Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale commune, à l’heure où de violents propos viennent entacher les valeurs de notre République, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas décidé de modifier l’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270. Au mois de mai 204, le député Éric Ciotti proposait de la réécrire dans un tout autre sens, afin d’interdire le syndicalisme chez les magistrats.
Certes, ce projet de loi organique consacre la reconnaissance du syndicalisme judiciaire ; nous nous en félicitons. Mais il ne revient pas sur l’article 10 de cette ordonnance, notamment l’alinéa 3, qui dispose qu’« est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Or c’est en vertu de cette disposition que certains croient pouvoir s’opposer au droit de grève des magistrats, alors même que l’article renvoie seulement à la règle de continuité du service public. À nos yeux, c’est tout l’article 10 qui doit être repensé.
Les deux premiers alinéas de l’article, qui renvoient à la révolte des parlements sous l’Ancien régime, doivent également être réécrits. Il y est en effet question de « délibération politique » du corps judiciaire et de « démonstration de nature politique ». Or le devoir de réserve n’équivaut pas à une interdiction de se prononcer sur la loi, qui est une construction politique, dans le temps de son élaboration comme de son application.
D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Koudechkina contre Russie du mois de février 2009, a reconnu aux magistrats un droit de critique contre les atteintes à leur indépendance, informations qui revêtent un caractère d’intérêt général et méritent donc de faire l’objet d’un débat libre dans une société démocratique.
Nous souhaitons donc la réécriture de l’article 10, afin de préciser que seules les activités en lien avec le contentieux de la privation de liberté devraient être assurées, sans autre réserve.
À défaut, nous proposons la suppression de l’alinéa 3 de cet article, car il est confus sur la possibilité pour les magistrats de s’exprimer collectivement, de manifester lorsque leurs conditions de travail, mais aussi les conditions de leur indépendance sont en cause, voire de porter un regard critique sur la loi, au stade de son élaboration comme de son application.
Je le rappelle, le droit de grève est reconnu sans ambiguïté aux magistrats administratifs et financiers, ainsi qu’aux fonctionnaires de justice, dont la présence est tout aussi indispensable au fonctionnement et à la continuité des juridictions.
Finalement, seule l’hostilité à la forme républicaine du gouvernement est un positionnement incompatible avec l’appartenance au corps judiciaire. C’est pourquoi seule cette interdiction mérite de rester dans l’ordonnance du 22 décembre 1958.