Le transport aérien est un secteur qui nécessite une grande intensité en capital : immobilisations considérables, niveau d'investissement très élevé. Il est aussi caractérisé par une forte concurrence, comme vous l'avez rappelé, qui comporte une caractéristique nouvelle : désormais, une dizaine de grandes compagnies sont capables de générer durablement des résultats positifs importants. C'est le cas des deux grandes low cost européennes, de trois grandes compagnies américaines ainsi que de British Airways et de compagnies allemande, japonaise ou issues de pays du Golfe. Du coup, si nous voulons rester dans la course, nous devons viser le même niveau de profitabilité. La révolution numérique exige aussi des investissements très élevés dans la gestion marketing et commerciale des rapports avec les passagers, sur lesquels nous disposons d'informations beaucoup plus nombreuses.
Les atouts d'Air France KLM sont nets : deux hubs de classe mondiale au coeur de l'Europe - Roissy-Charles-de-Gaulle et Schiphol -, le premier réseau intercontinental depuis l'Europe - ce sont désormais les compagnies du Golfe qui disposent du premier réseau intercontinental mondial - et une flotte bien composée. Nous avons aussi un personnel de très haute qualité, parmi les meilleurs au monde. Bref, notre capital humain, technique, économique, administratif et politique est considérable. Nos deux faiblesses essentielles sont une insuffisante compétitivité, en raison de coûts structurellement plus élevés que ceux de nos homologues européens, et une performance économique et financière inférieure à celle des dix meilleures compagnies que j'ai évoquées, alors qu'en nombre de passagers nous sommes au cinquième rang.
C'est pourquoi nous avons mis en place le plan Transform 2015, à présent achevé, puis le plan Perform. Transform a permis à la compagnie - et j'en suis fier ! - de renouer avec des résultats positifs après des années de pertes et d'entamer son désendettement. Les investissements que nous avons entrepris, pour un montant d'un milliard d'euros sur cinq ans, nous replacent au meilleur niveau mondial. Dès septembre 2014, nous avons présenté aux organisations syndicales le plan Perform, qui n'est plus un plan de restructuration mais de croissance, passant par des gains de compétitivité.
Il prévoit d'aller chercher la croissance en Asie, où elle est beaucoup plus forte qu'en Europe ou en Amérique, à travers trois, quatre ou cinq partenariats avec des compagnies asiatiques. En Europe, il nous faut renforcer nos deux hubs et développer notre outil low cost qu'est Transavia, car c'est sur ce segment de marché que la croissance est la plus forte. Enfin, la maintenance, qui représente chez nous 15 000 emplois industriels, doit être renforcée. Le deuxième volet du plan Perform est l'amélioration de notre produit. C'est le point stratégique, car nos coûts sont élevés en raison des règles sociales de nos pays d'origine. Il n'est pas question de faire la course à la réduction des coûts : ce ne serait pas souhaitable, et nous la perdrions. Il nous faut donc être les meilleurs en qualité. D'ailleurs, notre marque se positionne en haut du marché et véhicule une image de confort et de luxe. Nous devons néanmoins baisser nos coûts pour atteindre le meilleur niveau européen en la matière : je pense notamment à nos concurrents à l'ouest, comme British Airways qui, après son mariage avec Iberia, revient en force.
Ce plan a été conçu en juin 2014, juste avant que s'amorce la baisse de la recette unitaire par siège, qui n'avait été prévue par personne et qui a affecté - et continue d'affecter - toutes les compagnies du monde. Aussi avons-nous dû renforcer les économies prévues. Dès décembre 2014 aux Pays-Bas et avril 2015 en France, nous avons ouvert des négociations sur ce point. Chez KLM, elles se sont conclues en août 2015, ce qui peut paraître long mais est en fait rapide par rapport à ce qu'on observe dans les autres compagnies aériennes, qu'elles soient américaines, anglaises ou espagnoles. En France, elles ont commencé à la fin du mois d'avril, après les élections internes, avec les trois catégories de personnel, personnel au sol, personnel navigant commercial et pilotes. Pour les personnels au sol, elles se poursuivent, activité par activité et site par site. Avec les deux autres catégories, elles n'ont pu aboutir avant le 30 septembre, date qui avait été fixée dès le début car nous souhaitions lancer notre offre d'été le 1er avril 2016 et parce qu'une durée de six mois correspondait à celle des négociations précédentes.
Cet échec nous a contraints à mettre en oeuvre le plan de restructuration, dit plan B, prévu pour 2016 et 2007. Si toutefois nous parvenions à un accord, la partie concernant 2017, qui est la plus importante, ne serait pas mise en oeuvre. Ce serait notre souhait le plus vif car le plan A est un plan de croissance, d'investissement et d'emploi, même s'il impose des efforts. Les discussions ont repris dans des conditions normales, qui n'ont rien à voir avec ce que vous avez pu voir le 5 octobre : ces actions sont le fait d'une poignée de gens incontrôlés et ne reflètent en rien le comportement de l'immense majorité des employés. Nous espérons trouver un accord à temps pour que le plan Perform soit repris. Cela nous ferait revenir en tête de la première division. Nous avons bien joué la première mi-temps, ne nous effondrons pas pendant la seconde !