En 1998, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, transposant la directive européenne du 25 juillet 1985, de nombreux parlementaires avaient souligné le paradoxe consistant à prévoir une exonération de responsabilité des producteurs pour risque de développement dans un texte destiné à mieux protéger les victimes de produits défectueux.
Il n’avait pas non plus échappé à la commission des lois du Sénat qu’une telle exonération de responsabilité contredisait notre droit positif qui ne reconnaissait pas cette cause d’exonération relevant, selon l’analyse du Conseil d’État, du champ de la responsabilité sans faute, sinon, aux termes de l’article 1386-4 du code civil, de l’appréciation des circonstances et du moment de la mise en circulation du produit défectueux.
La commission des lois avait donc proposé de ne pas transposer cette disposition, laissée à l’appréciation des États membres. Elle estimait en effet que le régime de responsabilité en vigueur n’avait jusqu’alors ni entravé la recherche, l’innovation ou la compétitivité des entreprises ni posé de problème assurantiel. L’Allemagne a maintenu un régime d’assurance obligatoire, comme nous en avons créé un pour les accidents de la circulation ou les accidents du travail.
La commission des lois estimait également que le principe fondamental de la liberté d’entreprendre était indissociable du principe de responsabilité et que l’on ne pouvait revendiquer l’un sans assumer l’autre.
Le Gouvernement proposait, quant à lui, d’exclure de l’exonération de responsabilité pour risque de développement les éléments du corps humain, ainsi que tout autre produit de santé destiné à l’homme. C’est à ce principe que nous vous suggérons de revenir, mes chers collègues.
Le contexte du drame du sang contaminé explique certainement que seule ait alors été retenue l’exclusion des éléments du corps humain et des produits issus de celui-ci. Cependant, depuis lors, nous avons connu de nouveaux drames dus aux médicaments. Aujourd’hui, le contexte se prête malheureusement à un retour au principe de responsabilité des producteurs qui s’est appliqué, je le rappelle, jusqu’en 1998.
La création d’une action de groupe en matière de santé est une grande avancée pour les victimes, mais elle n’influe pas sur la nature du régime de responsabilité applicable. Or l’exclusion de responsabilité a priori est source de grandes complications et de parcours judiciaires longs et complexes, comme celui qui a été suivi dans l’affaire du Mediator.