Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 3 novembre 2015 à 21h45
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Article 14

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, nous n’approuvons pas la réécriture de l’article 14. La rédaction initiale de cet article modifiait l’article 28-3 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 pour renforcer le statut des juges des libertés et de la détention, notamment afin que ceux-ci, au même titre que les magistrats chargés de fonctions spécialisées, soient nommés par décret et non désignés par le président du tribunal de grande instance.

La commission des lois a modifié en profondeur la rédaction de l’article 14, en particulier en adoptant un amendement du rapporteur aux termes duquel le juge des libertés et de la détention resterait un magistrat du premier grade désigné par le président du tribunal de grande instance, mais après avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège du tribunal concerné. Cette formalité, selon le rapporteur, devrait « protéger l’exercice de la fonction, sans pour autant occasionner les rigidités liées à une nomination par décret ».

Certes, l’introduction de l’avis conforme de l’assemblée des magistrats du siège représente une forme de garantie, le rôle de celle-ci n’étant aujourd’hui que consultatif : les chefs de juridiction exercent encore, pour l’heure, un pouvoir discrétionnaire en matière d’affectation des magistrats au service du juge des libertés et de la détention. Toutefois, cette disposition ne suffira pas à limiter les risques d’exercice de pressions par les chefs de juridiction sur ces magistrats. L’actualité a montré, très récemment, qu’un juge des libertés et de la détention pouvait faire l’objet de pressions de la part de sa hiérarchie pour tenter de l’empêcher de prendre une décision de remise en liberté de migrants, par exemple.

Par ailleurs, la question de l’ancienneté des magistrats est évidemment importante, mais si tel est véritablement le souci de la commission, pourquoi ne pas prévoir, dans la loi organique, que les fonctions de juge des libertés et de la détention soient réservées aux magistrats du premier grade ?

Enfin, l’argument tenant aux difficultés de gestion qui pourraient résulter de la mise en œuvre de cette réforme dans les petites juridictions est infondé. En effet, elles comptent déjà des juges de l’application des peines, des juges d’instruction et des juges des enfants nommés par décret et, a priori, elles s’en accommodent bien.

Ainsi, une telle réforme ne posera pas de problèmes de gestion : si le poste ne constitue pas un emploi à temps plein, rien n’interdira de confier d’autres compétences au juge des libertés et de la détention pour compléter son temps de service, comme cela se fait pour d’autres juges spécialisés. Au contraire, cette réforme permettra une reconnaissance institutionnelle de nature à favoriser l’investissement des magistrats dans cette fonction.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons de rétablir la rédaction initiale de cet article.

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