Intervention de Emmanuel Macron

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 novembre 2015 à 17h45
Loi de finances pour 2016 — Audition de M. Emmanuel Macron ministre de l'économie de l'industrie et du numérique

Emmanuel Macron, ministre :

La transmission des entreprises nous préoccupe beaucoup tant elle conditionne l'avenir de territoires et de filières. La pyramide des âges impose un accompagnement financier, fiscal et humain. L'objectif du comité de pilotage est d'aller plus loin encore que les mesures actuelles, avec l'ensemble des acteurs. Nous avons déjà trouvé un point d'équilibre opérationnel et efficace sur l'information des salariés.

Le sujet des délais de paiement est absolument essentiel. L'appareil juridique et la capacité de contrainte ont été renforcés par la loi sur la consommation, dont les derniers décrets seront pris courant novembre - le 19 novembre, la nouvelle présidente de l'Observatoire, Mme Prost, médiatrice du crédit, remplacera M. Lorenzi. La loi pour la croissance et l'activité a étendu le contrôle des délais de paiement aux entreprises publiques. Le 19 novembre, je publierai les chiffres des contrôles par secteur, en donnant les noms des entreprises ayant fait l'objet des sanctions les plus importantes, selon la pratique du name and shame, peu utilisée en France et pourtant la plus efficace... Les PME sont actuellement la première banque des grandes entreprises, ce qui n'est pas acceptable.

J'entends votre argument sur la lisibilité du budget. Compte tenu de la place du PIA dans le financement de la politique industrielle, ce serait une bonne idée d'avoir une présentation consolidée. Nous nous y emploierons pour l'année prochaine.

Pourquoi opposer l'innovation et le transfert de technologie, monsieur Leroy ? Le second est une modalité de la première. Plus d'un milliard d'euros du PIA sont dédiés à la recherche technologique. Il faut favoriser la recherche et le développement publics, spécificité française qui nous place au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. La faiblesse réside dans la recherche-développement privée, du fait de la spécialisation sectorielle sans doute, mais aussi de l'investissement insuffisant des PME et TPE. L'Alliance pour l'industrie du futur, qui dispose de 500 millions d'euros de crédits, accompagnera les investissements de 2 000 PME et ETI en 2016. Le transfert passe aussi par le rachat de sociétés par de plus grands groupes, trop rare en France.

J'en viens au plan France Très Haut Débit. Les zones denses sont financées exclusivement par les opérateurs. Il faut y améliorer l'information du consommateur : ainsi l'installation de la fibre n'offre pas les mêmes performances selon qu'elle va jusqu'à l'appartement, ou jusqu'à l'entrée de l'immeuble.

Pour les zones intermédiaires, dites Amii (appel à manifestations d'intentions d'investissement), le contrat de répartition signé avec SFR pour 20 % et Orange pour 80 % doit être respecté. Les opérateurs obéissent à la doctrine de la concurrence par les infrastructures alors que notre doctrine est celle de la concurrence par l'offre. J'ai répété aux opérateurs que j'étais prêt à rouvrir la convention en cas de surdéploiement par rapport aux engagements. SFR était en retard, tandis qu'Orange déploie à marche forcée pour l'emporter sur la concurrence. Après la fusion SFR-Numéricable, j'ai reçu les dirigeants du nouveau groupe, qui m'ont assuré de leur intention de reprendre les investissements dans les prochains mois.

La clarification du cadre des zones RIP, menée l'été dernier, était nécessaire. La coordination est régionale ; actuellement, 89 départements ont répondu présent ; 3 milliards d'euros de crédits sont apportés par l'État et autant par les collectivités. Dès le début du plan, nous avons informé la Commission européenne. Il n'existe pas de malentendu. J'aurai bientôt un échange avec Mme Margrethe Vestager mais nous ne craignons pas une qualification d'aides d'État. Normalement, aucun problème n'est posé à la montée en débit.

Les lignes directrices tracées dans la loi pour la croissance et l'activité étaient nécessaires pour éviter le dumping de certains acteurs vendant du très haut débit à moindre coût et à moindre qualité. Nous ne voulons pas de RIP de second rang qui empêchent le déploiement d'équipements corrects sur le territoire.

Les cabines téléphoniques seront supprimées lorsque les objectifs de couverture mobile seront atteints : déploiement de la 2G partout d'ici fin 2016 (la liste des centres-bourgs non couverts figurera dans l'arrêté du 6 novembre prochain) ; couverture totale en 3G à la mi-2017 dans les centres-bourgs ; 800 guichets prioritaires, soit 800 millions à 1 milliard d'euros déployés aux frais des opérateurs, pour les lieux non couverts qui subsistent dans certaines communes. Orange a reconnu des défauts de concertation et s'est engagé auprès du ministre de tutelle. L'Agence du numérique se tient à la disposition des collectivités territoriales qui considéreraient que la procédure n'a pas été suivie.

La vitalité des start up est forte, avec 1 000 à 1 500 créations par an, ce qui place la France au premier rang en Europe continentale. Le problème se pose après, pour financer le développement. La BPI joue un grand rôle, ainsi que des fonds comme Sofinnova. Pour les tickets supérieurs à 80 à 100 millions d'euros, je travaille à développer un écosystème de financement de type capital-risque en France, et à faire des propositions à l'échelle européenne. Avec les Allemands et les Italiens, nous demandons que soit inscrite dans le plan Juncker la constitution de fonds de capital-risque européen. La troisième solution était de développer un marché européen des valeurs technologiques, ce qui a été fait avec la création d'Enternext au sein d'Euronext. C'est ainsi que Showroomprivé a fait son entrée en bourse la semaine dernière. Enfin, il faut développer l'achat par les grands groupes, comme aux États-Unis. Les grands groupes français ne travaillent pas avec un écosystème d'innovation ouvert. Ils accordent insuffisamment de contrats de recherche et de développement à des start up et les rachètent rarement. Du coup, elles se font racheter par des grands groupes américains.

L'agro-alimentaire est au coeur de notre politique d'innovation. Ce secteur souffre de n'avoir pas choisi dans le passé une stratégie de l'offre, s'étant trop habitué à une stratégie de l'aide européenne. On peut défendre des prix bas pour une production de qualité médiocre. C'est le modèle choisi par les Néerlandais. On peut choisir des prix plus élevés avec une politique de compétitivité hors-prix. Mais une politique de prix moyens, avec une qualité basse, ne fonctionne pas face à la concurrence mondiale. La priorité est de réparer l'appareil productif en améliorant la qualité. Il faut monter en gamme, face à la concurrence allemande pour partie déloyale, fondée sur la directive détachement.

La réalité est différente dans chaque secteur. Je suis très vigilant sur les discussions commerciales entre les cinq centrales d'achat et les milliers de producteurs. La DGCCRF renforcera ses contrôles sur les délais de paiement. Collectivement, nous devons éduquer le consommateur à la qualité. Je me félicite d'avoir entendu la direction de Carrefour porter pour la première fois ce discours.

Une offre de 1 euro sur un trajet en autocar ne sera pas soutenable longtemps. Cette forme de mobilité, alternative au train, est formidablement efficace. Je suis très vigilant sur le déploiement concret des lignes. Un décret a renforcé les contraintes environnementales et de sécurité. Nous travaillons sur les gares routières. Nous nous organisons aussi pour que les transporteurs achètent des autocars produits en France. Flixbus achète des véhicules Iveco construits à Annonay. J'ai dit à la RATP et la SNCF d'étudier le développement des sites productifs en France. Songez que 80 % des autocars circulant en Allemagne y sont produits.

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