Intervention de François Pillet

Réunion du 3 novembre 2015 à 21h45
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Article 14, amendements 37 47 14

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Les amendements n° 37 et 47 visent à rétablir le texte initial de l’article 14 du projet de loi organique. Je souhaite exposer les raisons qui ont conduit la commission des lois à proposer une solution alternative à la réforme présentée par le Gouvernement.

Je tiens tout d’abord à rappeler que la fonction de juge des libertés et de la détention a été créée par la loi du 15 juin 2000 pour retirer au juge d’instruction la compétence en matière de détention provisoire, afin d’instituer un « double regard » – selon l’expression du moment – sur les affaires instruites et de confier à un magistrat expérimenté le soin de prendre les décisions qui portent, avant condamnation éventuelle, le plus lourdement atteinte à la liberté.

Depuis cette date, les compétences du juge des libertés et de la détention n’ont cessé de s’étoffer dans le domaine de la procédure pénale, mais également dans de nombreux autres secteurs. Désormais, vingt codes prévoient son intervention –je pense, en particulier, au contentieux des étrangers ou à l’hospitalisation psychiatrique. La liste de toutes les compétences du juge des libertés et de la détention figure d’ailleurs en annexe du rapport que j’ai l’honneur de présenter : c’est assez effrayant !

Ainsi que l’a souligné un haut magistrat que nous avons auditionné, le juge des libertés et de la détention « s’est très vite affranchi des limites fixées par la loi du 15 juin 2000 », au point de s’imposer désormais « comme le juge de droit commun lorsqu’il s’agit d’autoriser des mesures privatives ou restrictives de liberté » et de s’affirmer « comme un juge pénal de l’urgence ».

On nous a fait valoir que les compétences que le juge des libertés et de la détention tire des textes applicables sont trop importantes pour qu’il ne bénéficie pas des mêmes protections statutaires que ses collègues magistrats du siège. À cet égard, son mode actuel de désignation – par le président du tribunal de grande instance parmi les magistrats du premier grade exerçant une fonction de premier vice-président ou de vice-président – ne le mettrait pas à l’abri des pressions pouvant s’exercer sur lui.

Madame la ministre, je n’irai pas par quatre chemins : tous les magistrats qu’Yves Détraigne et moi-même avons entendus nous ont fait part des réserves que leur inspirait la réforme que vous proposez, seules les organisations syndicales de magistrats approuvant celle-ci.

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