Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 30 septembre 2015 à 21h30
Modernisation de notre système de santé — Article 46 ter

Marisol Touraine, ministre :

Cet amendement n’est pas celui que je suis en train de vous présenter. En effet, son dispositif a été profondément modifié sur l’initiative du Gouvernement, afin de bien mettre l’accent sur la place des familles et sur leur nécessaire consultation. Ces dispositions ne figuraient pas dans l’amendement déposé par M. Touraine, tandis que le présent amendement tend à inscrire dans la loi la nécessité du dialogue avec les familles.

Le paradoxe, c’est que, dans la pratique, ce dialogue a déjà lieu, mais qu’il n’est absolument pas inscrit dans la loi, qui ne prévoit que le principe du consentement présumé.

Nous devons donc inscrire nettement dans la loi la nécessité du dialogue avec la famille. Nous devons également nous pencher – c’est tout l’enjeu du présent amendement – sur les moyens de favoriser le recueil de la volonté des personnes à l’égard du prélèvement d’organes.

Un débat s’est fait jour sur ce point à l’Assemblée nationale. Pour certains, la seule manière d’exprimer son refus du don d’organes devrait être l’inscription sur le registre national. Cependant, cette méthode a paru à la fois très restrictive et peu pratique, d’où la proposition du Gouvernement d’engager une concertation avec les familles, les médecins et les acteurs du monde hospitalier pour déterminer les modalités du recueil de l’expression de la volonté.

À ce titre, certains de vos collègues députés ont suggéré que celle-ci figure sur la carte Vitale. D’aucuns m’assurent que cette solution n’est pas praticable : pour l’heure, je n’en sais rien. En conséquence, j’ai inscrit dans le présent amendement le principe d’une concertation, qui durera toute l’année 2016, pour aboutir, au 1er janvier 2017, à un décret en Conseil d’État qui déterminera les modalités de l’expression de la volonté, c’est-à-dire du refus, en matière de don d’organes.

Concrètement, il ne s’agit pas de revenir sur le principe du consentement présumé, ni, bien évidemment, d’instaurer une obligation de prélèvement : le Gouvernement ne l’a jamais envisagé. Il s’agit de répondre aux deux questions suivantes : comment renforcer la place de la famille du défunt, qui, plongée dans une situation de détresse, a besoin d’être accompagnée ? Comment faciliter l’expression de la volonté avant le décès ?

Il n’est pas évident que la solution du registre national soit la plus simple. Pour certaines personnes, le plus simple, c’est d’écrire sa volonté sur un bout de papier et de le conserver dans son portefeuille. Nous devons nous pencher sur cette question sans a priori ni tabou. Peut-être devons-nous permettre diverses manières d’exprimer son acceptation ou son refus du prélèvement d’organes.

Il va de soi qu’une personne ayant manifesté son refus ne peut ni ne doit faire l’objet d’un prélèvement, quoi qu’en pense sa famille. J’insiste sur ce point : l’expression d’une telle volonté est absolument intangible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’Agence de la biomédecine procède déjà à la mise en évidence des bonnes pratiques. Le centre hospitalier universitaire de Nantes est un pionnier en France et en Europe : la région nantaise présente un taux de refus voisin de celui de l’Espagne, grâce à une pratique, à un savoir-faire, à une culture dont l’Agence de la biomédecine a connaissance. Des échanges, des coopérations ont actuellement lieu entre différents centres de prélèvement, mais, à l’évidence, cela ne suffit pas.

Tel est l’esprit du présent amendement, auquel il ne faut cependant pas donner une portée qu’il n’a pas. Il ne s’agit en aucun cas de bouleverser les principes du droit en matière de prélèvement d’organes. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du consentement présumé, encore moins d’écarter les familles ou d’édicter une obligation. Je le répète, l’enjeu est de définir les modalités selon lesquelles le refus du prélèvement d’organes peut être exprimé.

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