Le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Je comprends votre préoccupation : il existe effectivement un problème d’attractivité – je n’aime pas ce terme, mais c’est celui que l’on emploie généralement – des postes outre-mer.
La règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut » est une règle de gestion des ressources humaines qui n’a sa place ni dans la Constitution, ni dans une loi organique, ni même dans une loi ordinaire.
Ce problème d’attractivité des outre-mer se traduit souvent par un manque de candidats. En revanche, certains magistrats souhaitent faire carrière outre-mer.
Depuis que je suis garde des sceaux, je veille à ce que les conditions de mise en œuvre de la loi soient les mêmes partout, la loi exprimant la volonté générale. Des problèmes d’attractivité se posent aussi dans l’Hexagone : nous avons beaucoup de mal à pourvoir des postes de magistrat, tant du siège que du ministère public, dans certaines juridictions.
Nous répondons aux difficultés constatées outre-mer d’abord en faisant preuve de souplesse dans la mise en œuvre de cette règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut ».
Ensuite, j’ai lancé une campagne de sensibilisation voilà un peu plus deux ans. Pour faire évoluer la perception que les auditeurs de justice pouvaient avoir de ces territoires, j’ai demandé à des magistrats ayant exercé outre-mer d’intervenir à l’École nationale de la magistrature. Cette amélioration de la connaissance des outre-mer a porté ses fruits : dès la deuxième année, des élèves classés parmi les vingt premiers au terme du cursus ont demandé une affectation outre-mer, alors que ces postes n’étaient habituellement demandés que par les derniers.
Il est important de faire savoir que les outre-mer ne sont pas seulement des territoires lointains et compliqués : ce sont aussi des lieux où les réalités sociologiques et culturelles induisent des problématiques intéressantes, en matière tant pénale que civile. L’insertion des territoires ultramarins dans leurs bassins régionaux ouvre la possibilité de s’enrichir culturellement, de développer des relations et des action de coopération.
Cela étant, il faut admettre qu’une affectation outre-mer peut entraîner un bouleversement familial pour les magistrats, jeunes ou expérimentés. Par conséquent, nous veillons à ce que les demandes de retour dans l’Hexagone de magistrats ayant servi dans un outre-mer soient considérées avec une attention particulière. Cela relève non pas d’un préjugé selon lequel leur séjour outre-mer aurait conduit à une altération de leur rapport à la justice, mais d’une prise en considération de la réalité objective du service outre-mer pour ces magistrats.
Par ailleurs, nous nous attachons à susciter des vocations de magistrat parmi les étudiants d’outre-mer. Par exemple, des conventions ont été signées entre l’École nationale de la magistrature et les universités d’outre-mer pour mettre en place des tutorats, en vue d’inciter les bons étudiants en droit à envisager la carrière de la magistrature.
Je comprends vos préoccupations, qui sont fondées, monsieur le sénateur. Il est vrai qu’à Mayotte, en particulier, la situation est très difficile : tant pour les magistrats que pour les greffiers, nous sommes souvent confrontés à des problèmes en matière d’affectation. Nous souhaitons pour autant respecter le principe d’égalité, car la loi doit être la même pour tous et partout.