Comme vient de le rappeler notre collègue Requier, cet amendement reprend le texte d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 7 décembre 2011 et de nouveau transmise à l’Assemblée nationale, à la suite de son renouvellement de 2012, pour ne pas être frappée de caducité.
Cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un sujet que connaît bien notre collègue François Pillet, coprésident de la mission commune d’information de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les toxicomanies et inspirateur de cette proposition. Toutefois, en la personne de notre collègue Michel Mercier, alors garde des sceaux, le Gouvernement s’était déclaré défavorable à cette préconisation, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, une telle disposition entrerait en contradiction avec le discours de fermeté tenu en matière de lutte contre la toxicomanie, le déclassement en contravention pouvant apparaître comme le prélude à d’autres déclassements. En effet, si la peine maximale encourue pour une contravention de troisième classe est de 450 euros, l’amende peut se limiter en fait au montant forfaitaire de 68 euros si elle est acquittée dans les quarante-cinq jours… Voilà qui peut laisser supposer un amoindrissement du dispositif de sanctions.
Ensuite, une telle évolution ne permet d’opérer aucune distinction entre les drogues et conduit à occulter la dimension sanitaire du dispositif législatif actuel. La peine de contravention paraît inappropriée pour des produits tels que l’héroïne, la cocaïne ou la drogue de synthèse, y compris en cas de premier usage.
De plus, la contraventionnalisation n’apporte aucune possibilité nouvelle par rapport à l’ordonnance pénale, outil ouvrant un éventail de sanctions plus large et mieux différencié et permettant un traitement rapide, simple et souple de la plupart des cas, tout en préservant l’intégrité de l’arsenal délictuel.
Enfin, en créant une telle contravention, le législateur rendrait impossible le placement en garde à vue pour simple usage de stupéfiants. La durée de rétention ne pourrait guère dépasser les quatre heures admises pour les vérifications d’identité. Or, avant de consommer de la drogue, le délinquant en fait l’acquisition ; il importe donc non seulement de sanctionner les consommateurs, mais aussi de rechercher les trafiquants. Tel est le rôle de la garde à vue : si ce n’est plus possible demain, les forces de police se trouveront désarmées face aux réseaux de dealers et de trafiquants.
Tous ces arguments – qui m’apparaissent toujours aussi solides – me conduisent à émettre un avis défavorable sur cet amendement.