Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise des marchés financiers de 2008, provoquée par l’incidence systémique de l’interaction des décisions bancaires, a étalé sous les yeux de l’opinion publique les errements dans lesquels se fourvoyaient de plus en plus gravement la majeure partie des places boursières, ainsi que les limites de la croissance ininterrompue de l’industrie financière.
Chacun se souvient que cette situation a nécessité d’importants efforts de redressement de la part des États. Ceux dont le système bancaire était le plus lourdement atteint ont même dû intervenir de manière massive, et parfois peu prudente au regard des capacités de leur économie. Les exemples du Portugal, de l’Irlande, de l’Espagne et de la Grèce sont là pour nous montrer ce à quoi nous étions parvenus.
Le moment de vérité de 2008 s’est prolongé par un intérêt renouvelé pour les questions fiscales, alors que la meilleure connaissance de l’activité des établissements financiers avivait l’attention prêtée à ces problèmes. Évasion, fraude et optimisation fiscales, paradis fiscaux et autres ports francs ont dès lors fait irruption dans le débat public, conduisant l’OCDE à recommander une politique de développement des conventions fiscales internationales et les États à définir de nouvelles règles de fonctionnement des marchés.
Le Sénat, sur l’initiative de notre groupe, qui a provoqué la formation de deux commissions d’enquête particulièrement riches d’enseignements, a apporté sa contribution à l’amélioration de la connaissance des activités financières et de la transparence de celles-ci. Ce travail a débouché sur des textes législatifs d’une importance relative, qui sont comme autant de pas, même timides, dans la bonne direction. Souvenons-nous, mes chers collègues, que les pertes pour le budget de la France représentent de 60 à 80 milliards d’euros par an !
Sans pousser trop loin la controverse, il faut bien constater que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires n’a pas eu les effets escomptés. Quant aux textes visant à combattre la délinquance financière, ils commencent à peine à présenter quelque efficacité. C’est dans cette filiation, si l’on peut dire, que nous plaçons le présent projet de loi, qui vise à autoriser l’approbation de l’accord sur l’échange automatique d’informations fiscales entre administrations compétentes des États souverains, destiné à assurer une plus grande transparence de la situation des particuliers disposant de revenus d’origines internationales diverses.
Il faut dire que l’initiative des États-Unis, avec la loi FATCA, a également contribué à bousculer les établissements bancaires, même si on peut regretter sa non-réciprocité.
L’accord qui nous est soumis ne peut évidemment que recevoir notre assentiment. Sans être l’arme fatale qui permettra de régler une bonne fois pour toutes les travers de l’évasion et de l’optimisation fiscales, il constitue une étape nécessaire – fût-elle timide – sur la bonne voie.
La même démarche à l’endroit des entreprises à vocation transnationale plus ou moins affirmée représenterait sans doute une avancée majeure autrement plus pertinente et plus « parlante » que celle définie par le présent texte. Toutefois, il ne faut pas bouder une honnête satisfaction : nous voterons évidemment ce texte.
Le poids d’une opinion publique toujours sensible à l’égalité fiscale et hostile à tous ceux qui tentent de s’y soustraire nous est utile pour faire avancer ce sujet. Au demeurant, le rapport de notre collègue Éric Doligé nous informe sur l’activité du service de traitement des déclarations rectificatives où viennent s’amender les fraudeurs – passifs et actifs – qui sont désireux de se mettre en règle avec notre diligente administration fiscale. Ces fraudeurs y trouvent d’ailleurs un intérêt puisque, en régularisant leur situation, ils encourent des pénalités allégées.
Même si nous pouvons regretter que la mansuétude de l’administration s’exerce encore à l’endroit de ceux qui ont fraudé le fisc, nous voterons en faveur de ce texte, qui fait partie de ces avancées que notre collègue Éric Bocquet, qui n’a pas pu être présent ce matin, appelait de ses vœux dans les rapports qu’il a élaborés au titre des commissions d’enquête sénatoriales sur l’évasion des capitaux.