Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Accord france-russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement — Article unique

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin :

J’entends, ici ou là, certains être tentés de ramener le débat à des considérations politiques. Or il s’agit d’un sujet autrement plus compliqué : pouvons-nous vendre des armes en toutes circonstances ? Comment éviter qu’un conflit ne cannibalise complètement les relations diplomatiques avec un pays dont nous avons besoin sur d’autres terrains ?

À mon sens, la France ne pouvait pas ne pas réagir à ce qui s’est passé en Crimée. La France doit défendre le droit international et ne peut pas accepter que l’on joue avec les frontières. Il fallait donc prendre des décisions, ce qui a été fait, et engager une négociation. Personnellement, je pense que la négociation en elle-même n’est pas mauvaise, même si, mes chers collègues, elle ne pouvait pas être gratuite. En effet, elle entraîne forcément un déficit en termes d’image et des difficultés financières pour nos entreprises.

Monsieur le secrétaire d’État, vu les circonstances et l’objectif, qui était de rechercher un accord amiable avec la Russie, ce qui n’était pas si évident, la négociation a été bien menée par M. Gautier et son équipe. Naturellement, je le répète, personne ne peut nier que cette affaire a un coût politique et financier. C’est une chose que d’essayer de sortir le moins mal possible d’une situation, c’en est une autre que de pouvoir en tirer un bénéfice, ou en tout cas de trouver un équilibre, mais je comprends bien que la situation du Gouvernement et de ses négociateurs était très difficile, compte tenu, je le répète, de l’impératif qui était le leur d’obtenir un accord diplomatique assez visible avec la Russie. Il faut bien avoir ces points en tête pour comprendre la situation et la nécessité de trouver une issue.

À titre personnel, je m’abstiendrai, car je ne veux pas envoyer un message négatif à la Russie au moment où le Président Poutine, à la tribune de l’ONU, fait des propositions nouvelles pour nous sortir de ce que le Président de la République a appelé « la tragédie syrienne ».

Cette crise grave avec la Russie ne doit pas nous faire oublier que nous sommes en guerre, en Syrie et contre le terrorisme. Dans ce conflit, nous avons un adversaire qui est Daech, que le Président russe a également désigné comme son adversaire prioritaire.

Dans ce contexte, nous ne pouvons pas laisser M. Obama discuter seul avec M. Poutine de l’avenir de la Syrie. La diplomatie française doit se replacer au centre de ces décisions, et l’affaire ukrainienne, monsieur Maurey, aussi importante et stratégique soit-elle, ne peut pas réduire la relation historique, géopolitique, stratégique entre la France et la Russie à cette seule question, même si, bien sûr, nous ne devons céder ni sur nos convictions ni sur nos intérêts.

Aujourd’hui, il est très important de valider cet accord, mais, dans le même temps, nous devons envoyer un message clair : sur l’Ukraine, la volonté de la France est de mettre le format Normandie au service de la sortie de crise ; souhaitons que cette initiative aboutisse et continuons nos efforts, mais acceptons de réviser nos critères de décision sur la Syrie en considérant que la guerre totale contre Daech doit être engagée et que cette proposition de nouvelle coalition doit être étudiée par la France.

D’une certaine manière, je dis « oui » à la négociation, mais je dis « non » à tout ostracisme envers la Russie, sans qui nous ne retrouverons pas la paix.

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