Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat d’aujourd’hui peut vous sembler tardif. De fait, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, tout est déjà réglé entre la France et la Russie. Par ailleurs, il a été annoncé la semaine dernière que les deux bâtiments en cause étaient déjà presque revendus à l’Égypte, ce que vous venez de nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, je voudrais saisir cette occasion pour lever quelques interrogations.

Comme certains ont peut-être la mémoire courte, je voudrais tout d’abord rappeler que la décision prise par la France de vendre ces équipements militaires à la Russie en 2011 s’inscrivait dans un contexte favorable. §Les relations économiques entre nos deux pays s’étaient considérablement développées et la Russie était alors, malgré le coup de force en Géorgie à l’été 2008, considérée comme un partenaire digne de confiance.

Le contrat de vente prévoyait, pour 1, 2 milliard d’euros, la fourniture de deux BPC de classe Mistral : le Vladivostok au 1er novembre 2014 et le Sébastopol au 1er novembre 2015.

Alors que la coopération avec les Russes se déroulait dans les meilleures conditions, elle a été, comme vous le savez, brutalement remise en cause le 3 septembre 2014 quand le Président de la République a déclaré que les conditions n’étaient pas réunies pour que la France autorise la livraison du premier BPC.

Les événements survenus en Ukraine au cours de l’année 2014 bouleversaient évidemment le contexte dans lequel s’inscrivait l’exécution du contrat.

Les violations graves du droit international dont la Russie s’était rendue coupable à travers l’annexion de la Crimée et le soutien militaire apporté aux séparatistes dans l’est du pays avaient conduit l’Union européenne et d’autres pays occidentaux à adopter plusieurs trains de sanctions, parmi lesquelles un embargo sur le commerce des armes.

Or, mes chers collègues, cet embargo n’était pas rétroactif et ne s’appliquait en principe qu’aux contrats conclus après le 1er août 2014. C’est donc politiquement qu’il est apparu difficile de poursuivre l’exécution comme si rien ne s’était passé, d’autant qu’un certain nombre de partenaires de la France avaient fait part à cette dernière de leurs inquiétudes. Certains ont pu regretter alors que notre pays ait à ce point « subi » la pression de ses « alliés » à la veille du sommet de Newport et donné l’impression de « s’aligner »...

La suspension de l’exécution plaçait alors la France dans une situation inconfortable, l’État comme DCNS étant exposés à un risque de contentieux long et coûteux, empêchant toute revente. Les Russes, de leur côté, avaient intérêt à isoler cet « irritant » du reste des dossiers diplomatiques en cours.

C’est dans ce contexte que les pourparlers engagés au début de l’année 2015 ont abouti, le 5 août dernier, à la signature de deux accords intergouvernementaux, dont un seul nous est soumis, consacrant la reconnaissance de la propriété des BPC à la France, fixant le montant de la transaction et reconnaissant à la France le droit de réexporter ces bâtiments.

Ces deux accords, soulignons-le, sont entrés en vigueur le 5 août dernier, car la Russie voulait percevoir la somme le jour de la signature. L’autorisation demandée au Parlement n’a donc qu’une portée assez relative, vous en conviendrez, puisqu’il nous est demandé de ratifier a posteriori un accord déjà financièrement exécuté...

Sur le fond, la commission des affaires étrangères prend acte de la solution sur laquelle les parties se sont accordées.

La Russie récupère les sommes qu’elle avait dépensées, soit 949, 7 millions d’euros, dont 892, 9 millions d’euros au titre des avances et 56, 8 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de formation des équipages. Elle récupère également les équipements installés par elle sur les BPC et obtient, en outre, gratuitement – puisqu’ils ne peuvent être récupérés – les savoir-faire et technologies transférés.

De son côté, la France n’a remboursé à la Russie que les seules dépenses directement liées à la construction des BPC, à l’exclusion de toute indemnisation morale, pénalité ou autre coût indirect, comme l’aménagement des quais de la nouvelle base navale de Vladivostok. Surtout, la France a obtenu le droit de réexporter les bâtiments vers un État tiers, sous réserve d’en avoir préalablement informé par écrit la Russie. Cette question de la revente était essentielle. On ne peut que se féliciter, pour le constructeur, pour les sous-traitants, pour les salariés, pour la France, de cette perspective de revente. L’accord assure également la protection des savoir-faire et technologies transférés à la Russie, en conditionnant tout transfert à un pays tiers à l’autorisation préalable de la France.

J’en viens maintenant à la question clef. Quel sera le coût de cette affaire pour l’État et pour les industriels ?

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