Intervention de André Trillard

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André TrillardAndré Trillard :

Vous nous avez expliqué ensuite qu’en tant que pays négociateur dans les accords de Minsk, le dossier Mistral constituait un handicap pour notre diplomatie.

D’un côté, nous soutenions les sanctions économiques et l’embargo sur les armes et, de l’autre, nous refusions d’honorer un contrat d’armement payé par les Russes, et antérieur à l’embargo.

Pour ma part, je pense qu’il est possible de sortir de ce cadre bien rodé. Ce n’est pas la livraison des Mistral qui a porté préjudice à la France, c’est la « non-décision » et le statu quo qui ont fragilisé notre action.

Vous présentez ces accords comme le résultat d’un choix et d’un acte d’indépendance de la France. Nous pouvons en douter, car les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Pologne et les États baltes ont explicitement demandé à la France de suspendre ces livraisons.

Dans les résolutions de crise, l’Europe doit réussir à parler d’une seule voix. Néanmoins, l’unité de l’Union européenne n’implique pas pour la France de perdre sa singularité.

En outre, diaboliser un pays et ses dirigeants est une politique infructueuse. Cela exacerbe les tensions entre les nations. Ces reflexes motivés par l’émotion et par la quête du geste fort sont précisément aux antipodes de l’exercice diplomatique. Nous le constatons chaque jour : en Iran, seul un dialogue ouvert mais ferme a permis un accord historique sur le nucléaire ; en Syrie, après quatre ans de guerre, chacun s’accorde enfin sur le fait qu’aucune transition ne sera possible sans un dialogue avec toutes les parties, même si la France fait plutôt un choix différent.

Sur toutes les travées, nous sommes attachés au respect du droit international et à l’intégrité territoriale des États.

Malgré le cessez-le-feu et les accords de Minsk, le processus n’est pas terminé et la solution politique est encore inaboutie.

Deuxièmement, vous nous dites que l’accord permet une paix juridique pour les entreprises françaises et que nous devrions, de ce fait, souscrire à ce projet de loi. Ce n’est pas aussi évident.

Oui, l’accord permet à DCNS d’échapper à des pénalités de retard, liées d’abord à l’indécision, et à un recours contentieux aux coûts exorbitants.

Cependant, comme l’ont rappelé les rapporteurs, le Gouvernement a versé 949, 75 millions d’euros à la Russie : 892, 9 millions d’euros correspondant au remboursement des deux BPC et 56, 85 millions d’euros pour les dépenses relatives à la formation des équipages et experts russes et au développement de matériels spécifiques.

Notons d’ailleurs que les versements ont été faits en euros et qu’entre la commande et le paiement, d’une part, et aujourd’hui, d’autre part, le rouble a perdu 70 % de sa valeur – c’est ainsi que la Russie a dû se payer. Dans ces conditions, elle ne pouvait qu’être favorable à cet accord.

Pour la France, la facture ne se limite pas à ces remboursements. Plusieurs questions demeurent. Qui paie la maintenance et le gardiennage des navires, estimés à 2 millions d’euros par mois ? Qui paie le démontage et la restitution de matériels à la Russie, représentant 2, 5 millions d’euros ? Quel est le prix à terme du « decocooning » des bâtiments, c’est-à-dire la remise en marche et l’adaptation des équipements aux besoins des acheteurs égyptiens, la Méditerranée étant, en effet, assez différente de l’Arctique ?

En outre, une inconnue subsiste concernant les pertes pour nos industriels.

Les assurances de la COFACE ont permis à DCNS, STX, CNIM et Thalès d’être remboursés, mais la question des marges commerciales est encore en suspens. Elle ne peut être occultée, car, contrairement à ce que pensent certains, même dans cet hémicycle, une entreprise travaillant sans marges disparaît.

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