Séance en hémicycle du 4 novembre 2015 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PACS
  • cassation
  • discrimination

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.

Nous poursuivons l’examen du texte de la commission..

Chapitre IV

Dispositions améliorant la répression de certaines infractions routières

I

Non modifié

1° Au troisième alinéa de l’article L. 130-9, après la seconde occurrence du mot : « automatisé », sont insérés les mots : « ou, lorsqu’elles concernent des contraventions de la cinquième classe, effectuées par procès-verbal revêtu d’une signature numérique ou électronique » ;

2° Le I de l’article L. 221-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque :

« 1° Il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes ;

« 2° Le conducteur a été condamné, par une décision définitive, au cours des cinq années précédentes pour les délits d’homicide ou de blessures involontaires prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 ou 222-20-1 du code pénal ;

« 3° Il s’agit d’un transport de personnes ou de marchandises relevant des dispositions de la troisième partie législative du code des transports ;

« 4° Le conducteur a commis concomitamment une contravention de la cinquième classe ou un délit prévu par le présent code en matière de respect des vitesses maximales autorisées. » ;

b) (nouveau) Au dernier alinéa, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « sixième alinéa » ;

3° Le I de l’article L. 324-2 est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés les mots : « Lorsqu’il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes, » ;

b) Après les mots : « puni de », sont insérés les mots : « deux mois d’emprisonnement et ».

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

Supprimé

2° Le 1° de l’article 230-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « classe », sont insérés les mots : «, y compris celles pouvant donner lieu à la procédure de l’amende forfaitaire, » ;

b) Il est ajouté un c ainsi rédigé :

« c) Une violation du code de la route lorsque la loi prévoit que ces faits sont susceptibles de constituer un délit si la personne a commis les mêmes faits au cours des cinq années précédentes ; »

Supprimé

4° L’article 529-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les contraventions de la cinquième classe, le montant de l’amende forfaitaire est de 500 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 750 €. » ;

5° L’article 529-7 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende forfaitaire minorée pour les contraventions de la cinquième classe est de 400 €. » ;

6° Après le sixième alinéa de l’article 529-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’avis d’amende forfaitaire concerne les contraventions de conduite sans permis ou de conduite sans assurance prévues au code de la route, la requête en exonération prévue à l’article 529-2 du présent code ou la réclamation prévue à l’article 530 n’est recevable que si elle est adressée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en étant accompagnée du document mentionné au 2°. »

III

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 66 rectifié ter est présenté par MM. Grand, Savary, Laufoaulu, Joyandet et Revet, Mme Imbert, M. D. Laurent, Mmes Duchêne, Gruny et Deromedi, MM. Charon, Mandelli, Reichardt, G. Bailly, Chaize, Lefèvre, Houpert, Pierre, Danesi, Masclet et Mouiller et Mme Troendlé.

L'amendement n° 220 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Supprimer cet article.

II. - En conséquence, chapitre IV du titre III

Supprimer cette division et son intitulé.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’article 15 contient des dispositions censées améliorer la répression de certaines infractions routières.

Il prévoit de transformer en contraventions de la cinquième classe les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance qui seront forfaitisées, lorsque ces faits seront constatés pour la première fois, et sauf dans certaines circonstances.

Ainsi, les automobilistes dits « primodélinquants » ne passeraient plus devant le tribunal pour ces délits particulièrement graves, alors que la France a connu, en 2014, sa première hausse de la mortalité sur les routes depuis 2002.

Or le défaut d’assurance et, surtout, le défaut de permis de conduire sont des infractions particulièrement graves. Nous nous réjouissons tous chaque fois que l’on enregistre une baisse du nombre des accidents, mais cette tendance reste toujours fragile. Par conséquent, adopter cet article et contraventionnaliser ainsi certains délits routiers, ce serait envoyer un mauvais message. Au contraire, il faut être très dur avec les délinquants de la route qui non seulement se mettent eux-mêmes en danger, mais mettent également les autres usagers en danger.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 220.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement propose également de supprimer l’article 15 du projet de loi, conformément à un engagement que j’ai pris publiquement voilà plusieurs semaines.

Initialement, dans le cadre de la réorganisation des contentieux et afin également de permettre aux magistrats et aux greffiers de se concentrer sur leurs missions juridictionnelles, nous avions envisagé de contraventionnaliser les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois et sauf dans certaines circonstances, délits qui, dans 88 % des cas, font l’objet non pas d’une audience correctionnelle, mais d’une ordonnance pénale donnant lieu à une amende.

La moyenne des amendes qui ont été prononcées sur l’ensemble du territoire varie entre 250 euros et 450 euros – nous avons toutefois trouvé le cas d’une amende de 108 euros et celui d’une amende de 1000 euros.

Le délai moyen de traitement de ces délits, quant à lui, varie de sept à quatorze mois, pour un taux de recouvrement faible.

Voilà pourquoi nous avions décidé de transformer le défaut de permis ou d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois, en une contravention de la cinquième classe assujettie à la procédure de l’amende forfaitaire. Ces infractions auraient été constatées par procès-verbal électronique et punies d’une amende forfaitaire de 500 euros.

En revanche, en cas de récidive, le délit demeurait et la peine encourue passait de un an à trois ans de prison et l’amende encourue de 3 750 euros à 35 000 euros, ce qui a fait l’objet de discussions au Conseil d’État.

Je précise que la mesure que nous proposions n’était pas nouvelle, puisque, entre 1985 à 2004, pendant une vingtaine d’années donc, ces deux infractions étaient de nature contraventionnelle.

Nous avons étudié les chiffres de la sécurité routière – notre préoccupation première – au cours de cette période et nous n’avons observé aucune augmentation de la mortalité. Au contraire, les chiffres ont connu une tendance à la baisse en raison de la politique très volontariste menée dans ce pays pour faire reculer l’insécurité routière.

En conclusion, quel que soit le régime de sanction – délit ou contravention pour la première infraction –, on n’a observé aucun facteur d’aggravation de l’insécurité routière.

Nous avons étudié la situation dans d’autres pays de l’Union européenne – Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède –, pays dans lesquels ces infractions sont de type contraventionnel. Ceux-ci obtiennent des résultats sensiblement meilleurs que les nôtres en matière de sécurité routière.

Nous avons évidemment eu le souci de rendre efficace la sanction du défaut de permis et du défaut d’assurance, mais aussi de dégager du temps pour la surveillance et la prévention. Les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière l’attestent : l’efficacité en matière de sécurité routière tient surtout aux actions qui sont menées dans ces deux domaines.

Des travaux parlementaires émanant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat ont montré que cette contraventionnalisation rendait la sanction plus efficace.

Il se trouve que cette proposition du Gouvernement a suscité un émoi, que nous comprenons sans difficulté. Nous-mêmes avons fait montre d’une grande prudence au cours de ce travail préparatoire qui s’est étalé sur sept à huit mois et qui a notamment impliqué le délégué interministériel à la sécurité routière. En effet, parce que nous savons la dimension psychologique de cette infraction, nous avons veillé à ce que la réponse pénale qui doit y être apportée soit à la fois cohérente avec la politique menée par le Gouvernement en la matière et acceptable socialement en ne heurtant pas la sensibilité de la société.

J’ai moi-même reçu les représentants des associations de victimes, avec lesquelles nous travaillons régulièrement. D’une façon générale, au terme des deux heures de réunion, ils ont reconnu que le système que nous proposions était plus efficace et bien conçu. Néanmoins, ils ont souligné que, tel qu’il avait été présenté à la fin du mois de juillet par les médias, il donnait à penser que les deux délits concernés feraient l’objet d’une sanction moindre du fait de leur contraventionnalisation ; la mesure semblait plus clémente. Une seule association s’est déclarée favorable au maintien de ce mécanisme.

Tenant compte de l’émoi de ces associations, j’ai donc pris l’engagement de vous soumettre un amendement de suppression de ladite disposition, tout en leur réaffirmant avec honnêteté qu’une telle mesure me paraît plus efficace, car elle permettrait aux forces de police et de gendarmerie de se rendre disponibles pour exercer des missions de surveillance et de prévention. Et je réitère mon propos devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

En la matière, il est important que la société comprenne qu’il n’y a aucune baisse ni d’exigence ni de vigilance ; elle doit déceler dans la sanction de telles infractions un souci d’efficacité. Tel ne semblant pas être le cas, au nom du Gouvernement, je vous présente donc cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

À ma demande, la commission n’a pas supprimé cette disposition, non que je sois laxiste, mais parce que je souhaitais, madame la garde des sceaux, que vous nous expliquiez les raisons pour lesquelles vous aviez proposé initialement la contraventionnalisation des délits routiers visés. En fait, je voulais susciter un échange sur cette question.

Je souscris à vos propos, la contraventionnalisation est un mode de répression plus immédiat et plus certain que le système actuel, selon lequel une partie des chauffards ou des conducteurs ayant commis une grosse erreur ne sont pas sanctionnés ou ne le sont que très longtemps après avoir commis l’infraction. C’est un vrai problème.

Vous avez rappelé l’émotion des associations de victimes. Je les comprends, mais j’ai le même sentiment que vous : une sanction certaine met davantage en garde l’automobiliste qui conduit à toute vitesse qu’une sanction éventuelle.

Il n’est évidemment pas question, pour moi, d’émettre un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 15. Si nous maintenions à tout prix la contraventionnalisation, nous aurions de nombreux opposants, et cette décision ne serait sans doute pas acceptée socialement. Les automobilistes que nous sommes doivent y être attentifs.

De surcroît, de prime abord, nous donnerions l’impression d’être plus sévères, de ne pas être laxistes. Mais en réalité, dans un certain nombre de cas, des conducteurs échapperaient à la sanction.

Mme la garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous sommes confrontés à notre rapport à la vérité. Nous sommes nombreux à être convaincus que l’outil de répression d’un phénomène dangereux et en progression, la conduite sans permis, proposé initialement par le Gouvernement est meilleur et plus efficace.

Hier, lors de la discussion générale, j’évoquais l’importance de la relation de la justice au temps. Nous le savons bien, pour les plus jeunes en particulier qui sont assez fréquemment les auteurs de cette infraction, une sanction prononcée des mois, voire plus d’une année après le constat de l’infraction n’a pas la même incidence qu’une sanction rapide.

Bien entendu, on doit respecter les signes d’émotion, mais, Dieu merci !, la République et les grands textes qui organisent notre droit sont nés, non de l’émotion, mais de la raison. Nous sommes tous dans cet hémicycle les héritiers des Lumières !

Honnêtement, je ne peux que voter contre ces amendements de suppression et exprimer ma réprobation de l’acceptation d’une pression psychologique qui n’est pas l’œuvre du législateur. J’y insiste une nouvelle fois, un tribunal de police est un vrai tribunal ; c’est un lieu où les droits de la défense sont respectés et où le droit au recours est applicable.

Vous avez parlé à plusieurs reprises de l’apparence, madame la garde des sceaux ; heureusement, de temps en temps, nous légiférons dans cette enceinte pour autre chose que des apparences !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je voterai ces deux amendements de suppression par conviction.

Madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l’heure : peut-être n’en serions-nous pas arrivés là si vous aviez consulté préalablement les associations sur un dispositif qui s’est révélé sensible. Quoi qu’il en soit, personnellement, je pense qu’une simple contravention ne suffit pas pour réprimer le défaut de permis et le défaut d’assurance. Quelle est la réalité ? Généralement, les personnes roulent sans permis ou sans assurance pour des raisons financières. Ce n’est pas en leur infligeant une contravention immédiate – de toute façon, elles ne la paieront pas – que l’on pourra parler de véritable sanction.

Je continue à penser – il faudrait pour cela que la justice dispose de moyens supplémentaires – que la comparution devant le juge, assortie d’une sanction la plus immédiate possible, est la meilleure solution.

C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement n° 66 rectifié ter visant à la suppression de l’article 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je partage le sentiment de M. Richard. Garder un système qui sanctionne peu ou pas des infractions graves et de plus en plus fréquentes, juste pour satisfaire des associations estimant que la suppression de celui-ci entraînerait le développement de ces pratiques délictueuses, ne me semble pas de bonne gouvernance.

L’amende forfaitaire, dont le montant est connu et qui est immédiatement payable, aura beaucoup plus de signification...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Pourquoi en auraient-ils davantage lorsqu’ils passeront devant le juge ? Ce n’est pas ce dernier qui va leur donner ces moyens !

Cela dit, conserver le droit actuel, qui ne permet pas à chacun de prendre conscience de ses actes, puisque de plus en plus d’automobilistes conduisent sans permis et sans assurance, n’est pas un bon droit !

Je comprends l’émotion des associations, mais le rôle des élus est parfois de montrer le chemin, et pas forcément de suivre…

Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Moi, je les voterai, ces amendements !

Je comprends parfaitement l’argumentation de Mme la garde des sceaux, et l’échange que nous avons est tout à fait normal.

J’en suis tout à fait d’accord, il ne faut pas légiférer par l’émotion. Mais ces dernières années, sous les gouvernements successifs, nombre de textes ont été adoptés sous le coup de l’émotion post-médiatique. Nous nous sommes malheureusement souvent retrouvés dans cette situation.

Cela étant, un point me préoccupe plus particulièrement. Nous avons un texte, applicable depuis un certain nombre d’années, dont on nous dit qu’il n’est pas appliqué, ou insuffisamment, ce qui justifierait une contraventionnalisation assortie d’une amende forfaitaire de 500 euros. Mais, madame la garde des sceaux, existe-t-il une politique pénale ?

Je suis de ceux qui considèrent qu’il est normal de maintenir un lien entre le Gouvernement et le parquet. Mais l’on constate aujourd’hui, et vous avez raison, que le message est mauvais. Nombre de nos concitoyens, même disposant de peu de revenus, consentent de lourds sacrifices pour passer le permis de conduire. Faire entendre que l’on peut tenter de se priver de ce permis pour 500 euros, c’est envoyer un très curieux message. Ce n’est pas une bonne illustration à la fois de ce que doit être une politique pénale et des objectifs du législateur.

Madame la garde des sceaux, vous avez raison de dire que, la moyenne des sanctions étant inférieure à ce montant, la disposition proposée constituerait un progrès. Mais comme la loi est l’organisation des relations en société, vous avez opportunément déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Personne dans cet hémicycle ne souhaite légiférer sous le coup de l’émotion. C’est bien la raison qui nous amène à soutenir ces amendements et à refuser la « dé-délictualisation » et la contraventionnalisation de certains délits.

La conduite sans permis ou sans assurance se banalise. Je n’ai pas l’habitude d’évoquer mon expérience personnelle, mais je me souviens que, lorsque mon père m’a expliqué les conséquences que pourrait entraîner la conduite d’un véhicule sans permis ou sans assurance, j’aurais préféré parcourir 100 kilomètres à pied plutôt que de prendre le risque de devoir payer toute ma vie un tel comportement, ne serait-ce que pendant un kilomètre. Or aujourd’hui, des délinquants routiers qui se considèrent comme de petits délinquants sont totalement inconscients des risques qu’ils prennent pour eux-mêmes et qu’ils font prendre aux autres.

À ce titre, il faut distinguer deux catégories : d’une part, des jeunes qui n’ont pas encore le permis ou qui n’ont pas les moyens de payer une assurance, et qui se livrent à ces déviances dans l’insouciance la plus complète ; de l’autre, des adultes, en tout cas des personnes plus âgées, qui sont des multirécidivistes de la contravention ou du délit routier. Les seconds ne doivent pas nous inspirer davantage de mansuétude que les premiers !

Il ne faut banaliser ni la conduite sans permis ou sans assurance, pas plus d’ailleurs que la consommation de stupéfiants – il s’agit là d’un autre sujet, mais, à mes yeux, il est essentiel, dans les deux cas, de conserver la qualification de délit.

On nous explique que, aujourd’hui, la justice est incapable de sanctionner avec la rapidité nécessaire. Cette rapidité est d’autant plus importante lorsque des jeunes sont en cause. Il ne s’agit en aucun cas de défendre une justice expéditive ! Mais force est de le constater, lorsque la sanction survient trop longtemps après la commission du délit, elle n’a plus aucune vertu pédagogique. Certains jeunes peuvent être rattrapés par une vieille affaire alors qu’ils ont renoué avec un bon comportement. D’autres, du fait même de la lenteur de la sanction, ont conçu un sentiment d’impunité qui les a déjà conduits à récidiver.

Aussi, la lenteur de la sanction n’est pas un bon argument. Si un délit est sanctionné trop tardivement, il faut se demander comment le réprimer dans un délai raisonnable. Mais surtout, il ne faut pas transformer ce délit en contravention : cela revient à démissionner !

M. François Bonhomme applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avant tout, je tiens à préciser que je m’exprime à titre personnel : ma parole n’engage pas les autres membres du groupe socialiste et républicain.

Madame la garde des sceaux, j’ai beaucoup réfléchi à cette question et j’ai lu attentivement ce projet de loi. Or l’étude d’impact qui l’accompagne est un plaidoyer tout à fait argumenté en faveur de la mesure figurant à l’article 15.

En prenant la parole pour présenter l’amendement du Gouvernement, vous avez, pour trois quarts du temps, défendu cette disposition et, pour un dernier quart, expliqué pourquoi vous y aviez renoncé, du moins temporairement.

Je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale : je crois dans votre texte. Je suis persuadé qu’il faut désengorger les tribunaux de toute une série de tâches. On a parlé du pacte civil de solidarité, le PACS. On a parlé d’un certain nombre de dossiers qui relèvent des tribunaux de police : on a souhaité qu’ils restent du ressort de ces instances. On a insisté sur l’importance de la conciliation dans la résolution des litiges.

Je souhaite que l’on réussisse cette réforme, en particulier le transfert de certains contentieux relevant des juridictions sociales aux tribunaux de grande instance. Nous devons véritablement donner à ces tribunaux les moyens d’exercer ces nouvelles missions, en gardant à l’esprit qu’ils ne sauraient tout faire.

Par ailleurs, l’étude d’impact renferme des chiffres qui m’ont frappé. Si l’on analyse les peines effectivement infligées, on aboutit à ce constat. Aujourd’hui, les amendes pour défaut de permis s’élèvent, en moyenne, à 289 euros, en cas de composition pénale ; à 368 euros en cas de comparution sur reconnaissance de culpabilité ; et à 414 euros en cas d’ordonnance pénale.

À travers le présent article, qui transforme en contravention le délit de conduite sans permis ou sans assurance, on institue une amende de 500 euros pouvant atteindre le montant forfaitaire majoré de 750 euros.

Ce qui est proposé, c’est donc une amende plus lourde, une sanction plus rapide et plus efficace. Ce sont là des critères importants en matière de sécurité routière.

Pour ces raisons, après réflexion et à titre personnel, je ne pourrai pas voter ces amendements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je tiens à remercier les divers orateurs qui viennent de s’exprimer. Je songe en particulier à M. Alain Richard, qui a rappelé en termes clairs les principes en jeu ; les principes doivent être l’assise permanente de l’élaboration de nos normes. Je remercie également MM. Michel Mercier et Jean-Pierre Sueur.

Cela étant, il faut gommer toute ambiguïté. Aussi, je le dis très clairement : oui, la disposition qui figure dans le présent texte est meilleure et plus efficace.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je n’ai jamais prétendu à qui que ce soit que je dirais le contraire, car j’en suis absolument convaincue. Au reste, la démonstration en est faite et les mesures statistiques l’illustrent. Je l’ai dit très nettement, y compris aux représentants des associations de victimes.

Apparemment, cette disposition n’est pas comprise. §À ce titre, il faut garder à l’esprit le contexte dans lequel nous nous situons : en août et en septembre derniers, les chiffres de la sécurité routière se sont dégradés par rapport aux mêmes mois de l’année précédente.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Depuis, les statistiques se sont redressées. Cela étant, je suis prête à tenir compte de cette situation, par respect pour ce que peuvent ressentir certains de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que législateur, vous avez une responsabilité particulière : il faut respecter l’émotion, sans nécessairement que cette dernière guide l’élaboration des dispositions législatives.

Je le maintiens, la mesure figurant à l’article 15 est meilleure et plus efficace.

J’ai entendu parler de mansuétude. Mais ce terme est hors de propos ! M. Sueur vient de le rappeler, la forfaitisation permet une sanction plus sévère et plus rapide.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’enjeu n’est pas la présentation à un juge : dans les faits, si ces délits passent parfois par des compositions pénales ou par des reconnaissances préalables de culpabilité, ils font essentiellement l’objet d’ordonnances pénales. C’est donc par écrit qu’est communiqué le montant de l’amende infligée.

Je le répète, il faut assumer clairement ses positions.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Pour ma part, j’assume clairement le fait que la mesure figurant dans le texte est la meilleure : elle ne traduit aucune mansuétude. Au contraire, elle est plus sévère et plus efficace que le dispositif actuel. De surcroît, son effet est immédiat ! Mais j’assume tout aussi clairement l’amendement de suppression que je vous présente, au motif que, sur ce sujet en particulier, il faut que la société comprenne et qu’elle accepte ces dispositions.

Maintenir le droit actuel, c’est opter pour des sanctions plus tardives et moins efficaces, pour un taux de recouvrement plus faible, ce sans effet objectif sur la sécurité routière.

M. Daniel Raoul opine.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’ajoute que, pendant les vingt années au cours desquelles la conduite sans permis ou sans assurance a figuré au rang des contraventions, on n’a objectivement pas pu constater d’effets négatifs sur la sécurité routière.

Il faut tenir compte de l’émoi de tels ou tels de nos concitoyens. Mais, la mansuétude, si mansuétude il y a, est dans le droit actuel : à droit constant, on touche moins de personnes, on les sanctionne moins sévèrement et l’on perçoit moins d’amendes qu’avec la constatation de l’infraction par procès-verbal électronique !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix les amendements identiques n° 66 rectifié ter et 220.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. … pour soutenir le Gouvernement !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le septième alinéa de l'article 181 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le juge d’instruction statue, par une ordonnance motivée, sur le maintien ou non en détention provisoire de la personne mise en examen lorsqu’il la met en accusation. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Soucieux que la France dispose d’une justice du XXIe, je propose, par le présent amendement, de reprendre une préconisation qu’a émise la Cour de cassation et qui, à mon sens, est digne d’intérêt.

La Cour de cassation a proposé à plusieurs reprises de modifier l’alinéa 7 de l’article 181 du code de procédure pénale, afin que le juge d’instruction statue par une ordonnance motivée sur le maintien ou non en détention provisoire de la personne mise en examen lorsqu’il la met en accusation.

Diverses procédures soumises à la chambre criminelle de la Cour de cassation ont conduit à souligner de nouveau l’importance d’une telle modification. Or le texte actuel se contente d’autoriser la poursuite d’une détention provisoire initialement décidée.

Bien entendu, cette évolution conduirait à un débat contradictoire au sujet de la détention provisoire. Au cas où cette dernière serait maintenue, elle apporterait un nouveau fondement aux détentions de cette nature et clôturerait les contentieux nés antérieurement dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous ne doutons pas de l’intérêt de cette proposition. Toutefois, celle-ci semble légèrement hors contexte au regard de ce projet de loi, d’autant que le Gouvernement a annoncé, pour les prochains mois, un texte relatif à la procédure pénale.

Sur le fond, cette disposition doit, du reste, être analysée minutieusement. En effet, elle pourrait également susciter des complications : en cas d’oubli du juge d’instruction, la personne placée en détention provisoire et renvoyée devant les assises pourrait être remise en liberté.

Quant au bien-fondé d’une telle obligation pesant sur les épaules de ce magistrat, elle peut également se discuter. Cette mesure concernerait les personnes renvoyées pour crime devant la cour d’assises. Or les raisons ayant prévalu lors de l’instruction pour les placer en détention provisoire me semblent demeurer, dès lors que ces personnes sont renvoyées pour être jugées.

Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Mézard, au nom du Gouvernement, je vous invite à mon tour à retirer cet amendement. En effet, une telle disposition trouverait mieux sa place dans le projet de loi de réforme de la procédure pénale annoncé par M. le Premier ministre. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs mois et serons en mesure de le soumettre, d’ici à quelques semaines, à la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Mézard, l’amendement n° 99 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je constate que l’on m’oppose, une nouvelle fois, le caractère prématuré des dispositions que je présente… C’est à croire que tout est figé, qu’il n’est pas possible de modifier quoi que ce soit.

On ne peut pas me dire, comme on l’a fait ce matin, que cette mesure est sans lien avec le présent texte : on m’assure qu’un projet de loi relatif à la procédure pénale sera bientôt débattu, et que cette disposition pourra sans aucun doute s’y inscrire.

Nous sommes habitués aux réponses de ce type : depuis quelques années, quand on ne veut pas parler d’un problème, on nous déclare qu’il en sera question dans un prochain projet de loi…

Avec cet amendement, j’émets un message – subliminal, sans aucun doute ! §Mais je ne souhaite pas élever un conflit à ce sujet et je retire donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 99 rectifié est retiré.

L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe, M. Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 370 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la cour d’assises statue en appel, le président informe également l’accusé que, pour la défense de son pourvoi, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, cet avocat étant choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre, et il indique à l’intéressé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. » ;

2° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf en ce qui concerne la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577, le ministère d’un avocat à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur au pourvoi et les autres parties.

« Cet avocat est choisi par le demandeur au pourvoi ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’Ordre : la désignation intervient dans un délai maximum de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2 ; les frais d’avocat sont à la charge du demandeur ou de la partie, sauf si les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle sont remplies. » ;

3° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;

4° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;

5° L’article 585-1 est ainsi rédigé :

« Art. 585 -1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des dispositions des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur au pourvoi doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;

5° À la fin de la première phrase de l’article 586 du même code, les mots : «, une expédition de l’acte de pourvoi et, s’il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l’acte de pourvoi » ;

6° L’article 588 est ainsi rédigé :

« Art. 588. – Le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt des mémoires entre les mains du greffier de la chambre criminelle. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions améliorant les procédures pénales

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Je crains de me trouver encore parmi les « prématurés » chers à M. le rapporteur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il m’arrive d’être très sensible aux propositions des grands corps de l’État. Le présent amendement reprend ainsi une recommandation contenue dans le rapport annuel de la Cour de cassation et qui avait été adoptée par le Sénat, sur l’initiative de notre ancien collègue Robert Badinter, avec le soutien de Pierre-Yves Collombat, lors de l’examen de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale. Il s’agissait de poser le principe de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce n’est pas indifférent !

Le principal objectif de cette mesure est d’assurer une défense solide aux justiciables. J’ai rappelé précédemment combien il est difficile, pour certains de nos concitoyens, d’être véritablement défendus en matière pénale.

Ainsi que l’a souligné la Cour de cassation, « en 2013, 41 % des pourvois formés devant la chambre criminelle n’ont pas été soutenus par un mémoire, en dépit de la possibilité théoriquement offerte au justiciable qui forme lui-même un pourvoi en matière pénale de présenter un mémoire personnel exposant les moyens qu’il propose à l’appui de ce pourvoi. Une telle proportion traduit en réalité la difficulté éprouvée par un grand nombre de justiciables pour formaliser un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation.

« Par ailleurs, la grande majorité des pourvois assortis de mémoires donnant lieu à une non-admission traduisant l’absence de moyens sérieux – soit 32 % des pourvois soutenus par un mémoire – concerne des mémoires personnels qui n’ont pas su s’adapter aux exigences de la technique de cassation et au rôle spécifique de la chambre criminelle.

« Rendre obligatoire le recours au ministère d’avocat aux Conseils devant la chambre criminelle, comme c’est déjà le cas devant toutes les autres chambres de la Cour de cassation, offrirait de meilleures chances aux justiciables de voir aboutir les moyens sérieux pouvant être invoqués contre une décision, rendrait plus effectif le droit au pourvoi en cassation, et permettrait à la chambre elle-même de se consacrer pleinement à sa mission consistant à dire le droit dans les causes qui le justifient. »

C’est une gageure dommageable et regrettable de croire qu’un justiciable peut se défendre seul devant la Cour de cassation. Nous continuons à considérer que, dans certains cas, cela emporte des conséquences tragiques pour les intéressés.

Une telle mesure permettrait, enfin, de limiter les pourvois injustifiés, fantaisistes ou inutiles, ce qui n’est pas négligeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je crains de devoir confirmer les inquiétudes que vous venez d’exprimer, mon cher collègue : la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, pour une raison de forme. Cet amendement relatif à la procédure pénale trouvera mieux sa place dans le texte dédié à venir.

Sur le fond, cette proposition me semble mériter une réflexion approfondie, compte tenu de son incidence prévisible sur l’aide juridictionnelle et de la limitation qu’elle instaurerait à l’accès au juge pénal.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Mézard, cet amendement, comme tous ceux que vous soutenez, s’attache à une question importante et vos arguments dévoilent le raisonnement qui vous a conduit à le présenter. Sa qualité n’est donc pas en cause, pas plus que la pertinence de son sujet.

Précédemment se posait la question de la place de la disposition en cause dans le texte dont nous débattons, et j’évoquais le projet de loi à venir relatif à la procédure pénale. L’annonce de ce texte ne date pas d’aujourd’hui ! Un travail très sérieux sur ce sujet est en cours depuis plusieurs mois : en mars 2014, j’ai demandé à la commission Cotte de travailler sur le droit et l’exécution de la peine ; j’ai confié une mission au procureur général Beaume, qui a remis son rapport au mois de juin de la même année ; le ministère de l’intérieur et moi-même nous avons mis en place depuis un an un groupe de travail.

Le rapport Cotte me sera remis dans quelques jours. Il s’agit de la dernière étape, qui nous procurera la masse de matériau nécessaire pour finaliser l’écriture de ce texte. Je ne vous renvoie pas donc pas aux calendes grecques !

Je souhaite tout de même rappeler le sort du texte de transposition de directives européennes dans lequel nous avions introduit quelques dispositions pénales. Celles-ci ont été censurées par le Conseil constitutionnel, sur saisine de certains sénateurs, sur la base uniquement d’un argument de procédure, et non pour des raisons de fond. Le Conseil a considéré que ces mesures étaient non pas mauvaises – elles résultaient d’ailleurs du travail de parlementaires –, mais cavalières. Certaines d’entre elles ont ensuite donné lieu à une proposition de loi, d’autres avaient fait l’objet de rapports du Parlement. Il ne s’agissait pas de fantaisies !

Nous avions alors saisi l’opportunité de ce véhicule législatif pour introduire des dispositions nécessaires et attendues. Elles ont été annulées par le Conseil constitutionnel, en raison de l’initiative du Sénat, sur laquelle je ne porte évidemment aucune appréciation.

Ces mesures utiles, dont certaines étaient urgentes, attendent maintenant un nouveau véhicule. Nous avons intégré l’une d’entre elles à un projet de loi qui va sortir sous peu du Conseil d’État. Il en reste toute une série.

Monsieur Mézard, je comprends votre impatience ! L’urgence et la nécessité de certaines de ces dispositions sont patentes.

Aujourd’hui, nous débattons d’un texte civil. La disposition que vous proposiez précédemment concernait la procédure pénale. Dans quelques semaines, nous vous présenterons un projet de loi sur ce thème, dans lequel cette mesure aura donc toute sa place.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 129 rectifié.

La disposition présentée figure parmi les propositions formulées par la Cour de cassation dans son rapport annuel. J’ai reçu le premier président et le procureur général et nous en avons discuté. Je leur ai fait part de mes interrogations quant à la potentielle entrave à l’accès au juge que provoquerait la représentation obligatoire par un avocat.

En effet, les justiciables dont le niveau de ressources est inférieur à 1 000 euros pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %, mais ceux dont le niveau de ressources est un peu supérieur, sans pour autant être extravagant, devront assurer eux-mêmes le coût de l’avocat.

Cette conséquence n’est pas négligeable. Elle mérite que soient mesurés les effets possibles de cette obligation de représentation. Incontestablement, si nous ne décidons pas de dispositions d’accompagnement, nous prenons le risque d’entraver l’accès au juge pour les personnes percevant des revenus supérieurs à 1 000 euros.

J’entends les remarques de la Cour de cassation, selon laquelle les pourvois introduits par les avocats sont mieux construits juridiquement. Cela se conçoit. Il demeure que l’on ne peut pas en tirer pour seule conséquence l’imposition de la représentation par un avocat. Nous estimons que cette disposition n’est pas mûre pour être adoptée aujourd’hui, car il reste à prendre la mesure de ses effets.

Monsieur Mézard, ne vous plaignez pas, votre capacité d’anticipation est flagrante !

M. Daniel Raoul sourit.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne remets nullement en cause votre appréciation de la nécessité d’introduire cet élément dans la loi, mais, à défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Mézard, l’amendement n° 129 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de votre sens de l’humour !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est à mon corps défendant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Lorsque ce n’est pas le cas, on aboutit aux errements que nous constatons depuis quelques années !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce permis est-il libre ?

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Et qui paie l’amende forfaitaire ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous me dites que cet amendement concerne la procédure pénale et n’a pas sa place dans un texte civil. Je vous renvoie à l’amendement n° 222, que vous défendrez tout à l’heure. Chacun constatera que, selon les auteurs de l’amendement, on fait deux poids deux mesures.

Pour le reste, prétendre aujourd’hui qu’une disposition adoptée par le Sénat à la demande de Robert Badinter en 2007 devrait encore mûrir, ce n’est pas raisonnable ! Cette mesure a eu tout le temps nécessaire ! Si elle fait encore partie des recommandations de la Cour de cassation, c’est bien parce que celle-ci a également eu le temps de faire mûrir ses propres propositions !

Une fois de plus, comme il ne vous convient pas que nous intégrions cette proposition dans le présent véhicule législatif, vous nous opposez la nécessité d’une étude d’impact. Autant pour ceux qui ont travaillé sur le sujet voici huit ans, et autant pour la Cour de cassation, qui n’a certainement pas suffisamment réfléchi…

Enfin, vous nous dites que la représentation obligatoire pourrait poser des problèmes. Le Parlement et la Chancellerie ont déjà débattu de la représentation obligatoire devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Aujourd’hui, tous les acteurs, en particulier les syndicats, affirment que cela se passe très bien.

Dans un domaine aussi important que le droit pénal, je veux bien que vous nous répondiez en évoquant un manque de maturation, mais vous pourriez simplement nous dire que vous ne souhaitez rien de plus que vous en tenir à votre texte ; nous pourrions l’entendre et les choses seraient claires !

Évidemment, je maintiens mon amendement !

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.

L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde, MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini et Mme Malherbe, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 503 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La déclaration d’appel est adressée le jour même ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Elle est transcrite sur le registre prévu au troisième alinéa de l’article 502, et annexée à l’acte dressé par le greffier, le jour de sa réception ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions améliorant les procédures pénales

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Lorsque l’on a ouvert une brèche, on est tenté de l’élargir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. Alain Richard. C’est de la stratégie à l’ancienne !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement reprend encore une préconisation présente dans le rapport annuel de la Cour de cassation, dont la réflexion a longuement mûri.

L’article 503 du code de procédure pénale prévoit que la déclaration d’appel faite par la personne détenue auprès du chef de l’établissement pénitentiaire est adressée sans délai au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, le greffier en assurant la transcription.

La chambre criminelle est confrontée de manière récurrente à la question de la combinaison de ces dispositions avec celles de l’article 194, dernier alinéa, du même code qui prévoit les délais d’examen de ces appels par la chambre de l’instruction. Selon sa jurisprudence, le point de départ des délais fixés par ce dernier texte est la date de la transcription de la déclaration d’appel. Or, bien que l’article 503 précise que la transmission doive être faite sans délai, il arrive que le délai effectif entre la déclaration d’appel et le moment où elle est transcrite soit excessif.

Le présent amendement vise donc à préciser les délais applicables à la déclaration d’appel. Son adoption permettra de plus que votre futur texte relatif à la procédure pénale soit plus réduit, puisqu’un certain nombre de dispositions utiles et préconisées par la Cour de cassation auront été adoptées dans le cadre de l’examen du présent texte. C’est donc une œuvre utile que je fais !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je reprends fidèlement l’avis défavorable qu’a émis la commission ce matin. Comme le précédent, cet amendement vise à introduire une disposition de procédure pénale qui aura plus sa place dans le texte, qui, si j’ai bien compris, devrait nous être présenté dans quelques semaines, madame la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Premier ministre l’a annoncé publiquement !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cela étant, je ne suis pas persuadé qu’il y ait un problème de fond, puisque la rédaction actuelle de l’article 503 du code de procédure pénale prévoit déjà qu’une personne détenue faisant appel puisse recourir à une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire, ce dernier devant alors transmettre cette déclaration sans délai au greffe.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Au risque de déplaire une fois de plus à M. Mézard, qui sait bien que je n’ai nullement l’intention de lui être désagréable, et bien que j’apprécie son souci de prendre de l’avance sur les textes à venir, je rappellerai, à l’instar du rapporteur, que l’article 503 du code de procédure pénale prévoit déjà une obligation de transmission sans délai.

Quant au présent amendement, il tend à imposer que cette transmission se fasse au plus tard le lendemain, sans prendre en considération les jours fériés ou chômés. Dans ces conditions, un décret d’application pourrait préciser que la transmission de la demande d’appel doit intervenir dès le lendemain si le lendemain est un jour ouvrable.

Quoi qu’il en soit, je vous le répète, mais vous n’en conviendrez pas, cette disposition aurait davantage sa place dans le texte relatif à la procédure pénale. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable. J’observe toutefois que vous parvenez à convaincre l’hémicycle. Peut-être que cet amendement connaîtra le sort heureux du précédent !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Mézard, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la garde des sceaux, j’ai subi tant de défaites depuis hier soir ! Pour une fois que le Sénat ne vous suit pas, il faut faire bonne figure !

En ce qui concerne cet amendement, pour vous être agréable, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 98 rectifié est retiré.

L'amendement n° 175, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 432-7-… ainsi rédigé :

« Art. 432 -7 -... – Est puni des peines prévues à l’article 432-7 le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme afin d’empêcher l’acquisition par une personne physique ou morale d’un des biens ou droits énumérés aux 1° à 3° de l’article L. 213-1 du même code en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du présent code. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Dispositions relatives aux abus du droit de préemption

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent amendement vise à combler une lacune du droit en matière de discrimination. Il s’agit de punir pénalement l’exercice abusif, par une personne exerçant une fonction publique, du droit de préemption, fondé notamment sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou encore sur l’orientation ou l’identité sexuelle.

Ce vide juridique a été illustré par deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation des 17 juin 2008 et 21 juin 2011, dans lesquels le juge a considéré que l’exercice d’un droit ne peut constituer un acte discriminatoire, et ce même si l’exercice de ce droit est abusif.

En l’espèce, un maire s’était vu reprocher d’avoir évincé d’une vente de biens immobiliers des acquéreurs en raison de la consonance de leur patronyme, qui laissait supposer leur origine étrangère ou leur appartenance à l’islam, en usant de son droit de préemption à leur encontre. Dans les deux affaires, la volonté du maire avait été démontrée.

Cet amendement vise donc à compléter par un nouvel alinéa l’article 432-7 du code pénal qui sanctionne le délit de discrimination commis par une personne exerçant une fonction publique.

Ainsi, le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’exercer un droit de préemption afin d’empêcher une personne de se porter acquéreur en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code précité serait puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Il s’agit d’un amendement de bon sens. J’ajouterai que son adoption permettrait d’appliquer concrètement la proposition n° 4 du rapport relatif à la lutte contre les discriminations que j’ai rendu avec mon ancien collègue Jean-René Lecerf, proposition qui préconise d’« introduire dans le code pénal une disposition incriminant l’usage abusif du droit de préemption à des fins discriminatoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La commission a déjà débattu de ce sujet au moment de l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Si un amendement identique à celui que nous examinons ce jour avait été présenté par le rapporteur pour avis, M. Vandierendonck, il n’avait pas été adopté en séance publique, les rapporteurs de la commission des affaires économiques s’étant déclarés tous deux réservés.

Le droit de préemption étant relativement complexe à mettre en œuvre, j’avoue être un peu surpris d’entendre que l’on peut le détourner. Compte tenu de la qualité du travail que vous avez effectué avec Jean-René Lecerf, ma chère collègue, je m’en remets néanmoins à votre jugement.

Je demeure malgré tout réticent à l’insertion d’une disposition aussi spécifique et ne relevant pas à proprement parler du domaine pénal dans le texte dont nous débattons.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame la sénatrice, la disposition que vous proposez d’introduire relève effectivement à la fois du code de l’urbanisme et des codes pénal et de procédure pénale.

Je suis un peu gênée de renvoyer au projet de loi qui va modifier la procédure pénale, car j’entends votre préoccupation, mais cette disposition y aura davantage sa place dans la mesure où nous avons notamment prévu dans ce texte de transférer la caractéristique générale aggravante de racisme, d’antisémitisme et de discrimination sexiste ou de toute autre nature dans le code pénal.

Cela nous permettrait, de plus, de prendre le temps de lister, outre la préemption immobilière que vous visez spécifiquement, toutes les situations relevant soit de cette circonstance aggravante, soit d’une sanction pour abus de droit de position, notamment dans une instance publique.

Je vous demande donc de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame Benbassa, l’amendement n° 175 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, mais je regrette que cette disposition soit à chaque fois renvoyée à un prochain projet de loi. Dans le cadre de l’examen du texte relatif à la politique de la ville, M. Lamy y était favorable, mais nous avons fait face à l’incompréhension par la commission des affaires économiques de la portée de ce texte. Cela relevait d’un malentendu.

Nous voilà de nouveau face à un renvoi, alors que des affaires prouvent qu’une discrimination réelle existe. On ne peut pas l’ignorer !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 441-2 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. L. 441 -2. -- La chambre compétente de la Cour de cassation se prononce sur la demande d'avis.

« Lorsque la demande d'avis porte sur une question de principe ou relevant normalement des attributions de plusieurs chambres, la formation de la Cour de cassation qui se prononce sur la demande d'avis est présidée par le premier président ou, en cas d'empêchement, par le président de chambre le plus ancien. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Disposition tendant à renforcer l’efficacité de l’action judiciaire

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement vise à faciliter la saisine de la Cour de cassation pour avis par les juridictions. Le droit prévoit actuellement que la Cour de cassation se prononce dans ces cas par décision d’une formation spéciale présidée par son premier président.

Cette procédure lourde a un effet dissuasif sur les juridictions, qui ont pourtant besoin de l’éclairage de la Cour de cassation sur certains points de droit ou certaines interprétations du droit.

Nous proposons de réserver cette formation spéciale aux situations très particulières, par exemple un nouveau point de droit nécessitant une jurisprudence afin d’harmoniser son interprétation sur l’ensemble du territoire, et de permettre aux chambres de droit commun de statuer dans les autres cas.

Il s’agit donc de faciliter la saisine de la Cour de cassation, ce qui ne pourra laisser indifférent M. Mézard, qui a pour la Cour de cassation, cette nuit en tout cas, les yeux de Chimène...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la garde des sceaux, nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions ! Cet amendement soulève des questions de principe importantes et intéressantes. Mais l’ayant reçu très tardivement, la commission, qui a délibéré encore toute la matinée sur les amendements déposés sur ce texte, n’a pas pu procéder aux auditions nécessaires ni approfondir sa réflexion.

Je veux rappeler au Gouvernement, qui prend tout le temps nécessaire avant le dépôt de ses textes, que le fait qu’un instrument législatif soit en discussion n’est pas une motivation suffisante pour y ajouter jusqu’à la dernière minute des amendements sur des sujets aussi importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. le président de la commission a dit l’essentiel. Nous avons été saisis hier soir de cet amendement et n’avons donc pas pu l’examiner. Par conséquent, pour une question de principe, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’échange qui vient d’avoir lieu a l’attrait de la nouveauté. C’est si rare que ce genre de circonstances se présente !

Une fois un mécontentement légitime exprimé, il n’y a selon moi que des arguments en faveur de cette disposition. M Bas connaît très bien le fonctionnement d’une cour suprême. On le sait, lorsque des questions nouvelles apparaissent, vouées à cheminer de degré de juridiction en degré de juridiction, le fait que la première juridiction saisie puisse saisir la juridiction suprême représente un gain d’efficacité et d’unité. Dans la mesure où un tel dispositif était relativement nouveau à la Cour de cassation, on avait prévu qu’une formation spéciale était compétente dans ce cas, alors que la logique aurait été que les chambres le soient.

Il n’y a pas besoin de faire un gros effort de réflexion ou de préparation ni de procéder à de multiples auditions pour considérer que cette disposition relève du simple bon sens.

Mais, si l’on va jusqu’au bout du bon sens, j’ai un peu de mal à comprendre l’une des conditions prévues pour réunir une formation spéciale. De quoi diable une juridiction de base pourrait-elle saisir la Cour de cassation qui ne soit pas une « question de principe » ? Je comprends qu’on ait recours à la formation spéciale lorsque l’affaire relève « normalement des attributions de plusieurs chambres ». Mais pourquoi écrire que cette formation se réunit lorsqu’il s’agit d’une question de principe ? Il sera assez rare, madame la garde des sceaux, que la Cour de cassation soit sollicitée sur une question d’espèce !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je me rangerai à l’avis de la commission sur cet amendement. Toutefois, je voudrais souligner l’intérêt qu’il présente. En effet, au moment où le système de cassation, tel qu’il existe aujourd'hui, est remis en cause, le fait de reconnaître la compétence de chacune des chambres de la Cour de cassation pour donner des avis est un moyen efficace de conserver ce système.

Je le reconnais, le cinquième alinéa de cet amendement est un peu obscur et il conviendrait sans doute de le préciser. La précipitation est toujours mauvaise conseillère !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

On peut comprendre le courroux du président de la commission des lois et le mécontentement du rapporteur. Mais l’efficacité est importante. Nous reprochons tellement souvent à la justice de délibérer lentement ! Par conséquent, si les choses sont simples, qu’est-ce qui nous empêche, ce soir, d’adopter cet amendement, si nous pensons tous qu’il répond à l’exigence d’une meilleure efficacité de la Cour de cassation ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Titre IV

RECENTRER LES JURIDICTIONS SUR LEURS MISSIONS ESSENTIELLES

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux successions

(Non modifié)

I. – L’article 1007 du code civil est ainsi modifié :

1° Après la troisième phrase du premier alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu de l’article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

II. – L’article 1008 du même code est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Vall, Bertrand, Collombat et Guérini, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 16, qui concerne le droit des successions, n’est pas un article banal, sans conséquence. Il s’agit de modifier la procédure des envois en possession. Pour avoir rédigé, madame la garde des sceaux, plusieurs centaines de requêtes d’envoi en possession dans ma carrière, y compris les projets d’ordonnance, je ne crois pas que votre proposition constitue un progrès.

En effet, le présent article tend à abroger l’article 1008 du code civil et à supprimer ainsi la mise en œuvre systématique de la procédure judiciaire d’envoi en possession du légataire universel désigné par testament olographe ou mystique, en l’absence d’héritiers réservataires. Depuis l’origine du code civil, lorsqu’il n’y a pas d’héritiers réservataires et que le testament désigne un légataire universel, il faut se faire envoyer en possession.

Le fait de soumettre la requête au président du tribunal de grande instance est une mesure de protection. Il est vrai que, dans la grande majorité des cas, le projet d’ordonnance est validé, mais il arrive qu’il ne le soit pas.

Corrélativement à l’abrogation de l’article 1008 du code civil, vous complétez l’article 1007 du même code pour remplacer l’envoi systématique en possession par une vérification par le notaire du caractère universel de la vocation à succéder du légataire universel et de l’absence d’héritiers réservataires.

Cette disposition inverse la logique actuelle de la procédure. À la place d’un envoi systématique en possession, elle prévoit de n’y recourir qu’en cas de contestation. Mieux vaut une vérification préalable du magistrat, d’autant que cela prend peu de temps. Et c’est une mesure de protection. De surcroît, ces procédures ne font pas perdre de temps aux magistrats, puisque, dans la quasi-totalité des cas, le projet d’ordonnance leur est soumis pour vérification.

Nous pensons que la procédure que vous proposez peut porter préjudice aux droits des personnes pouvant être intéressées à la dévolution de la succession. Vous les forcez, même si elles ne savent pas trop comment s’y prendre, à faire opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à supprimer l’article 16, qui simplifie la procédure d’envoi en possession du légataire universel désigné par testament olographe ou mystique, en l’absence d’héritiers réservataires.

Il est contraire à la position de la commission, qui a estimé que cette simplification était utile et préservait le droit des personnes souhaitant s’opposer à l’exercice des droits du légataire universel, l’article 16 inversant seulement la logique actuelle de la procédure. À la place d’un envoi systématique en possession, il est prévu de n’y recourir qu’en cas de contestation. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je comprends la préoccupation de M. Mézard, qui s’attendait, je pense, à un avis favorable de ma part. Effectivement, il ne s’agit pas d’un contentieux massif. On sait aussi, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, que, dans la très grande majorité des cas, il n’y a ni conflit ni contestation. Je ne vois pas pourquoi vous pensez que la vérification effectuée par le notaire impliquerait une sécurité moindre. Ce dernier peut en effet accéder aux différents éléments d’information. L’article 16 préserve les intérêts des tiers. La contestation est donc possible.

Le Gouvernement souhaite que soient soumises au juge les situations conflictuelles et non pas systématiquement toutes les procédures d’envoi en possession. Tenant à cet article 16, il vous demande, monsieur Mézard, de bien vouloir retirer votre amendement, à moins que vous ne soyez moins contrarié par un avis défavorable…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Mézard, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce dialogue est extrêmement intéressant, madame la garde des sceaux.

Si j’insiste, ce n’est pas pour le plaisir de ne pas être de votre avis, ou plutôt de l’avis de vos services et, surtout, de celui des notaires.

Que tend en effet à instaurer la réforme que vous proposez ? En fait, vous transférez l’examen de ces requêtes du magistrat du tribunal de grande instance qui les reçoit au notaire. Or le notaire a tout de même un client ! Il est difficile de défendre des personnes dont les intérêts sont contradictoires !

Pour ma part, je pense défendre l’intérêt de l’ensemble des justiciables. Je considère que la disposition en question ne constitue pas un progrès. Mais peut-être suis-je en train de vous faire un procès d’intention, madame la garde des sceaux. Dans ce cas, pardonnez-moi par avance.

La loi Macron comportait des dispositions qui ne plaisaient pas aux notaires ; ils l’ont exprimé assez fortement. Avec ce texte, vous allez plutôt leur faire plaisir, mais je ne pense que ce soit l’axe prédominant de cette réforme. Vous voulez simplement supprimer l’examen de ce type de dossiers par les magistrats, dans les palais de justice.

Je persiste à penser, pour avoir rédigé de nombreuses requêtes d’envoi en possession, que cette évolution ne constitue pas un progrès. En effet, dans ces questions de succession, grâce aux documents qui sont fournis au magistrat, notamment le testament, qu’il soit olographe ou mystique, le juge a la possibilité de renvoyer la requête pour telle ou telle raison, si le cas pose problème. Le temps qu’il doit consacrer à cette tâche n’est pas en cause, puisque, en général, les projets d’ordonnance sont préparés.

Je maintiens donc cet amendement visant à supprimer l’article 16, qui ne constitue pas, je le répète, un progrès.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa ne s’applique pas lorsque le testament a été établi par acte sous seing privé contresigné par un avocat, dans les conditions visées aux articles 66-3-1, 66-3-2 et 66-3-3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme certaines professions judiciaires et juridiques. » ;

…° Au second alinéa, après les mots : « le notaire », sont insérés les mots : « ou l’avocat » ;

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 35 rectifié est retiré.

L'amendement n° 243, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- À l’article 1030-2 du même code, les mots : « prévu à l’article 1008 » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 16 est adopté.

L’article 804 du code civil est ainsi modifié :

1° Le second alinéa est complété par les mots : « ou faite devant notaire » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le mois suivant la renonciation, le notaire qui l’a reçue en adresse copie au tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte. » –

Adopté.

Le premier alinéa de l’article 788 du code civil est complété par les mots : « ou devant notaire ». –

Adopté.

Chapitre II

Le pacte civil de solidarité

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 461, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;

2° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 462, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « devant l’officier de l’état civil » ;

3° L’article 515-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle elles fixent leur résidence commune ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, devant celui de la commune où se trouve la résidence de l’une des parties. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « l’officier de l’état civil » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent la convention passée entre elles à l’officier de l’état civil, qui la vise avant de la leur restituer. » ;

d) Au début du quatrième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

e) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

4° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 515-3-1, les mots : « au greffe du tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « au service central d’état civil au ministère des affaires étrangères » ;

5° L’article 515-7 est ainsi modifié :

a) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Le greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

b) Au quatrième alinéa et à la seconde phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

c) Au début du sixième alinéa, les mots : « Le greffier » sont remplacés par les mots : « L’officier de l’état civil » ;

d) Au neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « à l’officier de l’état civil » ;

6° L’article 2499 est abrogé.

II

Non modifié

III

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Joyandet, Mme Di Folco, MM. Laufoaulu, Trillard et Vasselle, Mme Primas, M. Grosperrin, Mmes Gruny et Micouleau, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Bouchet, César, Mayet, Danesi, Vaspart, Cornu, Masclet, Charon, Vogel, Huré, Pinton, Reichardt et Mandelli, Mme Lopez, MM. Milon, Perrin et Malhuret, Mme Procaccia, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Savin, Raison et Savary, Mme Keller et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

L'article 17 du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle vise à transférer aux officiers de l'état civil les compétences actuellement dévolues aux greffiers pour l'enregistrement et la dissolution des pactes civils de solidarité. Cette solution est préconisée depuis plusieurs années par de nombreux rapports parlementaires. Elle est également appliquée par la plupart des pays européens où des dispositifs équivalents au PACS existent.

D’après l’étude d'impact réalisée sur ce projet de loi, l'attribution de nouvelles missions aux maires, en leur qualité d'officier de l'état civil, ne relève pas d'un transfert de compétences ouvrant droit à compensation en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Plus précisément, selon cette étude, « le transfert aux collectivités locales conduisant à un accroissement des charges liées aux compétences des officiers d'état civil qui agissent au nom de l'État ne peut s'interpréter comme un transfert de compétences vers les collectivités territoriales au sens de l'article 72-2 de la Constitution. » Toutefois, ce nouveau transfert de tâches constitue assurément une charge financière nouvelle pour les communes qui n'est absolument pas compensée.

En 2013, plus de 168 200 PACS ont été conclus et 53 655 ont été dissous, soit un total de 221 855 actes réalisés en ce domaine. Cette activité a mobilisé cette année-là 79 fonctionnaires du ministère de la justice à temps plein, pour une masse salariale de l'ordre de 2, 5 millions d'euros.

Or, si cette charge supplémentaire est relativement faible une fois répartie sur l'ensemble des communes françaises, elle s'additionne néanmoins à toutes les autres – réforme des rythmes scolaires, accessibilité des bâtiments publics, caducité des plans d'occupation des sols au 31 décembre prochain, fin de la mise à disposition des services de l'État pour l'instruction des demandes d'urbanisme, etc. –, et devient totalement inacceptable dans un contexte de diminution sensible des dotations versées par l'État aux communes.

Aucune compensation financière n'étant prévue en contrepartie de ce transfert de compétences qui intervient dans un contexte budgétaire particulièrement restrictif, les signataires de cet amendement proposent de supprimer le présent article.

Les maires en ont assez de récupérer les missions que l’État ne veut plus assurer sans compensation financière. Ils l’ont fortement exprimé le 19 septembre dernier ; ils le feront de nouveau, à l’occasion du congrès des maires qui se tiendra dans une quinzaine de jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement tend à supprimer l’article 17, qui prévoit de transférer aux officiers de l’état civil l’enregistrement, la modification et la dissolution d’un PACS, en raison du coût que ce transfert entraînerait pour les communes.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, préférant l’amendement suivant, qui vise à transférer aux notaires la compétence en matière de PACS.

Cependant, pour ma part, je m’inquiète du surcoût qui résulterait d’un tel transfert aux notaires. À titre personnel, je suis donc favorable à l’amendement n° 86 rectifié, dont l’adoption permettrait de revenir à la législation actuelle, qui prévoit une compétence des greffes du tribunal d’instance.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La disposition en cause a fait l’objet d’un travail commun avec l’Association des maires de France ; nous avons été très attentifs aux demandes des maires, et c’est en concertation avec eux que nous sommes convenus de ce transfert de l’enregistrement des PACS aux officiers de l’état civil.

Je rappelle le contexte dans lequel cet enregistrement a été confié aux greffes des tribunaux : à l’époque, les débats de société qui entouraient la création du pacte civil de solidarité ont conduit à adopter des dispositions permettant d’éviter toute confusion éventuelle entre le PACS et le mariage. La société s’est entre-temps saisie de ce sujet d’une manière dépassionnée, faisant du PACS un choix d’organisation familiale parmi les autres.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Aujourd’hui, 94 % des PACS concernent des couples hétérosexuels.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Par conséquent, il n’y a aucune raison de refuser qu’il revienne à l’officier de l’état civil d’enregistrer le PACS et les conventions qui le modifient, ou de prononcer sa dissolution. À cet égard, les chiffres sont éloquents : d’ores et déjà 0, 9 % des communes françaises enregistrent 29 % des PACS.

En contrepartie, d’une part, nous déchargeons les communes informatisées de l’obligation d’élaborer un double en version papier du registre de l’état civil à destination du greffe du tribunal de grande instance. D’autre part, nous satisfaisons une demande émanant de l’Association des maires de France relative à l’accès aux données du dispositif COMEDEC – communication électronique des données de l’état civil –, plateforme informatique qui permet aux communes de disposer d’informations fiables sur les actes de naissance, de mariage et de décès détenus par d’autres communes, alors que l’échange de données était jusqu’à présent uniquement vertical

In fine, les communes sont donc gagnantes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 17. Il émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 86 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je suis l’auteur de l’amendement suivant, dont l’objet est de transférer l’enregistrement du PACS aux notaires, et sur lequel la commission a émis un avis favorable.

Je me permets cependant d’intervenir à ce stade de la discussion. Nous nageons en effet, madame la garde des sceaux, en pleine confusion s’agissant des principes juridiques. Le PACS n’est pas un acte d’état civil ! Il s’agit d’un contrat. Or le contrat relève soit des notaires – des officiers ministériels –, soit, éventuellement, du tribunal, mais il ne relève en aucun cas de l’officier de l’état civil. Si l’on commence à prétendre le contraire, pourra-t-on, demain, faire authentifier des contrats de location, des contrats de vente, quoi que ce soit, devant l’officier de l’état civil ?

D’ailleurs, dans le cas du mariage, si un contrat s’ajoute à l’acte d’état civil, il est obligatoirement passé devant notaire, et non à la mairie : l’officier de l’état civil se contente de déclarer qu’un contrat a été préalablement conclu.

Cela dit, les cocontractants d’un PACS sont peu informés, s’agissant de leurs droits et de leurs obligations réciproques, au greffe du tribunal, alors que le PACS les engage sérieusement, parfois même gravement et durablement. Vous me direz que c’est la contrepartie de la gratuité : s’ils souhaitent recueillir davantage d’informations, ils peuvent faire intervenir un notaire.

M. le rapporteur craint les conséquences financières d’un transfert aux notaires des compétences en matière de PACS. Mais la portée de ces conséquences est très relative ! J’ai visité le site officiel service-public.fr : les frais d’établissement par un notaire d’une convention de PACS s’élèvent à 234 euros – encore s’agit-il de la convention dans sa version complexe, et non basique. Cette somme ne représente même pas trois fois le prix d’un passeport ; elle est inférieure au montant d’un titre de séjour, ou de la carte grise d’une voiture de cinq chevaux – sachant que, en général, on dépense bien davantage au restaurant pour célébrer la conclusion du PACS !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Admettons que nous nous laissions convaincre par l’argument du coût : puisque tel est l’objet du présent amendement, alors laissons les compétences en matière de PACS au greffe du tribunal, dans l’intérêt des contractants : celui-ci a au moins l’avantage d’être plus qualifié que la commune pour les informer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

L’un des intérêts éventuels de l’enregistrement du PACS au niveau de la commune réside dans la célébration en mairie. Celle-ci était recherchée par les pacsés à l’époque où le mariage pour tous n’existait pas, mais les choses ont bien changé : le mariage pour tous a effacé le PACS comme substitut au mariage. Dès lors, le PACS n’est plus qu’un contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Quant à l’effet de cette disposition sur les communes, on ne peut pas soutenir à la fois que l’enregistrement des PACS engorge les tribunaux, mais ne représenterait aucun travail supplémentaire pour les communes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. J’invite à davantage de cohérence et de bonne foi : il s’agit d’un transfert de charges supplémentaire, s’agissant d’une activité qui relève non pas de l’état civil, mais du droit des contrats.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mon cher collègue, vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti.

Je demande à chaque intervenant de respecter le règlement.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je ne comprends pas cet amendement, qui va à l’encontre des dispositions que la commission, suivant l’avis du rapporteur, avait adoptées et qui me paraissaient sages.

Le PACS n’est pas un contrat ordinaire ; il n’apparaît d’ailleurs pas, au sein du code civil, dans les articles concernant les contrats. Le pacte civil de solidarité est un pacte sui generis, qui est certes conclu entre deux personnes, comme un contrat synallagmatique, mais qui fait l’objet d’une déclaration auprès du greffe du tribunal d’instance.

Le présent amendement vise à maintenir cette compétence des greffes au lieu de la transférer aux mairies. La plupart des maires ne voient pourtant aucune objection à un tel transfert, la charge n’étant pas aussi excessive que vous le laissez entendre.

D’ailleurs, nous devons discuter de la réforme de la dotation globale de fonctionnement – M. le Premier ministre nous l’a annoncé voilà quelques jours – et, s’il le faut, après avoir déterminé les besoins, nous demanderons une augmentation de la dotation de quelques milliers d’euros – rien de dramatique pour le budget de l’État –, afin de permettre aux personnes qui souhaitent se pacser de le faire aisément.

Adopter, comme la commission l’a fait ce matin, l’amendement n° 1 rectifié, dont l’objet est une modification complexe du PACS et un transfert de la compétence aux notaires, c’est une façon de tuer le PACS ! Or celui-ci a aujourd’hui toute sa place dans la vie des familles, notamment dans l’évolution des jeunes ménages qui peuvent décider de conclure un PACS, pour des raisons de mutations, d’organisation personnelle, éventuellement pour des raisons fiscales, entre l’union libre et le mariage. Ne pas reconnaître cette place, cela relève soit du conservatisme soit de la mauvaise foi. Je n’ose y croire !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, l'article 17 est supprimé et les amendements n° 1 rectifié, 67 rectifié et 147 n'ont plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces trois amendements.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Grosdidier et Portelli et Mme Troendlé, était ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code civil est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 461 et à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 462, les mots : « conjoint au greffe du tribunal d’instance ou » sont supprimés ;

2° L’article 515-3 est ainsi rédigé :

« Art. 515 -3. – Les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe devant le notaire instrumentaire de leur choix.

« En cas d’empêchement grave, le notaire instrumentaire se transporte au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité.

« À peine d’irrecevabilité, les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité produisent au notaire la convention passée entre elles.

« Le notaire instrumentaire enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité.

« La convention par laquelle les partenaires modifient le pacte civil de solidarité est remise ou adressée au notaire qui a reçu l’acte initial afin d’y être enregistrée. À l’étranger, l’enregistrement de la déclaration conjointe d’un pacte liant deux partenaires dont l’un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux troisième et cinquième alinéas sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte. » ;

3° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 515-3-1, les mots : « au greffe du tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « au service central d’état civil au ministère des affaires étrangères » ;

4° L’article 515-7 est ainsi rédigé :

« Art. 515 -7. – Le pacte civil de solidarité se dissout par la mort de l’un des partenaires ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. En ce cas, la dissolution prend effet à la date de l’événement.

« Le notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte, informé du mariage ou du décès par l’officier de l’état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.

« Le pacte civil de solidarité se dissout également par déclaration conjointe des partenaires ou décision unilatérale de l’un d’eux.

« Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au pacte civil de solidarité remettent ou adressent au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe à cette fin.

« Le partenaire qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité le fait signifier à l’autre. Une copie de cette signification est remise ou adressée au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.

« Le notaire enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité.

« La dissolution du pacte civil de solidarité prend effet, dans les rapports entre les partenaires, à la date de son enregistrement.

« Elle est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies.

« À l’étranger, les fonctions confiées par le présent article au notaire sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français, qui procèdent ou font procéder également aux formalités prévues au sixième alinéa.

« Les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. À défaut d’accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi.

« Sauf convention contraire, les créances dont les partenaires sont titulaires l’un envers l’autre sont évaluées selon les règles prévues à l’article 1469. Ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante. » ;

5° L’article 2499 est abrogé.

L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Grand, Savary, Laufoaulu, Joyandet, Revet et Vasselle, Mmes Imbert, Gruny et Deromedi et MM. Charon, Mandelli, Reichardt, Chaize, Lefèvre, Houpert, Danesi, Pierre et Masclet, était ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 19

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État intitulé : « Dotation de compensation pour l’état civil », au profit des communes afin de compenser financièrement le transfert à l’officier d’état civil des compétences actuellement dévolues au greffier en matière de pacte civil de solidarité.

Les aides apportées sont calculées en fonction du nombre de pactes civils de solidarité enregistrés, modifiés ou dissous par la commune.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 147, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 19

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – La dotation globale de fonctionnement est majorée à due concurrence.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 6, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2121-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2121 -30 -1. – Pour l’application de l’article 75 du code civil, le conseil municipal peut, sauf opposition du procureur de la République, affecter tout local adapté à la célébration de mariages. »

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement vise à insérer dans le code général des collectivités territoriales un article autorisant le conseil municipal, sauf opposition du procureur de la République, à affecter tout local adapté à la célébration de mariages.

Il résulte des dispositions actuellement en vigueur qu’un mariage ne peut être célébré ailleurs qu’au sein de la mairie, sauf « en cas d’empêchement grave » ou « de péril imminent de mort de l’un des futurs époux » au domicile de l’un d’entre eux. Le code civil ne permet pas une célébration dans une annexe de la mairie, y compris si la mairie et son annexe sont situées à proximité immédiate l’une de l’autre. Nombre de salles consacrées à la célébration des mariages ne sont pourtant pas adaptées à l’accueil du public, notamment des personnes handicapées, en raison de leur exiguïté ou de leur difficulté d’accès.

Certes, l’instruction générale relative à l’état civil reconnaît formellement au conseil municipal la possibilité d’affecter une annexe de la maison commune à la célébration des mariages lorsque, « en raison de travaux à entreprendre […] ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période ». Toutefois, il s’agit d’une simple instruction de l’exécutif. Cette faculté ne repose donc sur aucune disposition législative claire.

De plus, la mention « pendant une certaine période », qui figure dans l’instruction générale, donne à penser que cette possibilité ne peut être que temporaire, ce qui peut conduire le conseil municipal à réitérer régulièrement sa décision de « délocalisation », avec les conséquences qui en résultent, en termes de lourdeur, tant pour les services municipaux que pour ceux du parquet, notamment dans les petites communes.

Dès lors, des considérations tant juridiques que pratiques peuvent justifier que les mariages soient célébrés dans un local autre que la mairie et désigné à cette fin par le conseil municipal.

Il convient donc de donner, me semble-t-il, un fondement législatif à cette pratique afin de la rendre pérenne et d’alléger la charge de travail tant des services municipaux que du parquet.

Je rappelle que cette même disposition avait fait l’objet d’une proposition de loi de ma part, adoptée ici même à l’unanimité. Mais l’Assemblée nationale semble tarder à l’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux. D’où notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement s’inscrit dans la lignée de la décision qui avait été prise sur la proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’avais a priori un avis défavorable, mais ce sera finalement plutôt un avis de sagesse, compte tenu des arguments que vous venez de développer, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je veux souligner l’esprit profondément humaniste de notre ami Roland Courteau, qui veut que les choses se passent bien, dans nos villes, dans nos communes, dans nos villages, et ce d’autant plus que, je dois l’avouer, je suis encore sous le choc de la suppression de l’article 17, qui vient d’être votée.

Franchement, on oublie quelque chose ici, et j’en profite, monsieur le président, pour le dire dans les deux minutes et demie qui me sont imparties : quand des personnes souhaitent conclure un PACS, elles n’entendent pas par là un simple acte notarié ; le PACS, c’est aussi un engagement entre deux êtres humains. Le fait que la déclaration se fasse en mairie revêt une dimension symbolique pour nos concitoyens. Comment ne pas le voir ?

En même temps, cela allège la charge des tribunaux – ce à quoi nous devons tendre, madame la garde des sceaux, pour que votre projet de loi produise tous ses effets. Quant aux coûts pour les communes, madame la ministre, n’exagérons rien !

Enfin, j’ai trouvé que cette atmosphère notariale était quelque peu difficile à avaler, et je tenais à vous le dire en face, clairement. Je n’ai aucun titre particulier à le faire : c’est voté et je respecte le vote, mais je suis navré que le Sénat, dans sa majorité, ait choisi d’émettre un tel vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Madame la ministre, le 1er avril dernier, le Sénat a voté, à l’unanimité, une proposition de loi présentée par notre collègue Roland Courteau. Cette proposition de loi prévoit que « pour l’application de l’article 75 du code civil, le conseil municipal peut, sauf opposition du procureur de la République, affecter tout local adapté à la célébration de mariages. »

Cette proposition de loi n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons que le regretter, car cette loi est attendue par des milliers de maires de petites communes dont la salle de la mairie pose un problème de taille et d’accès aux handicapés.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Ces problèmes sont souvent insolubles, sauf à construire une nouvelle mairie, ce qui n’est plus vraiment dans l’air du temps pour les petites communes.

L’amendement n° 6, présenté par notre collègue Roland Courteau, ne tend plus à modifier l’article 75 du code civil, mais à préciser que, pour l’application dudit article, le conseil municipal peut affecter tout local adapté à la célébration des mariages.

Cet amendement va donc dans le bon sens. Je le voterai et invite tous les collègues à faire de même, pour que nous retrouvions cette unanimité du 1er avril dernier.

Comme Roland Courteau, je fais confiance aux maires quant à l’adaptation des impératifs légaux aux spécificités locales. Je précise cela parce que, le 1er avril dernier, le représentant du Gouvernement était opposé à la proposition de loi que nous avions adoptée à l’unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Mes chers collègues, un simple mot pour saluer l’initiative de Roland Courteau. J’avais voté son texte. Je voterai celui-ci ce soir avec plaisir.

C’est une initiative qui vient de la base. Le Sénat, c’est cela, c’est le monde rural. Les sénateurs font remonter des préoccupations qui, vues de Paris, ne sont peut-être pas essentielles à l’exercice de la démocratie, mais ces petites choses permettent de faire fonctionner les communes.

C’est donc très bien que Roland Courteau ait pris cette initiative. Je m’interroge toutefois : la proposition de loi ayant été voté un 1er avril, l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas cru à un poisson d’avril ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En confirmant ce vote, nous réaffirmerons notre position. Pour ma part, je voterai cet amendement des deux mains !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, je tiens à remercier M. le rapporteur pour son avis favorable et Mme la ministre pour son avis de sagesse, et je remercie également, par anticipation, l’ensemble des collègues qui voteront cet amendement.

J’espère d’ailleurs le voir complété par un second amendement, déposé à l’article 53, visant à étendre son application à la Polynésie française.

Voilà un texte qui est attendu depuis longtemps par les élus des communes. Nombre de maires nous saisissent régulièrement, notamment les plus concernés par les problèmes liés à des locaux exigus ou difficiles d’accès. Je pense que le Sénat peut faire œuvre utile dans quelques instants en adoptant cet amendement.

L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Chapitre III

Dispositions relatives à l’état civil

Le code civil est ainsi modifié :

1° Il est rétabli un article 40 ainsi rédigé :

« Art. 40. – Les actes de l’état civil sont établis sur support papier et sont inscrits, dans chaque commune, sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire.

« Lorsque les données relatives à l’état civil font l’objet d’un traitement automatisé mis en œuvre par les officiers de l’état civil, les communes s’assurent que ces données sont conservées dans des conditions garantissant leur sécurité et leur confidentialité. Ces conditions sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Par dérogation au premier alinéa, les communes satisfaisant aux conditions fixées à l’alinéa précédent sont dispensées de la tenue du deuxième exemplaire du registre.

« Cette dispense est également applicable aux actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères. » ;

2° Le second alinéa de l’article 48 est ainsi rédigé :

« La conservation des données de l’état civil est assurée par un traitement automatisé répondant aux conditions prévues à l’article 49 et mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères, qui peut en délivrer des copies et des extraits. » ;

3° L’article 49 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’officier de l’état civil de la commune mentionnée au troisième alinéa de l’article 40 est dispensé de l’envoi d’un avis de mention au greffe. » ;

4° Le début de l’article 53 est ainsi rédigé :

« Le procureur de la République territorialement compétent pourra à tout moment vérifier l’état des registres ; il dressera un procès-verbal …(le reste sans changement). »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Permettez-moi de remercier la commission d’avoir bien voulu accepter mon amendement relatif à la conservation des actes de l’état civil des Français établis hors de France. Vous savez l’importance qu’attachent nos compatriotes à cette conservation de leur état civil et à une communication rapide des copies et des extraits des actes dont ils peuvent avoir besoin.

Je profite de cette circonstance pour rendre hommage à nos postes consulaires à l’étranger, qui ont mis en place des procédures extrêmement efficaces d’accueil et de service. Pour certains postes, c’est même parfait !

Il en est de même du Service central de l’état civil en France, dont les fonctionnaires ont mis en œuvre un processus de modernisation remarquable dans l’intérêt de nos compatriotes.

J’apporterai un simple bémol : ces excellents résultats ont été obtenus sans affectation de nouveaux moyens tant aux postes consulaires qu’au Service central de l’état civil. Ces derniers travaillent donc à flux tendu et il me paraîtrait normal qu’un minimum de moyens supplémentaires leur soient accordés pour qu’ils ne soient pas constamment au maximum de ce qu’il leur est possible de faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L’amendement n° 201, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Lorsqu’elles ont mis en œuvre des traitements automatisés des données de l’état civil les communes s’assurent de leurs conditions de sécurité. Les caractéristiques techniques des traitements mis en œuvre pour conserver ces données sont fixées par décret.

« Par dérogation au premier alinéa, les communes dont les traitements automatisés de données de l’état civil répondent à des conditions et des caractéristiques techniques fixées par décret sont dispensées de l’obligation d’établir un second exemplaire des actes de l’état civil.

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cet amendement vise à reprendre en partie le texte initial du projet de loi concernant la rédaction du nouvel article 40 rétabli dans le code civil.

Le texte modifié par la commission semble imposer à toute commune qui met en œuvre un traitement automatisé de ses données de l’état civil de remplir les conditions et caractéristiques techniques lui permettant d’être dispensée d’établir les registres en deux exemplaires.

Or toutes les communes qui disposent de traitements automatisés ne pourront pas répondre aux conditions techniques qui leur permettent d’être dispensées de l’établissement des registres en double exemplaire. En effet, dans certaines communes, la salle informatique hébergeant les bases de données de l’état civil se situe dans le même bâtiment que celle qui abrite les registres. En cas de sinistre dans la mairie, les registres et les bases de données pourraient être détruits ensemble. Pour effectuer la reconstitution, l’absence de double des registres de l’état civil s’avérerait plus délicate.

Aussi le présent amendement vise à revenir au projet initial du Gouvernement, qui fixe les conditions de sécurité minimales attendues pour tous les traitements automatisés des données de l’état civil des communes et qui prévoit des exigences supplémentaires, telle la conservation des données sur un site distant permettant à la commune d’être dispensée de l’établissement du double exemplaire papier des registres.

Je pense que le numérique et la modernité justifient ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 135, présenté par Mmes Bouchoux, Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

garantissant

insérer les mots :

dans le temps leur authenticité,

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Cet amendement n’est pas contradictoire avec le précédent, il le précise. Il s’agit, en fait, d’un amendement de sécurité, qui vise à corriger l’absence d’exigence dans le texte du caractère authentique des données numériques d’état civil. Il ajoute aux exigences imposées par le texte celle de l’authenticité.

Seules les communes les plus importantes et les mieux engagées dans la mutation numérique seront en mesure de mettre en œuvre un dispositif garantissant l’authenticité de ces données. Les autres, qui ne disposent pas encore des moyens nécessaires pour y parvenir, devront poursuivre l’établissement de registres en deux exemplaires.

Notre attachement à l’authenticité est extrêmement fort, il va dans le sens de toutes les préconisations.

Il importe que ces documents puissent avoir une valeur probante certaine en termes d’authenticité. Il est essentiel, de notre point de vue, de pouvoir disposer d’actes d’état civil empreints d’une valeur authentique. Sinon, en cas de sinistre ou de problème, nous n’aurons pas d’authenticité pour le second exemplaire.

Donc, si second exemplaire il y a, il faut absolument en garantir l’authenticité.

Nous demandons donc d’ajouter ce terme. Cela concerne tout le monde. Je vous renvoie à la page 135 de l’étude d’impact, option 3 : « Ces données ainsi reconnues ne disposeraient pas de la valeur authentique attachée aux actes de l’état civil sous forme papier. »

C’est un point extrêmement important que celui de la préservation de l’authenticité. J’espère que d’autres collègues pourront intervenir dans le même sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle et Bonnecarrère, Mme Gatel, MM. Longeot et L. Hervé, Mmes Doineau et Férat, M. Luche et Mmes Joissains et Billon, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots et la phrase :

, à condition qu’elles transmettent une copie électronique de ces actes au greffe du tribunal de grande instance. Les modalités de ce transfert sont fixées par décret.

La parole est à M. Jean-François Longeot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cet amendement a, en fait, été défendu par mes deux collègues précédemment. Il prévoit que les communes dispensées d’envoyer un double papier des actes d’état civil aux greffes leur transmettront, à la place, une copie électronique de ces documents.

Le transfert d’un double électronique au tribunal de grande instance facilitera la tâche du procureur de la République, qui est chargé du contrôle des actes de l’état civil, comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’amendement n° 201 tend à revenir à la rédaction du projet de loi initial, alors que, quand nous avons établi le texte de la commission, nous avons veillé à adopter une rédaction simplifiée qui ne modifie pas le fond du dispositif.

Je ne vois donc pas de raison de revenir sur les améliorations rédactionnelles que nous avons apportées à cet article en commission.

L’amendement n° 201 reçoit donc un avis défavorable.

L’amendement n° 135 tend à préciser que les données de l’état civil seront conservées de manière à garantir dans le temps leur authenticité. Or le texte issu des travaux de la commission prévoit déjà que les données sont conservées dans des conditions garantissant leur sécurité.

Cela prouve également, me semble-t-il, le caractère authentique des données, mais peut-être faudrait-il avoir là un éclaircissement sur le sens juridique de ces termes. Je pense toutefois que cela est déjà couvert et que l’amendement est satisfait par le texte de la commission.

Je serais donc tenté de demander le retrait de cet amendement et, défaut, d’émettre un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 9 rectifié ter prévoit que la dispense de tenir un double du registre pour les communes ayant dématérialisé le traitement des données de l’état civil doit néanmoins s’accompagner de la transmission d’une copie électronique de ces actes au greffe du TGI.

Cette transmission vise à faciliter la consultation de ces actes, par les généalogistes notamment, en centralisant la conservation des copies électroniques dans les tribunaux de grande instance.

Cette préoccupation me paraît légitime. Je vous propose donc de consulter le Gouvernement sur cette disposition pour qu’il nous indique les dispositions réglementaires qu’il compte éventuellement prendre pour assurer un accès facilité des généalogistes aux données de l’état civil auprès du greffe du tribunal de grande instance.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je propose aux signataires de l’amendement n° 201 de le modifier en en supprimant le deuxième alinéa. Bien sûr, c’est à eux d’en juger et d’apporter éventuellement, peut-être à l’occasion d’une suspension de séance, des précisions pour clarifier les choses.

Comme je l’ai expliqué, ce transfert du PACS aux mairies faisait partie des discussions que nous avons eues avec l’Association des maires de France, l’AMF. Nous avions prévu de faciliter ce transfert en le compensant par la suppression de certaines charges et de certaines dépenses.

Mais si l’État doit conserver la charge du PACS, il n’y a plus aucune raison de décharger les mairies, notamment du registre papier d’état civil. Nos précédentes discussions avec l’AMF avaient abouti. Votre assemblée a fait un autre choix, j’en prends acte.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, monsieur le président de la commission des lois ! Il s’agit d’institutions et des charges qui leur incombent ; il n’y a rien de subjectif dans tout cela !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, absolument pas ! J’ai la responsabilité d’une institution et je pense que nous pouvons, en bonne intelligence avec les collectivités, faciliter la vie de nos concitoyens.

Je vous expose les choses très clairement : nous avions un accord avec l’AMF. Or, par votre décision souveraine, sur laquelle je ne porte aucune appréciation et ne vous demande pas de revenir, vous en avez changé les termes. J’en tire donc les conséquences.

Je propose donc que le deuxième alinéa de l’amendement n° 201 soit supprimé. Restera le premier alinéa, qui prévoit la sécurisation du système informatisé des mairies. Il est en effet légitime, selon moi, que le législateur se préoccupe de ce problème. En revanche, je souhaite que nous puissions revoir la disposition relative au registre papier.

Par ailleurs, sur les amendements n° 135 et 9 rectifié ter, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Mme la ministre me suggère de modifier l’amendement n° 201.

Je me demande si nous n’aurions pas intérêt, au contraire, à maintenir l’amendement en l’état, dans la mesure où il prévoit que les conditions et modalités techniques seront fixées par décret. Vous pourriez ainsi, madame la ministre, avant le passage à l’Assemblée nationale, encourager l’AMF à faire revenir les sénateurs à de meilleures intentions, notamment en commission mixte paritaire, afin que les termes de l’accord passé avec cette association soient respectés ; puis, vous prendriez le décret.

Si le décret ne « sort » pas, en revanche, les mairies resteront dans la situation actuelle.

Je vous comprends lorsque vous dites que le vote intervenu sur l’article 17 prend les candidats au PACS en otages, pour des motifs que je déplore comme vous. Mais je ne souhaite pas plus que l’on prenne les communes en otages.

La solution n’est-elle pas de se dire que l’amendement, s’il est adopté, vous permet encore de négocier avec l’AMF ? Il suffit de rappeler que les décrets ne sont pas toujours pris très rapidement...

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Si vous le souhaitez vraiment, je modifierai très volontiers l’amendement. Je propose, quant à moi, de le laisser en l’état, avec son deuxième alinéa. Puis le décret sortira ou non, selon ce que vous aurez obtenu à la fin de la discussion du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Permettez-moi de faire valoir à cet instant une considération d’intérêt public.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est d’intérêt général que, pour sécuriser ces documents, des dispositions nouvelles et mieux adaptées soient adoptées. Il y va, comme le disait Corinne Bouchoux, de leur validité et de leur authenticité.

Si ces dispositions sont adoptées, ce que le Gouvernement souhaite forcément, l’exemplaire papier de sauvegarde n’aura plus d’utilité. Je ne crois donc pas que son maintien constitue un enjeu quelconque, sinon pour se plaindre d’un vote précédent…

Mieux vaut conserver le deuxième alinéa de l’amendement n° 201, car c’est l’évolution normale de la sécurisation des futurs documents d’état civil. Le décret en Conseil d’État sera sans doute compliqué à prendre, car il faudra définir de façon très détaillée les nouvelles conditions de sécurité des fichiers qui comprendront les documents d’état civil, mais il me semble que c’est la conclusion logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour une explication de vote de deux minutes trente, mon cher collègue !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je ne peux pas laisser dire sans réagir que nous prenons les pacsés en otages !

J’ai célébré des PACS en mairie lorsqu’il s’agissait d’un substitut au mariage. Aujourd’hui, plus personne ne me le demande, puisque la loi sur le mariage pour tous a relégué le PACS au rang de simple contrat. Ce pacte n’a donc plus la charge symbolique qu’il avait avant l’adoption du mariage pour tous.

Par ailleurs, je ne trouve pas très estimable cette forme de marchandage : vous refusez de vous occuper des contrats ? Vous continuerez à assumer telle ou telle charge dont l’État aurait pu vous soulager.

La dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales a diminué de 30 % et ce sont les communes qui sont les plus impactées.

Dans toutes nos communes, nous réduisons les dépenses et cherchons à réaliser des gains de productivité, en premier lieu dans les services d’état civil et les services administratifs. Dans ma commune, j’ai ainsi réduit le nombre de postes. Et je devrais dire aujourd’hui aux personnels qu’ils doivent travailler plus avec moins d’effectifs parce que l’État leur laisse ces tâches à accomplir ? Ce n’est pas possible...

Je ne sais pas ce que vous a dit l’AMF, madame la ministre. Pour ma part, je préside une fédération départementale de maires qui regroupe 730 communes : je suis à l’unisson de tous ces élus qui n’acceptent pas ce transfert permanent sans la moindre compensation, ici, au motif que le PACS relèverait de l’état civil, comme on nous l’a dit, et que, dans le même temps, on réduise les dotations.

Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Loin de moi l’idée de polémiquer. J’ai bien entendu que Mme la ministre n’était pas enchantée par notre amendement n° 135. Aussi je souhaite que soit acté ce que nous sommes en train de faire : s’il est adopté en l’état, l’article 18 fera disparaître une garantie d’authenticité des données pour les traitements automatisés mis en œuvre par les officiers d’état civil.

Sachons-le, le dispositif que nous nous apprêtons à adopter collectivement sera peut-être sûr, mais il ne présentera pas les garanties antérieures. Il faudra l’assumer !

J’ai bien compris qu’une sorte de deal avait été conclu auparavant et que l’amendement n° 135 contrariait ce dispositif complexe élaboré par ailleurs.

Je tiens cependant à signaler que, ce faisant, nous contrevenons à un certain nombre de préconisations, notamment le règlement européen n°910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique. Je trouve un peu paradoxal que l’on admette d’avoir une qualité de service administratif moindre pour les actes de l’état civil que pour un certain nombre d’autres documents.

Ce qui m’a conduit à déposer cet amendement, c’est le travail que nous avons effectué durant un an, avec Jean-Jacques Hyest, au sein d’une commission qui traitait notamment de ces questions-là.

Je respecte la position présentée par Mme la ministre, mais j’aurais aimé qu’elle nous donne davantage d’arguments. Nous aurions peut-être mieux compris en quoi cet amendement contrariait une logique qui m’avait quelque peu échappé. Je trouve cela préoccupant du point de vue de la sûreté !

Je suis favorable au « tout numérique » et à la dématérialisation totale. Pour autant, je pense qu’en l’occurrence il eût été souhaitable de faire une exception. Néanmoins, je prends acte de vos propos, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Longeot, l’amendement n° 9 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le président, je maintiens l’amendement, déposé par Mme Loisier et dont je suis cosignataire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

S’agissant de l’amendement n° 201, la suggestion de M. Bigot me paraît tout à fait raisonnable. Nous pouvons en effet maintenir le deuxième alinéa de l’amendement n° 201, puis nous discuterons avec l’AMF de la mise en œuvre précise du dispositif. Nous aurions de toute façon procédé ainsi lors de la rédaction du décret, car c’est ainsi que nous travaillons : avant de transmettre les décrets au Conseil d’État, nous consultons les personnes directement concernées.

L’avis est donc favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 135, j’entends votre préoccupation, madame Bouchoux. Vous invoquez l’authenticité. Or, compte tenu de la valeur juridique de cette notion, nous craignons qu’une confusion ne s’instaure.

C’est ce qui me conduit, par prudence, à émettre un avis défavorable sur votre amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 200, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Le second alinéa de l’article 48 est supprimé ;

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Le présent amendement vise à rétablir le texte initial supprimant l’exigence de l’établissement du double exemplaire pour les actes établis par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises.

Le texte modifié par la commission remplace le second alinéa de l’article 48 du code civil portant sur les actes de l’état civil consulaires, en précisant que les données de ces actes sont conservées par un traitement automatisé mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères et répondant aux caractéristiques techniques fixées par l’article 40 rétabli par le projet de loi, et non par l’article 49 du code civil, comme l’indique le texte voté par la commission.

Or l’alinéa 6 de l’article 18 prévoit déjà que le ministère des affaires étrangères est dispensé de l’établissement des actes en double exemplaire. En effet, le Service central d’état civil du ministère des affaires étrangères dispose d’un traitement automatisé des données de l’état civil remplissant les conditions de garantie qui lui permettent de bénéficier de la dispense d’un tel établissement des actes en double exemplaire.

En outre, le texte modifié n’envisage que les données des actes consulaires, alors que les actes de l’état civil du ministère des affaires étrangères comprennent également les actes établis par le Service central d’état civil, comme ceux qui sont relatifs aux personnes ayant acquis ou recouvré la nationalité française.

Enfin, aux termes du texte, les actes établis par les consulats prévus à l’alinéa premier de l’article 48 du code civil sont considérés comme des données de l’état civil. Or les actes de l’état civil établis sous format papier ont valeur authentique, contrairement aux données de l’état civil non revêtues de la signature électronique exigée par l’article 1317 du code civil.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du texte concernant les modalités de conservation des données de l’état civil des Français établis à l’étranger, sans préciser les raisons de ce rétablissement.

Or, lors de l’établissement de son texte, la commission a adopté un amendement de notre collègue Jacky Deromedi visant à préciser opportunément ces modalités de conservation.

La rédaction issue des travaux de la commission permet de sécuriser le dispositif : il est précisé que c’est parce que le traitement des données d’état civil est assuré de manière automatisée par les services du ministère des affaires étrangères, que ceux-ci sont dispensés de la tenue d’un double du registre.

La précision selon laquelle cette dispense est subordonnée au traitement des actes, comme pour les communes, nous paraît tout à fait nécessaire pour éviter qu’un service du ministère des affaires étrangères ne soit dispensé de la tenue du double du registre alors même que les données de l’état civil ne feraient l’objet que d’un traitement manuel sur un support papier.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Favorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 245, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les officiers de l’état civil des communes mentionnées au troisième alinéa de l’article 40 sont dispensés de l’envoi d’avis de mention au greffe. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Favorable !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 244, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Au premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 26 novembre 1823 portant règlement sur la vérification des registres de l’état civil, les mots : «, dans les quatre premiers mois de chaque année » sont remplacés par les mots : « à tout moment ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Favorable !

L'amendement est adopté.

L'article est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 55 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, ce délai est porté à huit jours lorsque l’éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l’officier de l’état civil le justifie. Un décret en Conseil d’État détermine les communes où cette disposition s’applique. »

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cet amendement vise essentiellement à permettre, par dérogation, que, dans certains lieux du territoire national, le délai de déclaration de naissance, qui est de trois jours suivant l’accouchement, puisse tenir compte de la distance entre le lieu de naissance et le lieu où doit être faite la déclaration.

L’amendement initialement présenté en commission prévoyait un délai de quinze jours. M. le rapporteur nous a proposé de le réduire à huit jours. L’amendement n° 203 rectifié tient compte de cette modification. Il devrait donc recevoir un avis favorable de la commission, comme cela a été annoncé, et, je l’espère, du Gouvernement. Il y va de l’intérêt de ces territoires, dont la liste devra être fixée par décret en Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Notre collègue a vu juste : l’avis est favorable !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis favorable et souhaite saluer cette initiative.

Nous ne tenons pas assez compte de certaines parties enclavées du territoire. Or cet enclavement introduit une rupture d’égalité entre les citoyens. Nous y sommes particulièrement sensibles dans les outre-mer, où certaines zones sont très difficiles d’accès.

Cette attention est donc tout à fait bienvenue pour nos concitoyens qui, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer, rencontrent des difficultés à procéder avec la célérité habituelle à ce type de formalités.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

L'amendement n° 202, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° Au second alinéa du 8° de l’article 76, les mots : « demandée par le procureur de la République, sans préjudice du droit des parties intéressées, conformément à l’article 99 » sont remplacés par les mots : « effectuée conformément à l’article 99-1 » ;

2° Au second alinéa de l’article 87, la référence : « l’article 99 » est remplacée par la référence : « l’article 99-1 » ;

3° Au troisième alinéa de l’article 91, les mots : «, conformément à l’article 99 du présent code » sont remplacés par les mots : « ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 du présent code » ;

4° L’intitulé du chapitre VII du titre II du livre premier est ainsi rédigé :

« De l’annulation et de la rectification des actes de l’état civil » ;

5° Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 99 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L’annulation des actes de l’état civil est ordonnée par le tribunal. Toutefois, le procureur de la République territorialement compétent peut faire procéder à l’annulation de l’acte lorsque celui-ci est irrégulièrement dressé. » ;

6° L’article 99-1 devient l’article 99-2 ;

7° L’article 99-1 est ainsi rédigé :

« Art. 99 -1. - L’officier de l’état civil rectifie les erreurs ou omissions purement matérielles entachant les énonciations et mentions apposées en marge des actes de l’état civil dont il est dépositaire et dont la liste est fixée par le code de procédure civile.

« Si l’erreur entache d’autres actes de l’état civil, l’officier de l’état civil saisi procède ou fait procéder à leur rectification lorsqu’il n’est pas dépositaire de l’acte.

« Les modalités de cette rectification sont précisées par le code de procédure civile.

« Le procureur de la République territorialement compétent peut toujours faire procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l’état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres de l’acte erroné ainsi qu’à ceux qui détiennent les autres actes entachés par la même erreur. » ;

8° Le nouvel article 99-2 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « purement matérielles », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « entachant les énonciations et mentions apposées en marge de ces actes conformément à l’article 99-1. » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes habilitées à exercer les fonctions d’officier de l’état civil auprès de l’office français de protection des réfugiés et apatrides peuvent dans les mêmes conditions procéder à la rectification des certificats tenant lieu d’acte de l’état civil établis conformément aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;

9° L’article 100 est ainsi rédigé :

« Art. 100. – Toute rectification ou annulation judiciaire ou administrative d’un acte est opposable à tous à compter de sa publicité sur les registres de l’état civil. » ;

10° Au dernier alinéa de l’article 127, les mots : « conformément à l’article 99 » sont remplacés les mots : « ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 ».

II. – La loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l’état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d’outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants est ainsi modifiée :

1° La première phrase de l’article 6 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « à l’exception de celles inscrites après l’établissement de ceux-ci, » sont supprimés ;

b) Les mots : « et d’erreurs portant sur le nom patronymique » sont remplacés par les mots : « conformément à l’article 99-1 du code civil ainsi que des erreurs portant sur le nom de famille » ;

2° Au premier alinéa de l’article 7, après les mots : « de l’article 99 », sont insérés les mots : « ou de l’article 99-1 ».

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à titre principal à simplifier la procédure de rectification d’erreur ou d’omission matérielles.

M. Jacques Mézard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cet amendement a été salué en commission, aussi me dispenserai-je de le présenter en détail, car il est très technique.

Il s’agit simplement de permettre à un officier d’état civil de procéder lui-même à un certain nombre de rectifications simples. Celles-ci devront être déterminées par un texte, car il n’est évidemment pas question que n’importe quelle rectification puisse être faite par l’officier d’état civil.

Cette mesure simplifiera la vie, à la fois, des officiers d’état civil, du procureur de la République, qui est actuellement chargé des rectifications, et des personnes concernées, lesquelles doivent engager des démarches souvent compliquées.

Il est également précisé que l’officier d’état civil qui procédera à une rectification pourra transmettre celle-ci aux officiers d’état civil qui doivent la transcrire dans leurs propres registres, sans que ces derniers soient tenus d’engager une procédure de rectification.

Cette simplification est, me semble-t-il, utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement de simplification paraît bienvenu. La commission n’a pas d’opposition de principe, mais n’a pu consulter les maires sur ce point ni expertiser dans le détail la mesure.

J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement ose l’avis favorable, car tout le monde y gagnera, tant en charge de travail qu’en temps : les citoyens d’abord, les collectivités incontestablement et même l’institution judiciaire, via le parquet. C'est une bonne disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne vois pas vraiment le lien entre cet amendement et la justice du XXIe siècle, madame la garde des sceaux, mes chers collègues

Je veux bien que l’on oppose certains arguments à nos amendements, mais alors ils devraient être valables de manière générale.

Cela étant observé, je voterai tout de même cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je remercie M. Mézard de voter mon amendement, dont je veux lui dire qu’il est tout à fait dans le sujet.

En effet, l’amendement vise à soulager le procureur de la République d’une procédure qui relève de la matière gracieuse. Il s’agit bien là de l’organisation de la justice, et même de la justice du XXIe siècle puisque, nous le savons, les erreurs peuvent notamment venir des saisines informatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

que je ne résiste pas au plaisir de soutenir son amendement, lequel est, d’ailleurs, frappé au coin du bon sens.

Même si l’Association des maires de France, qui représente les 36 000 communes de notre pays, n’a pas eu l’occasion de se prononcer, moi qui ne représente que les 730 communes de Moselle, je peux vous dire que cette mesure est attendue !

Il est aberrant que l’on doive « enquiquiner » le procureur de la République pour rectifier parfois de simples erreurs de frappe – elles existaient déjà à l’époque des vieilles machines mécaniques et peuvent encore aujourd’hui apparaître à l’époque de l’informatique. C'est ennuyeux pour les services, et encore davantage pour les administrés.

Cette mesure de simplification est donc bienvenue.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

L'amendement n° 224, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « amende de 25 000 euros » sont remplacés par les mots : « amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local indûment transformé » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’agence nationale pour l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui du lieu où est situé le local. » ;

3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, avant les mots : « Le président du tribunal ordonne » sont insérés les mots : « Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’agence nationale pour l’habitat, » ;

b) À la première phrase, les mots : « des locaux transformés » sont remplacés par les mots : « du local transformé » ;

c) À la deuxième phrase, les mots « des locaux irrégulièrement transformés » sont remplacés par les mots : « du local irrégulièrement transformé » ;

d) À la dernière phrase, les mots : « l’immeuble » sont remplacés par les mots : « le local irrégulièrement transformé ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement vise à prévoir que le maire et l’Agence nationale de l’habitat peuvent engager les procédures de remise en usage des logements irrégulièrement transformés.

Le droit actuel confère cette responsabilité au procureur de la République. Or celui-ci est le moins bien placé pour, d’une part, apprécier la pertinence d’une transformation de l’usage d’un local et, d’autre part, ne connaissant pas la situation du marché, savoir ce qu’il convient de faire.

Nous proposons que cette compétence soit transférée au maire de la commune ainsi qu’à l’Agence nationale de l’habitat, qui ont non seulement les moyens d’apprécier le bien-fondé de cette modification d’usage, mais également de mettre en œuvre les sanctions nécessaires en cas de non-respect des règles relatives aux transformations d’usage.

Évidemment, la situation est différente dans les grandes villes, les villes moyennes, les petites villes et dans les portions de territoires où l’on constate des tensions en matière de logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement, comme celui que nous avons évoqué il y a un quart d’heure, a été déposé tardivement, hier, en fin de journée. Il aborde un sujet totalement nouveau, relatif au régime des autorisations de changement d’usage des locaux d’habitation.

Ce dépôt tardif ne m’a pas permis d’effectuer une analyse approfondie de la question, qui n’était pas spécialement au centre du projet de loi. Par conséquent, pour une question de principe, nous avons, comme précédemment, émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il s’agit d’une question sérieuse, mais qui n’est pas posée sérieusement !

Effectivement, le maire est peut-être mieux placé que le procureur pour traiter de cette question, mais il n’a aucun moyen légal de vérifier les transformations intérieures d’un logement, au regard tant du respect des règles d’urbanisme – il ne peut vérifier que l’extérieur – que de la fiscalité. Même les agents des services fiscaux n’ont aucun moyen de vérifier si une déclaration qui, pourtant, conditionne la valeur vénale du bien est sincère ou non.

Nous sommes donc devant un véritable vide juridique qui concerne, à la fois, l’État et les collectivités locales, certainement davantage que le procureur de la République, et qui mériterait d’être comblé. Pourtant, cela peut difficilement être fait à la faveur d’un amendement de dernière minute, qui constitue, de plus, un cavalier législatif.

Madame la ministre, il serait temps que l’État se préoccupe de la question et se rapproche de l’AMF afin de voir comment les maires pourraient, avec le concours des services de l’État, procéder à ces vérifications et, éventuellement, sanctionner les manquements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la ministre, je dois dire à titre personnel, puisque je découvre votre amendement, que celui-ci me paraît tout de même extrêmement délicat.

Vous proposez que l’amende soit prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. Sa saisine nécessitera vraisemblablement une procédure qui coûtera de l’argent à la commune. Je sais bien que cela pose des problèmes au procureur de la République, mais il en a d’autres, par ailleurs ! De manière générale, les poursuites pour non-respect du permis de construire ne sont pas suffisantes, et les maires se heurtent régulièrement à des faits de cette nature.

C'est aujourd'hui la seule façon pour les communes, quand un permis n’est pas respecté ou qu’une construction est érigée sans permis, que de faire poursuivre ces délits par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel. Or cela n’est pas fait.

Cet amendement pose des questions qui sont plus importantes qu’elles n’y paraissent. Il mérite d’être discuté ailleurs que dans ce texte qui concerne davantage la justice du XXIe siècle que les règles d’urbanisme. À titre personnel, je m’associe donc à la commission, qui a décidé de ne pas soutenir cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

TITRE V

L’ACTION DE GROUPE

Chapitre Ier

L’action de groupe devant le juge judiciaire

Sous réserve des dispositions particulières prévues pour chacune de ces actions, le présent chapitre est applicable à :

1° L’action ouverte sur le fondement de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

2° L’action ouverte sur le fondement des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 68 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle introduit une procédure transversale d’action de groupe dite « socle commun » susceptible de « s’adapter à tous les types de contentieux auxquels le législateur choisira de l’ouvrir ».

Cet amendement n° 68 rectifié vise à supprimer l’article 19, car l’introduction d’un socle commun ne permettra pas d’aboutir à un cadre clair et unique.

Il existe déjà une action de groupe en matière de consommation et de concurrence. Une action de groupe « santé » est par ailleurs également en cours. Ce texte prévoit à présent une action de ce type pour la mise en œuvre de dispositions relatives à la discrimination, notamment dans l’accès à l’emploi, le tout articulé autour du socle commun. C’est absolument illisible !

Vous aviez prévu un calendrier. Quel dommage de ne pas avoir attendu que nous ayons davantage de recul sur l’action de groupe issue de la loi Hamon !

Aujourd'hui, nous ne disposons d’aucune étude d’impact. Il ne me paraît pas utile d’envoyer un tel message à nos entreprises à l’heure où ces dernières doivent surmonter de grandes difficultés économiques.

Certes, je suis d’accord avec vous, certains litiges doivent être réglés. L’action de groupe est peut-être même le meilleur moyen pour y parvenir. Mais, pour l’instant, rien n’est clair. Voilà pourquoi je propose de supprimer cet article, d’autant qu’il existe d’autres procédures pour gérer les litiges entre les entreprises et leurs clients avant d’envisager le recours à l’action de groupe, notamment la conciliation et la médiation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Avant de donner l’avis de la commission sur cet amendement, je souhaite m’exprimer sur ce chapitre important, qui concerne l’action de groupe, afin d’éclairer notre assemblée sur l’état d’esprit qui a présidé aux travaux de la commission des lois.

Au stade de l’établissement du texte, nous nous sommes attachés, d’une part, à relever certaines difficultés ou contradictions, d’autre part, à supprimer les dispositifs exorbitants du droit commun. Nous nous sommes efforcés surtout d’apporter des garanties nouvelles, compte tenu des risques que l’action de groupe fait peser sur les entreprises et sur les collectivités publiques.

Les amendements déposés et les prises de position des uns et des autres nous ont conduits à constater que ces dispositions suscitent encore aujourd'hui une grande inquiétude.

Il nous a donc semblé nécessaire d’entendre les réserves exprimées – sans doute convient-il de rassurer – et, pour ce faire, d’ajouter de nouvelles garanties à celles qui existent déjà.

C’est pourquoi la commission a donné un avis favorable à plusieurs amendements allant dans ce sens. Elle a par ailleurs ensuite adopté des amendements de coordination par rapport à ces amendements.

En ce qui concerne plus précisément l’amendement n° 68 rectifié, présenté par notre collègue Pascale Gruny, il traduit une crainte : que l’action de groupe fasse tache d’huile et que les actions spéciales se multiplient.

Notre collègue propose donc de supprimer l’article 19. Pour ma part, je crois plus opportun, pour lever les craintes, d’encadrer strictement le socle commun afin d’éviter que de nouvelles actions ne prospèrent sur des principes mal établis. C’est ce à quoi la commission s’est attachée.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Nous avons déjà eu cet échange hier avec Mme Gruny : le Gouvernement ne met pas en cause globalement, aveuglément, sans nuance, le monde économique. Ce sont plutôt les propos que vous avez tenus à la tribune, madame la sénatrice, qui semblent jeter sur lui une suspicion générale.

La préparation de ce texte a fait l’objet d’une concertation continue et approfondie. Vous évoquez la médiation : elle est justement prévue dans la procédure d’action de groupe.

Nous avons posé un certain nombre de limites dans le souci d’obtenir un dispositif à la fois sécurisé et efficace. Il importe de prendre en compte les discriminations et de réparer les préjudices, tout en travaillant conjointement avec ceux qui, éventuellement, y compris de manière non intentionnelle, mettent en œuvre des mécanismes qui produisent de la discrimination.

Dans la démarche engagée par le Gouvernement, il n’y a aucune hostilité à l’égard des entreprises, bien au contraire ! D’ailleurs, les représentants des entreprises et du monde économique avec lesquels nous avons travaillé souhaitent mettre un terme à ce climat de suspicion générale. Ils désirent que celles et ceux qui pratiquent éventuellement des discriminations soient très clairement identifiés afin de ne pas être assimilés à eux.

Il y a entre nous, madame la sénatrice, un désaccord de fond. En revanche, je ne doute pas un seul instant qu’aux yeux de la législatrice que vous êtes toute transgression du droit et de la législation élaborée ici doive être prise en compte et sanctionnée si nécessaire. Sur ce point, je crois qu’il n’y a pas de désaccord entre nous dans l’hémicycle, quelles que soient les sensibilités respectives de chacun.

En tout état de cause, le dispositif prévu par le Gouvernement et enrichi par la commission permet de traiter les problèmes, sans rester dans une imprécision imaginaire. Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le point de départ est le traumatisme lié à la dérive des actions de groupe aux États-Unis qui, à grand renfort de publicités relayées par les médias, ont mis en péril des entreprises acculées à des transactions extrêmement coûteuses et très préjudiciables, alors même que les dommages allégués n’étaient nullement établis et que les actions de groupe étaient engagées de façon précoce et par anticipation.

S’il est question d’action de groupe à la française depuis 2007, si des projets se sont développés dès le précédent quinquennat, des difficultés tenant à la transposition de cette formule ont toutefois retenu le législateur pendant longtemps, jusqu’à ce que la loi relative à la consommation, adoptée il y a maintenant deux ans, introduise l’action de groupe.

Cependant, il est essentiel d’avancer avec prudence.

Dans le domaine de la santé, nous avons eu l’occasion de délibérer de cette question extrêmement délicate grâce au travail accompli par Mme Deroche dans les semaines qui ont précédé nos présents débats.

Même si de nombreuses pages de ce projet de loi portent sur un dispositif général, il s’agit en réalité surtout d’appliquer la méthode de l’action de groupe en l’encadrant à la lutte contre les discriminations, sujet qui réunit tous les Français.

La lutte contre les discriminations, ce n’est rien d’autre que l’application du principe d’égalité devant la loi, une égalité qui doit s’appliquer, comme le prévoit la Constitution, sans distinction de race, d’origine, de croyance ou d’opinion.

La lutte contre les discriminations a justifié la création, en 2004, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, que nous avons regroupée en 2011 avec le Médiateur de la République pour créer le Défenseur des droits, un Défenseur qui assume aujourd’hui sa fonction avec une certaine vigueur.

La lutte contre les discriminations, c’est aussi la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. C’est également la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le Président Jacques Chirac.

La lutte contre les discriminations, ce sont donc de nombreuses mesures, chaque majorité ayant apporté sa pierre à l’édifice.

Je salue également la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a donné lieu à un vote très large au Sénat de tous les groupes composant notre assemblée.

Cette lutte contre les discriminations peut effectivement être un point d’application intéressant pour des actions de groupe, mais à une condition : que les modalités de l’action de groupe nous prémunissent contre les dérives que l’on a pu constater aux États-Unis.

La commission des lois, après s’être donné le temps de la réflexion, a donc émis un avis favorable sur de très nombreux amendements visant à bien encadrer cette action de groupe pour mieux lutter contre les discriminations.

La commission a ainsi donné un avis favorable sur un amendement relatif à l’agrément national des associations pouvant mener une action de groupe.

Elle a également été favorable à la restriction des actions de groupe aux préjudices de caractère individuel, ainsi qu’à un amendement visant à limiter l’action aux personnes physiques, à l’exclusion des représentants d’intérêts collectifs - pêcheurs à la ligne, joueurs de pétanque, amateurs de corrida et autres philatélistes.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous allez avoir des problèmes, monsieur le président de la commission…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a par ailleurs souhaité limiter dans le temps l’adhésion au groupe afin d’éviter de trop longues incertitudes pour les entreprises ou pour les institutions qui pourraient être visées.

Enfin, la commission a été favorable à l’interdiction de tout démarchage juridique.

Nous avons donc approuvé un grand nombre d’amendements visant à cantonner l’action de groupe et à prévenir toute dérive.

Nous en avons accepté d’autres en matière de discrimination, comme le refus de donner au ministère public la possibilité d’intervenir en dehors du champ pénal, c'est-à-dire dans le champ de la réparation civile par l’équivalent de l’action de groupe.

C’est aussi, s’agissant des discriminations au travail, le fait de réserver aux seuls syndicats la possibilité d’agir, pour éviter les discriminations à l’intérieur d’une entreprise, sans permettre à des associations de procéder à de telles actions de groupe au sein de ces mêmes entreprises.

Enfin, un élément extrêmement important est l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’action de groupe. La commission a émis un avis favorable sur une disposition qui renvoie d’ailleurs à ce que le Gouvernement avait lui-même proposé : les poursuites au titre de l’action de groupe ne seront possibles que pour des manquements aux obligations de la personne morale visée par la lutte contre les discriminations qui surviendraient après l’entrée en vigueur de la loi, et non pas rétroactivement.

C’est pourquoi, me tournant vers vous, madame Gruny, je vous indique qu’il existe deux voies possibles. La première consiste à exclure absolument l’action de groupe, mais, ce faisant, à nous priver peut-être de moyens d’améliorer la lutte contre les discriminations, et elle nous tient à cœur. La seconde consiste à examiner d’autres amendements, dont certains sont d’ailleurs signés de vous, qui permettraient de bien circonscrire cette action de groupe et de dégager un bon compromis.

C’est la raison pour laquelle, à la suite de notre excellent rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement de suppression, ainsi que ceux que vous avez déposés sur d’autres articles. Cela permettra d’examiner d’autres amendements, que vous ou d’autres collègues avez déposés, encadrant l’action de groupe et évitant les dérives que nous craignons tous.

Tels sont, chère collègue, les arguments que je voulais développer. Toutefois, si les autres amendements que vous ou d’autres collègues avez déposés n’étaient pas adoptés, il vous resterait toujours le recours de repousser les différents articles que vous jugeriez insuffisamment amendés ; dans ce cas, la commission comprendrait très bien votre motivation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame Gruny, l’amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Après les explications du président de la commission des lois, je ne peux que le retirer, monsieur le président.

Les entreprises ont besoin d’entendre que nous travaillons à leur sécurité et à l’élaboration de textes stables ; la loi Hamon n’a qu’un an à peine, nous n’avons que peu de recul sur ses effets, et on revient déjà sur l’action de groupe. Or les class actions ont fait énormément de dégâts dans les entreprises ; leur arrivée en France fait donc peur.

J’ai déposé, par cohérence, des amendements de suppression de tous les articles concernant le socle commun. Je les retirerai au fur et à mesure de leur examen sans reprendre plus longuement la parole.

Je retire donc mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 68 rectifié est retiré.

L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Guérini, Castelli, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° L’action ouverte sur le fondement du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le socle processuel prévu par les articles 19 à 42 relatifs à l’action de groupe doit s’appliquer à l’action collective en matière de consommation et de concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’action de groupe en matière de consommation répond à un régime particulier. On ne peut la renvoyer ainsi de manière abstraite au socle commun procédural, sans modifier tout ce régime.

Notre avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été adoptée, elle est en application et nous sommes en train d’en évaluer les effets, comme cela a été rappelé.

Nous souhaitons donc que les choses restent en l’état pour ce qui concerne la consommation. Le socle procédural prévu dans ce texte concerne les discriminations et une partie du champ du travail, ainsi que, au fur et à mesure, les autres matières devant en relever, comme la santé, puisque le projet de loi relatif à la santé est en cours d’adoption.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je rejoins le sentiment de notre collègue Jacques Mézard. Dans la justice du XXIe siècle – c’est d’ailleurs l’occasion de souligner la démarche gouvernementale –, l’action de groupe doit être un moyen d’agir y compris devant les juridictions administratives, et doit être déclinée dans différents domaines. Il serait utile que le socle procédural s’applique un jour à la santé et à la consommation.

Certes, il est extrêmement compliqué de le décider dans l’immédiat, car cela impliquerait de revoir l’ensemble du droit applicable, mais je souhaite qu’un jour le socle soit véritablement commun, ce qui sera tout de même beaucoup plus simple pour les praticiens.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Y compris pour les autorités judiciaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Mézard, l’amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 36 rectifié est retiré.

L’amendement n° 179, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° L’action ouverte sur le fondement de l’article 225-1 du code pénal.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s’agit, par cet amendement, d’harmoniser et de compléter la liste des motifs de discrimination qui peuvent fonder une action de groupe devant le juge judiciaire, par renvoi aux dispositions de l’article 225-1 du code pénal.

Ainsi, une action de groupe pourrait être ouverte sur le fondement d’autres motifs de discrimination que ceux qui sont prévus par le projet de loi, lequel renvoie à la liste des motifs de discrimination mentionnés dans la loi du 27 mai 2008. La liste de l’article 225-1 du code pénal est plus large.

De cette façon, l’amendement permettrait d’étendre l’action de groupe notamment aux personnes victimes de discriminations liées à leur état de santé. On peut citer, par exemple, les personnes atteintes du sida ou d’un cancer, très souvent victimes de discriminations en raison de leur maladie.

Ces discriminations portent préjudice à un nombre considérable de personnes. C’est pourquoi l’action de groupe doit pouvoir être introduite sur le fondement de ces autres motifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à étendre le champ de l’action de groupe à la lutte contre les discriminations mentionnées dans le code pénal. La modification proposée manque toutefois son objectif faute de définir à quoi correspond l’action ouverte sur le fondement de l’article 225-1 du code pénal.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’entends votre préoccupation, madame la sénatrice, et je la crois fondée. Néanmoins, la formulation retenue par la commission – je parle sous le contrôle de M. le rapporteur –, selon laquelle les discriminations concernées sont visées par les dispositions législatives en vigueur, me semble couvrir tous les cas.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Tous les cas prévus dans le code pénal sont donc déjà couverts. Par conséquent, puisque votre préoccupation est satisfaite, madame Benbassa, je vous demande de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame Benbassa, l’amendement n° 179 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Pardon de vous contredire, madame la garde des sceaux, mais je ne crois pas que ma préoccupation soit satisfaite !

La discrimination à l’embauche fondée sur l’état de santé de la personne ne figure pas dans le projet de loi. Je peux bien sûr me tromper – je ne connais pas les codes ni les articles du présent projet de loi par cœur –, mais il conviendrait peut-être de vérifier…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Votre préoccupation mérite en effet qu’on l’examine de près et que l’on se soucie de ces cas.

Néanmoins, que sommes-nous en train de faire ? Nous établissons un socle procédural. M. Bigot rappelait précédemment qu’il existe en droit différentes matières. Ce qui nous semble utile, et que nous parvenons à faire enfin avec ce socle commun, c’est l’unification de notre droit, qui est aujourd’hui très segmenté : c’est mieux pour le justiciable, c’est mieux pour la société, et c’est donc mieux aussi pour l’institution judiciaire.

Cela étant posé, nous avons des codes différents et des règles qui en relèvent. Ainsi, nous avons un code de la santé et, malgré un socle procédural commun, pour certaines spécificités, il faudra se référer à ce code. Toutefois, cela restera beaucoup plus simple et plus cohérent que d’avoir une action de groupe relative à la santé, une autre relative à l’environnement, une au travail, et ainsi de suite. Ce socle permettre une utile harmonisation et, d’une façon générale, il sera suffisant. Dans certains cas, cependant, il sera nécessaire de revenir au code pour plus de précisions.

J’en reviens à votre amendement. Tout d’abord, la discrimination doit être établie. Or, même si, en général, il s’agit de préjudices sériels – j’évoquais hier le procès du Mediator ou celui des prothèses mammaires –, la victime est isolée. L’action de groupe a au moins deux vertus : elle permet de rassembler des actions qui resteraient sinon individuelles et elle facilite l’administration de la preuve.

Vous souhaitez que soit prise en compte la discrimination que subirait une personne fragilisée par une maladie, sur le fondement de son apparence ou d’une autre source d’information. C’est couvert par la loi, madame la sénatrice. Reste à apporter la preuve de la discrimination, et l’action de groupe facilitera la tâche des personnes qui s’estiment victimes.

Vous donnez un exemple de discrimination, mais il est possible qu’il en existe dix ou quinze ! Ce dont nous devons nous assurer, c’est que la loi prévoie bien tous les cas de discrimination. À cet égard, la formulation retenue par la commission me paraît meilleure.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je veux confirmer que la rédaction de la commission vise déjà l’ensemble des cas de discrimination reconnus dans la loi française. Il me semble donc que l’amendement est satisfait.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 19 est adopté.

Sauf disposition contraire, l’action de groupe est introduite et régie selon les règles prévues par le code de procédure civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 93 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 93 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 19 bis.

L’article 19 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, nous avons examiné 71 amendements au cours de la journée ; il en reste 153.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 5 novembre 2015, à dix heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (109, 2015-2016) ;

Rapport de M. Joël Guerriau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (132, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 133, 2015-2016).

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission mixte paritaire (129, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 130, 2015-2016).

Proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale (492, 2014-2015) ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (117, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 118, 2015-2016).

Suite du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée) (n° 661, 2014-2015) ;

Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (121, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 122, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 5 novembre 2015, à zéro heure trente.