Le Gouvernement est favorable à ces amendements, dont l’adoption nous permettrait de revenir au texte initial du projet de loi.
Mais peut-être faut-il prendre le temps d’aborder ce sujet, qui a une dimension conceptuelle absolument indiscutable.
L’autorité judiciaire est une autorité constitutionnelle. Elle ne risque rien, dès lors qu’elle est inscrite dans la Constitution.
Il demeure qu’il s’agit bien d’un service public, au sens même de la notion conçue et définie par Léon Duguit, a fortiori dans ce projet de loi visant à faciliter et améliorer l’accessibilité de la justice pour les citoyens.
De quoi s’agit-il précisément ? Il s’agit de distinguer l’organisation et le fonctionnement de la justice.
L’autorité judiciaire demeure une autorité constitutionnelle et personne ne songe à modifier une virgule des articles 64 et 65 de la Constitution.
L’indépendance des magistrats du siège est consacrée dans le mode de nomination de ces magistrats, dans la procédure disciplinaire, dans la totale liberté d’action en juridiction – elle n’est donc pas en cause. Par ailleurs, nous renforçons l’indépendance des magistrats du parquet, tout en assumant notre responsabilité en matière de politique pénale, cette politique devant être mise en œuvre sous l’autorité des procureurs généraux, donc des parquets de cour d’appel dans les juridictions de leur ressort.
Mais l’institution judiciaire, elle-même, remplit toute une série de missions et l’indépendance des magistrats, que, à nouveau, nous organisons et renforçons, que nous respectons dans sa dimension juridictionnelle, n’est absolument pas mise en péril par le souci du bon fonctionnement de l’institution judiciaire, d’un accès au droit facilité et d’un égal accès à la justice.
Vous avez raison de mentionner l’existence d’un débat, monsieur le rapporteur. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité du travail que vous avez fourni, la grande écoute dont vous avez fait preuve et, surtout, la constance avec laquelle vous travaillez ces sujets.
Ce débat, qui n’est ni vital ni intense, porte effectivement sur le risque de voir l’autorité judiciaire banalisée parce qu’elle serait également appelée « service public de la justice ». Ce risque n’existe pas !
D’ailleurs, je ne vois pas en quoi être un service public serait dévalorisant. Quoi de plus beau, mesdames, messieurs les sénateurs, que de pouvoir assurer, dans une démocratie, une puissance d’État vis-à-vis des citoyens ?
Donc, non seulement le recours à l’expression « service public de la justice » n’a rien de pénalisant, mais, en plus, le concept est totalement consacré.
Il est consacré par le Conseil d’État, qui distingue les questions d’organisation, relevant de la juridiction administrative en cas de litiges à traiter, des questions de fonctionnement. Parce que, justement, l’autorité judiciaire a toute son indépendance, ces questions relèvent d’elle et n’ont pas à être traitées par le juge administratif.
Le concept est également consacré par le Conseil constitutionnel, et le code de l’organisation judiciaire, qui établit très clairement la nécessité de respecter la continuité du service public de la justice.
Je rappelle que nous débattons d’un texte de loi qui, dans sa structure, dans sa charpente même, s’attache à rendre l’institution judiciaire plus proche des citoyens : un rapprochement physique, comme je l’ai indiqué hier, géographique, mais aussi fonctionnel, par l’introduction de la dématérialisation, donc des avantages du numérique.
Alors que nous avons le souci de permettre à la justice de répondre aux attentes de la société, que nous lui donnons à la fois des fonctions, des missions et les moyens pour remplir ce rôle, donc pour s’adapter à l’évolution du droit et des demandes de justice, je ne crois pas que ce soit le moment de dénier à cette justice le caractère de service public.
Je le répète, le service public de la justice est consacré par nos plus hautes autorités judiciaires, à savoir le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
C’est pour toutes ces raisons – pardonnez-moi si j’ai été un peu longue – que le Gouvernement souhaite vraiment revenir à la rédaction initiale du projet de loi. Par conséquent, il soutient très fortement, en les remerciant de leur démarche, les auteurs de ces deux amendements.