Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à travers ce débat, il est aussi et surtout question du positionnement diplomatique, stratégique et historique de notre pays. À un moment où les troubles internationaux se multiplient, où les rapports de force mondiaux évoluent et où les droits internationaux sont écornés, il était nécessaire, même indispensable, d’en tenir compte et donc de tenir bon, avec sang-froid et sans fébrilité. C’est ce qui a été fait, et c’est tout à l’honneur de la France.

Je rappelle que ces deux navires ont été construits à Saint-Nazaire, avec autant de compétence et de minutie que des paquebots de croisière, dont le plus grand paquebot du monde actuellement en voie d’achèvement. Ils démontrent la qualité du « made in France » dans ce domaine industriel, tant civil que militaire, et cela méritait d’être souligné.

Toutefois, revenons sur le fond.

Le respect de la parole donnée a été parfois évoqué, or celle-ci a été conforme à nos engagements, à nos intérêts et à nos valeurs.

Conforme à nos engagements, car dès l’été 2014 Paris avait prévenu que la décision finale dépendrait du comportement de la Russie dans la crise ukrainienne.

L’offensive russe en Ukraine n’est pas un fait divers, et encore moins les milliers de morts qui ont accompagné l’annexion de la Crimée. De fait, la Russie piétinait les consensus sur l’intangibilité des frontières, mais aussi de nombreux traités internationaux. Elle violait l’acte final de la conférence d’Helsinki de 1975, qui organisait le respect de nos frontières au sein du territoire européen. Elle violait le mémorandum de Budapest de 1994, garantissant l’intégrité et l’indépendance de l’Ukraine, en échange, et ce n’est pas rien, de son engagement à se défaire de son stock d’armes nucléaires.

L’attitude de la Russie ressuscitait ainsi la pire des perspectives, celle de la guerre entre États européens.

Fallait-il détourner notre regard ? Fallait-il ignorer ce nouveau contexte politique majeur ? À l’évidence, non ! Ou alors, quelle forme de lâcheté historique !

Cette décision est donc bien conforme à nos engagements traditionnels.

Mais elle est aussi conforme à nos intérêts. En effet, une décision de livraison aurait très grandement affecté nos relations de confiance avec une grande partie de l’Union Européenne, et la France se serait alors retrouvée isolée et décrédibilisée. De plus, ces bâtiments de guerre, compte tenu du changement radical du contexte géopolitique depuis 2011, auraient même pu, un jour, être utilisés contre un pays allié.

C’est aussi une décision conforme à nos valeurs. Certes, le commerce international, et je le déplore comme beaucoup d’entre vous, ne fait pas toujours bon ménage avec les principes qui sont les nôtres et avec les droits de l’homme. Toutefois, livrer deux navires de guerre à un gouvernement qui agresse ses voisins au mépris des règles du droit international aurait-il été conforme à l’image de la France dans le monde, et même à l’image que la France se fait d’elle-même ?

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