Intervention de Harlem Désir

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Harlem Désir :

Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs, tout en soulignant que, à une exception près, aucun d’entre eux n’a contesté le bien-fondé de la décision de ne pas livrer à la Russie, dans les circonstances actuelles, les deux bâtiments de projection et de commandement.

Chacun peut porter sa propre appréciation sur l’opportunité de la conclusion de ce contrat avec la Russie en 2011, compte tenu des événements de Géorgie et du comportement de la Russie dans son environnement. Les différents points de vue se sont exprimés à ce sujet. Chacun conçoit que les circonstances ne permettaient plus la livraison de ces bateaux, compte tenu de la situation en Ukraine, de l’annexion de la Crimée, de nos relations avec les pays voisins de la Russie, du rôle que nous jouons dans la résolution de la crise ukrainienne – une réunion au format Normandie se tiendra vendredi à Paris, à l’invitation du Président de la République, et réunira les Présidents Porochenko et Poutine, ainsi que la Chancelière Merkel, pour veiller à la mise en œuvre complète des accords de Minsk. Il ne faut pas non plus oublier l’inquiétude que le comportement de la Russie et la livraison potentielle de ces bateaux suscitaient au sein de plusieurs États membres de l’Union européenne. En effet, l’Ukraine n’est pas la seule riveraine de la mer Noire, certains membres de l’Union européenne le sont également. Enfin, nous savons que beaucoup de pays amis étaient très sensibles à cette question, comme la Pologne – aujourd’hui même, une réunion au format Weimar, avec des représentants de la Pologne, de l’Allemagne et de la France, doit se tenir dans quelques heures au Quai d’Orsay – ou les pays baltes.

Dès lors, que convenait-il de faire ? Fallait-il laisser s’engager un contentieux, avec des bateaux qui seraient restés à quai à Saint-Nazaire sans pouvoir être réexportés, puisqu’ils étaient toujours propriété de la Russie ? Par ailleurs, un arbitrage aurait forcément abouti au versement d’une indemnisation et de pénalités. Nous avons choisi d’engager une négociation avec la Russie, laquelle admettait que la situation ne permettait plus la livraison des bateaux et acceptait de dénouer le contrat dans des conditions lui permettant de récupérer les sommes qu’elle avait versées à la France en paiement et les dépenses qu’elle avait engagées pour la formation de ses marins. En revanche, nous avons demandé et obtenu que la rupture de ce contrat n’entraîne pas d’autres frais financiers ni le versement de pénalités. Cette négociation a permis à la France – c’était pour nous une clause essentielle – de récupérer immédiatement, dès la signature de l’accord annulant la vente de 2011, la propriété des bateaux, afin de pouvoir les revendre.

En annulant la vente, nous nous engagions donc à rembourser la Russie. En récupérant la propriété des bateaux, nous nous assurions la possibilité de les revendre et de faire en sorte que DCNS n’ait pas travaillé pour rien, mais aussi que l’État n’ait pas à l’indemniser et puisse également percevoir les dividendes que la COFACE doit lui verser. Tels sont les différents aspects de l’opération rendue possible par l’accord du 5 août.

Évidemment, le Gouvernement a immédiatement informé le Parlement de la signature de cet accord. Il a transmis, en toute transparence, tous les éléments concernant l’annulation de cette vente, afin que les assemblées puissent être saisies du dossier dès la reprise des travaux parlementaires. Il en sera de même jusqu’à la conclusion de l’autre partie de l’opération – dont vous n’êtes pas saisis aujourd’hui –, à savoir la revente de ces bateaux à l’Égypte, qui permettra d’éviter toute perte financière pour l’État.

D’un point de vue budgétaire, l’incidence de cette opération sur le programme 146 sera nulle, puisque ce programme sera à nouveau abondé en fin de gestion. Pour les finances publiques en général, un point pourra être fait au moment de la conclusion de la partie financière de l’accord de vente d’ores et déjà signé avec l’Égypte. Tous les éléments seront alors disponibles, y compris ceux concernant la COFACE.

Je souhaite enfin répondre à une question posée par plusieurs orateurs concernant notre politique en matière d’exportations d’armements. Les choses sont tout à fait claires : nous devons transcender nos divergences partisanes, parce que ces contrats ont nécessairement une incidence sur la politique étrangère et de défense de notre pays ainsi que sur ses industries de défense, dont les qualités sont reconnues, qu’il s’agisse de constructions navales, d’aéronautique ou d’autres types d’équipements. Nous devons donc respecter un cadre qui ne soit pas soumis aux variations politiques, du moins pas de façon excessive.

Le dispositif français de contrôle des ventes d’armes est reconnu comme l’un des plus rigoureux. Il existe des présomptions d’interdiction, une commission interministérielle délivre les autorisations au cas par cas, sous l’autorité du Premier ministre. La France respecte le cadre établi au sein de l’Union européenne, notamment la position commune de 2008 qui fixe des critères pour les biens contrôlés. Enfin, la France a signé et ratifié le traité sur le commerce des armes dont elle assure la promotion.

Pour l’ensemble de ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ne pas vous opposer, pour l’immense majorité d’entre vous, à cet accord qui respecte l’intérêt diplomatique, financier et industriel de la France. Chacun doit se réjouir du fait qu’une situation, créée par l’accord de vente de 2011 et mettant notre pays en difficulté, y compris dans le cadre de ses relations avec la Russie, puisse aujourd’hui se dénouer dans un cadre négocié. L’accord signé le 5 août permettra de revendre ces bateaux de très grande qualité à l’Égypte, pour le plus grand bien de nos industries et dans l’intérêt financier de notre pays.

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