Intervention de André Trillard

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André TrillardAndré Trillard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cet après-midi, nous devons nous prononcer sur un accord international d’un genre particulier. Jusqu’alors, nous avions plutôt l’habitude de voter en faveur d’accords de coopération, dans les domaines militaire, éducatif, culturel et judiciaire.

Il s’agit aujourd’hui d’approuver un projet de loi concernant la rupture d’un accord entre la France et la Russie, dont la relation d’amitié est ancienne.

Avant d’aborder des questions techniques, je souhaite formuler quelques remarques.

Le projet qui nous est soumis prend la forme de deux accords intergouvernementaux. C’est sur le second que nous devons nous prononcer, conformément à l’article 53 de la Constitution, qui a été abondamment évoqué.

Négocié par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et le vice-Premier ministre russe sous la forme d’échange de lettres, il précise les modalités de la transaction et reconnaît à la France le droit de réexporter les bâtiments après information de la partie russe.

Tout d’abord, je constate que nous examinons un accord qui est déjà en vigueur. Cela fait bientôt deux mois que la Russie est remboursée et indemnisée ! Il y aurait beaucoup à dire sur la réactivité du Gouvernement et son empressement à consulter la représentation nationale. Accepter un paiement à la Russie au lendemain de la signature n’est pas conforme à l’article 53 de la Constitution.

Ensuite, on ne peut que regretter que le dossier Mistral n’ait pas fait l’objet d’un débat au Parlement, en amont même de la signature de l’accord du 5 août, et avant les négociations. L’annulation de la vente des Mistral impacte les finances de l’État, en particulier le programme 146 du budget de la défense.

Cela est d’autant plus dommageable que, il y a moins de trois mois, lors de l’examen de la révision de la loi de programmation militaire, on nous assurait que les budgets seraient stabilisés. Or, après avoir attentivement écouté les rapporteurs du texte, j’observe que le programme 146 est devenu un « amortisseur » de Mistral.

J’ai toute confiance en nos rapporteurs budgétaires qui, à l’occasion de l’examen de la loi de finances, ne manqueront pas de nous détailler les conséquences de cet accord.

J’en viens maintenant aux questions de fond. Chacun d’entre nous a pu mesurer à quel point le sujet était complexe. En tant que puissance diplomatique et exportateur mondial d’armement, la France doit concilier éthique, responsabilité internationale et intérêts nationaux.

Aussi, ce débat doit être l’occasion d’une mise en perspective tant sur les faits que sur la méthode du Gouvernement. L’occasion pour nous de ne pas se contenter seulement du « happy-end » issu de la revente de ces deux bateaux.

Mes chers collègues, je m’interroge sur la réalité des arguments invoqués par le Gouvernement et sur les conséquences de ses choix dans le temps.

Premièrement, au regard du contexte géopolitique : la crise ukrainienne, l’annexion de la Crimée par la Russie, les violences dans la région du Donbass et les accords de Minsk de février 2015.

Oui, les violations du droit international sont inacceptables. Oui, la politique étrangère russe implique une mobilisation et une réaction proportionnelle à la gravité des faits.

Cependant, la parole et les engagements de la France peuvent-ils supporter de tels revirements, alors même que c’est le respect de la parole et des actes qui ont forgé sa crédibilité sur la scène internationale ?

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