Intervention de Thierry Braillard

Réunion du 29 octobre 2015 à 10h30
Échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Thierry Braillard  :

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, qui ne peut être au Sénat ce matin, vous prie de bien vouloir l’excuser et m’a demandé de vous présenter le projet de loi de ratification concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, texte que le Gouvernement considère comme essentiel. C’est donc avec grand plaisir que je suis ici ce matin.

L’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations financières à des fins fiscales est une manifestation majeure au niveau mondial et très concrète des progrès de la transparence fiscale. Il est aussi, dans ce cadre, l’expression de la coopération développée par les États pour répondre aux phénomènes de fraude et d’évasion qui portent atteinte aux recettes publiques et à l’égalité devant l’impôt. Ainsi, il traduit un véritable changement d’époque.

La France, s’appuyant sur le mouvement lancé par les États-Unis avec la « loi FATCA » – Foreign Account Tax Compliance Act – de 2010, s’implique, depuis plusieurs années déjà, dans la promotion d’un mécanisme d’échange automatique d’informations financières à des fins fiscales, multilatéral et réciproque, qui a vocation à s’étendre sur le plan mondial. Elle a d’ailleurs été très active en la matière au sein du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.

En ce sens, notre pays a coopéré avec ses partenaires du G5 : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Ensemble, nous avons en particulier encouragé l’OCDE à travailler de manière intensive, dans l’objectif d’élaborer un standard technique d’échange automatique d’informations.

En même temps, nous nous sommes engagés dès 2013 à appliquer ce standard sans retard, dès qu’il serait techniquement au point, entraînant derrière nous plusieurs dizaines d’États et de territoires, qui se sont appelés les « précurseurs ».

Dans la droite ligne de ces actions, l’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations, fondé sur le tout nouveau standard de l’OCDE, a été annoncé par M. Michel Sapin et ses homologues allemand, britannique, espagnol et italien lors d’une réunion qui s’est tenue à Paris le 28 avril 2014. Il a ensuite été signé à Berlin le 29 octobre de cette même année par une cinquantaine d’États et territoires. La magie de l’ordre du jour fait que c’était il y a tout juste un an !

Aujourd'hui, cet accord compte soixante et un adhérents au total, dont la Suisse.

De manière simultanée, et en cohérence avec ces avancées mondiales, l’Union européenne s’est aussi accordée sur une directive sur ce sujet lors d’une réunion du Conseil de l’Ecofin qui a eu lieu le 9 décembre dernier.

À ce jour, trente-trois pays, parmi lesquels on peut citer des centres financiers importants tels que Hong Kong et Singapour, sont engagés à échanger automatiquement des informations financières avec les administrations fiscales étrangères, en prévoyant les premières transmissions de données en 2017, comme ce sera le cas pour la France et les États membres de l’Union européenne, ou en 2018.

L’échange automatique prévu, qui est très large puisqu’il porte sur les comptes bancaires et les contrats d’assurance vie des contribuables, ainsi que leur solde ou valeur de rachat et les revenus financiers perçus, permettra à chaque autorité fiscale d’identifier de manière très efficace les risques de fraude fiscale liés à la dissimulation, par ses résidents, d’avoirs à l’étranger. Il se place en amont de l’assistance mutuelle sur demande entre les administrations, qui reste un outil nécessaire pour conduire, pour approfondir et pour confirmer les investigations du contrôle fiscal. D’ailleurs, il a déjà un effet dissuasif très puissant.

À cet effet, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons créé un service de traitement des déclarations rectificatives, qui permet aux contribuables de régulariser leur situation, en acquittant l’intégralité des droits, intérêts de retard et pénalités prévues par la loi. Ainsi, 2 milliards d’euros de recettes ont été recouvrés en 2014, et plus de 2, 6 milliards d’euros sont attendus en 2015.

Par ailleurs, je souligne que, avec nos partenaires, notamment au sein de l’Union européenne, nous avons veillé à fixer toutes les règles pour que les données échangées, dont nous mesurons l’importance pour les contribuables, restent confidentielles. De manière générale, celles-ci devront bénéficier des règles de protection exigées par notre droit.

L’entrée en vigueur de ce dispositif est prévue le 1er janvier 2016, et des travaux sont en cours pour faire en sorte qu’elle se déroule de la manière la plus satisfaisante possible. Cela suppose d’identifier les contraintes des différentes parties prenantes et d’en tenir compte dans la mesure du possible.

Dans cet esprit, les services du ministère des finances échangent régulièrement avec les institutions professionnelles représentatives des établissements financiers sur les diligences que ces derniers devront accomplir pour collecter les informations déclarables et les déclarations qu’ils devront déposer.

À cet égard, l’une des difficultés à résoudre réside dans le fait que l’identification des personnes à déclarer porte non pas uniquement sur les contribuables d’un État, comme c’est le cas avec le « système FATCA » en vigueur aux États-Unis, mais sur les résidents de très nombreux pays, dont le nombre a vocation à s’accroître encore pour couvrir in fine tous les clients non résidents.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord est crucial dans la mesure où il est de nature à concrétiser les actions conduites par les pouvoirs publics, notamment au niveau international, pour développer des réponses qui soient à la hauteur des enjeux face à la fraude et à l’évasion fiscales.

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