Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 4 novembre 2015 à 14h30
Justice du xxie siècle — Article 5

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Je me permets d’insister sur ce point, car, à la fin de votre intervention, vous avez évoqué un autre article du texte, relatif à l’acte de procédure d’avocat.

En l’état actuel du droit, une fois le juge saisi, il n’est plus possible de modifier la convention de procédure participative. Nous souhaitons, à travers l’article 5, autoriser sa conclusion après la saisine du juge, préciser qu’elle peut contribuer à la mise en état du litige et, enfin, autoriser par son intermédiaire la conclusion d’actes contresignés par avocat.

Nous tenons à cet article. Il s’inscrit pleinement dans les logiques de conciliation et de médiation, qui sont aussi des façons d’élaborer, ensemble, des solutions.

J’ai entendu les accusations de déjudiciarisation. Une mise au point s’impose : voilà trois ans, lorsque je suis arrivée aux responsabilités, parmi les premières revendications qui m’ont été soumises figurait la nécessité de déjudiciariser toute une série de contentieux, notamment le contentieux familial. Dans le premier projet de loi d’habilitation que je vous ai présenté, qui comportait des dispositions sur la simplification du droit et des règles d’administration légale, nous avions prévu d’insérer un article aux fins d’habiliter le Gouvernement à déjudiciariser un certain nombre de contentieux, dont le contentieux familial. J’ai pris sur moi de supprimer cet article, c’est-à-dire que le texte qui vous est parvenu ne comportait aucune demande d’habilitation en ce sens.

Depuis, je n’utilise pas le terme de « déjudiciarisation ». Nous avons approfondi le sujet lors du débat national qui s’est tenu à l’UNESCO durant deux jours, en janvier 2014 – les parlementaires qui ont participé à ce débat s’en souviennent sans doute. Mon souci est de lever toute ambiguïté : la démarche ne consiste pas à déjudiciariser, c’est-à-dire à exclure le juge du règlement des litiges, mais à favoriser le dialogue, la conciliation et la médiation.

Nous voulons faire en sorte que le juge ne soit saisi que des éléments de conflit réel. Aujourd’hui, le juge reçoit toute la masse du contentieux, alors qu’on ne devrait logiquement lui confier que les affaires relevant véritablement d’une décision de magistrat.

Pour ma part, je n’utilise pas ce terme de déjudiciarisation : en effet, il ne s’agit pas d’exclure ces contentieux du cadre juridique ou judiciaire, mais d’introduire de la fluidité, de permettre l’élaboration de solutions construites ensemble, de faire en sorte que la société mobilise toutes ses capacités de dialogue et que seuls les véritables conflits soient réservés au juge.

Lorsque nous affirmons vouloir recentrer les magistrats et les greffiers sur leurs missions juridictionnelles, cela signifie, par exemple, que le juge ne sera plus obligé de constater une absence de désaccord sur les biens successoraux.

La démarche est donc claire. Elle ne consiste pas à éliminer le juge, mais à lui réserver ce qui relève d’une décision juridictionnelle. C’est dans cet esprit que nous avons conçu et rédigé cet article 5.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement de suppression.

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