Je souhaite expliquer en quelques mots la logique du texte adopté par la commission sur l’article 8 du projet de loi, relatif à la réforme des tribunaux sociaux.
Ce texte se situe dans le droit fil du rapport que j’ai établi avec Virginie Klès en 2013, lequel recommandait la fusion du tribunal des affaires de sécurité sociale, le TASS, et du tribunal du contentieux de l’incapacité, le TCI, et s’interrogeait sur le rattachement à cette nouvelle juridiction unique échevinée de la commission départementale d’aide sociale, la CDAS.
Il se situe également dans le droit fil du rapport Marshall de 2013, qui préconisait la création d’un tribunal des affaires sociales au sein du tribunal de première instance, pour regrouper dans une juridiction échevinée rattachée au TPI l’ensemble du contentieux de la sécurité sociale.
Il respecte aussi l’intention du Gouvernement, consistant à confier au tribunal de grande instance le contentieux qui relève aujourd’hui du TASS et du TCI, ainsi qu’une partie du contentieux qui relève de la CDAS, sans toutefois en déterminer les modalités.
Le texte de la commission présente cependant l’avantage, par rapport au texte initial du Gouvernement, de ne pas renvoyer l’essentiel de la réforme à des ordonnances, par une habilitation aux termes particulièrement larges et imprécis. Personne ici, je pense, ne peut se satisfaire d’une telle méthode de législation, compte tenu de l’importance du sujet.
Je ne rappellerai pas le livre récent de Pierre Joxe sur les tribunaux sociaux... Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réforme proposée par le Gouvernement n’est qu’esquissée dans le projet de loi, qui ne comporte qu’une disposition de principe.
Tout en respectant les grandes options que je viens de rappeler, et qui sont aussi, me semble-t-il, celles du Gouvernement, le texte de la commission prévoit la création d’un tribunal des affaires sociales unique, écheviné et rattaché au TGI.
Ce tribunal serait présidé par un magistrat du TGI. Sous réserve de dispositions transitoires pour tenir compte de la situation des personnels actuels des TASS et des TCI, qui relèvent pour la plupart de la sécurité sociale, le greffe de ce tribunal serait assuré par le greffe du TGI.
Ce tribunal trouverait donc sa place au sein du pôle social du TGI, comme le souhaite le Gouvernement et le préconisent les différents rapports que j’ai évoqués au début de mon intervention.
Cette formule n’est pas originale : elle est en vigueur pour les tribunaux paritaires des baux ruraux, qui sont rattachés aux tribunaux d’instance.
Ce tribunal présenterait aussi l’avantage de préserver l’identité des actuels tribunaux sociaux, à laquelle les partenaires sociaux sont très attachés, comme j’ai pu le constater au cours des auditions : présence des assesseurs salariés et employeurs, dispense de représentation par avocat, expertise médicale... Or le texte du Gouvernement ne prévoit rien sur ce point.
En outre, ce dispositif conforte le mécanisme préalable des actuelles commissions de recours amiable des caisses de sécurité sociale, qui permet d’éviter dans un certain nombre de cas de saisir la justice.
S’agissant de l’intégration des CDAS dans ce dispositif, le texte de la commission est certes plus prospectif, puisque ces juridictions relèvent aujourd’hui de l’ordre administratif, et non de l’ordre judiciaire. Toutefois, dans un souci de bonne administration de la justice, conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors que les justiciables des TASS, des TCI et des CDAS sont souvent les mêmes, c’est-à-dire des personnes vulnérables, il y a une logique à les orienter vers un seul et même tribunal. On pourrait même envisager le transfert à ce tribunal du contentieux du RSA, auquel les tribunaux administratifs ne semblent pas tenir particulièrement...
Sur ce point, je précise que les CDAS fonctionnent, depuis une question prioritaire de constitutionnalité de 2011, à juge unique avec leurs seuls présidents – souvent des magistrats judiciaires, d’ailleurs – et que l’Assemblée nationale a supprimé du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, sur l’initiative du Gouvernement, l’habilitation pour réformer les CDAS, en la renvoyant, semble-t-il, au présent projet de loi.