Intervention de Jacqueline Chevé

Réunion du 24 mars 2009 à 21h45
Simplification et clarification du droit — Articles additionnels avant l'article 15

Photo de Jacqueline ChevéJacqueline Chevé :

L’enthousiasme pour le statut d’auto-entrepreneur ne doit pas éclipser certaines interrogations ou masquer les dysfonctionnements du dispositif.

Entrons dans le détail : un premier point concerne la distorsion de concurrence avec les artisans et commerçants déjà en activité. Ces derniers ne jouissent pas de ce statut et doivent payer l’intégralité de leurs impôts et cotisations, alors que d’autres viennent s’installer à côté d’eux en bénéficiant d’exonérations fiscales et sociales importantes.

L’injustice touche surtout le domaine des activités de services en raison de la franchise de TVA s’appliquant à une clientèle constituée essentiellement de particuliers. En effet, ces activités nécessitant peu d’achats de marchandises, l’absence de récupération de la TVA permet aux auto-entrepreneurs de pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché, ce qui a évidemment des conséquences sur le tissu économique. Point n’est besoin d’y insister.

Mais il est permis de s’interroger : dans une conjoncture difficile, est-il vraiment opportun de déséquilibrer des entreprises existantes qui, elles-mêmes, emploient souvent des salariés ?

Au demeurant, une autre question se pose. Selon l’étude du cabinet Gestelia, la comparaison totale des coûts fiscaux, sociaux, comptables et de TVA entre le régime simplifié d’imposition, ou RSI, et le régime d’auto-entrepreneur est favorable dans 90 % des cas au RSI, même en intégrant les frais de comptabilité. Si l’auto-entrepreneur opte pour le prélèvement libératoire, le RSI reste favorable dans 75 % des cas. Il convient donc de bien réfléchir avant de s’engager dans cette voie.

Un sujet d’inquiétude concerne la qualification des personnes optant pour ce statut : tout un chacun pouvant se déclarer auto-entrepreneur sans faire l’objet d’aucune vérification relative à sa qualification, un risque non négligeable existe pour le client.

Si l’on prend l’exemple du second œuvre dans le bâtiment, la responsabilité juridique de l’auto-entrepreneur qui aura effectué les travaux d’électricité ou de plomberie peut être engagée en cas de malfaçons ou de dégâts. Quant au client, de quelle garantie bénéficiera-t-il ?

Par ailleurs, les auto-entrepreneurs étant dispensés de l’immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers au motif de l’économie de frais pour les candidats, ils se trouvent privés des stages de formation à la gestion d’entreprise et de l’accompagnement à la création de leur activité par les services consulaires. Or, être entrepreneur ne s’improvise pas ; il ne faut pas, par exemple, confondre chiffre d’affaires et bénéfices. Il faut savoir calculer ses coûts, fixer ses prix de vente, faire une étude, si simple soit-elle, sur le marché prospecté.

Soyons clairs ! S’il s’agit vraiment de la création d’une nouvelle entreprise et non pas de la simple légalisation d’un travail au noir effectué parallèlement à une activité déclarée, cette affaire doit être menée avec sérieux, faute de quoi les dégâts sur les personnes déjà fragilisées par le chômage et la précarité risquent d’être considérables.

Voilà pourquoi, après en avoir discuté avec les organismes consulaires et les représentants des artisans et des commerçants, il nous semble opportun de proposer une immatriculation, fût-ce à titre gratuit, dans les organismes consulaires. Ces derniers pourront alors assurer l’accompagnement indispensable à l’éventuelle réussite de l’auto-entrepreneur.

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