Intervention de Michel Mercier

Réunion du 3 novembre 2015 à 21h45
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Articles additionnels avant l'article 7

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

Nous arrivons à un point important du débat et je veux expliquer pourquoi je ne voterai pas les amendements de M. Mohamed Soilihi. Ces derniers constituent, à mon sens, des faux-semblants : ils ne répondent pas à la question qui se pose à nous. D’ailleurs, notre collègue le sait parfaitement, puisqu’il indique que, ne pouvant aller plus loin, il nous faut au moins faire un tout petit pas.

Aujourd'hui, la position de la France devant la Cour européenne des droits de l’homme est fragilisée. Celle-ci considère en effet, à tort ou à raison – peu importe, elle est souveraine –, que le parquet français n’est pas indépendant et ne relève pas de l’autorité judiciaire.

Le Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises, et la chambre criminelle de la Cour de cassation, sur les réquisitions de M. Marc Robert dans le cadre d’une affaire située à La Réunion, se sont pourtant prononcés de façon particulièrement claire : les membres du parquet sont bien des magistrats.

Il nous appartient donc, en tant que détenteurs du pouvoir constituant dérivé, si j’ose dire, de perfectionner un système aujourd'hui imparfait et de rendre indépendants les membres du parquet, en faisant en sorte que le Président de la République les nomme après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Madame la garde des sceaux, je vous l’ai dit en 2013 et je le répète aujourd'hui. Je ne changerai pas de position, parce que ce sujet est trop sérieux. La France a été trop souvent condamnée à Strasbourg sur ce fondement ; c’est injuste, mais c’est ainsi. Comme la plupart de mes collègues, je tiens au modèle français du parquet, parce qu’il constitue une garantie essentielle de la liberté individuelle. Nous sommes l’un des rares pays où, dès que quelqu'un est placé en garde à vue, un magistrat – le procureur de la République – exerce son contrôle. Dans d’autres pays, que l’on présente toujours comme exemplaires en matière de défense de la liberté individuelle, tel le Royaume-Uni, il peut se passer plusieurs jours, voire semaines, avant qu’un juge ne connaisse de la situation de la personne placée en garde à vue.

Je considère que l’un des rôles essentiels du Sénat, l’une des justifications du bicamérisme, c’est la défense des libertés individuelles. Ce rôle, nous avons ici l’occasion parfaite de le jouer.

L’amendement que nous avons adopté n’avait pas pour objet de s’opposer à la réforme proposée par le Gouvernement…

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