La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société.
L'amendement n° 22, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
Au deuxième alinéa,
insérer les mots :
les mots : « qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d’études supérieures » sont supprimés et
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Les auteurs de cet amendement estiment indispensable de rétablir la suppression de la condition de diplômes exigés, en sus du diplôme ayant permis l’inscription en doctorat, à l’article 18-1 de l’ordonnance statutaire. Cette suppression a pour objectif de faciliter le recrutement direct des docteurs en droit.
En effet, des exigences de diplômes trop importantes, pour des candidats qui ont déjà un haut niveau d’études et seront amenés à suivre une formation longue à l’École nationale de la magistrature, conduisent à une inutile restriction des recrutements.
La commission a parfaitement compris qu’il était important de desserrer l’étau des conditions de recrutement des magistrats, afin d’élargir celui-ci.
Cet amendement, contraire à la position de la commission, vise à supprimer la condition d’un second diplôme d’études supérieures pour les docteurs en droit candidats à l’admission sur titres à l’auditorat.
Il me semble nécessaire de veiller à conserver un très haut niveau de qualification aux candidats à la magistrature, qui n’est pas une administration comme les autres, afin d’assurer le meilleur exercice des fonctions juridictionnelles. Il s’agit d’une position de principe qui reflète la très haute conception que nous nous faisons de la magistrature.
Les docteurs en droit ne représentent que 2, 63 % des admis au titre de la procédure de l’article 18-1 : eu égard à l’importance de leur taux d’échec, il semble préférable de maintenir une exigence supplémentaire quant à leur ouverture sur d’autres disciplines. Il n’est nullement anormal que les exigences en matière de recrutement soient plus élevées dans la magistrature que dans d’autres secteurs de la fonction publique.
Mon avis sera plus nuancé.
Je rappelle une fois encore qu’il s’agit des conditions d’accès à une formation de trente et un mois : sauf à considérer qu’un doctorat en droit est sans contenu et sans valeur, on peut penser que justifier d’un tel diplôme est suffisant pour se porter candidat…
Je comprends les positions défendues respectivement par M. Collombat et M. Mohamed Soilihi.
D’un côté, on peut vouloir, dans la perspective d’une ouverture de la magistrature sur la société, élargir l’éventail des qualifications demandées pour accéder non pas à la magistrature – j’y insiste –, mais à la formation à l’ENM.
De l’autre, on peut estimer que la magistrature n’est pas une profession comme une autre. Il s’agit de l’exercice d’une autorité constitutionnelle, ce qui emporte des exigences considérables : la mission d’un magistrat consiste à juger au nom du peuple, en ayant reçu délégation de la société pour exercer des fonctions extrêmement lourdes, qui peuvent l’amener, en matière pénale, à priver quelqu’un de sa liberté.
Une telle fonction nécessite une grande maturité, un sens aigu des responsabilités, une indépendance et une impartialité que nous requérons sur le plan subjectif, mais que nous voulons organiser aussi sur la base de conditions objectives, permettant d’apporter un certain nombre de garanties.
Dans cette perspective, permettre à des titulaires d’un doctorat en droit d’accéder à la formation au sein de l’École nationale de la magistrature ne me paraît pas extravagant.
Je rappelle que, avant la création de l’Institut d’études judiciaires, ancêtre de l’ENM, on accédait à la magistrature par ce que j’appellerai la « filière dynastique »… L’Institut d’études judiciaires, créé en 1958 et transformé en 1971, si ma mémoire est bonne, a introduit une certaine mixité sociale, ou a ouvert, à tout le moins, l’accès à la formation à des personnes méritantes, talentueuses et travailleuses qui n’y étaient pas socialement prédestinées.
On peut concevoir, dans le même esprit, que des docteurs en droit puissent accéder à l’ENM pour y suivre une formation de trente et un mois en vue de devenir magistrats.
En conclusion, le Gouvernement émet un avis favorable.
Docteur en droit moi-même, je ne peux que me rallier à cet amendement. En effet, je ne vois pas très bien, en tant que juriste, ce qu’un autre diplôme de l’enseignement supérieur délivré dans une autre discipline pourrait m’apporter de plus si je devais briguer la fonction de magistrat.
Je suis un peu gêné de défendre ma « caste », mais la condition essentielle de recrutement en vue de l’accès à la formation menant à la carrière de magistrat reste tout de même la maîtrise de la discipline fondamentale en la matière : le droit.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 5 est adopté.
Au dernier alinéa de l’article 19 de la même ordonnance, les mots : « d’une durée minimale de six mois » sont supprimés.
L’article 6 du projet de loi organique porte sur l’article 19 de l’ordonnance de 1958, relatif aux stages des auditeurs de justice, dont il vise à limiter la durée à trois mois.
Les stages de six mois dans un cabinet d’avocat instaurés après l’affaire d’Outreau ont certes pu apparaître d’une durée excessive et dévoyés de leur vocation initiale. Trop souvent réduits à l’accomplissement d’un travail de collaborateur à qui sont confiées des missions de recherche ou de rédaction, ces stages sont pourtant extrêmement utiles et importants pour les auditeurs.
On peut regretter que le texte ne mentionne que le stage en cabinet d’avocat et ne traite pas davantage de l’autre période de trois mois qui constituera, avec la première, l’ensemble du stage de six mois prévu.
Le contenu de ce second stage, qui vise à faire « mieux connaître l’environnement judiciaire, administratif et économique », reste aussi flou que sa place dans la scolarité. Il apparaît indispensable que l’élaboration de la loi organique soit accompagnée d’une réflexion beaucoup plus large sur la formation des futurs magistrats, laquelle ne peut se réduire à des enseignements techniques, mais doit aussi permettre de développer l’esprit critique et la compréhension de la complexité du travail judiciaire chez ceux qui vont être amenés à poursuivre et à juger.
Nous déplorons que cette réforme ne donne lieu qu’à un toilettage des textes, comme l’illustre cet article 6, et qu’elle ne soit pas l’occasion d’une véritable réflexion sur ce que doit être l’École nationale de la magistrature.
Plusieurs points auraient pu être abordés à cet égard : les épreuves du concours d’accès à l’ENM comportent encore des « tests psychologiques », qui ont pourtant démontré leur inutilité et leur dangerosité, tant ils répondent à un objectif d’uniformisation des personnalités ; le principe du classement, qui, avec la place démesurée prise par la notation, vient polluer la formation, l’évaluation étant détournée de son objectif pédagogique pour n’être plus qu’un outil de classement, voire d’exclusion ; la question du volant de postes dans les listes de postes offerts aux auditeurs à la sortie de l’école, sachant que, ces dernières années, de plus en plus de postes sont proposés dans des juridictions particulièrement difficiles en outre-mer, telles que Mayotte et Cayenne.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au dernier alinéa de l’article 19 de la même ordonnance, les mots : « d'une durée minimale de six mois » sont remplacés par les mots : « leur permettant de mieux connaître l’environnement judiciaire, administratif et économique, incluant un stage ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Le présent amendement a été rectifié, à la demande du rapporteur, afin de prendre en compte les remarques faites en commission.
Alors qu’un stage de trois mois serait sans doute suffisant pour permettre aux magistrats d’appréhender le métier d’avocat et ses conditions d’exercice, nous regrettons que cette durée diminuée, proposée par le Gouvernement, ait été supprimée du texte.
Nous regrettons également que la mention des trois mois restants, eux aussi dédiés au stage en cabinet d’avocat à l’origine, ait été supprimée. Il s’agissait là d’une mesure visant à améliorer la formation en permettant aux auditeurs de justice de découvrir d’autres partenaires de la justice – conciliateurs, médiateurs, etc. – et de bénéficier ainsi d’une ouverture positive de l’école sur l’environnement judiciaire, administratif et économique.
Ce n’est pas parce qu’aucune autre durée relative à un stage de la scolarité des auditeurs de justice ne fait l’objet d’une disposition de niveau législatif que nous ne devons pas innover en la matière.
En outre, l’argument selon lequel le règlement intérieur de l’ENM prévoit une « certaine souplesse » quant à ces durées de stages n’est pas recevable si l’on entend garantir une formation équitable.
Comme nous l’avons exprimé lors de notre intervention sur l’article, nous déplorons que cette réforme ne donne lieu qu’à un toilettage des textes. C’est pourquoi nous demandons, pour commencer, que l’avancée prévue dans le texte initial soit en partie rétablie via la suppression de la référence à la durée de stage et l’introduction de la notion de pluralité de stages permettant de mieux connaître l’environnement judiciaire, administratif et économique.
J’émets un avis favorable sur cet amendement qui a été rectifié dans le sens souhaité par la commission. Il tend à permettre aux auditeurs de justice d’effectuer des stages afin de mieux connaître l’environnement judiciaire, administratif et économique, tout en leur conservant néanmoins la possibilité d’effectuer un stage auprès d’un avocat, disposition dont on sait que l’inclusion dans le projet de loi organique fait suite à l’affaire d’Outreau.
Pour autant, la fixation de durées ne relève pas de la loi organique. Il faut laisser à l’ENM le soin d’adapter les stages aux différents profils des élèves. Ainsi, il paraîtrait curieux que ceux qui ont suivi la scolarité de l’école du barreau en vue de préparer le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, le CAPA, et qui ont déjà effectué un stage de formation de six mois dans un cabinet d’avocat, soient obligés de refaire un tel stage. Je ferai d’ailleurs une observation similaire lorsque nous examinerons la question du stage au sein des collectivités locales.
L’avis est également favorable.
Dès mon arrivée aux responsabilités, j’ai eu connaissance de ces interrogations sur la durée du stage en cabinet d’avocats. Certains considéraient qu’une durée de six mois était souhaitable. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette durée a été instaurée à la suite de l’affaire d’Outreau. Elle est, de façon générale, jugée un peu longue, mais nous avons eu du mal à en fixer une qui soit inférieure. Il convient de donner de la souplesse et de permettre à l’ENM, aux élèves magistrats et aux cabinets d’avocats de s’adapter.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’article 6 est ainsi rédigé et l’amendement n° 4 rectifié n’a plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle que l’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Guérini, Bertrand, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, était ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et sont ajoutés les mots : « et un stage d’au moins un mois dans une collectivité territoriale ».
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONDITIONS DE NOMINATION
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Avant l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport évaluant l’opportunité d’instaurer constitutionnellement la fonction de procureur général de la nation.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Aujourd’hui, les décisions de justice sont de plus en plus contestées et les juges fréquemment suspectés d’être dépendants du pouvoir exécutif. Aucun gouvernement, aucun ministre de la justice n’y échappe ; vous en savez quelque chose, madame la ministre, …
… de même que M. Mercier.
L’instauration de la fonction de procureur général de la nation permettrait de garantir une véritable indépendance de la justice, en régulant les liens entre le pouvoir politique et le parquet.
La loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique a inscrit dans le code de procédure pénale l’interdiction pour le ministre de la justice d’adresser aux magistrats du parquet des instructions dans des affaires individuelles. C’est une avancée.
Un projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature a également été débattu au Parlement, mais son examen est suspendu depuis juillet 2013.
À l’heure actuelle, les nominations et la progression des carrières des magistrats du parquet étant entre les mains du ministre de la justice, cette subordination au pouvoir exécutif ne peut totalement garantir l’indépendance de la justice.
Afin de clarifier la situation, les magistrats du ministère public pourraient être rattachés à une hiérarchie au sommet de laquelle se trouverait le procureur général de la nation, et non le garde des sceaux. Le procureur général de la nation serait nommé par le Conseil supérieur de la magistrature et cette nomination serait avalisée par le Parlement. C’est l’objet d’une proposition de loi constitutionnelle que j’ai déposée sur le bureau du Sénat le 19 août 2015.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité d’instaurer constitutionnellement la fonction de procureur général de la nation, et ainsi à garantir véritablement l’indépendance de la justice.
Cette évolution constitutionnelle et institutionnelle est incontournable, comme le seront d’ailleurs un jour la diminution du nombre de ministres et la suppression du garde des sceaux : après tout, si un procureur général de la nation est créé, la politique pénale sera définie par le Premier ministre et avalisée par le Parlement.
On peut réfléchir sérieusement, me semble-t-il, à une telle évolution sans toucher aux fondements de la Ve République.
Avec cet amendement et les suivants, nous abordons la question du statut du parquet.
Ces propositions ont en commun de présenter des solutions pour accroître les garanties d’indépendance dont bénéficient les magistrats du parquet, afin de consolider le statut juridique du « parquet à la française », en particulier au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et de préserver l’unité du corps judiciaire.
L’amendement que vous proposez, mon cher collègue, est très intéressant parce qu’il porte le débat sur un autre point, celui de l’indépendance du parquet. Il va très loin puisque, comme vous l’avez vous-même dit, son adoption pourrait conduire à des modifications structurelles du Gouvernement.
Pour autant, comme vous le savez très bien, elle nous conduirait à voter un texte inconstitutionnel. Cet amendement vise en fait à provoquer un débat fort intéressant, que nous pourrons avoir de manière plus approfondie lors de l’examen de la proposition de loi constitutionnelle que vous avez déposée. Dans cette attente, mon cher collègue, je vous invite à retirer votre amendement.
Avez-vous déjà déposé votre proposition de loi constitutionnelle, monsieur le sénateur ?
Je ne doute pas que c’est avec la plus grande gourmandise institutionnelle que la commission des lois en débattra !
En tout état de cause, cette question relève du niveau constitutionnel. Un projet de loi organique n’est donc pas le bon véhicule pour procéder à une réforme en profondeur, qui ne serait pas sans effet. Vous avancez qu’elle ne bouleverserait pas les bases de la Ve République ; je n’en suis pas certaine. En tout cas, elle modifierait incontestablement l’architecture institutionnelle. L’histoire même de notre parquet, de notre institution judiciaire serait bouleversée par l’émergence de cette configuration complètement nouvelle, qui existe en Espagne, en Italie et au Brésil notamment, et sur laquelle je ne porte pas de jugement de valeur. Cela étant, les institutions judiciaires de chaque pays se sont construites à travers le temps, historiquement, culturellement, démocratiquement, et cette dimension est importante.
Renoncer au parquet à la française pour le remplacer par un procureur général de la nation constituerait un bouleversement profond, entraînant un transfert non seulement de prérogatives, mais aussi de responsabilités.
Je dis non pas que ce débat n’est pas légitime, mais qu’il est extrêmement lourd de conséquences. Par conséquent, je ne prendrai pas l’engagement au nom du Gouvernement d’ouvrir une discussion sur un sujet aussi important. Cependant, l’examen de votre proposition de loi constitutionnelle devrait nous permettre d’y réfléchir avec grand plaisir !
Madame la garde des sceaux, il faut savoir toucher aux vaches sacrées ! Débattre sereinement, dans cet hémicycle, d’une réforme de notre Constitution est infiniment préférable à rêver d’une VIe République qui ne serait jamais, en fait, qu’une IVe République réactualisée.
Sur ce sujet comme sur d’autres, il faut avancer, tout en conservant précieusement la stabilité des institutions permise par la Ve République.
Cela étant dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi rédigé :
« Art. 5. – Les magistrats du parquet sont placés sous la direction de leurs chefs hiérarchiques. Ils sont autonomes dans l’exercice de leurs fonctions et libres de leur expression. Ils sont placés sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, dans la limite de l’interdiction des instructions portant sur les affaires individuelles prévue par le code de procédure pénale. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
L’article 64 de la Constitution de 1958 consacre l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il se borne cependant à renvoyer à la loi organique le soin de fixer le statut des magistrats, sans faire mention du ministère public.
Certes, l’article 1er de la loi organique du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature pose le principe d’un corps unique de magistrats ayant vocation à être nommés, au cours de leur carrière, à des fonctions du siège ou du parquet. Ce n’est qu’à la faveur de la révision constitutionnelle de 1993 créant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à leur égard que les magistrats du parquet ont fait leur apparition dans la Constitution.
Au travers de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a érigé l’unité du corps judiciaire en principe constitutionnel, en jugeant que l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet.
Dès lors, le magistrat du parquet, tout autant que son homologue du siège, est habilité par la Constitution à garantir le respect de la liberté individuelle. Cela explique que, au-delà des principales attributions relatives à l’exercice de l’action publique, à l’application de la loi, à l’appréciation de l’opportunité des poursuites, à l’exécution de peines exécutoires, le parquet, et plus particulièrement le procureur de la République, contrôle certaines mesures de privation de liberté, comme la garde à vue.
Nous connaissons tous la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la question de l’indépendance du parquet. C’est pourquoi nous sommes unanimes pour dire qu’il est urgent de faire aboutir la révision constitutionnelle, afin de conférer au ministère public les garanties statutaires lui permettant d’exercer ses missions avec toute l’indépendance nécessaire.
Dans l’attente de la reprise de la navette de la réforme constitutionnelle, afin de faire évoluer le statut des magistrats du parquet et d’éviter tout soupçon d’intervention du pouvoir exécutif dans le traitement des affaires judiciaires, nous proposons de supprimer la mention selon laquelle les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et libres de leur expression.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « et sous l’autorité du garde des sceaux » sont supprimés.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Toujours dans l’attente de la réforme constitutionnelle, afin de faire évoluer le statut des magistrats du parquet et d’éviter tout soupçon d’intervention du pouvoir exécutif dans le traitement des affaires judiciaires, le présent amendement a pour objet de supprimer la mention selon laquelle les magistrats du parquet sont placés sous l’autorité du garde des sceaux.
L’adoption de la nouvelle rédaction qui nous est proposée au travers de cet amendement pour l’article 5 de l’ordonnance statutaire aurait trois effets.
Le premier serait de préciser que les magistrats du parquet sont autonomes dans l’exercice de leurs fonctions et libres de leur expression, ce qui me semble assez largement satisfait par la rédaction actuelle de l’article 5, qui dispose que leur « parole est libre ».
Le deuxième effet serait de faire une distinction entre la direction hiérarchique des magistrats du parquet et l’autorité du garde des sceaux. Je ne perçois pas nécessairement l’intérêt juridique d’une telle distinction, mais elle aurait en tout cas pour conséquence de créer une confusion qui pourrait être sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
Le troisième effet serait de « remonter » dans la loi organique l’interdiction, pour le garde des sceaux, d’adresser aux parquets des instructions individuelles, une telle interdiction étant déjà aujourd’hui précisée à l’article 30 du code de procédure pénale depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 2013. Là non plus, il ne me semble pas que l’inscription de ce principe dans l’ordonnance de 1958 constituerait une garantie supplémentaire.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, qui comporte des garanties en trompe-l’œil et ferait encourir au texte des risques d’inconstitutionnalité.
Il faut choisir : soit on fait la réforme, soit on ne la fait pas ! Si on la fait, ce sera sur la base de ce qu’a voté le Sénat en 2013 sur l’initiative de M. Mercier. Sur ce point, il suffit de suivre le Sénat, qui s’était montré particulièrement novateur en 2013.
Pour employer une image un peu prosaïque, je dirai que nous sommes tous d’accord sur le plat de résistance, mais pas sur le reste du menu. Mais de grâce, partageons déjà le plat de résistance, et nous nous permettrons d’autres envolées culinaires à l’occasion de prochains débats !
Je demande donc le retrait de l'amendement n° 19 rectifié ; à défaut, j’y serai défavorable.
Sur l'amendement n° 18 rectifié, l’avis est le même. Cet amendement est contraire, sinon à la lettre, tout au moins à l’esprit de l’article 65 de la Constitution. En l’état actuel de notre droit, il appartient bien au garde des sceaux de nommer les membres du parquet et d’exercer le pouvoir disciplinaire, le CSM n’émettant que des avis simples. Dès lors, supprimer toute référence au garde des sceaux dans l’article 5 de l’ordonnance de 1958 ne changerait pas foncièrement la situation juridique des membres du parquet. Au risque de me répéter, toute réforme substantielle du statut du parquet relève aujourd’hui d’une révision constitutionnelle.
Je ne comprends pas pourquoi l’on discute de nouveau sur ce point, puisqu’il y a un accord sur l’élément fondamental ; pour le reste, nous aviserons plus tard. Il n’est pas utile que le Sénat adopte un texte qui serait ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.
Je demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Je m’interroge sur la portée des propos tenus récemment en commission des lois par MM. Bas et Mercier, et à l’instant par M. le rapporteur.
Je crois entendre exprimer une adhésion au projet de réforme constitutionnelle…
S’agirait-il alors seulement de prises de position strictement individuelles, circonscrites ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Régulièrement, vous vous prévalez du texte qui a été adopté par le Sénat en juillet 2013, en indiquant, avec un peu de mauvaise foi
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
… qu’il s’agit d’une grande réforme ! Pourtant, vous avez écrêté le projet de réforme que nous vous avions soumis.
Sourires.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non : pardonnez-moi l’expression, mais vous y êtes allés à la tronçonneuse !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Certains d’entre vous, lors d’échanges que j’ai eus avec eux, se sont déclarés favorables à des dispositions supérieures à celles de ce qu’il est convenu d’appeler « l’amendement Mercier », s’agissant par exemple de la règle des trois cinquièmes positifs ou de la présidence de la formation plénière du CSM.
Aussi, avant de donner mon avis sur les amendements en discussion, je voudrais savoir si les paroles que vous avez tenues dans des circonstances incontestablement solennelles, dans l’hémicycle ou en commission des lois, signifient que la majorité sénatoriale votera le texte lorsqu’il sera présenté à nouveau. Je veux être sûre de comprendre ! En tout cas, l’heure de vérité viendra.
En ce qui concerne les amendements n° 19 rectifié et 18 rectifié, je partage totalement l’argumentation de M. le rapporteur.
Outre que le sujet relève du niveau constitutionnel, nous sommes attachés au modèle français du parquet. Toutefois, la France est un membre actif de l’Union européenne, partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme met régulièrement en question la qualité d’autorité judiciaire du parquet français. C’est l’une des raisons qui nous conduisent à vouloir lever toute ambiguïté, afin que le parquet apparaisse clairement comme une autorité judiciaire.
M. Michel Mercier approuve.
Toutefois, cela ne signifie pas que nous soyons prêts à renoncer au parquet à la française. Si nous voulions le faire, il faudrait y consacrer un véritable débat, car cela n’est pas anodin.
Nous maintenons le Conseil supérieur de la magistrature. Si l’on voulait aller au-delà, on pourrait instituer ce que certains appellent un « conseil de justice », mais alors il s’agit d’autre chose.
Si l’on considère que l’exécutif répond de la politique pénale, il faut qu’il ait les moyens de concevoir celle-ci, de fixer ses orientations générales et d’évaluer sa mise en œuvre. Dans le cas contraire, si l’on estime que la magistrature doit fonctionner comme une entité autonome, alors c’est elle qui doit rendre des comptes devant la représentation nationale.
En effet, aujourd'hui, le Gouvernement répondant de la politique pénale, c’est lui que vous interpellez sur celle-ci, souvent avec excès ou injustement, mais à bon droit. Il doit vous répondre, y compris d’ailleurs quand vous le mettez dans l’impossibilité de le faire en l’interrogeant sur telle ou telle procédure alors que la loi dispose que le garde des sceaux ne donne pas d’instructions individuelles !
Ainsi, si l’on met en cause le parquet à la française, on met en cause la logique, les fondations de l’édifice. Pour l’instant, c’est bien le Gouvernement qui répond de la politique pénale et, au-delà, du fonctionnement des juridictions : en cas de dysfonctionnement dans une juridiction, vous ne convoquez pas le Premier président ou le procureur général ; vous interpellez le garde des sceaux, qui doit vous répondre. Voilà le débat de fond !
Il importe donc de ne pas déséquilibrer l’édifice actuel par inadvertance, en supprimant l’autorité du garde des sceaux sur le parquet ; il s’agit de penser notre architecture institutionnelle et le rôle du parquet à la française.
Pour ma part, je le répète, le Gouvernement n’est pas disposé à fragiliser cet édifice ; nous voulons le préserver de toutes les mises en cause. C’est pourquoi ce projet de réforme constitutionnelle devient urgent : nous voyons bien que chaque décision de la Cour européenne des droits de l’homme soulève la question de l’appartenance des magistrats du ministère public à l’autorité judiciaire et de leur indépendance. Oui, ils sont indépendants dans leurs décisions juridictionnelles, mais c’est le Gouvernement qui répond de la politique pénale et du fonctionnement de l’institution.
Pour toutes ces raisons, j’émets, à regret mais sans états d’âme, un avis défavorable sur ces deux amendements.
Nous arrivons à un point important du débat et je veux expliquer pourquoi je ne voterai pas les amendements de M. Mohamed Soilihi. Ces derniers constituent, à mon sens, des faux-semblants : ils ne répondent pas à la question qui se pose à nous. D’ailleurs, notre collègue le sait parfaitement, puisqu’il indique que, ne pouvant aller plus loin, il nous faut au moins faire un tout petit pas.
Aujourd'hui, la position de la France devant la Cour européenne des droits de l’homme est fragilisée. Celle-ci considère en effet, à tort ou à raison – peu importe, elle est souveraine –, que le parquet français n’est pas indépendant et ne relève pas de l’autorité judiciaire.
Le Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises, et la chambre criminelle de la Cour de cassation, sur les réquisitions de M. Marc Robert dans le cadre d’une affaire située à La Réunion, se sont pourtant prononcés de façon particulièrement claire : les membres du parquet sont bien des magistrats.
Il nous appartient donc, en tant que détenteurs du pouvoir constituant dérivé, si j’ose dire, de perfectionner un système aujourd'hui imparfait et de rendre indépendants les membres du parquet, en faisant en sorte que le Président de la République les nomme après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Madame la garde des sceaux, je vous l’ai dit en 2013 et je le répète aujourd'hui. Je ne changerai pas de position, parce que ce sujet est trop sérieux. La France a été trop souvent condamnée à Strasbourg sur ce fondement ; c’est injuste, mais c’est ainsi. Comme la plupart de mes collègues, je tiens au modèle français du parquet, parce qu’il constitue une garantie essentielle de la liberté individuelle. Nous sommes l’un des rares pays où, dès que quelqu'un est placé en garde à vue, un magistrat – le procureur de la République – exerce son contrôle. Dans d’autres pays, que l’on présente toujours comme exemplaires en matière de défense de la liberté individuelle, tel le Royaume-Uni, il peut se passer plusieurs jours, voire semaines, avant qu’un juge ne connaisse de la situation de la personne placée en garde à vue.
Je considère que l’un des rôles essentiels du Sénat, l’une des justifications du bicamérisme, c’est la défense des libertés individuelles. Ce rôle, nous avons ici l’occasion parfaite de le jouer.
L’amendement que nous avons adopté n’avait pas pour objet de s’opposer à la réforme proposée par le Gouvernement…
Je vais donc m’arrêter, madame la présidente, puis redemander la parole. Ainsi, le compteur sera remis à zéro !
Il faudrait tout de même que notre règlement nous permette de faire notre travail !
J’irai dans le même sens que notre collègue Michel Mercier.
Madame le ministre, vous semblez minimiser l’importance du texte portant révision constitutionnelle adopté en juillet 2013 par la Haute Assemblée. Or on ne peut à la fois considérer cette réforme comme mineure et affirmer que le maintien de la qualité de magistrat des membres du parquet français au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est une exigence majeure !
Mon inquiétude a été quelque peu atténuée quand je vous ai entendue dire que cette réforme est néanmoins urgente. Dès lors, je voudrais savoir quelle est votre conception de l’urgence. Il me paraît assez simple, pour le Gouvernement, qui a su mobiliser très rapidement le Sénat pour examiner toutes affaires cessantes, la semaine dernière, un projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, de recourir aux ressources de la procédure pour hâter la discussion d’un texte constitutionnel auquel il attache un intérêt majeur !
Puisque les amendements de notre collègue Thani Mohamed Soilihi sont déposés à défaut d’une révision constitutionnelle et semblent prendre acte que celle-ci ne verra pas le jour dans un avenir prévisible, je vous demande, madame le ministre, à quoi correspond l’urgence affirmée par le Gouvernement. Quand l’Assemblée nationale sera-t-elle saisie du texte voté par le Sénat voilà un peu plus de deux ans, afin que s’accomplisse enfin votre souhait d’assurer l’indépendance du parquet par un mode de nomination que nous approuvons tous, ce qui permettra de maintenir la qualité de magistrat pour les membres du parquet ? Qu’est-ce qui pourrait encore faire obstacle à cette révision ?
J’ai bien compris que vous renvoyez la balle aux différents groupes de notre assemblée, mais vous avez pu constater qu’il existe entre nous un très large accord sur la nécessité de cette révision constitutionnelle. Madame le garde des sceaux, nous l’avons vu la semaine dernière au Sénat, vous savez très bien présenter un texte devant une assemblée en sachant que vous risquez de ne pas être suivie : qu’attendez-vous donc pour le faire à l’Assemblée nationale ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI -UC.
Qu’il s’agisse de la création du procureur général de la nation évoquée précédemment ou de la question de l’indépendance des magistrats du parquet, je n’entrerai pas dans ce jeu du chat et de la souris. Pour moi, la seule chose qui importe est de savoir quelle sera la légitimité démocratique de ces gens investis d’un énorme pouvoir. À qui le procureur général de la nation ou les procureurs « nouvelle formule » rendront-ils des comptes ? N’en rendront-ils jamais ? Tel est le fond du débat ! Il me semble inutile de le poursuivre tant que l’on n’aura pas trouvé une solution permettant de concilier l’indépendance réelle des magistrats du parquet dans les faits et la capacité à rendre des comptes.
Monsieur le président de la commission des lois, vous vous offusquez du retard pris par l’examen du texte de révision constitutionnelle adopté par le Sénat.
Je n’ai jamais dit qu’il s’agissait d’une réforme mineure ; j’ai dit qu’elle était minimale, ce qui est différent ! Quand je dis que M. Mercier a écrêté le projet du Gouvernement, cela signifie qu’il a abaissé le niveau d’ambition que traduisait celui-ci ! Je ne porte pas de jugement de valeur sur l’amendement dit « Mercier » qui a été adopté par le Sénat : simplement, l’alignement du régime disciplinaire et l’exigence d’un avis conforme du CSM pour les propositions de nomination du garde des sceaux concernant le ministère public appartiennent déjà à la pratique. Il me semble possible d’aller au-delà, de concevoir une réforme plus ambitieuse du Conseil supérieur de la magistrature. C’est pourquoi le projet du Gouvernement comportait d’autres dispositions, notamment la possibilité d’autosaisine du CSM, qui ne semble pas non plus poser de difficulté, puisque c’est un oubli survenu lors de la réforme constitutionnelle de 2008 qui a privé le CSM de ce pouvoir.
C’est pourquoi j’ai parlé d’une réforme « minimale » à propos de celle de 2013, mais, pour moi, toute réforme constitutionnelle est majeure, car il s’agit de modifier la loi fondamentale.
La présidence de la formation plénière du CSM et les conditions de nomination des personnalités qualifiées constituaient d’autres points de profonde divergence.
Au cours des années passées est né, au sein de la société, un sentiment de défiance à l’égard de l’institution judiciaire. L’une des réponses consistait à créer les conditions nécessaires pour que les magistrats n’apparaissent pas – ils ne le sont pas en réalité – comme étant dans la main du pouvoir. Ainsi, nous avions proposé de supprimer la disposition, introduite en 2008 dans la Constitution, selon laquelle le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. C’était un élément important du projet gouvernemental. Vous vous y êtes opposés avec force et constance.
Pour la désignation des personnalités qualifiées, nous avions proposé la mise en place d’un collège.
De même, vous vous êtes opposés à ce que la présidence de la formation plénière du CSM soit confiée à une personnalité qualifiée, comme nous l’avions également proposé, tout en laissant les formations disciplinaires sous l’autorité du Premier président de la Cour de cassation ou du procureur général près celle-ci, afin de mettre de la distance entre l’exécutif et la magistrature.
Telles sont les raisons qui m’amènent à dire que l’amendement Mercier a écrêté la réforme, qui, sans être mineure, est devenue de moindre portée.
Pour ce qui concerne la notion d’urgence, monsieur le président de la commission des lois, je pourrais vous rétorquer qu’un projet de révision constitutionnelle dont l’une des dispositions devait permettre la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires avait été déposé dès le mois de février 2013 ; il n’y a donc pas eu de précipitation de notre part. Je rappelle que cette charte, que vous avez refusé de ratifier, a été signée en 1999 : on voit que, pour certains, la notion d’urgence peut être extrêmement souple, pour ne pas dire élastique !
MM. Yves Détraigne et Michel Mercier sourient.
En tout état de cause, j’ai fait savoir très clairement, à la demande d'ailleurs du Président de la République, qui s’y était engagé publiquement, que le projet de loi constitutionnelle que vous avez voté devrait poursuivre son parcours législatif. L’Assemblée nationale en a été saisie et je souhaite qu’elle nous propose très rapidement une date pour son examen.
Monsieur le président de la commission des lois, vous savez bien que, par courtoisie et par respect, j’ai déjà consulté à deux ou trois reprises plusieurs membres du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC sur ce projet de réforme constitutionnelle, afin de savoir si l’on pouvait envisager un accord à propos, par exemple, de la désignation à la majorité des trois cinquièmes des personnalités qualifiées ou de la présidence de la formation plénière du CSM.
Voilà pourquoi je me suis permis de vous demander, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur Mercier, si vos paroles avaient bien valeur d’engagement collectif sur l’adoption du texte, au moins tel qu’issu des travaux du Sénat en juillet 2013, adoption qui nécessite une majorité des trois cinquièmes. J’estime qu’un tel dialogue entre l’exécutif et le législatif est de bonne méthode.
Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez m’excuser d’avoir été trop longue. Je vous promets d’être beaucoup plus raisonnable dans la suite du débat !
Monsieur Mohamed Soilihi, les amendements n° 19 rectifié et 18 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Le débat a eu lieu, même au-delà de mes espérances. À entendre les uns et les autres, il semble que l’on pourrait parvenir à un accord sur cette réforme constitutionnelle. M. le rapporteur a parlé de partager le plat de résistance : je proposais pour ma part un dessert
Sourires.
Les amendements n° 19 rectifié et 18 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 58-1 à 66 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sont abrogés.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir, je retire également cet amendement, qui va dans le même sens que les précédents.
L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Longuet et G. Bailly, Mmes Di Folco et Gruny, MM. Vogel et César, Mme Deromedi, M. Dufaut, Mme Lamure et MM. Laménie, Mouiller, B. Fournier, Laufoaulu, Houpert, Masclet et Milon, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 28, est inséré une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’avis défavorable, la nomination d’un magistrat du parquet ne peut intervenir que si, au terme d’un nouvel examen, l’avis n’est pas confirmé à la majorité des deux tiers. » ;
2° L’article 38 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’avis défavorable, la nomination d’un magistrat du parquet ne peut intervenir que si, au terme d’un nouvel examen, l’avis n’est pas confirmé à la majorité des deux tiers. »
La parole est à M. André Reichardt.
J’ai expliqué tout à l'heure, lors de mon intervention en discussion générale, que j’avais déposé le présent amendement dans l’attente que le processus de révision constitutionnelle engagé puis suspendu en 2013 aboutisse.
Cet amendement a pour objet de garantir l’indépendance des magistrats du parquet et, à travers elle, celle de l’institution judiciaire. En réalité, il s'agit essentiellement, dans mon esprit, d’un amendement d’appel, à destination de Mme la garde des sceaux.
Je dois avouer que, à l’issue du débat que nous venons d’avoir, je ne sais plus très bien où nous pourrons aller ensemble…
Cela dit, je confirme, à la suite de M. le président de la commission des lois, qu’il y a urgence à régler cette question, car la Cour européenne des droits de l’homme ne manque pas une occasion de dénier aux membres du parquet français la qualité de magistrat.
Puisque le consensus souhaité ne paraît plus du tout certain, je propose d’adopter cet amendement, qui constitue une solution intermédiaire, temporaire, au problème.
Il s’agirait de prévoir un nouvel examen en cas d’avis défavorable du CSM pour la nomination d’un magistrat du parquet. Celle-ci ne pourrait intervenir que si, au terme de ce nouvel examen, l’avis défavorable n’est pas confirmé à la majorité des deux tiers.
J’ai le sentiment que l’adoption d’une telle disposition nous permettrait d’avancer. Compte tenu du petit nombre d’avis défavorables et du nombre encore plus faible de ceux auxquels il est passé outre par l’autorité de nomination, sa portée serait essentiellement symbolique ; cette modification du régime de nomination des magistrats du parquet constituerait un alignement du droit sur le fait.
Mon cher collègue, je crains que votre proposition, animée par un réel souci de faire progresser l’indépendance du parquet, ne se heurte à de sérieux arguments de constitutionnalité.
En effet, en prévoyant qu’il ne peut être passé outre à un avis négatif du CSM que si cet avis n’est pas confirmé par un second avis, rendu à la majorité des deux tiers, vous donnez de facto au CSM un pouvoir de blocage en matière de nomination des magistrats du parquet.
Or une telle prérogative est contraire à la lettre de l’article 65 de la Constitution, qui différencie le pouvoir d’avis conforme dont le CSM dispose pour la nomination des magistrats du siège du pouvoir d’avis simple qu’il exerce pour celle des magistrats du parquet.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
J’ajoute que, par sa nature même, le présent projet de loi organique donnera lieu à un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel. Il me paraîtrait quelque peu dommageable pour l’image du Sénat, qui est en pointe sur ces questions, que le texte que nous aurons voté soit censuré. Je me permets d’insister sur ce point.
Monsieur le sénateur, je pense que le débat qui a eu lieu devrait plutôt vous rassurer : il montre tout de même une convergence sur la nécessité de procéder à des modifications qui stabiliseront le parquet à la française et d’apporter à la CEDH toutes les garanties qu’elle réclame.
Pratiquement, nous proposons de consacrer dans la Constitution la nécessité d’un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Cependant, cette disposition n’a pas sa place dans le présent projet de loi organique, car elle est de nature constitutionnelle.
C’est pour cette seule raison que je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je souhaitais entendre Mme la ministre exprimer sa volonté de relancer l’examen du projet de loi constitutionnelle suspendu depuis juillet 2013, dans la rédaction résultant de l’amendement Mercier, qui nous convient bien. Dans ce cas, je suis prêt à retirer mon amendement.
M. André Reichardt. J’aimerais avoir une dernière confirmation de Mme la ministre…
Sourires.
Monsieur le sénateur, je vous confirme mon souhait que cette réforme suive son cours. J’ai simplement fait remarquer que notre ambition était plus large, plus ample. C’est tout ! Le projet du Gouvernement contenait les dispositions du texte qui a été adopté par le Sénat, ainsi que quelques autres.
Si nous ne parvenons pas à obtenir l’adhésion des trois cinquièmes des membres du Parlement sur un texte plus ambitieux, il me paraît indispensable de conduire au moins la réforme minimale élaborée par le Sénat. Le Gouvernement n’a aucune réticence à cet égard.
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État est ainsi rédigé :
« À l’emploi de procureur général près la Cour des comptes. »
L'amendement n° 43, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Mercier.
Depuis une demi-heure, nous expliquons tous, y compris Mme la ministre, qu’il faut sortir des faux-semblants, décider soit de faire cette réforme, soit de ne pas la faire.
Or, au travers de l’article 7, le Gouvernement prévoit de supprimer la nomination des procureurs généraux en conseil des ministres. Aux termes de l’étude d’impact, « la suppression de la désignation des procureurs généraux en Conseil des ministres permettra de renforcer, à tout le moins sur le plan symbolique puisque le Conseil supérieur de la magistrature rend déjà un avis sur leur nomination, l’indépendance de ces hauts magistrats du parquet ».
Il s’agit donc, grosso modo, de faire prendre des vessies pour des lanternes ! Là encore, se pose la question de savoir si nous faisons la réforme ou si nous ne la faisons pas.
Je rappelle à Mme la garde des sceaux, qui a raison de vouloir prendre beaucoup de précautions, que la réforme constitutionnelle de 2008 a été votée à une voix de majorité, qu’une foule de parlementaires, de toutes sensibilités, se targuent d’avoir apportée… Je suis bien placé pour savoir ce qu’il en est, mais c’est une autre question !
Si vous voulez faire cette réforme, madame la garde des sceaux, faites-la pour de bon ! Les arguments que vous avancez pour défendre l’article 7 m’obligent à en demander la suppression.
La commission comprend la position de notre collègue Mercier, auteur d’un amendement permettant de régler définitivement le problème du parquet à la française, conformément à nos souhaits et à ceux des instances européennes.
Dès lors que le Gouvernement ne veut pas de cette solution, pourquoi accepterions-nous la mesure de l’article 7 ? Toutefois, pour symbolique qu’elle soit, la suppression de l’exigence d’une délibération en conseil des ministres des décrets de nomination des procureurs généraux est soutenue par le corps judiciaire, comme l’ont fait apparaître les auditions que nous avons menées.
C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous suggère de retirer votre amendement, d’autant que Mme la ministre nous a assuré tout à l’heure que tout serait mis en œuvre pour que le dispositif de l’amendement que j’ai évoqué en préambule soit un jour transcrit dans notre Constitution.
Je crois que M. Mercier a l’intention de retirer cet amendement…
Je n’ai rien dit ! Je préfère d’abord prendre le temps de vous écouter, madame la garde des sceaux.
Oui, cette mesure a une dimension symbolique, mais les symboles ne sont pas à négliger, en particulier s’agissant de l’institution judiciaire. Lors de la discussion générale, j’ai dit qu’il fallait non seulement assurer l’indépendance et l’impartialité effectives des magistrats, mais aussi faire percevoir à la société cette indépendance et cette impartialité.
Dans une société, il y a des codes, des implicites, des repères. C'est la raison pour laquelle les symboles et le décorum sont importants dans l’institution judiciaire, qui assume une mission fondamentale.
À nos yeux, garantir l’indépendance par rapport au pouvoir politique des procureurs généraux, dont le rôle est de mettre en œuvre la politique pénale du Gouvernement dans le territoire de leur ressort, et la donner à voir à la société a du sens et du poids.
C’est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Mercier.
Je dois malheureusement dire que les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre ne me convainquent guère.
Toutefois, il est un autre argument, que ni l’un ni l’autre n’ont utilisé, qui justifie le retrait de mon amendement.
Les cours d’appel sont dirigées par une dyarchie : le premier président n’est pas nommé en conseil des ministres, tandis que le procureur général l’est, ce qui crée un déséquilibre. Pour y remédier, il convient que les mêmes modalités de nomination s’appliquent à ces deux magistrats. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement.
L'article 7 est adopté.
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept ». –
Adopté.
L'amendement n° 23, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – La mobilité ou l’avancement d’un magistrat nommé dans une juridiction outre-mer ne peut souffrir aucune restriction consécutive à ce choix. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
La règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut » est une règle prétorienne fixée par le Conseil supérieur de la magistrature et réaffirmée dans chacun de ses rapports. Sa mise en œuvre se concrétise par l’avis défavorable qu’émet le CSM sur les propositions de nomination dans une juridiction ultramarine de magistrats déjà en poste en outre-mer. Ces derniers, lorsqu’ils souhaitent changer d’affectation ou réaliser une promotion, doivent en principe demander un poste en métropole. Toute mobilité géographique en équivalence ou en avancement dans une juridiction ultramarine, même distante de plusieurs milliers de kilomètres de celle où il exerce, est fermée à un magistrat en poste outre-mer.
Le Conseil supérieur de la magistrature accepte des dérogations à cette règle pour des motifs graves, familiaux ou de santé, ou pour des impératifs de bonne administration de la justice. Il tient ainsi compte de la nécessité, pour le garde des sceaux, dans l’exercice de son pouvoir de proposition, de faire face à une pénurie de candidats pour certains postes.
Le Conseil supérieur de la magistrature affirme avec constance que « le respect de cette règle permet d’assurer les conditions d’un bon exercice des fonctions juridictionnelles hors de la métropole ».
Quant au Conseil d’État, il consacre également cet adage en énonçant, dans un arrêt du 29 octobre 2013, que « le Conseil supérieur de la magistrature s’attache, au titre de sa mission générale d’avis sur les nominations des magistrats du siège, à promouvoir la mutation ou la promotion en métropole des magistrats en poste dans les départements et collectivités d’outre-mer afin d’assurer le bon fonctionnement des juridictions, tout en prenant en compte les impératifs liés à la situation personnelle du magistrat ou aux considérations de bonne administration de la justice ».
Cette règle signifie-t-elle que le magistrat qui poursuit une carrière outre-mer perd sa capacité à exercer son métier avec compétence et impartialité ? Considère-t-on que les magistrats exerçant outre-mer n’appliquent pas le droit avec compétence et rigueur ? Qu’ils prennent de mauvaises habitudes d’exercice professionnel, au point qu’un retour régulier en métropole soit indispensable afin de leur permettre de se corriger avant de rejoindre une nouvelle affectation ultramarine ?
Cette règle, que l’on peut qualifier de discriminatoire, a pour effet de nuire à une exigence déontologique des magistrats, à savoir l’exigence de mobilité géographique, laquelle constitue pourtant, selon les termes mêmes du Conseil supérieur de la magistrature, une garantie d’impartialité du magistrat.
Nous proposons donc d’abroger la règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut », ce qui aurait pour conséquence de garantir la qualité des magistrats exerçant outre-mer ayant acquis une expérience des règles spécifiques qui y sont appliquées, de permettre la mobilité géographique des magistrats et de pourvoir les postes dans les juridictions ultramarines désertées.
Cet amendement vise à promouvoir la mobilité géographique des magistrats exerçant outre-mer, en créant un régime dérogatoire d’avancement et de mobilité.
En effet, la politique de mobilité à l’intérieur de la magistrature n’encourage pas, par principe, la mobilité d’une juridiction située outre-mer à une autre.
Cette restriction s’explique par la volonté de permettre une mobilité géographique des magistrats. Il est préférable de repasser par un poste en métropole avant d’obtenir un nouveau poste outre-mer.
Néanmoins, les services de la chancellerie m’ont informé que la pratique actuelle prévoit d’ores et déjà qu’aucune restriction ne soit opposée aux magistrats déjà en poste en outre-mer souhaitant présenter leur candidature à un poste pour lequel il n’y a pas d’autres candidats.
Par ailleurs, cet amendement présente à mon sens quelques difficultés d’ordre constitutionnel en ce que son adoption créerait une inégalité entre les magistrats candidats à une mobilité en métropole et ceux candidats à une mobilité en outre-mer. Or un manque d’attractivité ne peut justifier à lui seul de déroger aux principes qui régissent tous les magistrats candidats à une mobilité ou à un avancement.
La première partie de mon propos constitue bien évidemment la principale raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Je comprends votre préoccupation : il existe effectivement un problème d’attractivité – je n’aime pas ce terme, mais c’est celui que l’on emploie généralement – des postes outre-mer.
La règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut » est une règle de gestion des ressources humaines qui n’a sa place ni dans la Constitution, ni dans une loi organique, ni même dans une loi ordinaire.
Ce problème d’attractivité des outre-mer se traduit souvent par un manque de candidats. En revanche, certains magistrats souhaitent faire carrière outre-mer.
Depuis que je suis garde des sceaux, je veille à ce que les conditions de mise en œuvre de la loi soient les mêmes partout, la loi exprimant la volonté générale. Des problèmes d’attractivité se posent aussi dans l’Hexagone : nous avons beaucoup de mal à pourvoir des postes de magistrat, tant du siège que du ministère public, dans certaines juridictions.
Nous répondons aux difficultés constatées outre-mer d’abord en faisant preuve de souplesse dans la mise en œuvre de cette règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut ».
Ensuite, j’ai lancé une campagne de sensibilisation voilà un peu plus deux ans. Pour faire évoluer la perception que les auditeurs de justice pouvaient avoir de ces territoires, j’ai demandé à des magistrats ayant exercé outre-mer d’intervenir à l’École nationale de la magistrature. Cette amélioration de la connaissance des outre-mer a porté ses fruits : dès la deuxième année, des élèves classés parmi les vingt premiers au terme du cursus ont demandé une affectation outre-mer, alors que ces postes n’étaient habituellement demandés que par les derniers.
Il est important de faire savoir que les outre-mer ne sont pas seulement des territoires lointains et compliqués : ce sont aussi des lieux où les réalités sociologiques et culturelles induisent des problématiques intéressantes, en matière tant pénale que civile. L’insertion des territoires ultramarins dans leurs bassins régionaux ouvre la possibilité de s’enrichir culturellement, de développer des relations et des action de coopération.
Cela étant, il faut admettre qu’une affectation outre-mer peut entraîner un bouleversement familial pour les magistrats, jeunes ou expérimentés. Par conséquent, nous veillons à ce que les demandes de retour dans l’Hexagone de magistrats ayant servi dans un outre-mer soient considérées avec une attention particulière. Cela relève non pas d’un préjugé selon lequel leur séjour outre-mer aurait conduit à une altération de leur rapport à la justice, mais d’une prise en considération de la réalité objective du service outre-mer pour ces magistrats.
Par ailleurs, nous nous attachons à susciter des vocations de magistrat parmi les étudiants d’outre-mer. Par exemple, des conventions ont été signées entre l’École nationale de la magistrature et les universités d’outre-mer pour mettre en place des tutorats, en vue d’inciter les bons étudiants en droit à envisager la carrière de la magistrature.
Je comprends vos préoccupations, qui sont fondées, monsieur le sénateur. Il est vrai qu’à Mayotte, en particulier, la situation est très difficile : tant pour les magistrats que pour les greffiers, nous sommes souvent confrontés à des problèmes en matière d’affectation. Nous souhaitons pour autant respecter le principe d’égalité, car la loi doit être la même pour tous et partout.
J’aurais aimé faire plaisir à la fois à M. le rapporteur et à Mme la garde des sceaux, que j’apprécie tous deux particulièrement, mais je demande qu’il soit mis fin à une discrimination liée à une règle non écrite, prétorienne, dont nous savons tous qu’elle est appliquée, sauf exceptions.
Je n’ai pas été convaincu par les arguments de la ministre et du rapporteur. Je maintiens donc cet amendement, pour que chacun prenne ses responsabilités par son vote.
J’entends tout à fait l’argument de Mme la garde des sceaux selon lequel appliquée strictement à la sous-catégorie des magistrats nommés outre-mer cette disposition aurait un caractère d’exception et ne serait pas, en outre, de niveau organique.
En revanche, il semble bien exister des mécanismes de gestion qui encadrent, voire limitent, les possibilités de mobilité après une première affectation outre-mer.
Ne serait-il pas judicieux de rectifier l’amendement en retirant les termes « nommé dans une juridiction outre-mer », pour énoncer simplement le principe que, en mobilité ou en avancement, la nouvelle affectation d’un magistrat ne peut être conditionnée par son affectation antérieure ? Une telle règle, qui s’appliquerait à tout le monde, me paraît conforme au principe d’indépendance.
Pardonnez-moi de dire les choses franchement, peut-être un peu brutalement.
Les conditions d’affectation dans les outre-mer, tant dans la magistrature que dans le reste de la fonction publique, sont particulières, vous le savez. Certains enchaînent les postes outre-mer, d’autres choisissent d’y prendre leur retraite… Une disposition visant ces derniers a été prise voilà trois ans.
Cette réalité ne doit pas fonder une doctrine d’affectation dans les outre-mer, mais on ne peut pas l’esquiver : la suggestion faite par M. Alain Richard ne me le permet pas !
On m’indique que l’adoption de l’amendement rectifié dans le sens suggéré par M. Richard, qui concerne une règle administrative de gestion des ressources humaines, pourrait être difficilement conciliable avec d’autres règles importantes, le terme « mobilité » pouvant par exemple également concerner les passages entre siège et parquet.
Monsieur le sénateur, j’entends vos préoccupations, mais je vous propose une nouvelle fois de retirer votre amendement.
Monsieur Mohamed Soilihi, maintenez-vous finalement l’amendement n° 23 ?
J’entends les réserves émises par Mme la garde des sceaux, mais je laisse au Sénat le soin de se prononcer sur mon amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
L’article 3-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le neuvième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « nommés », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « à l’un des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés. » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
- Après les mots : « premier vice-président adjoint, », sont insérés les mots : « premier vice-président chargé de l’instruction, premier vice-président chargé des fonctions de juge des enfants, premier vice-président chargé de l’application des peines, premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance, premier vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention » ;
- À la fin, les mots : « ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance » sont remplacés par les mots : « premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance ou premier vice-procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris » ;
2° À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « celle des deux juridictions mentionnées » sont remplacés par les mots : « l’un des tribunaux de grande instance mentionnés ».
L’amendement n° 49, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
, premier vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec la réforme proposée pour le mode de nomination du juge des libertés et de la détention.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, dans la mesure où il est opposé à la modification proposée par la commission concernant le mode de nomination du juge des libertés et de la détention.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 24, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot « huit » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « celle des deux juridictions mentionnées » sont remplacés par les mots : « l’un des tribunaux de grande instance mentionnés » et le mot « sixième » est remplacé par le mot « huitième ».
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement a pour objet d’allonger de deux années la possibilité, pour un magistrat, d’exercer, sur l’ensemble de sa carrière, les fonctions de magistrat placé. Un tel allongement constitue un moyen de pallier la désaffection pour cette fonction, en répondant aux besoins des juridictions et au souhait de certains magistrats de l’exercer au-delà de la limite de six ans sur l’ensemble de la carrière, limite qui apparaît parfois trop restrictive. Des magistrats qui ont déjà exercé ces fonctions peuvent en effet solliciter une nouvelle nomination sur de tels postes pour favoriser le développement de leur carrière, afin notamment d’accéder plus rapidement au premier grade, pour obtenir, à la suite par exemple de changements survenus sur le plan personnel, un poste dans une cour d’appel particulièrement demandée ou tout simplement par choix, ces fonctions donnant droit, sous certaines conditions, au remboursement des frais engagés à un taux de prime forfaitaire fixé à 39 %.
L’amendement a pour objet d’étendre de six à huit ans la durée pendant laquelle un magistrat est autorisé à exercer les fonctions de magistrat placé.
Ces fonctions sont particulièrement utiles, parce qu’elles permettent de répondre temporairement aux problèmes de vacance de postes.
Toutefois, l’emploi de magistrat placé constitue une atteinte au principe de l’inamovibilité des magistrats du siège. Certes, un magistrat ne peut occuper cette fonction que s’il y consent, mais, lorsqu’il a accepté d’être placé auprès des juridictions d’une cour d’appel, il revient au seul chef de cour de décider discrétionnairement de l’emploi qu’il occupera dans le ressort de la cour.
C’est la raison pour laquelle le législateur organique a limité strictement la durée d’exercice de cette fonction. D’ailleurs, en 2011, le Sénat avait refusé, sur l’initiative de notre collègue Jean-Yves Leconte, que cette durée soit allongée.
Faut-il passer de six à huit ans ? Je suis assez réservé sur ce point. Je rappelle que, pour attirer des magistrats dans cette fonction, l’ordonnance statutaire leur garantit une priorité d’affectation dans le ressort de la cour d’appel à partir de deux ans d’exercice. Les intéressés cherchent à en profiter le plus rapidement possible, afin de progresser dans leur carrière. Il est rare qu’un magistrat exprime le vœu de rester magistrat placé plus de six ans. Ceux qui souhaiteront le rester huit ans seront encore plus rares, à moins de développer une stratégie consistant à être successivement magistrat placé pendant deux ou trois ans, afin de bénéficier à chaque fois de la priorité d’affectation. Je ne suis pas certain qu’il faille encourager ce genre de stratégies… J’émets donc un avis plutôt défavorable.
L’avis du Gouvernement est plutôt favorable…
J’ai écouté les arguments du rapporteur avec la plus grande attention ; ils révèlent son souci du bon fonctionnement de la magistrature.
Toutefois, l’adoption de l’amendement ne bouleverserait pas le fonctionnement des juridictions et des affectations sur ces postes, et il convient de tenir compte des besoins et des demandes des juridictions. En effet, plus les promotions de l’ENM sont importantes, plus nous créons de postes et plus il y a de postes vacants, la formation des magistrats durant trente et un mois. Nous commençons toutefois à recueillir les fruits des efforts consentis, puisque nous enregistrons en 2015 pour la première fois un solde positif en termes d’arrivées effectives dans les juridictions.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
L'amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article 6 de la même ordonnance, le mot : « religieusement » est supprimé.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Il s’agit d’harmoniser la formulation du serment prêté par les magistrats de l’ordre judiciaire avec celle du serment des magistrats des juridictions financières, en supprimant l’adverbe « religieusement ». Cette formulation, fixée par l’article 6 de l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, qui n’a pas été modifié depuis, est la suivante : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
La commission n’a pu examiner cet amendement, qui a été déposé tardivement ; c’est donc un avis purement personnel que je vais exprimer.
La suppression par coordination de l’adverbe « religieusement », qui ne figure plus dans le serment prêté par les autres magistrats, me choquerait d’autant moins que, si mes souvenirs sont bons, il a également disparu, à une certaine époque, du serment prêté par les avocats.
Il n’y aurait rien de choquant non plus à conserver ce mot, sa présence ne signifiant évidemment pas que le magistrat prête serment sur un quelconque texte religieux. L’adverbe « religieusement » renvoie plutôt à la dimension sacramentelle du serment. Il ne faut pas plus prêter de mauvaises intentions aux mots qu’aux êtres !
J’émets, à titre personnel, un avis favorable sur cet amendement, ne serait-ce que pour des raisons de coordination. Par ailleurs, toujours par coordination, il serait souhaitable de supprimer le même terme à l’article 20 de l’ordonnance statutaire, relatif au serment des auditeurs de justice. Je vous suggère donc, madame la ministre, de rectifier votre amendement en ce sens.
Madame la ministre, que pensez-vous de la rectification proposée par M. le rapporteur ?
J’y souscris et je rectifie mon amendement en ce sens, madame la présidente.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 63 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au deuxième alinéa de l’article 6 de la même ordonnance, le mot : « religieusement » est supprimé.
II.- Au troisième alinéa de l’article 20 de la même ordonnance, le mot : « religieusement » est supprimé.
Je le mets aux voix.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 9.
L’amendement n° 26, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le magistrat intégré au titre des articles 22 et 23 nommé dans une juridiction d’outre-mer et effectuant son stage préalable sur le territoire métropolitain peut prêter serment devant la cour d’appel de sa résidence. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement vise à régler les problèmes pratiques rencontrés pour recevoir les prestations de serment des magistrats intégrés nommés outre-mer qui souhaitent effectuer leur stage préalable dans l’Hexagone et veulent éviter le déplacement pour procéder à la prestation de serment devant leur cour d’appel d’affectation.
En effet, à compter de la parution du décret de nomination, les candidats à l’intégration au titre des articles 22 et 23 de l’ordonnance statutaire ont la qualité de magistrat et doivent prêter le serment prévu par l’article 6 de cette ordonnance, quand bien même ils sont soumis à un stage de six mois préalable à leur installation. Or la prestation de serment prévue par l’article 6 doit impérativement intervenir devant la cour d’appel d’affectation. Les magistrats intégrés nommés outre-mer sont donc actuellement contraints d’effectuer un aller-retour outre-mer uniquement pour prêter serment avant de commencer leur stage de six mois dans l’Hexagone. En outre, les frais occasionnés par ces trajets grèvent les budgets des cours d’appel concernées.
Il s’agit d’une mesure de bon sens. La commission émet un avis favorable.
Il faudrait ajouter deux virgules : l’une avant « nommé » et l’autre après « métropolitain ».
Monsieur Mohamed Soilihi, acceptez-vous cette suggestion de rectification ?
Je suis donc saisie d’un amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le magistrat intégré au titre des articles 22 et 23, nommé dans une juridiction d’outre-mer et effectuant son stage préalable sur le territoire métropolitain, peut prêter serment devant la cour d’appel de sa résidence. »
Je le mets aux voix.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 9.
L’article 12-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et à l’occasion d’une candidature au renouvellement des fonctions » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette évaluation est précédée de la rédaction par le magistrat d’un bilan de son activité et d’un entretien avec le chef de la juridiction où le magistrat est nommé ou rattaché ou avec le chef du service dans lequel il exerce ses fonctions. S’agissant des juges de proximité et des magistrats exerçant à titre temporaire, elle est précédée d’un entretien avec, selon le cas, le président du tribunal de grande instance ou le magistrat du siège de ce tribunal chargé de l’administration du service du tribunal d’instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité ou auprès duquel le magistrat exerçant à titre temporaire est affecté. L’évaluation est intégralement communiquée au magistrat qu’elle concerne. » ;
3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité qui procède à l’évaluation prend en compte les conditions d’organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat exerce ses fonctions. S’agissant des chefs de juridiction, l’évaluation apprécie, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction. »
L’amendement n° 50, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
1° Supprimer les mots :
dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité ou
2 ° Après la deuxième occurrence du mot :
temporaire
insérer les mots :
ou le juge de proximité
La parole est à M. le rapporteur.
L’adoption de cet amendement est rendue nécessaire par la suppression de la juridiction de proximité à compter de janvier 2017.
L’adoption de cet amendement ne permettra pas de procéder à l’intégralité de la coordination souhaitée pour prendre en compte la suppression de la juridiction de proximité. En effet, l’entretien précédant l’évaluation ne pourra plus avoir lieu avec le magistrat chargé de l’administration du tribunal d’instance, mais avec le président du tribunal de grande instance.
J’émets cependant un avis favorable, sous réserve que la rédaction évolue au cours de la procédure législative.
L’amendement est adopté.
L’article 10 est adopté.
L’article 13 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « au siège » sont remplacés par les mots : « dans le ressort » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou dans le ressort d’un tribunal de grande instance limitrophe » ;
2° (Supprimé)
L'article 11 est adopté.
L’amendement n° 25, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du premier alinéa de l’article 27 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est supprimée.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
L’amendement a pour objet de supprimer de l’article 27 de l’ordonnance statutaire des dispositions qui deviennent inutiles eu égard aux nouvelles dispositions introduites par le présent projet de loi à l’article 36 de la même ordonnance. En effet, selon ces dernières, les magistrats non inscrits sur la liste établie chaque année par les chefs de cour de présentation en vue de l’inscription au tableau d’avancement pourront dorénavant saisir directement la commission d’avancement, ce qui est actuellement prévu à l’article 24 du décret statutaire du 7 janvier 1993.
Cet amendement établit une coordination avec les modifications introduites à l’article 36 de l’ordonnance statutaire. Avis favorable.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 11.
(Non modifié)
L’article 27-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « et organisations professionnelles » sont supprimés ;
2° À la première phrase et au début de la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « ne s’appliquent pas aux projets de nomination de substitut chargé du secrétariat général d’une juridiction. Elles » sont supprimés. –
Adopté.
(Non modifié)
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 28 de la même ordonnance est complétée par les mots : « et aux magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur des services judiciaires ». –
Adopté.
Après l’article 28-3 de la même ordonnance, il est inséré un article 28-4 ainsi rédigé :
« Art. 28-4. – Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège exerçant la fonction de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance, après avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Le juge des libertés et de la détention peut être suppléé, y compris par un magistrat du siège n’exerçant pas les fonctions mentionnées au premier alinéa, en cas de vacance d’emploi, d’absence ou d’empêchement, ainsi que pour l’organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, dans des conditions définies par la loi. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 47 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 28-3 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « Les fonctions de », sont insérés les mots : « juge des libertés et de la détention, de » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « en qualité de », sont insérés les mots : « juge des libertés et de la détention, de » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « Nul ne peut exercer plus de dix années la fonction de », sont insérés les mots : « juge des libertés et de la détention, de ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 37.
Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, nous n’approuvons pas la réécriture de l’article 14. La rédaction initiale de cet article modifiait l’article 28-3 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 pour renforcer le statut des juges des libertés et de la détention, notamment afin que ceux-ci, au même titre que les magistrats chargés de fonctions spécialisées, soient nommés par décret et non désignés par le président du tribunal de grande instance.
La commission des lois a modifié en profondeur la rédaction de l’article 14, en particulier en adoptant un amendement du rapporteur aux termes duquel le juge des libertés et de la détention resterait un magistrat du premier grade désigné par le président du tribunal de grande instance, mais après avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège du tribunal concerné. Cette formalité, selon le rapporteur, devrait « protéger l’exercice de la fonction, sans pour autant occasionner les rigidités liées à une nomination par décret ».
Certes, l’introduction de l’avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège représente une forme de garantie, le rôle de celle-ci n’étant aujourd’hui que consultatif : les chefs de juridiction exercent encore, pour l’heure, un pouvoir discrétionnaire en matière d’affectation des magistrats au service du juge des libertés et de la détention. Toutefois, cette disposition ne suffira pas à limiter les risques d’exercice de pressions par les chefs de juridiction sur ces magistrats. L’actualité a montré, très récemment, qu’un juge des libertés et de la détention pouvait faire l’objet de pressions de la part de sa hiérarchie pour tenter de l’empêcher de prendre une décision de remise en liberté de migrants, par exemple.
Par ailleurs, la question de l’ancienneté des magistrats est évidemment importante, mais si tel est véritablement le souci de la commission, pourquoi ne pas prévoir, dans la loi organique, que les fonctions de juge des libertés et de la détention soient réservées aux magistrats du premier grade ?
Enfin, l’argument tenant aux difficultés de gestion qui pourraient résulter de la mise en œuvre de cette réforme dans les petites juridictions est infondé. En effet, elles comptent déjà des juges de l’application des peines, des juges d’instruction et des juges des enfants nommés par décret et, a priori, elles s’en accommodent bien.
Ainsi, une telle réforme ne posera pas de problèmes de gestion : si le poste ne constitue pas un emploi à temps plein, rien n’interdira de confier d’autres compétences au juge des libertés et de la détention pour compléter son temps de service, comme cela se fait pour d’autres juges spécialisés. Au contraire, cette réforme permettra une reconnaissance institutionnelle de nature à favoriser l’investissement des magistrats dans cette fonction.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons de rétablir la rédaction initiale de cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 47.
Le Gouvernement souhaite également le rétablissement du texte initial, faisant du juge des libertés et de la détention un juge spécialisé, qui recevra une formation et sera mieux protégé grâce à son statut particulier.
Nous tenons à cette mesure. J’ai répondu tout à l’heure aux préoccupations exprimées pour ce qui concerne les petites juridictions. D’autres juges spécialisés y sont affectés et participent à la vie de la juridiction au-delà de l’exercice de leur spécialité. Le juge des libertés et de la détention est garant des droits des droits et des libertés : nous pensons qu’il est bon qu’il soit un juge spécialisé.
Les amendements n° 37 et 47 visent à rétablir le texte initial de l’article 14 du projet de loi organique. Je souhaite exposer les raisons qui ont conduit la commission des lois à proposer une solution alternative à la réforme présentée par le Gouvernement.
Je tiens tout d’abord à rappeler que la fonction de juge des libertés et de la détention a été créée par la loi du 15 juin 2000 pour retirer au juge d’instruction la compétence en matière de détention provisoire, afin d’instituer un « double regard » – selon l’expression du moment – sur les affaires instruites et de confier à un magistrat expérimenté le soin de prendre les décisions qui portent, avant condamnation éventuelle, le plus lourdement atteinte à la liberté.
Depuis cette date, les compétences du juge des libertés et de la détention n’ont cessé de s’étoffer dans le domaine de la procédure pénale, mais également dans de nombreux autres secteurs. Désormais, vingt codes prévoient son intervention –je pense, en particulier, au contentieux des étrangers ou à l’hospitalisation psychiatrique. La liste de toutes les compétences du juge des libertés et de la détention figure d’ailleurs en annexe du rapport que j’ai l’honneur de présenter : c’est assez effrayant !
Ainsi que l’a souligné un haut magistrat que nous avons auditionné, le juge des libertés et de la détention « s’est très vite affranchi des limites fixées par la loi du 15 juin 2000 », au point de s’imposer désormais « comme le juge de droit commun lorsqu’il s’agit d’autoriser des mesures privatives ou restrictives de liberté » et de s’affirmer « comme un juge pénal de l’urgence ».
On nous a fait valoir que les compétences que le juge des libertés et de la détention tire des textes applicables sont trop importantes pour qu’il ne bénéficie pas des mêmes protections statutaires que ses collègues magistrats du siège. À cet égard, son mode actuel de désignation – par le président du tribunal de grande instance parmi les magistrats du premier grade exerçant une fonction de premier vice-président ou de vice-président – ne le mettrait pas à l’abri des pressions pouvant s’exercer sur lui.
Madame la ministre, je n’irai pas par quatre chemins : tous les magistrats qu’Yves Détraigne et moi-même avons entendus nous ont fait part des réserves que leur inspirait la réforme que vous proposez, seules les organisations syndicales de magistrats approuvant celle-ci.
Ces organisations représentent peut-être les magistrats !
Après en avoir délibéré, la commission des lois a estimé que la réforme que vous proposez ne fonctionnerait pas. C’est bien dans un esprit constructif, animés par le souhait de déboucher sur une réforme pragmatique, que nous vous proposons un autre projet.
Nous avons tout d’abord considéré qu’il était indispensable que le juge des libertés et de la détention demeure un magistrat expérimenté. Devant, dans la plupart des cas, statuer dans l’urgence et sur des dossiers complexes, le juge des libertés et de la détention doit en effet avoir une grande expérience, d’autant plus que, face à des pressions multiples – de la part des services enquêteurs de police ou de gendarmerie, du parquet ou des avocats –, ce n’est pas une nomination par décret après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature qui fera son indépendance, mais bien sa connaissance de la mécanique judiciaire.
Ensuite, les conditions d’exercice de cette fonction la rendent peu attractive aux yeux des magistrats. Et la spécialisation n’aura aucun effet ; la mission restera « subie ».
Il est à craindre – vous avez d’ailleurs prévu cette éventualité, madame la garde des sceaux – qu’il ne faille désigner d’office de jeunes auditeurs sortis de l’ENM et peu préparés à une telle fonction pour pourvoir les plus de 200 postes de JLD en France ou que les candidatures proposées soient motivées non pas par un intérêt professionnel, mais par des préoccupations géographiques.
En outre, et c’est un élément important, la nomination par décret pourra également se retourner contre le bon fonctionnement de la justice. Le magistrat, juge des libertés fondamentales, ne pourra jamais statuer en collégialité, hormis dans les très grands TGI dotés de plusieurs JLD. C’est donc un argument supplémentaire en faveur du choix d’un professionnel expérimenté et totalement indépendant !
Par ailleurs, un président de TGI n’aurait aucun recours face à un JLD qui exercerait ses fonctions de manière insatisfaisante et dont la pratique et la jurisprudence seraient décriées par l’ensemble des intervenants auprès du tribunal, à commencer par ses collègues.
Nous avons donc estimé que le système proposé présentait de nombreuses rigidités et qu’il serait difficilement applicable.
Notre solution a le mérite, tout en répondant à vos objectifs, d’accroître les garanties dont disposent les JLD sans soulever les inconvénients que je viens d’énumérer. Nous ne prônons donc nullement le statu quo.
Premièrement, le JLD resterait un magistrat du premier grade exerçant les fonctions de président, de premier vice-président ou de vice-président du TGI. Cette exigence serait désormais posée dans l’ordonnance statutaire.
Deuxièmement, sa nomination interviendrait après avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège ; c’est une nouveauté. Cette solution avait d’ailleurs été esquissée dans l’étude d’impact du projet de loi, sans être retenue. Nous avons considéré qu’il s’agirait là d’une bonne méthode, alliant accroissement des garanties d’indépendance, protection contre la révocation arbitraire et souplesse. Là encore, cette disposition figurerait dans l’ordonnance statutaire.
Troisièmement, les cas dans lesquels le JLD pourrait être suppléé seraient limitativement énumérés dans l’ordonnance de 1958, mais la définition des modalités de mise en œuvre de cette suppléance serait renvoyée à la loi ordinaire.
En d’autres termes, madame la garde des sceaux, la commission des lois, loin d’écarter totalement vos préoccupations, a seulement jugé que l’objectif ne serait pas atteint avec le texte présenté. Nous proposons un autre dispositif, mais nous ne voulons pas transiger sur le fait que le JLD doit être du premier grade.
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu la volonté que vous venez d’exprimer.
Toutefois, je souhaite préciser un élément. En tant que magistrat spécialisé, le JLD recevra une formation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est une différence significative !
Vous déclarez par ailleurs que les auditions ont révélé l’opposition de tous vos interlocuteurs, à l’exception des représentants des magistrats !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il me semble que les syndicats représentent les magistrats.
Sourires.
Certes. Mais c’est la caractéristique de tous les syndicats. Encore heureux, d’ailleurs ! Sinon, cela signifierait que l’adhésion à un syndicat est obligatoire.
Les syndicats ont été entendus dans le cadre de la consultation que nous avons menée.
M. le sénateur Yves Détraigne, qui a beaucoup participé aux travaux pendant deux ans et corédigé de nombreux rapports, a reconnu que cette consultation avait été profonde, intense et sérieuse. Or notre proposition en est issue.
J’ai employé l’expression d’« écosystème » à propos de la réforme : il y a des expérimentations, et certaines dispositions sont de nature réglementaire. Tout ne figure donc pas dans le projet de loi organique.
Parmi les mesures de modernisation et d’amélioration de la démocratie dans nos juridictions, nous avons notamment introduit de nouvelles règles pour les assemblées générales.
Vous proposez une désignation après avis conforme de l’assemblée générale. À mon avis, M. le président de la commission des lois va protester avec force, opiniâtreté, pugnacité, ténacité, intensité et même plus
Sourires.
Le Sénat, qui examinait voilà à peu près un an un texte de transposition de directives européennes, s’était opposé à la désignation du JLD après avis conforme de l’assemblée générale, jugeant qu'il était souhaitable d'avoir un magistrat spécialisé, afin d’apporter de meilleures garanties à l’exercice de ses missions.
Les choses se sont passées en deux étapes. Dans un premier temps, j’ai constaté une remontée unanime de la demande visant à faire du JLD un juge spécialisé. Puis, lors d’un déplacement, alors que j’échangeais avec des magistrats, un président de juridiction m’a fait part de son opposition à la spécialisation du JLD. Après avoir exprimé mon étonnement – on m’avait dit que le soutien à cette évolution était unanime –, j’ai bloqué la mesure et procédé à de nouvelles consultations.
Il y a incontestablement des oppositions ; peut-être le président de la Conférence des premiers présidents ou les présidents de juridiction vous en ont-ils fait part. Mais je puis vous certifier que les assemblées générales réclament la spécialisation. Encore une fois, c’est une avancée incontestable : le JLD bénéficiera d’une formation, alors qu’il n’y en a pas aujourd’hui.
Monsieur le rapporteur, vous vous demandez ce qu’il adviendrait en cas de vacance de poste. Je vous le rappelle, il existe d’autres juges spécialisés, qu’il s’agisse du juge des enfants, du juge d’instruction ou du juge d’application des peines. Nous sommes déjà confrontés à des situations dans lesquelles nous devons nommer un autre juge, procéder à un remplacement temporaire ou charger d’autres tâches le juge spécialisé d’une petite juridiction. C’est un problème que l’on rencontre sur le terrain ; les chefs de juridiction savent y répondre.
En l’espèce, c’est un vrai progrès. Il y aura une formation, une spécialisation, de véritables candidatures à ce poste et un statut plus protecteur !
Le Gouvernement tient à cette mesure, et il semblerait qu’une majorité de magistrats y soient également favorables. Nous espérons donc que la Sénat rétablira la spécialisation du JLD.
M. François Pillet, rapporteur. Madame la garde des sceaux, si je ne conteste pas les éléments que vous avez pu recueillir lors de vos consultations, vous ne contesterez pas non plus que certains JLD m’ont fait part de leur opposition au dispositif envisagé.
Mme la garde des sceaux en convient.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous avons ouvert un portail sur le site internet du Sénat pour alimenter notre réflexion. Un certain nombre de magistrats ont déposé des contributions pour manifester leur désaccord.
Par ailleurs, un magistrat nommé JLD par le président du TGI a tout à fait la possibilité d’être formé en formation continue. À l’inverse, un auditeur sortant de l’ENM n’a pas nécessairement reçu une formation plus spécialisée que les autres dans le cadre de sa formation initiale, sauf s’il a émis le souhait de devenir JLD dans son arrivée dans cette école, hypothèse peu réaliste, la fonction ne suscitant pas, me semble-t-il, beaucoup de vocations.
Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes, afin que les membres de mon groupe puissent échanger sur le sujet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
Notre groupe est très partagé.
Nous sommes convaincus que la création du JLD, en 2000, fut une décision importante. Et il était fondamental que cette fonction, « l’office libéral » dont parle Antoine Garapon, puisse évoluer.
Le principe envisagé dans les deux amendements identiques va effectivement dans le sens de l’indépendance du juge, qui serait nommé par le CSM. Cela étant dit, de telles nominations peuvent effectivement soulever des difficultés ; les fonctions concernées ne sont ni faciles ni forcément passionnantes !
Nous saluons l’effort de réflexion de M. le rapporteur, qui a formulé des suggestions très constructives. D’ailleurs, son idée de faire jouer un rôle particulier à l’assemblée générale des magistrats du siège rejoint votre idée des conseils de juridiction, madame la garde des sceaux. Il s’agit d’instituer une forme de démocratie : un tel avis conforme serait une protection.
Les difficultés actuelles résident dans les pressions que peut subir le JLD, qu’elles émanent du président de juridiction, du procureur ou même des policiers, qui lui reprocheraient telle ou telle libération.
Nous sommes plusieurs à considérer l’avis conforme de l’assemblée générale des magistrats comme un compromis intéressant. Nous savons bien que la majorité sénatoriale suivra la commission des lois, et la proposition du Gouvernement nous inspire des doutes.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ces deux amendements identiques.
Le sujet, qui me paraît extrêmement important, mérite que je vous apporte tous les éclaircissements nécessaires.
J’entends la proposition de M. le rapporteur. Vous tous ici, qui vous intéressez au sujet depuis des années, connaissez le fonctionnement des juridictions.
Nous avons effectivement démocratisé le fonctionnement de l’assemblée générale, afin de lui permettre de s’exprimer sur des sujets plus nombreux et plus importants que par le passé. Pour autant, cela ne la met pas à l’abri des risques de blocage.
M. le rapporteur suggère que le JLD soit nommé après avis conforme de l’assemblée générale des magistrats du siège. À mon avis, il n’a pas envisagé l’hypothèse, pourtant réelle, d’un blocage. Si nous avons dû redynamiser les assemblées générales, c’est bien parce qu’il y avait des difficultés ! Les magistrats y participaient de moins en moins. La démocratisation que nous avons introduite n’empêche pas que l’assemblée générale puisse être bloquée. Que se passera-t-il dans ce cas ? Avant d’adopter la formule proposée par la commission, il faudrait d’abord, me semble-t-il, l’étudier davantage pour savoir comment dénouer une situation de blocage.
Actuellement, le système qui s’applique pour le JLD suscite des difficultés. Rien n’interdit aujourd’hui que ce magistrat soit désigné parmi les auditeurs sortant de l’ENM. D’ailleurs, cela se produit en pratique. La personne peut être nommée sans avoir reçu de formation spécifique. L’École nationale de la magistrature, outre les modules du tronc commun, dispense des formations aux fonctions de juges spécialisés : juge d’application des peines, juge des enfants ou juge d’instruction… Nous souhaitons qu’il y ait une formation aux fonctions de JLD.
Dans le même ordre d’idée, la personne peut être nommée sans avoir de statut protecteur.
La fonction est lourde. Il s’agit tout de même de décider ou de refuser la détention, avec les conséquences que cela peut entraîner. Ce n’est pas une mission simple et légère. Or il n’y a ni formation, ni protection, ni encadrement, contrairement à ce qui existe pour les autres magistrats spécialisés.
Bien entendu, même si je n’approuve pas la proposition de la commission des lois, je m’inclinerai devant le vote, car je crois en la sagesse de la Haute Assemblée. Mais il me semblait nécessaire de vous apporter ces précisions en toute loyauté.
Dans l’attente de trouver une solution intermédiaire ou réadaptée, je voudrais rassurer Mme la garde des sceaux.
En cas de blocage – à mon avis, c’est une hypothèse d’école
Mme la garde des sceaux le conteste.
Je tiens à insister sur la différence entre une vacance d’emploi qui surviendrait dans une petite juridiction ou qui serait provoquée par une situation particulière et celle qui résulterait d’un blocage. Les deux cas sont bien distincts !
J’entends les préoccupations qui s’expriment sur les vacances d’emploi dans les petites juridictions.
Mais, actuellement, nous sommes en train de définir un dispositif particulier pour le fonctionnement de la magistrature.
Le JLD, compte tenu de l’importance de sa charge – il garantit les droits et les libertés –, doit-il bénéficier d’une formation et avoir un statut particulier qui le protège ? Faut-il au contraire définir son régime juridique en fonction de l’hypothèse, certes réelle, mais limitée dans l’espace et dans le temps, d’une juridiction en difficulté qui ne pourrait pas en nommer ?
Encore une fois, dans les petites juridictions, les autres juges spécialisés, s’ils sont nommés au titre de leur spécialité, exercent d’autres missions.
Positionnons-nous sur le principe. La fonction de JLD doit-elle être une fonction spécialisée, assortie d’une formation et d’un statut particulier ?
En pratique, il faudra, comme pour les juges de l’application des peines ou les juges d’instruction, travailler sur le fonctionnement de nos juridictions. Nous sommes dans une situation intermédiaire, avec des tensions en termes d’effectifs, compte tenu du nombre de postes créés.
Je tenais à rappeler ces éléments, qui me paraissent extrêmement importants ! Bien entendu, c’est vous qui aurez le dernier mot !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 14 est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article 34 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du premier alinéa, les mots : « ainsi que les listes d’aptitude aux fonctions » sont supprimés ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « sur une des listes d’aptitude ou » sont supprimés.
II. – L’article 36 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La commission d’avancement statue sur l’inscription au tableau d’avancement des magistrats du second grade dont la liste est adressée chaque année à son secrétariat dans les conditions prévues à l’article 27 et qui remplissent les conditions fixées par décret pour accéder aux fonctions du premier grade. Le renouvellement de l’inscription est de droit sur proposition de l’autorité chargée de l’établissement de la liste mentionnée au même article 27.
« Les magistrats non présentés peuvent saisir la commission d’avancement. » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions exigées pour figurer au tableau d’avancement ainsi que les modalités d’élaboration et d’établissement du tableau annuel et des tableaux supplémentaires éventuels. Il fixe les conditions pour exercer et examiner les recours. » ;
4° Au cinquième alinéa, le mot : « règlement » est remplacé par le mot : « décret ». –
Adopté.
Après le troisième alinéa de l’article 37 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les six mois de son installation dans ses fonctions, le premier président définit les objectifs de son action, notamment en considération des rapports sur l’état du fonctionnement de la cour d’appel et des juridictions de son ressort qui ont pu être établis par l’inspection générale des services judiciaires et par son prédécesseur ou par les présidents des tribunaux du ressort. Il élabore, tous les deux ans, un bilan de ses activités, de l’animation et de la gestion de la cour et des juridictions de son ressort ainsi que de l’administration des services judiciaires dans ce ressort. L’inspection générale des services judiciaires réalise régulièrement une enquête sur le fonctionnement de la cour d’appel. Ces éléments sont versés au dossier du magistrat. »
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Vall et Guérini, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement de suppression peut paraître étonnant, tant la rédaction de l’article 16 semble couler de source et être frappée au coin du bon sens !
Selon nous, le premier président de cour fait déjà ce qu’on lui demande désormais de faire par écrit, sur un mode compliqué et bureaucratique. Il organise son service. Si l’ensemble fonctionne bien, c’est qu’il sait où il va ! Pourquoi lui imposer ce mode formalisé, avec des réitérations tous les deux ans et des bilans dont on se demande bien à quoi ils serviront ?
Certes, je sais que c’est désormais une manie de passer son temps à faire des bilans ou des projets ! Mais les chefs de cours ont déjà suffisamment de travail. Pourquoi leur en rajouter ?
Il est un peu anachronique que les chefs de cour échappent aujourd’hui à toute évaluation de leurs qualités professionnelles.
Face à l’absence d’autorité hiérarchique, le dispositif proposé, même embryonnaire, présente certainement quelques défauts, mais il a au moins l’avantage de permettre un certain audit du fonctionnement des cours d’appel et d’éclairer le CSM lors des nominations de magistrats exerçant en qualité de chefs de cour à d’autres fonctions.
Surtout, le texte de la commission a prévu un audit régulier des cours d’appel par l’inspection générale des services judiciaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Nous avons abordé le sujet dans le cadre de nos consultations. Là encore, le soutien à l’évaluation des chefs de cour, qui sont les seuls hauts magistrats à ne pas être évalués, était, dans un premier temps, unanime. C’est seulement lors de la définition des modalités de l’évaluation que les difficultés sont apparues.
J’ai reçu récemment la totalité du CSM. Nous avons évoqué cette question. Sur le principe, tout le monde convient qu’il n’est pas concevable que les chefs de cour continuent à ne faire l’objet d’aucune évaluation.
L’évaluation est nécessaire pour qu’ils prennent leur cour en main, qu’ils dressent une sorte d’état des lieux à leur entrée en fonction et qu’ils se fixent des objectifs. Ce sont des éléments qui permettront au Conseil supérieur de la magistrature d’apprécier les candidatures et les demandes d’affectation de ces hauts magistrats.
Dès lors que, au sein de la magistrature, tout le monde reconnaît la nécessité d’une évaluation, la difficulté porte sur les modalités.
Convenez que le mode d’évaluation retenu n’a rien d’agressif ! C’est le chef de cour lui-même qui appréciera la situation de la cour dans laquelle il arrive avant de présenter des éléments en vue d’élaborer des projets et de les mettre en application.
À mes yeux, il faut donc maintenir ce dispositif, relativement léger, d’évaluation des chefs de cour.
Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Certes, cela me paraît en effet la moindre des choses qu’il y ait une évaluation. Il semble que, en principe, l’évaluation est plutôt faite par quelqu’un d’extérieur, comme l’inspection générale.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les chefs de cour n’ont pas de supérieur hiérarchique !
M. le rapporteur acquiesce.
Peut-être faut-il procéder avec des méthodes autres que l’élaboration de plans qui marcheront toujours sur le papier ! Ceux qui ont l’habitude de ce genre de pratiques le savent : on perd beaucoup de temps pour pas grand-chose !
Cela étant, puisque tout le monde semble d’accord pour conserver une telle technique, je ne veux pas m’obstiner.
Je retire donc l’amendement n° 5 rectifié, en soulignant toutefois que si la mise en place de l’évaluation nous semble tout à fait intéressante, le dispositif proposé paraît complètement inefficace !
L'article 16 est adopté.
L’article 37-1 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 37-1. – L’article 27-1 est applicable à la nomination aux fonctions hors hiérarchie. » –
Adopté.
(Non modifié)
À l’article 38 de la même ordonnance, après les mots : « hors hiérarchie », sont insérés les mots : « et les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général des services judiciaires et d’inspecteur général adjoint des services judiciaires ». » –
Adopté.
Après le deuxième alinéa de l’article 38-1 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les six mois de son installation dans ses fonctions, le procureur général, sous réserve des dispositions afférentes à la détermination de la politique pénale, définit les objectifs de son action, notamment en considération des rapports sur l’état du fonctionnement du parquet général et des parquets de son ressort qui ont pu être établis par l’inspection générale des services judiciaires et par son prédécesseur ou par les procureurs de la République du ressort. Il élabore, tous les deux ans, un bilan de ses activités et de l’animation du ministère public dans son ressort ainsi que de l’administration des services judiciaires dans ce ressort. L’inspection générale des services judiciaires réalise régulièrement une enquête sur le fonctionnement du parquet général. Ces éléments sont versés au dossier du magistrat. »
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Guérini et Barbier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
C’est le même principe que pour l’amendement n° 5 rectifié.
Mais, compte tenu de notre discussion précédente, je retire cet amendement.
L'article 19 est adopté.
I. – Au dernier alinéa de l’article 72 de la même ordonnance, la référence : « et 38 » est remplacée par les références : «, 38, 72-1 et 72-2 ».
II. – Le chapitre VIII de la même ordonnance est complété par des articles 72-1, 72-2 et 72-3 ainsi rédigés :
« Art. 72-1. – Neuf mois au plus tard avant l’expiration du détachement, le magistrat placé dans cette position statutaire fait connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, sa décision de solliciter le renouvellement du détachement ou de réintégrer le corps judiciaire.
« Entre neuf et sept mois au plus tard avant l’expiration du détachement, l’administration ou l’organisme d’accueil fait connaître au magistrat concerné ainsi qu’au garde des sceaux, ministre de la justice, sa décision de renouveler ou non le détachement.
« Dans les cas où le renouvellement n’est pas sollicité par le magistrat, n’est pas décidé par l’administration ou l’organisme d’accueil ou est refusé par le garde des sceaux, ministre de la justice, le magistrat fait connaître au moins trois choix d’affectation dans trois juridictions différentes appartenant à des ressorts de cour d’appel différents.
« Pour les magistrats du second grade inscrits au tableau d’avancement, les demandes ne peuvent porter exclusivement sur des emplois du premier grade, lesquelles ne peuvent concerner exclusivement des emplois de président d’une juridiction, de procureur de la République près une juridiction, ou de premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance. Pour les magistrats du premier grade remplissant les conditions prévues à l’article 39 pour l’accès à un emploi hors hiérarchie, les demandes ne peuvent porter exclusivement sur un emploi placé hors hiérarchie, lesquelles ne peuvent concerner exclusivement des emplois de premier président de cour d’appel ou de procureur général près une cour d’appel.
« Le magistrat concerné qui occupait un emploi du siège de la Cour de cassation, de premier président de cour d’appel ou de président de tribunal de grande instance au moment de son détachement et qui souhaite réintégrer le corps judiciaire sur un tel emploi, adresse sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature sept mois au plus tard avant l’expiration du détachement.
« Six mois au plus tard avant l’expiration du détachement ou à défaut de proposition d’affectation du Conseil supérieur de la magistrature dans un délai de deux mois à compter de la candidature prévue au cinquième alinéa du présent article, le garde des sceaux, ministre de la justice peut inviter le magistrat à présenter trois demandes supplémentaires d’affectation dans trois autres juridictions appartenant à des ressorts de cour d’appel différents.
« À l’expiration du détachement, le magistrat est réintégré immédiatement dans le corps judiciaire et nommé dans l’une des fonctions qui ont fait l’objet de ses demandes dans les conditions prévues au troisième ou au sixième alinéa du présent article.
« Si le magistrat n’a pas exprimé de demande dans les conditions prévues au troisième ou au sixième alinéa du présent article ou si aucune des demandes ainsi formulées ne peut être satisfaite, le ministre de la justice lui propose une affectation dans trois juridictions. À défaut d’acceptation dans le délai d’un mois, le magistrat est, à l’expiration du détachement, nommé dans l’une de ces juridictions aux fonctions qui lui ont été proposées.
« Les troisième à septième alinéas s’appliquent aux magistrats en position de détachement en application de l’article 76-4, sans préjudice de leur droit à recevoir une affectation dans la juridiction dans laquelle ils exerçaient précédemment leurs fonctions prévu au sixième alinéa de l’article 76-4. Le magistrat qui souhaite bénéficier de ce droit fait connaître sa décision au garde des sceaux, ministre de la justice, au plus tard sept mois avant l’expiration du détachement.
« Le présent article ne s’applique pas aux magistrats détachés dans les emplois de directeur, de chef de service, de directeur adjoint ou de sous-directeur dans les administrations centrales de l’État ou de directeur de l’École nationale de la magistrature.
« Art. 72-2. – Il est tenu compte, lors de la réintégration du magistrat dans le grade qu’il occupe au sein du corps judiciaire, de l’échelon qu’il a atteint dans le corps ou cadre d’emplois de détachement, sous réserve qu’il lui soit plus favorable. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
« Art. 72-3. – La réintégration des magistrats précédemment placés en position de congé parental est prononcée conformément aux articles 28, 37 et 38.
« Six mois au plus tard avant l’expiration du congé parental, le magistrat concerné fait connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, sa décision de solliciter le renouvellement de cette position ou de réintégrer le corps judiciaire.
« Dans les cas où le renouvellement n’est pas sollicité par le magistrat ou est refusé par le garde des sceaux, ministre de la justice, et au plus tard cinq mois avant l’expiration du congé parental, le magistrat fait connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, au moins trois choix d’affectation dans trois juridictions différentes appartenant à des ressorts de cour d’appel différents. Pour les magistrats du second grade inscrits au tableau d’avancement, les demandes ne peuvent porter exclusivement sur des emplois du premier grade, lesquelles ne peuvent concerner exclusivement des emplois de président d’une juridiction, de procureur de la République près une juridiction, ou de premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance. Pour les magistrats du premier grade remplissant les conditions prévues à l’article 39 pour l’accès à un emploi hors hiérarchie, les demandes ne peuvent porter exclusivement sur un emploi placé hors hiérarchie, lesquelles ne peuvent concerner exclusivement des emplois de premier président de cour d’appel ou de procureur général près une cour d’appel.
« Quatre mois au plus tard avant l’expiration du congé parental, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut inviter le magistrat à présenter trois demandes supplémentaires d’affectation dans trois autres juridictions appartenant à des ressorts de cour d’appel différents, dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent article.
« À l’expiration du congé parental, le magistrat est réintégré immédiatement dans le corps judiciaire et nommé, sans préjudice du sixième alinéa du présent article, dans l’une des fonctions qui ont fait l’objet de ses demandes dans les conditions prévues au troisième alinéa et, le cas échéant, au quatrième alinéa du présent article.
« Si le magistrat n’a pas exprimé de demande dans les conditions prévues au troisième alinéa et, le cas échéant, au quatrième alinéa du présent article, ou si aucune des demandes ainsi formulées ne peut être satisfaite, le garde des sceaux, ministre de la justice, propose au magistrat concerné une affectation dans trois juridictions. À défaut d’acceptation dans le délai d’un mois, le magistrat est, à l’expiration du congé parental, nommé dans l’une de ces juridictions aux fonctions qui lui ont été proposées.
« Les troisième à sixième alinéas s’appliquent aux magistrats qui sollicitent leur réintégration à l’issue d’un congé parental sans préjudice de leur droit à recevoir une affectation dans la juridiction dans laquelle ils exerçaient précédemment leurs fonctions, le cas échéant, en surnombre de l’effectif budgétaire du grade auquel appartient le magistrat et, s’il y a lieu, en surnombre de l’effectif organique de la juridiction. L’intéressé est nommé au premier poste correspondant aux fonctions exercées dont la vacance survient dans la juridiction où il a été nommé en surnombre. »
L'amendement n° 51, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
satisfaite, le
insérer les mots :
garde des sceaux,
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 27, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
appartenant à des ressorts de cour d’appel différents
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement a pour objet de corriger la modification, improprement qualifiée de « rédactionnelle » par la commission des lois, qui a de facto contredit l’objectif du Gouvernement en matière de retour de congé parental.
Le projet initial ne posait pas de condition liée à l’appartenance à des ressorts de cour d’appel différents pour les premiers choix d’affectation dans le cadre des retours de congé parental, afin de prévoir un dispositif plus souple que pour les magistrats de retour de détachement.
L'amendement est adopté.
L'article 20 est adopté.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS ET OBLIGATIONS DES MAGISTRATS
I. – Après l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, sont insérés des articles 7-1 à 7-4 ainsi rédigés :
« Art. 7-1. – Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts.
« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
« Art. 7-2. – Dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions, les magistrats remettent une déclaration d’intérêts :
« 1° Au président du tribunal, pour les magistrats du siège d’un tribunal de première instance ;
« 2° Au procureur de la République près ce tribunal, pour les magistrats du parquet d’un tribunal de première instance ;
« 3° Au premier président de la cour, pour les magistrats du siège d’une cour et pour les présidents des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;
« 4° Au procureur général près cette cour, pour les magistrats du parquet d’une cour et pour les procureurs de la République près des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;
« 5° Au premier président de la Cour de cassation, pour les magistrats du siège de la Cour, pour les conseillers à la Cour en service extraordinaire et pour les premiers présidents des cours ;
« 6° Au procureur général près la Cour de cassation, pour les magistrats du parquet de la Cour, pour les avocats généraux à la Cour en service extraordinaire et pour les procureurs généraux près des cours.
« La déclaration d’intérêts mentionne les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions, que le déclarant a ou qu’il a eu pendant les cinq années précédant l’installation dans ses fonctions.
« La remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique du magistrat avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts. L’entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du magistrat ou de l’autorité. Tout entretien donne lieu à l’établissement d’un compte rendu.
« Toute modification substantielle des liens et intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, à une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique.
« La déclaration d’intérêts n’est pas versée au dossier du magistrat et ne peut pas être communiquée aux tiers.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de remise, de mise à jour et de conservation de la déclaration d’intérêts, ainsi que le modèle, le contenu et les conditions de conservation du compte rendu de l’entretien.
« Art. 7-3. – Adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale, dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions :
« 1° Le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation ;
« 2° Le procureur général et les premiers avocats généraux près la Cour de cassation ;
« 3° Les premiers présidents des cours d’appel ;
« 4° Les procureurs généraux près les cours d’appel ;
« 5° Les présidents des tribunaux de première instance ;
« 6° Les procureurs de la République près les tribunaux de première instance.
« La déclaration de situation patrimoniale est établie, contrôlée et sanctionnée dans les conditions et selon les modalités prévues aux premier et quatrième alinéas du I et aux II et V de l’article 4 et aux articles 6, 7 et 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
« Toute modification substantielle de la situation patrimoniale fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Aucune nouvelle déclaration n’est exigée du magistrat qui a établi depuis moins de six mois une déclaration en application du présent article, des articles 4 ou 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée ou de l’article L.O. 135-1 du code électoral.
« La déclaration de situation patrimoniale n’est pas versée au dossier du magistrat et ne peut pas être communiquée aux tiers.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale. »
« Art. 7-4. –
Supprimé
II
1° Les mots : « d’avoué, » sont supprimés ;
2° Après les mots : « huissier de justice, », sont insérés les mots : « de commissaire-priseur judiciaire, » ;
3° Le mot : « mandataire-liquidateur » est remplacé par les mots : « mandataire judiciaire ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collombat, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L'amendement n° 28 est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. ... – Les magistrats exercent leurs fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard.
« Ils s’abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
« Les magistrats respectent les principes déontologiques inhérents à l’exercice de leurs fonctions.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à préciser les valeurs fondamentales de la magistrature qui figureront dans le serment ; je vous en épargne la lecture.
Sourires.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 28.
Cet amendement vise à consacrer dans l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 les valeurs fondamentales des magistrats du siège et du parquet, qui sont communes à l’ensemble du corps.
Ces amendements sont déjà satisfaits par toutes les dispositions qui figurent dans la rédaction actuelle du statut des magistrats.
La commission en sollicite donc le retrait, afin de ne pas avoir un dispositif redondant.
Ces amendements sont effectivement déjà satisfaits.
Je vous renvoie à l'ordonnance du 22 décembre 1958. L’article 6, alinéa 2, fournit le texte du serment prononcé par tout magistrat. L’article 10 mentionne le devoir de réserve. La définition de la faute disciplinaire est apportée à l’article 43, ainsi que dans le recueil des obligations déontologiques des magistrats de l’ordre judiciaire.
Une telle préoccupation nous paraît donc déjà satisfaite. L’adoption de ces amendements serait superflue.
L'amendement n° 13 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 28, monsieur Mohamed Soilihi ?
L'amendement n° 28 est retiré.
L'amendement n° 29, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou paraître influencer
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Il s’agit d’un amendement cher à M. Jean-Pierre Sueur.
Le présent projet de loi organique a pour objet de renforcer la confiance des citoyens dans la justice et de prévenir les risques ou les soupçons de conflits d’intérêts. À cette fin, il prévoit un renforcement des obligations de transparence pour les magistrats de l’ordre judiciaire, tout en tenant compte de la spécificité des conditions d’exercice de leurs missions et de l’existence de dispositifs permettant déjà, en grande partie, de répondre aux objectifs des présents textes.
L’article 21 insère dans l’ordonnance statutaire des dispositions posant, d’une part, une obligation générale de veiller à prévenir et de régler immédiatement les éventuels conflits d’intérêts et, d’autre part, une définition des conflits d’intérêts.
Selon cette définition, constitue un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. »
Nous souhaitons que la définition des conflits d’intérêts applicable aux magistrats n’inclue pas l’apparence.
Cette notion, « paraître influencer », pourrait être source d’interprétations très larges, susceptibles de nuire à la sérénité des débats.
C’est un vieux débat.
Le projet de loi organique reprend simplement la définition du conflit d’intérêts posée par le législateur, sur l’initiative du Gouvernement, dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. À l’époque, la théorie des apparences et l’expression : « paraître influencer » avaient suscité beaucoup de débats, en particulier dans notre Haute Assemblée. Mais la formule avait finalement été retenue.
La semaine dernière, la commission a décidé de conserver cette définition, qui est reprise à l’identique dans les différents textes législatifs relatifs à la déontologie. C’est le cas dans le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires, notamment pour la déontologie des membres du Conseil d’État, des magistrats administratifs et des magistrats financiers. Toutes les définitions législatives sont les mêmes et comportent depuis 2013 les mots : « paraître influencer ».
Le débat soulevé par les auteurs de cet amendement semble donc quelque peu anachronique.
D’ailleurs, c’est aussi le cas pour la déontologie des juges consulaires dans le projet de loi ordinaire dont nous examinerons les articles cette semaine.
Il paraît donc curieux de vouloir écarter aujourd’hui cette formulation sous prétexte que des magistrats sont concernés. Il me semble au contraire que la justice doit être aussi impartiale dans sa réalité que dans son apparence, comme je l’ai entendu récemment.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Il importe effectivement d’avoir en référence une définition unique, identique dans tous les textes de loi régissant la prévention des conflits d’intérêts. En outre, cette formulation est reprise dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
La définition doit être présente dans tous les textes. Je me souviens du débat très intense qui avait eu lieu à ce sujet. Cette définition unique ayant été posée, nous souhaitons la maintenir.
C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est également défavorable.
M. le rapporteur justifie la position de la commission en invoquant la rédaction retenue dans la loi de 2013. Mais cette loi avait été élaborée dans une certaine rapidité ! Nous aurons l’occasion d’en parler jeudi matin, lorsque nous devrons revenir sur un autre volet de cette loi.
Madame la garde des sceaux, l’argument consistant à imposer une rédaction sous prétexte qu’elle est déjà présente ailleurs ne me semble pas pertinent. Je n’étais pas convaincu en 2013, et je ne le suis toujours pas.
À mon avis, il serait bien mieux d’écrire que constitue un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Ou bien il existe des faits concrets qui fondent le conflit d’intérêts ou bien on se contente de cette théorie de l’apparence ; la présence dans la loi du verbe « paraître » ou du verbe « sembler » est d’ailleurs assez rare… Dans le second cas, toutes les interprétations, toutes les suppositions, voire toutes les rumeurs deviennent possibles. On peut tout à fait arguer que tel magistrat fréquente habituellement telle brasserie ou telle personne. De deux choses l’une : ou bien il existe des faits qui montrent qu’il y a un conflit d’intérêts, ou bien les apparences, les suppositions, les hypothèses et les on-dit suffisent, et ce n’est pas rigoureux.
C’est le sens de cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 38, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cet entretien – tout comme la déclaration d’intérêts – ne fait aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Nous défendons la nécessité d’améliorer les mécanismes destinés à prévenir les conflits d’intérêts, y compris pour les magistrats de l’ordre judiciaire. En effet, les règles existantes sont insuffisantes et n’ont jamais empêché des pratiques contestables.
Des situations inacceptables de conflit d’intérêts sont à l’œuvre en France, comme le dénonce régulièrement le Syndicat de la magistrature. Je ne vais pas ici vous donner d’exemples : vous en avez déjà connaissance.
Nous ne sommes opposés ni à la clarification de certaines règles ni à la formalisation de certaines obligations. À l’instar du Syndicat de la magistrature, nous ne voyons là aucune défiance envers les magistrats. Il faut seulement que ces nouvelles règles ne viennent pas heurter d’autres principes, comme celui de la liberté d’opinion et d’expression ou celui du respect de la vie privée.
Or le projet de loi ne répond que très imparfaitement à cette nécessité, faute de préciser quelles situations exactes ces règles entendent prévenir. Le risque est donc sérieux de voir imposer aux magistrats d’autres obligations et interdictions, touchant notamment à la liberté d’expression.
C’est pourquoi nous vous proposons a minima de mentionner clairement à l’alinéa 12 de cet article que, comme pour les magistrats des juridictions administratives et financières, l’entretien déontologique et la déclaration d’intérêts ne font aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé.
Les auteurs de cet amendement proposent que ni la déclaration d’intérêts des magistrats judiciaires ni leur entretien déontologique ne puissent porter sur les activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques des intéressés.
Mme Prunaud vient d’ailleurs d’invoquer les dispositions concernant les magistrats administratifs et financiers. Cet argument est incomplet, car le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires admet des dérogations pour les magistrats administratifs et financiers lorsque la révélation de ces opinions ou activités résulte de la déclaration de responsabilités exercées dans des associations ou des structures extérieures.
Toutefois, la navette devrait permettre, s’il y a lieu, d’harmoniser les dispositions relatives aux magistrats judiciaires et celles qui concernent les magistrats administratifs et financiers.
Au demeurant, exiger la révélation des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de ces magistrats constituerait sans doute une atteinte à la vie privée qui ne serait pas constitutionnellement acceptable.
Je pense donc que votre crainte n’a pas de raison d’être, ma chère collègue. Par conséquent, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement.
Je pourrais considérer que cela va sans dire. Pour autant, inscrire un tel principe dans la loi ne relève pas d’une tautologie choquante. Il s’agit d’assurer explicitement une garantie du respect de la liberté d’opinion.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Vall, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, les magistrats doivent remettre une déclaration d’intérêts dans les deux mois qui suivent leur installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Mon explication vaudra à la fois pour cet amendement et pour plusieurs autres, qui procèdent du même esprit.
J’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de la discussion générale : dès lors que l’on se lance dans cette opération de transparence généralisée, qui a tous les inconvénients du monde – nous venons d’évoquer la théorie des apparences, mais d’autres problèmes surgiront –, on n’a pas fini de se créer des complications !
À mon sens, dans la mesure où cette loi a été adoptée – encore une fois, je ne l’avais pas votée –, il faut que tout le monde y soit soumis. Il n’y a donc pas de raison que tous les magistrats n’aient pas les mêmes déclarations à faire et à adresser aux mêmes autorités.
La commission a retenu le mécanisme d’une déclaration d’intérêts adressée par tout magistrat au chef de sa juridiction pour servir de support encadré à l’entretien déontologique prévu.
Cette déclaration n’a pas vocation à rejoindre la Haute Autorité, contrairement à la déclaration de patrimoine : il s’agit de tenir compte du principe d’indépendance de la magistrature.
Le dispositif proposé viendrait donc contredire toute la cohérence du texte adopté par la commission. C’est pourquoi notre avis est défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu des dispositions introduites dans le texte de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 52, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée, le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux, ministre de la justice, peuvent obtenir communication de la déclaration d’intérêts et du compte rendu de l’entretien déontologique.
La parole est à M. le rapporteur.
Il faut bien donner quelque effet aux mesures prévues par ce projet de loi organique…
Cet amendement vise à prévoir que la déclaration d’intérêts d’un magistrat peut être communiquée au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, lorsqu’une action disciplinaire est engagée à l’encontre du magistrat concerné et comporte un aspect déontologique susceptible d’être éclairé par le contenu de la déclaration et de l’entretien.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
Adressent
par les mots :
Chaque magistrat adresse
II. – Alinéas 17 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement et l’amendement suivant visent à étendre le dispositif de déclaration de situation patrimoniale qui vaut pour tous les responsables publics à l’ensemble des magistrats.
Je le concède, la position de la commission a sa logique, mais je trouve la mienne plus cohérente !
Sourires.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après les mots :
premiers présidents
insérer les mots :
et les présidents de chambre
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Mon cher collègue, vous avez une position cohérente, tout comme la commission des lois !
Vous souhaitez soumettre les 8 000 magistrats judiciaires à l’obligation de déclarer leur patrimoine. D’une part, l’activité de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique serait sérieusement surchargée.
M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.
Quoi qu’il en soit, cela n’entre pas dans le schéma retenu par la commission des lois. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Monsieur le sénateur, j’entends votre préoccupation. Dans la mesure où les magistrats prononcent des décisions juridictionnelles, il est bon de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts. Pour autant, le statut de ces fonctionnaires prévoit déjà toute une série de garanties ; il n’est donc pas nécessaire d’en rajouter.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Monsieur Collombat, les amendements n° 8 rectifié et 11 rectifié sont-ils maintenus ?
Oui, madame la présidente !
Je tiens à ce que la commission et le Gouvernement perçoivent la contradiction dans laquelle ils se sont placés !
M. Michel Mercier s’exclame.
Cette affaire est un véritable sac de nœuds ! L’étude d’impact précise que le statut des magistrats offre déjà des garanties suffisantes. Dans ces conditions, pourquoi prévoir toutes ces dispositions ? Il faut être logique !
Ce n’est pas moi qui suis à l’origine de cette législation. Je persiste à rester cohérent, quitte à être minoritaire !
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Après les mots :
l’article 4
insérer les mots :
, au premier alinéa de l’article 5
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est un énième avatar ; je n’insiste donc pas.
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Dans les deux mois suivant la date d’entrée en vigueur du décret mentionné à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les magistrats mentionnés au même article et les membres du Conseil supérieur de la magistrature établissent une déclaration de situation patrimoniale selon les modalités prévues respectivement à l’article 7-3 et à l’article 10-1-1.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 21 est adopté.
L'amendement n° 39, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 8 de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les magistrats en fonction ne peuvent recevoir de décoration. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
La pratique des « cadeaux » dans les juridictions, qu’ils émanent d’avocats, d’experts ou de tout autre intervenant ou partenaire de la justice, devrait être prohibée ou strictement limitée à des sommes minimes. Il en est de même de certains usages qui veulent que, suivant la situation géographique de telle ou telle juridiction, il soit régulièrement offert à des magistrats des forfaits de ski, des places de concert ou de match...
Dans le même ordre d’idées, la remise de décorations aux magistrats, notamment la Légion d’honneur, devrait à nos yeux être interdite. C’était d’ailleurs le sens d’un amendement du député socialiste René Dosière lors de l’examen du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire.
Ces décorations sont interdites dans la plupart des pays européens, et à juste titre, dès lors qu’elles sont susceptibles de créer un soupçon de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif et d’entretenir une forme de « redevabilité » de certains magistrats vis-à-vis de l’exécutif, ce qui ne peut être que nuisible à la justice.
C’est l’éternel débat sur la compatibilité de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la magistrature avec le fait de recevoir des décorations.
Certes, à l’occasion de l’examen du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature, la commission des lois de chaque assemblée a adopté une disposition de cette nature, qui a été à chaque fois supprimée en séance publique.
Mes chers collègues, en s’en remettant à la sagesse de la Haute Assemblée, la commission des lois laisse à chacun d’entre vous le soin de décider du sort qu’il convient de réserver à cet amendement.
Le sujet est récurrent. Il a fait l’objet de nombreux débats sans que des progrès dans la réflexion soient constatés.
La Légion d’honneur et l’Ordre national du mérite permettent de distinguer ceux qui ont montré du mérite, des qualités particulières, des engagements dans leur vie professionnelle ou dans leurs activités civiles, militaires ou associatives.
Que cette question se pose de manière plus aiguë pour les magistrats ne me choque pas. Que ces derniers puissent être décorés ne me choque pas non plus dès lors que cela s’appuie sur des éléments vérifiables : le parcours, les états de service, l’engagement, la personnalité ou la moralité.
Je ne vois ni l’utilité ni l’urgence d’interdire aux magistrats de recevoir des décorations. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je partage l’avis de Mme la garde des sceaux sur ce point.
Il me paraît particulièrement difficile d’interdire à l’ensemble d’une profession, par ailleurs très honorable, de voir ses mérites individuels reconnus par l’attribution d’une distinction, qui est d’ailleurs non une récompense, mais un acte de reconnaissance de la République.
C’est tout aussi peu admissible si l’on se place du point de vue non plus des magistrats, mais des ordres nationaux. En effet, qu’est-ce que cette distinction républicaine, sinon un acte de reconnaissance qui repose sur l’honorabilité des personnes ? Prétendre que, parce que l’on reçoit une distinction, on se met sous la dépendance de celui qui l’attribue, c’est un contresens !
Si l’on considère que les ordres nationaux ne sont pas ce qu’ils doivent être, supprimons-les !
Mais il ne faut pas en priver des professionnels respectables et honorables, qui, comme les autres, doivent pouvoir voir leurs mérites reconnus.
J’ai écouté avec intérêt le plaidoyer du président de la commission des lois en faveur du maintien de cette disposition. L’attribution d’une distinction est sans doute légitime pour les professionnels en activité, mais elle ne l’est pas pour les parlementaires, qui ne peuvent pas recevoir de décoration durant l’exercice de leur mandat.
Il est arrivé à des parlementaires – peut-être certains jugeront-ils que cela relève du fait divers – d’être soupçonnés d’avoir remis la Légion d’honneur en contrepartie d’avantages supposés.
En d’autres termes, pour certains, une décoration entraînerait un risque de corruption.
Les magistrats sont certainement à l’abri de ces travers. Ils sont purs et tout à fait insensibles à des pressions telles que l’attribution d’une distinction en contrepartie d’une décision de justice favorable...
La France compte des hommes et des femmes qui, quelles que soient les fonctions qu’ils exercent, sont intouchables par nature. Continuons donc ainsi, et laissons les choses en l’état…
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 46, présenté par M. Mézard, n'est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 10 de la même ordonnance ainsi rédigé :
« Art. 10. – Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République est interdite aux magistrats.
« Dans l’exercice du droit de grève, les magistrats ne peuvent faire obstacle au traitement du contentieux de la privation de liberté. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale commune, à l’heure où de violents propos viennent entacher les valeurs de notre République, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas décidé de modifier l’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270. Au mois de mai 204, le député Éric Ciotti proposait de la réécrire dans un tout autre sens, afin d’interdire le syndicalisme chez les magistrats.
Certes, ce projet de loi organique consacre la reconnaissance du syndicalisme judiciaire ; nous nous en félicitons. Mais il ne revient pas sur l’article 10 de cette ordonnance, notamment l’alinéa 3, qui dispose qu’« est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Or c’est en vertu de cette disposition que certains croient pouvoir s’opposer au droit de grève des magistrats, alors même que l’article renvoie seulement à la règle de continuité du service public. À nos yeux, c’est tout l’article 10 qui doit être repensé.
Les deux premiers alinéas de l’article, qui renvoient à la révolte des parlements sous l’Ancien régime, doivent également être réécrits. Il y est en effet question de « délibération politique » du corps judiciaire et de « démonstration de nature politique ». Or le devoir de réserve n’équivaut pas à une interdiction de se prononcer sur la loi, qui est une construction politique, dans le temps de son élaboration comme de son application.
D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Koudechkina contre Russie du mois de février 2009, a reconnu aux magistrats un droit de critique contre les atteintes à leur indépendance, informations qui revêtent un caractère d’intérêt général et méritent donc de faire l’objet d’un débat libre dans une société démocratique.
Nous souhaitons donc la réécriture de l’article 10, afin de préciser que seules les activités en lien avec le contentieux de la privation de liberté devraient être assurées, sans autre réserve.
À défaut, nous proposons la suppression de l’alinéa 3 de cet article, car il est confus sur la possibilité pour les magistrats de s’exprimer collectivement, de manifester lorsque leurs conditions de travail, mais aussi les conditions de leur indépendance sont en cause, voire de porter un regard critique sur la loi, au stade de son élaboration comme de son application.
Je le rappelle, le droit de grève est reconnu sans ambiguïté aux magistrats administratifs et financiers, ainsi qu’aux fonctionnaires de justice, dont la présence est tout aussi indispensable au fonctionnement et à la continuité des juridictions.
Finalement, seule l’hostilité à la forme républicaine du gouvernement est un positionnement incompatible avec l’appartenance au corps judiciaire. C’est pourquoi seule cette interdiction mérite de rester dans l’ordonnance du 22 décembre 1958.
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 10 de la même ordonnance est supprimé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Il est proposé non seulement de reconnaître le droit de grève aux magistrats, mais aussi de donner la possibilité au corps judiciaire de prendre des délibérations politiques, en supprimant la prohibition prévue à l’actuel article 10 de l’ordonnance statutaire. Or cette prohibition est justifiée par le souci de garantir l’impartialité de la justice.
Et l’interdiction du droit de grève des magistrats traduit le fait que la justice n’est pas un service public comme les autres et que son fonctionnement ne doit pas être entravé.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
L’adoption de ces deux amendements aurait pour effet d’entraver la conciliation prévue dans l’ordonnance statutaire, qui permet de combiner la possibilité pour les magistrats judiciaires de mener des actions concertées et le droit pour les justiciables de bénéficier d’un fonctionnement normal des services de la justice.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – I. – Le droit syndical est garanti aux magistrats qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.
« II. – Pour l’exercice de ce droit, les magistrats sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires, sous réserve des dispositions suivantes.
« Sont considérées comme représentatives au sens de l’article 27-1, les organisations syndicales de magistrats ayant obtenu au moins un siège à la commission d’avancement prévue à l’article 34 parmi les sièges attribués aux magistrats des cours et tribunaux ou ayant obtenu au moins un taux, fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au III, des suffrages exprimés lors de l’élection du collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice qui élit les magistrats du corps judiciaire appelés à siéger à la commission d’avancement prévue aux articles 13-1 à 13-5.
« Les représentants syndicaux, titulaires et suppléants appelés à siéger à la commission d’avancement ainsi qu’à la commission permanente d’études, se voient accorder une autorisation d’absence sur simple présentation de leur convocation. Ils bénéficient des mêmes droits lorsqu’ils prennent part, en cette qualité, à des réunions de travail convoquées par l’administration.
« Sous réserve des nécessités de service, des décharges d’activités peuvent être accordées aux représentants des organisations syndicales représentatives de magistrats.
« Un crédit de temps syndical, utilisable sous forme de décharges de service ou de crédits d’heures selon les besoins de l’activité syndicale, est attribué aux organisations syndicales de magistrats et déterminé à l’issue du renouvellement de la commission d’avancement.
« Les organisations syndicales de magistrats désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de crédits de temps syndical.
« Dans la mesure où la désignation d’un magistrat se révèle incompatible avec la bonne administration de la justice, le ministre motive son refus et invite l’organisation syndicale à porter son choix sur un autre magistrat. Le Conseil supérieur de la magistrature doit être informé de cette décision.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions et les limites dans lesquelles les décharges d’activité de service peuvent intervenir. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Portelli, Mme Procaccia, M. Vasselle, Mme Di Folco, MM. A. Marc et Laufoaulu, Mme Mélot et MM. Doligé, Milon, Cardoux, J. Gautier, Danesi, Charon, Cambon et Delattre.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.10-1. – L’existence de groupements professionnels à caractère syndical est incompatible avec l’indépendance de la magistrature. »
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 1.
La politisation de la magistrature constatée à la suite de l’introduction du syndicalisme des magistrats dans les années soixante-dix a été le principal facteur d’affaiblissement de son indépendance et de sa légitimité.
Nous proposons donc d’interdire le syndicalisme dans la magistrature, afin de conforter son indépendance et de nous aligner sur les règles en vigueur dans les grands États démocratiques, où l’indépendance des magistrats est séculaire. La France s’honorerait à se mettre en conformité avec ces pays.
L’amendement n° 15 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
À cette heure tardive, je pense que nous pouvons nous dispenser d’un débat un peu vif sur le sujet et nous en tenir à des considérations de droit.
C’est donc pour des raisons exclusivement juridiques – je ne me prononcerai pas sur les autres – que j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Premièrement, une telle mesure serait contraire aux engagements internationaux de la France. En effet, dans un arrêt récent, qui a abouti à la condamnation de la France pour l’interdiction faite aux militaires de se syndiquer, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé qu’elle n’acceptait pas les « restrictions qui affectent les éléments essentiels de la liberté syndicale sans lesquels le contenu de cette liberté serait vidé de sa substance ». La Cour est extrêmement claire.
Deuxièmement, cela ne correspond pas aux standards de l’Europe. D’abord, l’article 12.1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre la liberté syndicale pour tous. Ensuite, je rappelle que la très grande majorité des grandes démocraties consacrent la liberté syndicale des magistrats. Le seul État à l’exclure absolument est l’Espagne, mais ce pays est malgré tout conduit à accepter les associations professionnelles. Le Royaume-Uni encadre l’exercice de la liberté syndicale, sans l’interdire totalement.
Troisièmement, l’adoption d’un tel dispositif contredirait près de cinquante ans de pratique et de jurisprudence, qui ont conduit à la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature.
Certes, les auteurs des amendements évoquent des débordements malheureux. Mais, nous le savons tous ici, condamner la liberté en raison des abus qui en sont faits, c’est renoncer à toute liberté !
Le Gouvernement émet un avis très défavorable sur cet amendement.
C’est délibérément que nous avons tenu à inscrire la liberté syndicale dans la loi. Il s’agissait de lever toute ambiguïté. En effet, s’il y avait de multiples références à cette liberté, elle ne figurait pas explicitement dans la loi jusqu’à présent.
Monsieur le sénateur Alain Vasselle, vous avez déclaré que les magistrats étaient fortement politisés. Ce reproche leur a été adressé de manière récurrente lors de l’examen du texte interdisant l’intervention du garde des sceaux dans les procédures individuelles en 2015 ou du projet de révision constitutionnelle. Selon moi, l’idée que les magistrats syndiqués seraient politisés et corporatistes relève d’une accusation globale et aveugle et ne se fonde pas sur une appréciation objective des faits.
Je trouve rassurant que, dans une démocratie, des magistrats puissent se syndiquer, se regrouper et défendre collectivement les intérêts de leur corps. Il est important que la magistrature se porte bien dans la société. Je ne vois pas pourquoi le droit de se syndiquer, qui est garanti dans notre démocratie, devrait être refusé aux magistrats.
À mes yeux, le procès permanent en corporatisme, en syndicalisme excessif et en politisation des magistrats contribue surtout à fragiliser l’institution judiciaire. Nous devons concevoir que les magistrats puissent être organisés en syndicats.
Les magistrats ont commencé par créer, voilà longtemps, une association, qui a depuis évolué en syndicat. C’est grâce à cette force rassemblée que la magistrature se porte bien, évolue et se dynamise. C’est ce qui fait avancer l’organisation de nos juridictions, le traitement réservé à la magistrature, les conditions de nomination ou de travail...
Je le répète, ce procès lancinant ne me paraît pas fondé. Surtout, il n’est pas souhaitable pour l’institution judiciaire. C’est délibérément, avec lucidité et volontarisme, que nous avons inscrit la liberté syndicale dans ce projet de loi organique !
L’indépendance de la justice et l’impartialité des magistrats, c'est un sujet particulièrement sensible !
Toute profession mérite respect et reconnaissance. J’ai entendu les propos de Mme la garde des sceaux et, surtout, les explications passionnées et pédagogiques de M. le rapporteur, auxquelles je me rallie.
Madame la garde des sceaux, selon vous, le « mur des cons » n’était donc qu’une blague de potaches !
M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux ont avancé des arguments politiques et des arguments juridiques.
Ma première observation, que certains trouveront peut-être subjective, sera de nature politique. Depuis que le droit de se syndiquer a été accordé aux magistrats, on constate une dérive politique chez un certain nombre d’entre eux. Les faits dont notre collègue vient de parler en témoignent.
Ma seconde observation sera juridique. J’aimerais bien que l’on invoque l’Europe avec le même zèle dans tous les domaines. Or bien des gouvernements, de droite comme de gauche, traînent des pieds dès lors qu’il s’agit de s’aligner sur les dispositions européennes. On les invoque selon que cela nous arrange ou pas, selon que l’on veut ou non conserver les dispositions réglementaires ou législatives en vigueur sur le territoire national… Sachons en tirer les enseignements.
Pour l’heure, je retire mon amendement, auquel les membres de cette Haute Assemblée sont très majoritairement opposés.
M. le sénateur Alain Marc m’a envoyé au visage que, selon moi, le « mur des cons » serait une blague de potaches ; son intention n’était certainement pas louable. Je ne vois pas en quoi je serais concernée par l’action d’un syndicat ou d’un autre.
Mais sa phrase est intéressante. Elle montre qu’il est facile de porter un jugement global et définitif à partir du propos ou de l’attitude déplacés d’une seule personne. On pourrait aussi prendre prétexte des déclarations d’un parlementaire pour conclure que le principe de l’immunité, qui garantit la liberté de parole, n’est pas fondé…
Comme je l’indiquais tout à l’heure, réfléchir sur la magistrature – cela vaut évidemment pour d’autres sujets –, c’est réfléchir sur les principes.
Or, sur le principe, je considère important que les magistrats puissent se syndiquer et mener leurs actions syndicales. Ils le font dans le respect des règles énoncées par la démocratie, et les débordements ne peuvent pas servir de référence.
En tout cas, j’ose espérer que nos capacités de raisonnement sont suffisamment éclairées pour que nous ne prenions pour référence d’éventuels débordements, qu’il s’agisse de la magistrature ou d’un autre corps constitué.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article.
Chers collègues, si le « mur des cons » n’était effectivement pas spécialement bienvenu, il ne faudrait pas non plus oublier ce qui se passait autrefois, dans les années soixante à quatre-vingt. Souvenons-nous de l’état dans lequel pouvait être la magistrature dans certaines circonstances. Si vous voulez des détails, je vous en donnerai.
À mon avis, on va plutôt dans le bon sens. La politisation, si politisation il y a, est plutôt moins visible et moins violente qu’à certaines époques.
L'article 22 est adopté.
L’article 11 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les limites de la prise en charge par l’État, au titre de la protection, des frais exposés par le magistrat dans le cadre d’instances civiles ou pénales, ou devant la commission d’admission des requêtes jusqu’au renvoi devant la formation disciplinaire compétente du Conseil supérieur de la magistrature. » –
Adopté.
L’article 12-2 de la même ordonnance est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le magistrat a fait l’objet de poursuites disciplinaires s’étant conclues par une décision de non-lieu à sanction, il peut demander le retrait des pièces relatives à ces poursuites de son dossier individuel.
« Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le dossier du magistrat peut être géré sur support électronique. » –
Adopté.
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Après le premier alinéa de l’article 44, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le magistrat à l’encontre duquel il est envisagé de délivrer un avertissement est convoqué à un entretien préalable. Dès sa convocation à cet entretien, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces justifiant la mise en œuvre de cette procédure. Il est informé de son droit de se faire assister de la personne de son choix.
« Aucun avertissement ne peut être délivré au-delà d’un délai de deux ans à compter du jour où l’inspecteur général des services judiciaires, le chef de cour, le directeur ou le chef de service de l’administration centrale a eu connaissance des faits susceptibles de justifier une telle mesure. »
2° Il est rétabli un article 47 ainsi rédigé :
« Art. 47. – Les titulaires de l’action disciplinaire ne peuvent engager une procédure disciplinaire au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’un d’eux a eu connaissance des faits susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire. »
L'amendement n° 53, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 47. – Le garde des sceaux, ministre de la justice, dans les cas mentionnés à l’article 50-1 ou au premier alinéa de l’article 63, et les chefs de cour, dans les cas mentionnés à l’article 50-2 ou au deuxième alinéa de l’article 63, ne peuvent saisir le Conseil supérieur de la magistrature de faits motivant des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de ces faits. »
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 25 est adopté.
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Au dernier alinéa de l’article 43, après les mots : « de la justice », sont insérés les mots : « ainsi que pour un magistrat exerçant les fonctions d’inspecteur général des services judiciaires, d’inspecteur général adjoint des services judiciaires ou d’inspecteur des services judiciaire » ;
2° L’article 48 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « ministère de la justice », sont insérés les mots : « ainsi que des magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général des services judiciaires, d’inspecteur général adjoint des services judiciaires et d’inspecteur des services judiciaire » ;
b) Le second alinéa est complété par les mots : «, en qualité de cadre ou d’inspecteur général des services judiciaires, d’inspecteur général adjoint des services judiciaires ou d’inspecteur des services judiciaires ».
3° Le second alinéa de l’article 59 est complété par les mots : « ainsi qu’aux magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général des services judiciaires, d’inspecteur général adjoint des services judiciaires et d’inspecteur des services judiciaire ».
L'amendement n° 30, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
, en qualité de cadre ou
par les mots :
ainsi qu’en qualité
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement vise à apporter une précision utile. La commission émet donc un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'article 25 bis est adopté.
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Après l’article 50-3, sont insérés deux articles 50-4 et 50-5 ainsi rédigés :
« Art. 50-4. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce dans le délai de douze mois à compter du jour où il a été saisi en application des articles 50-1 à 50-3, sauf prorogation pour une durée de six mois renouvelable par décision motivée.
« Art. 50-5. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce sur la situation du magistrat ayant fait l’objet d’une interdiction temporaire d’exercice en application de l’article 50 ou de l’article 51 dans le délai de huit mois à compter du jour où il a été saisi en application des articles 50-1 à 50-3. Il peut, par décision motivée, proroger ce délai pour une durée de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions. Si l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales, le Conseil peut décider de maintenir l’interdiction temporaire d’exercice jusqu’à la décision définitive sur les poursuites disciplinaires. »
2° Les deux derniers alinéas de l’article 63 sont supprimés.
3° Après l’article 63, sont insérés trois articles 63-1 à 63-3 ainsi rédigés :
« Art. 63-1. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce dans le délai de douze mois à compter du jour où il a été saisi en application de l’article 63, sauf prorogation pour une durée de six mois renouvelable par décision motivée.
« Art. 63-2. – Si, à l’expiration d’un délai de huit mois à compter du jour où le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l’article 63 pour rendre son avis sur la situation du magistrat ayant fait l’objet d’une interdiction temporaire d’exercice, aucune décision n’a été prise par le garde des sceaux, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions, sauf prorogation pour une durée de quatre mois après avis motivé du Conseil.
« Si l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut, après avis du Conseil, maintenir l’interdiction temporaire d’exercice jusqu’à la décision définitive sur les poursuites disciplinaires.
« Art. 63-3. – Dès la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces de l’enquête préliminaire, s’il y a été procédé.
« Le président de la formation de discipline désigne, en qualité de rapporteur, un membre de cette formation. Il le charge, s’il y a lieu, de procéder à une enquête. Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi par un justiciable, la désignation du rapporteur n’intervient qu’après l’examen de la plainte par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur mentionnée à l’article 63. Les dispositions de l’article 52 sont applicables. »
L'amendement n° 54, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
garde des sceaux,
insérer les mots :
ministre de la justice,
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 26 est adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 44 amendements au cours de la journée ; il en reste 18 à étudier sur ce texte.
Je rappelle en outre que 226 amendements sont à examiner sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 4 novembre 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société (procédure accélérée) (n° 660, 2014-2015) et projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée) (n° 661, 2014-2015) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 119, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 120, 2015-2016).
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 121, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 122, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 4 novembre 2015, à zéro heure quarante-cinq.