À cette heure tardive, je pense que nous pouvons nous dispenser d’un débat un peu vif sur le sujet et nous en tenir à des considérations de droit.
C’est donc pour des raisons exclusivement juridiques – je ne me prononcerai pas sur les autres – que j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Premièrement, une telle mesure serait contraire aux engagements internationaux de la France. En effet, dans un arrêt récent, qui a abouti à la condamnation de la France pour l’interdiction faite aux militaires de se syndiquer, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé qu’elle n’acceptait pas les « restrictions qui affectent les éléments essentiels de la liberté syndicale sans lesquels le contenu de cette liberté serait vidé de sa substance ». La Cour est extrêmement claire.
Deuxièmement, cela ne correspond pas aux standards de l’Europe. D’abord, l’article 12.1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre la liberté syndicale pour tous. Ensuite, je rappelle que la très grande majorité des grandes démocraties consacrent la liberté syndicale des magistrats. Le seul État à l’exclure absolument est l’Espagne, mais ce pays est malgré tout conduit à accepter les associations professionnelles. Le Royaume-Uni encadre l’exercice de la liberté syndicale, sans l’interdire totalement.
Troisièmement, l’adoption d’un tel dispositif contredirait près de cinquante ans de pratique et de jurisprudence, qui ont conduit à la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature.
Certes, les auteurs des amendements évoquent des débordements malheureux. Mais, nous le savons tous ici, condamner la liberté en raison des abus qui en sont faits, c’est renoncer à toute liberté !