Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

… qui n’ont pas ménagé leur peine pour la célérité et l’efficacité avec lesquelles ils ont su mener ces négociations a priori difficiles.

Maintenant, il convient de rappeler un peu l’histoire de la vente de ces navires. Je me souviens que cette vente n’allait pas de soi. Elle avait rencontré des réserves des deux parties. Et des partisans de la transaction au sein de l’administration Russe, je pense en particulier à l’ex-ministre de la défense, ont peut-être quitté leur fonction sous la pression du lobby militaro-industriel russe. Une partie de notre propre état-major, un an après la guerre russo-géorgienne, n’y était guère favorable non plus, d’autant que le chef d’état-major russe avait déclaré bruyamment, peu avant, que la guerre contre la Géorgie aurait été menée plus efficacement si la Russie avait disposé de pareils bâtiments. La Pologne ainsi que d’autres ex-membres du Pacte de Varsovie, aujourd’hui membres de l’Union européenne et de l’OTAN, et ceux ici qui participent régulièrement aux travaux de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN le savent bien, nous avaient fait part de leur inquiétude, de leur étonnement – le mot est faible – et de leur mécontentement. On peut les comprendre au vu de l’histoire récente. La décision de vendre était un choix risqué, mais assumé. Après l’annexion de la Crimée par la Russie et ses menées militaires dans le Donbass, il n’était plus possible de traiter cette transaction sous un angle purement commercial.

Qu’aurait-on pensé si l’on avait retrouvé l’un ou l’autre de ces bâtiments en mer Noire au moment où la France s’impliquait avec son partenaire allemand dans le règlement de la crise ukrainienne ? Serait-elle parvenue à mener les négociations qui ont abouti aux accords de Minsk de septembre 2014 et de février 2015 ?

Par ailleurs, et vous le savez, la France a participé activement, au sein de l’Union européenne, à la mise en place d’un embargo sur les ventes d’armes et sur les biens à double usage, décidé le 31 juillet 2014 et mis en œuvre dès le lendemain. Un second train de mesures était intervenu le 14 septembre, quelques jours après la décision présidentielle de suspendre la livraison des bâtiments. Dès lors, comme l’a très justement souligné le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il devenait intenable politiquement de détacher la question de la livraison de ces bâtiments de l’embargo. En effet, même si ces dispositifs ne portaient que sur les contrats à venir et n’incluaient donc pas ces bâtiments, il aurait paru incongru que la France livre des armements de cette importance à un État dont on savait la responsabilité dans ces crises.

C’est donc bien en s’appuyant sur le point 4 de l’article 2 de la « Position commune européenne », qui interdit toute exportation d’armes menaçant de déséquilibrer la paix et la stabilité d’une région, que s’est fondée la décision du Président de la République de suspendre puis d’annuler ce contrat.

Au fond, nous pouvons le dire maintenant, les raisons qui ont empêché leur livraison sont celles qui auraient pu, en son temps, empêcher leur vente.

La vente des armes, nous le savons, n’est pas un commerce comme les autres ; elle obéit à des logiques en étroites interactions avec la politique extérieure, et c’est elle qui doit en dicter le sens et le contenu. Souhaitons que, dans les futures transactions, nous ne soyons pas confrontés une nouvelle fois à une situation similaire.

S’agissant de nous, parlementaires, peut-être que cette affaire est l’occasion de regarder comment on peut améliorer le contrôle effectif du Parlement en matière d’exportation d’armements.

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