La notion de service public de la justice est une notion très usuelle en droit. Elle est utilisée dans la jurisprudence, tant par le juge administratif que par le juge judiciaire, et la doctrine n’est pas en reste.
Aussi, nous ne comprenons pas la suppression de cette référence par la commission.
La justice est un service public, certes différent des autres, mais service public néanmoins ! Dans une décision du 27 janvier 1994, le Conseil constitutionnel voit ainsi, dans le Conseil supérieur de la magistrature, « une institution nécessaire au fonctionnement du service public de la justice ».
Nous estimons même que cette notion de service public protège et légitime l’activité de la justice. En ce sens, l’autorité judiciaire s’appuie sur le service public de la justice, lequel doit concourir, comme tout autre service public, à l’égal accès au droit et à la justice.
Il y a bien un service public de la justice, mes chers collègues, soumis au principe d’égalité, de continuité, d’adaptabilité et de neutralité. Sans revenir sur le droit de grève, que nous avons évoqué hier, je rappellerai que l’un de nos amendements sur le sujet a précisément été rejeté au nom de ce principe.
Il ne s’agit pas pour nous de rechercher une rationalisation de l’activité de l’État, ni d’appliquer des logiques managériales à l’activité judicaire, ni de faire du justiciable un usager.
Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la séparation des pouvoirs. Le Conseil d’État n’ayant à connaître principalement que des dysfonctionnements dans l’organisation administrative du service public de la justice ayant causé un préjudice, c’est alors la responsabilité de l’État qui est recherchée. Le Conseil d’État n’est jamais compétent sur la fonction de juger en elle-même. Nous savons bien, mes chers collègues, qu’il n’est pas question de cela.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ont toujours défendu le service public à la française, qui légitime l’action de l’État, protège certaines activités des logiques marchandes et renforce certains droits, comme le droit syndical.
Enfin, nous ne pensons pas que la notion de service public soit contraire au principe d’indépendance. Loin de là !
Aussi, malgré ses particularités, le service de la justice remplit bien tous les critères du service public, en ce qu’il répond au besoin essentiel de justice que l’État assure et assume directement, en vertu d’un pouvoir régalien toujours exercé en son nom et de façon indivisible. En outre, pour reprendre les termes d’une ancienne garde des sceaux, « la justice est un service public parce que l’idée même de service public est liée à l’idée de justice ».
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.