Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 29 octobre 2015 à 10h30
Droits des malades et des personnes en fin de vie — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture un texte dont le sujet, difficile, concerne chacun de nous. Nous y avons été ou nous y serons un jour confrontés, pour nous-mêmes ou pour nos proches. Aussi la discussion se nourrit-elle naturellement de nos convictions, de nos peurs, de nos émotions, mais aussi de nos valeurs.

Je veux saluer avec une grande sincérité l’excellent travail, empreint de rigueur et d’humanité, des rapporteurs et du président de la commission des affaires sociales, dans ce contexte éminemment difficile, en faveur de la recherche consensuelle du bien commun, comme l’a dit notre collègue député Jean Leonetti.

Pour certains d’entre nous, ce texte va trop loin, pour d’autres, il est insuffisant. Ce texte, issu des travaux de la commission des affaires sociales, n’est pas destiné – faut-il le rappeler ici ? – à ceux qui veulent mourir, mais à ceux qui vont mourir, aux patients atteints d’une maladie incurable, soumis à des souffrances réfractaires à tout traitement, au stade ultime de leur vie et dont le pronostic vital est engagé à brève échéance.

Si la loi Leonetti de 2005 a représenté une avancée significative en améliorant la prise en compte de la volonté du patient et en prônant le développement de soins palliatifs ainsi que le rejet de l’acharnement thérapeutique, force est de constater qu’elle est méconnue ou insuffisamment appliquée.

La prise en charge de l’accompagnement des malades en fin de vie souffre aujourd’hui d’inacceptables insuffisances.

La première concerne la double inégalité d’accès aux soins palliatifs : l’inégalité liée à l’indécente insuffisance de places aujourd’hui – seuls 20 % des patients peuvent y accéder – et l’inégalité territoriale – 70 % des lits palliatifs sont concentrés dans cinq régions. Aussi convient-il de saluer l’annonce de l’inscription d’un crédit de 40 millions d’euros supplémentaires dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et du plan triennal que vous devez présenter prochainement, madame la ministre, et que nous attendons avec impatience. Celui-ci devra s’attacher au développement des soins palliatifs non seulement à l’hôpital, mais aussi dans les EHPAD et surtout à domicile. Le Sénat sera très vigilant et très exigeant quant au respect de votre engagement. L’indignité ne peut se contenter d’annonces !

La seconde insuffisance se trouve dans le déficit criant de formation aux soins palliatifs des professionnels de santé. Ce texte propose de la corriger. La médecine doit en effet être conçue et enseignée dans sa double finalité curative et palliative.

La proposition de loi des députés Claeys et Leonetti améliore la loi de 2005 par deux dispositions mesurées, non seulement respectueuses du point de vue du patient, mais également protectrices pour l’équipe médicale. Elle inclut en effet l’opposabilité des directives anticipées, facilitant ainsi la décision du médecin et rassurant le patient et sa famille quant à la prise en compte de leur volonté. Elle prévoit également le droit à la sédation profonde et continue, uniquement dans des cas très précisément définis, limitant ainsi le risque de décision arbitraire.

Mes chers collègues, la fin de vie dérange dans une société qui a chassé la mort du réel et qui condamne l’échec. Elle soulève des questions philosophiques, morales, éthiques et religieuses. Celles-ci sont légitimes d’un point de vue personnel. Ici, toutefois, nous légiférons au nom de la République.

Notre société peut-elle condamner ceux qui ont atteint la fin de leur chemin de vie à mourir dans la souffrance et l’angoisse, souvent dans une grande solitude, abandonnés par une science confrontée à son impuissance et à ses limites ? Est-ce ainsi que les hommes doivent nécessairement mourir ?

Le texte qui nous est proposé par la commission des affaires sociales du Sénat est ciselé, ses mots sont pesés, exempts de toutes les scories qui pourraient provoquer les consciences. Il est acte d’humanité et geste de fraternité, portant la promesse de la société de ne pas abandonner les siens à l’heure ultime. Je crois sincèrement, en mon âme et conscience, qu’il honore le Sénat. C’est avec le sentiment d’un devoir de fraternité accompli que la grande majorité du groupe UDI-UC le votera.

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