Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 4 novembre 2015 à 21h30
Justice du xxie siècle — Articles additionnels après l'article 15, amendement 129

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Monsieur Mézard, cet amendement, comme tous ceux que vous soutenez, s’attache à une question importante et vos arguments dévoilent le raisonnement qui vous a conduit à le présenter. Sa qualité n’est donc pas en cause, pas plus que la pertinence de son sujet.

Précédemment se posait la question de la place de la disposition en cause dans le texte dont nous débattons, et j’évoquais le projet de loi à venir relatif à la procédure pénale. L’annonce de ce texte ne date pas d’aujourd’hui ! Un travail très sérieux sur ce sujet est en cours depuis plusieurs mois : en mars 2014, j’ai demandé à la commission Cotte de travailler sur le droit et l’exécution de la peine ; j’ai confié une mission au procureur général Beaume, qui a remis son rapport au mois de juin de la même année ; le ministère de l’intérieur et moi-même nous avons mis en place depuis un an un groupe de travail.

Le rapport Cotte me sera remis dans quelques jours. Il s’agit de la dernière étape, qui nous procurera la masse de matériau nécessaire pour finaliser l’écriture de ce texte. Je ne vous renvoie pas donc pas aux calendes grecques !

Je souhaite tout de même rappeler le sort du texte de transposition de directives européennes dans lequel nous avions introduit quelques dispositions pénales. Celles-ci ont été censurées par le Conseil constitutionnel, sur saisine de certains sénateurs, sur la base uniquement d’un argument de procédure, et non pour des raisons de fond. Le Conseil a considéré que ces mesures étaient non pas mauvaises – elles résultaient d’ailleurs du travail de parlementaires –, mais cavalières. Certaines d’entre elles ont ensuite donné lieu à une proposition de loi, d’autres avaient fait l’objet de rapports du Parlement. Il ne s’agissait pas de fantaisies !

Nous avions alors saisi l’opportunité de ce véhicule législatif pour introduire des dispositions nécessaires et attendues. Elles ont été annulées par le Conseil constitutionnel, en raison de l’initiative du Sénat, sur laquelle je ne porte évidemment aucune appréciation.

Ces mesures utiles, dont certaines étaient urgentes, attendent maintenant un nouveau véhicule. Nous avons intégré l’une d’entre elles à un projet de loi qui va sortir sous peu du Conseil d’État. Il en reste toute une série.

Monsieur Mézard, je comprends votre impatience ! L’urgence et la nécessité de certaines de ces dispositions sont patentes.

Aujourd’hui, nous débattons d’un texte civil. La disposition que vous proposiez précédemment concernait la procédure pénale. Dans quelques semaines, nous vous présenterons un projet de loi sur ce thème, dans lequel cette mesure aura donc toute sa place.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 129 rectifié.

La disposition présentée figure parmi les propositions formulées par la Cour de cassation dans son rapport annuel. J’ai reçu le premier président et le procureur général et nous en avons discuté. Je leur ai fait part de mes interrogations quant à la potentielle entrave à l’accès au juge que provoquerait la représentation obligatoire par un avocat.

En effet, les justiciables dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %, mais ceux dont le niveau de ressources est un peu supérieur, sans pour autant être extravagant, devront assurer eux-mêmes le coût de l’avocat.

Cette conséquence n’est pas négligeable. Elle mérite que soient mesurés les effets possibles de cette obligation de représentation. Incontestablement, si nous ne décidons pas de dispositions d’accompagnement, nous prenons le risque d’entraver l’accès au juge pour les personnes percevant des revenus supérieurs à 1 000 euros.

J’entends les remarques de la Cour de cassation, selon laquelle les pourvois introduits par les avocats sont mieux construits juridiquement. Cela se conçoit. Il demeure que l’on ne peut pas en tirer pour seule conséquence l’imposition de la représentation par un avocat. Nous estimons que cette disposition n’est pas mûre pour être adoptée aujourd’hui, car il reste à prendre la mesure de ses effets.

Monsieur Mézard, ne vous plaignez pas, votre capacité d’anticipation est flagrante !

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