l'objet d'un contrôle budgétaire en 2015 et d'analyser son efficacité afin de garantir la croissance de cette recette non fiscale, qui s'élevait à 160 millions d'euros en 2014. Cette année-là, la France a instruit 3,2 millions de demandes de visas et en a délivré 2,8 millions, dont 2,5 millions étaient des visas de court séjour valables pour l'ensemble de l'espace Schengen. La France est le premier pays européen en termes de demandes de visas, celles-ci provenant essentiellement de Russie et de Chine. Leur instruction est une activité productive et rentable de notre administration. Son produit pourrait atteindre 250 millions d'euros en 2018 si la tendance de progression du nombre d'arrivées se poursuit. La délivrance des visas Schengen en 48 heures dans plusieurs grands pays d'Asie est, à cet égard, bienvenue. L'instruction des demandes de visa coûtant, en dépenses de personnel et de fonctionnement, environ 120 millions d'euros par an, soit 40 euros par visa demandé, ou un quart du produit total, correspond un bénéfice net pour l'État. C'est d'autant plus remarquable que le prix des visas est fixé au niveau communautaire.

L'exemple du consulat de Dubaï, où Éric Doligé a effectué une mission, montre bien que le nombre de demandes de visa n'est pas un stock fini. Au contraire, il est très élastique à la rapidité de l'instruction. Il est donc légitime de renforcer les effectifs des consulats consacrés à cette activité dans les postes où la demande est forte, notamment en Chine, en Inde ou dans les pays du Golfe. Pour financer cet accroissement des moyens humains, nous proposons d'intéresser les consulats à la recette qu'ils produisent en créant un système d'attribution de produits. Le ministère des affaires étrangères se verrait attribuer une fraction du bénéfice issu de l'augmentation de la recette. Un tel mécanisme existait il y a plusieurs années, mais Bercy a récupéré depuis la totalité de la recette. Ce système n'est pas inscrit dans le projet annuel de performances (PAP) pour 2016, mais le ministère nous a indiqué avoir recueilli l'accord de Bercy pour qu'il entre en vigueur dès le 1er janvier 2016. Ainsi, le ministère conservera, sur la recette des visas, environ six millions d'euros par an. Il prévoit d'affecter un million d'euros au renforcement des effectifs et cinq millions d'euros à Atout France, agence de promotion à l'étranger du tourisme en France qu'il vient de faire entrer dans son périmètre. Toutefois, cette intention n'est pas indiquée dans le PAP ni dans le budget de l'opérateur.

Atout France est un opérateur utile et nécessaire. Ses missions et son statut font l'objet d'une mission d'inspection conjointe de l'inspection générale des affaires étrangères et de l'inspection générale des finances et devraient évoluer l'an prochain. Cependant, en contrepartie de l'abondement de cinq millions d'euros non inscrit dans le bleu budgétaire, nous proposons de réduire de 5 millions d'euros la subvention qui lui est versée. Cela rétablit la sincérité de la présentation du budget de l'opérateur. De plus, dans un contexte de réduction des dépenses des opérateurs, il n'est pas justifié d'augmenter de presque 10 % le budget d'un opérateur avant d'avoir redéfini ses missions - et surtout avant d'avoir précisé la part que le secteur privé doit prendre à son financement. Ainsi, l'amendement de crédits que nous vous proposons retire cinq millions d'euros au programme 185, sur la subvention d'Atout France, pour les affecter aux bourses scolaires du programme 151, étant entendu que le mécanisme d'attribution des produits des visas compensera, pour Atout France, cette réduction.

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