Monsieur Mézard, le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression de l’article 3, pour la simple raison qu’il est très attaché à cet article, essentiel pour introduire un mode alternatif de règlement des litiges.
Il s’agit de petits litiges du quotidien, de proximité, pour lesquels la demande de dommages est plafonnée à 4 000 euros. D’ailleurs, les juridictions qui peuvent être saisies sont les juridictions de proximité et les tribunaux d’instance.
Nous voulons favoriser la conciliation et la médiation. Si on se contente de le dire, sans mettre en place un dispositif incitant les gens à y recourir, nous nous contentons de former un vœu pieux.
Nous vivons tous dans le même pays, nous savons ce qui se passe depuis pratiquement une vingtaine d’années : l’autorité judiciaire est sollicitée pour des litiges, qui, jusque-là, trouvaient une solution sociale, dans le cadre d’un dialogue. Aujourd'hui, le moindre conflit de voisinage finit au tribunal, alors que les gens, pendant des années, ont su se parler pour régler ce type de conflits. Pour un problème de paiement du loyer, les gens se parlaient et trouvaient un arrangement. Aujourd'hui, on saisit systématiquement la justice.
Vous-mêmes avez évoqué plusieurs fois ici, mesdames, messieurs les sénateurs, une « judiciarisation » de la société. Une partie de cette judiciarisation est fondée : elle s’explique par les litiges nés d’activités économiques et industrielles diverses, qui justifient que le juge s’en mêle.
Pour autant, certains litiges s’enracinent simplement dans notre vie commune. En vivant ensemble, nous pouvons nous déranger ou nous importuner les uns les autres. Bien évidemment, cela ne vous arrive pas, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je sais que vous êtes en mesure de faire l’effort intellectuel vous permettant de comprendre que cela fait partie de la vie quotidienne. §Ce que nous souhaitons, c’est recommencer à élaborer des réponses communes à ces difficultés quotidiennes. Et si la réponse ne peut pas être apportée dans le cadre de la conciliation, l’accès au juge est maintenu.
D’ailleurs, cet article 3 lui-même prévoit des dérogations à la tentative de conciliation. C’est le cas si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord, si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime et, enfin, si cette tentative de conciliation risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
La conciliation me semble donc correctement encadrée pour accomplir son office, à savoir encourager le règlement amiable de litiges, dont on sait, je le disais hier, qu’il est mieux accepté et a un effet plus durable, car il est construit et élaboré par les deux parties.
Nous souhaitons donc favoriser ce règlement amiable, sans entraver l’accès au juge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons prévu ces dérogations. Nous sommes sûrs que la société y gagnera, notamment en termes de dialogue social et de cohésion sociale, ce qui n’est pas à nos yeux une conséquence insignifiante.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.