L’adoption de la nouvelle rédaction qui nous est proposée au travers de cet amendement pour l’article 5 de l’ordonnance statutaire aurait trois effets.
Le premier serait de préciser que les magistrats du parquet sont autonomes dans l’exercice de leurs fonctions et libres de leur expression, ce qui me semble assez largement satisfait par la rédaction actuelle de l’article 5, qui dispose que leur « parole est libre ».
Le deuxième effet serait de faire une distinction entre la direction hiérarchique des magistrats du parquet et l’autorité du garde des sceaux. Je ne perçois pas nécessairement l’intérêt juridique d’une telle distinction, mais elle aurait en tout cas pour conséquence de créer une confusion qui pourrait être sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
Le troisième effet serait de « remonter » dans la loi organique l’interdiction, pour le garde des sceaux, d’adresser aux parquets des instructions individuelles, une telle interdiction étant déjà aujourd’hui précisée à l’article 30 du code de procédure pénale depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 2013. Là non plus, il ne me semble pas que l’inscription de ce principe dans l’ordonnance de 1958 constituerait une garantie supplémentaire.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, qui comporte des garanties en trompe-l’œil et ferait encourir au texte des risques d’inconstitutionnalité.
Il faut choisir : soit on fait la réforme, soit on ne la fait pas ! Si on la fait, ce sera sur la base de ce qu’a voté le Sénat en 2013 sur l’initiative de M. Mercier. Sur ce point, il suffit de suivre le Sénat, qui s’était montré particulièrement novateur en 2013.
Pour employer une image un peu prosaïque, je dirai que nous sommes tous d’accord sur le plat de résistance, mais pas sur le reste du menu. Mais de grâce, partageons déjà le plat de résistance, et nous nous permettrons d’autres envolées culinaires à l’occasion de prochains débats !
Je demande donc le retrait de l'amendement n° 19 rectifié ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur l'amendement n° 18 rectifié, l’avis est le même. Cet amendement est contraire, sinon à la lettre, tout au moins à l’esprit de l’article 65 de la Constitution. En l’état actuel de notre droit, il appartient bien au garde des sceaux de nommer les membres du parquet et d’exercer le pouvoir disciplinaire, le CSM n’émettant que des avis simples. Dès lors, supprimer toute référence au garde des sceaux dans l’article 5 de l’ordonnance de 1958 ne changerait pas foncièrement la situation juridique des membres du parquet. Au risque de me répéter, toute réforme substantielle du statut du parquet relève aujourd’hui d’une révision constitutionnelle.
Je ne comprends pas pourquoi l’on discute de nouveau sur ce point, puisqu’il y a un accord sur l’élément fondamental ; pour le reste, nous aviserons plus tard. Il n’est pas utile que le Sénat adopte un texte qui serait ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.
Je demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.