Intervention de Annie David

Réunion du 24 mars 2009 à 21h45
Simplification et clarification du droit — Article 15

Photo de Annie DavidAnnie David :

Cet article me semble mélanger deux possibilités pourtant bien différentes : la possibilité juridique d’émettre un bulletin de salaire sous forme électronique et la possibilité pratique pour un salarié de conserver son bulletin de salaire sous forme électronique.

Sur le plan juridique, le bulletin de salaire peut être émis sous forme d’écrit électronique, et ce depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui a totalement libéralisé l’écrit dématérialisé en France, pour se mettre en conformité avec les textes européens.

J’en veux pour preuve que nombre d’entreprises, qui ont l’obligation de conserver pendant cinq ans le double du bulletin de paie, n’ont pas attendu le législateur pour l’archiver sous forme dématérialisée sur leur système informatique. Ainsi, nul besoin de loi pour confirmer ce qui existe déjà.

En revanche, la conservation des bulletins de salaire sous forme électronique pose problème. En effet, un salarié doit pouvoir en disposer pendant une durée illimitée, puisque ces bulletins de salaire lui permettront de reconstituer sa carrière pour faire valoir ses droits à la retraite, notamment.

Or l’évolution très rapide des moyens informatiques, liée à l’obsolescence des supports, est le problème majeur rencontré lors de la mise en œuvre de systèmes d’archivage électronique. Inutile de penser qu’il suffit d’y consacrer une clé USB : dans moins de dix ans, aucun système ne saura plus la relire !

Il faut donc mettre à la disposition des particuliers des « coffres-forts électroniques » susceptibles de garantir la pérennité des documents électroniques conservés.

Cependant, si de tels dispositifs ont déjà été mis en œuvre en France par un certain nombre de prestataires, les initiatives gouvernementales en la matière n’ont pas abouti à ce jour.

Ainsi, même si la dématérialisation des bulletins de paie présente un certain intérêt économique et environnemental, il n’existe pas pour l’instant de garanties techniques et réglementaires pour assurer leur conservation. En outre, cet article anticipe trop de nouveaux usages sans en assurer la pérennité.

Quant à l’argument économique et aux coûts à la charge des employeurs liés à l’envoi des bulletins de paie – et tel est bien l’objectif visé par cet article, puisque Mme Henneron elle-même cite dans son rapport la somme qui serait économisée par les entreprises –, je propose, plutôt que de maintenir cet article et de supprimer des bulletins de paie établis sur support papier, d’en revenir aux pratiques en vigueur voilà quelques années seulement et de remettre la fiche de paie en mains propres aux salariés !

Mais, évidemment, les salariés pourraient alors comparer leurs salaires et constateraient inévitablement les inégalités salariales auxquelles ils sont soumis ! Telle est d’ailleurs la raison qui avait amené les employeurs à recourir à l’envoi de ces documents au domicile de leurs salariés, pour les individualiser encore un peu plus.

Aussi, je vous propose d’adopter cet amendement visant à supprimer l’article 15, qui ne donne pas assez de garanties sur la conservation des bulletins de salaire, et de revenir à la remise de ces derniers en mains propres aux salariés, ce qui permettra au final d’atteindre l’objectif recherché d’économies pour les entreprises.

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